Bakuhatsu Asuka:

Quelque chose n’allait pas. Elle en était certaine, car jamais son instinct ne l’avait trompée par le passé sur ces questions. Par l’entrebâillement de la fenêtre entrouverte de sa chambre, les traits tirés et anguleux de la jeune femme dépassaient à peine, les douces bourrasques de cette soirée agitée lui fouettant périodiquement les joues. Une tempête couvait entre les montagnes et dans les hauteurs infinies du ciel, mais nul besoin pour elle d’observer l’amoncellement de nuages sombres pour le savoir. Des jours et des jours, maintenant, qu’elle s’était trouvée obligée de rester se reposer chez elle. Ordres de l’autorité clanique, autorité qu’elle ne s’était pas sentie l’énergie de défier même si l’envie de le faire revenait à présent au galop tandis que ses entrailles semblaient bouillir, trépigner sous le coup de mutations inédites.

Maintes fois elle avait voulu sortir, aller le retrouver, lui parler de ses peurs, de ses appréhensions, recueillir les siennes également, mais une force malicieuse lui soufflait à présent que c’était trop tard. Enfermée dans des songes en spirales desquels elle ne parvenait pas à se défaire, la Bakuhatsu entrevoyait ce nouvel avenir qui s’imposait à présent à elle, cette destinée qu’elle partageait avec tant d’autres femmes à travers le monde, d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Un sort qui l’attendait et paraissait tout à la fois commun et extraordinaire, horrible et merveilleux. Jamais avant aujourd’hui n’avait-elle à ce point réalisé quelle dualité régnait sur la Vie, leur vie à tous, car à l’heure où le père de son enfant à naître se lançait sans aucun doute à nouveau sur un chemin périlleux, sa progéniture entre ses hanches reposait. Une descendance dont il ignorait encore jusqu’à l’existence, une vie dont elle avait dors et déjà la responsabilité et qu’elle voulait à présent couver de son amour.

Le grondement de l’orage. Asuka sentit les forces éoliennes vibrer jusque dans ses épaules. Non, quelque chose n’allait pas, quelque chose qui n’avait rien à voir avec son état à elle.

« ….Yanosa… Je veux t’aimer vivant. On veut…. t’aimer. »

Sa main alla fébrilement se poser sur son ventre tandis que ses paupières, tremblantes, se refermaient sur une larme qui ne vit finalement jamais le jour. Toute illusion de contrôle évanouie, la jeune femme aux cheveux lilas accepta en cet instant, face aux murmures de la lointaine tempête, d’abdiquer face aux courants. Une résignation, toutefois, qui n’avait d’égale que sa détermination à résister à ces mêmes courants. Une nouvelle vie l’attendait, une vie qu’elle n’avait jamais supposé pouvoir désirer… et Asuka comptait bien la vivre pleinement.