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Souffler sur les braises [Ft. Hideko]

Harusame Natsumi
Harusame Natsumi

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Lun 28 Mar 2022 - 20:49



Là où tu t’enfuis, il n’y a pas de paradis.
Au bout de ce chemin, tout ce que tu trouveras vraiment ne sera qu’un champ de bataille.
Guts (Berserk, t16)




Le silence régnait comme seul roi et maître sur la résidence familiale. Dans la chambre où je m’étais réfugiée depuis mon congé de l’hôpital du village, le temps semblait avoir figé chaque élément, chaque meuble, chaque objet laissé derrière moi lors de ma disparition. Plongées dans l’obscurité, leurs silhouettes ternes se décrivaient en tons de gris, de noirs, donnant un aspect sinistre à la pièce, étirant et déformant leurs formes pour en faire des personnages à part entière, écoutant, sans y répondre, mes sanglots étouffés, tandis que mon dos reposait contre le mur où je m’étais recroquevillée.
Entre mes doigts, sa dernière lettre, chiffonnée, humide. Une invitation à la réconciliation, aux retrouvailles après moult péripéties au sein de cette taverne. Les prémices d’une soirée qui avait su nous révéler, l’un à l’autre. Entièrement. Dans toute notre intimité. Une dernière rencontre, avant la fin de tout. La fin d’un monde, d’une vie. Un passage vers les enfers, que j’avais cru sans issue.
Entre mes doigts, les derniers mots de Tengoku, à jamais couchés sur un simple bout de papier. La seule preuve physique de notre relation passée. Une relation fracturée par mon départ, malmenée, encore et toujours, puis détruite sous une mer de flammes par cet Empire que j’abhorrais plus que tout.

Et s’il n’y avait pas eu Joo Jun? Et si j’avais été présente pour lui, face à cet ancien empereur?  Et si j’avais été plus forte..? Et si…

Mes bras enlacèrent mes jambes, refermant cette armure de chair opposée à un monde bien trop menaçant, bien trop dangereux pour moi. Malgré ce cocon protecteur, la douleur de sa perte ne faiblissait pas. Au contraire. Ainsi contenue comme en un étau, elle se réverbérait sans cesse sur ses parois infranchissables, rebondissant, encore, et encore, et encore, pour pénétrer continuellement en moi telle une lame tranchante, m’obligeant à sacrifier un peu plus de ma peau et de mon sang pour la faire taire, ne serait-ce qu’une fraction de seconde.

Assommée par le torrent émotif, j’en vins finalement à fermer les yeux, plongeant en un sommeil salvateur où s’éveillèrent d’autres maux, d’autres tourments, qui eurent tôt fait de me soutirer à ce bref moment de repos. C’en fut trop.

Je pris alors la décision. Sans doute la plus importante de mon existence. Je quittai ma chambre,  une veste sur les épaules, résolue.

« Où vas-tu comme ça, Natsu?
G-Grand-frère..?
sursautai-je, prise au dépourvu par son intervention. Il ne dit mot. Son regard se fit plus intense. Il attendait, avant toute chose, des réponses. Je… J… Je… euh… C’est… Je dois v-voir quelqu’un. Une… amie. Une Eisenin.
Je viens avec toi,
laissa froidement tomber Shinichi, ne laissant aucune place au refus.  »

Son manteau déjà sur le dos, il prit son écharpe accrochée non loin, puis ouvrit la porte, me laissant l’opportunité de passer devant lui. Face au monde extérieur menaçant, j’hésitai, mais parvins à prendre l’ascendant sur mon angoisse, à la combattre, à la dominer. Quant à mon frère, il me suivit, plongé dans le mutisme.
Je n’étais pas particulièrement enjouée à l’idée de me faire accompagner et pourtant, sa présence avait quelque chose de rassurant. Je n'allais pas affronter les rues de Kumo seule.

« Où va-t-on? Au Complexe? laissa-t-il enfin tomber, après quelques minutes de marche.
C’est… C’est euh… entre la basse-ville et la place du marché… je crois… Hm… Euh… près de l’auberge, tu sais..?
C’est précis,
se moqua-t-il, un sourire en coin.
A-Arrête ça..! m'offusquai-je. Et… Et puis… Pou-Pourquoi est-ce que tu me suis, partout… Je ne suis p-plus une gamine…
Maman et papa souhaitent que je veille sur toi. S'il t’arrivait quelque chose, ils…  »


Il se tût, gêné, s’arrêtant d’un coup pour mieux m'observer. L’inquiétude semblait diriger ses moindres faits et gestes et me forçait à me confronter, malgré moi, à nombre de mes démons. Me croyait-il si faible, à l’image d’une proie sans défense? Avait-il si peu confiance en moi, lui aussi?
Je pinçai les lèvres. Cette absence de réponses était une torture. Mes yeux s'ancrèrent au sol, fuyant la honte, tandis que mes doigts se nouaient et se dénouaient en une valse dominée par un profond sentiment de culpabilité.

« Pa… Pardon…  »

Son regard devint aussitôt plus doux. Il soupira, affichant un sourire compatissant. Au-delà de celui-ci, la tristesse, la douleur de me voir ainsi brisée. Néanmoins, il se risqua :

« Tu n'as rien à te faire pardonner, Natsu… »

Je le fixai, troublée. Ces mots ne m’étaient pas inconnus.
Dans les poches de son manteau, ses mains semblaient s'agiter, ses poings se serrer. Son visage s'éleva ensuite, comme pour contempler les nuages. Il expira, hochant calmement la tête. Quelques volutes opaques s’échappèrent d’entre ses lèvres en cette froide journée d’automne. Il me paraissait soulagé.

« Tu es là, c'est tout ce qui compte. »

Un sourire chaleureux égaya ses traits, l’espace d’une seconde, me tirant quelques discrètes larmes que je fis disparaître, grande magicienne que j’étais, en deux temps trois mouvements. La brise fit virevolter quelques mèches rebelles sur mon front, mordillant au passage mes joues à découvert. Celles-ci, empourprées, trahissaient l’impact que ses mots avaient eu sur mon esprit encombré.
Shinichi s’approcha alors et s’accroupit à mon niveau, me fixant avec tendresse, puis, déroula simplement son écharpe vermeille, qu’il enroula délicatement autour de mon cou.

« Idiote, va. Il fait froid en montagne, tu l’as déjà oublié? Il soupira bruyamment par les narines, avant de sourire à nouveau. Une grimace doucereuse. D’ailleurs… Joyeux anniversaire, p’tite soeur. C’est aujourd’hui, non? »

Il ricana. Cela faisait un bon mois, et il le savait très bien, mais son attention me toucha tout de même. J’avais longtemps cru son existence, ainsi que celle de mes parents, disparus à tout jamais. Je ne pouvais nier mes sentiments à son égard : il m’avait beaucoup manqué. Beaucoup.

« M… Merci, Shin… murmurai-je, d’une voix timide. »

Je le vis alors relever sa main, comme s’il s’apprêtait à la poser contre mon visage. Puis, plus rien. Le noir complet. D’instinct, mes paupières se refermèrent. Je reculai d’un pas vif. Mon cœur battait la chamade. Mon visage, mon corps entier, se crispèrent, prêts à accueillir le châtiment… qui ne vint pourtant jamais. Je rouvris un œil, nerveuse, puis le second, pour découvrir mon reflet, paniqué, sur ses prunelles d’azur. Une vision qui me bouscula, me fit m’enfoncer un peu plus sous l’égide du tissu rouge pendu autour de mon cou.
Shinichi s’arrêta aussitôt dans son élan. Il secoua légèrement la tête, chassant son chagrin, puis me sourit, empathique. Tracée à même ses rides, la douleur. Celle de voir un proche ainsi démuni face à ses propres maux. Celle de se savoir impuissant face au monstre qui hantait mes pensées...

Car ce combat était, après tout, le mien.

« Allons-y, souffla-t-il, d’un ton affecté qu’il peina à maîtriser. Nous y sommes presque. »

À la frontière entre les bas quartiers et la place marchande, la populace grouillait, déambulant ça-et-là en quête de biens et de denrées diverses, s’attelant à leurs occupations quotidiennes, celles d’une vie simple, loin des tracas du monde shinobi. Certaines étales regorgeant de produits frais, des dernières récoltes avant l’hiver, avaient été montées afin d’accueillir les ryôs de tout un chacun. Les marchands, et autres rabatteurs, hurlaient à qui voulait l’entendre leurs meilleures offres, désireux d’attirer quiconque prêtait un peu trop l’oreille à leurs incessantes jérémiades.
Un monde familier, en somme, qui me fit d'autant plus me perçevoir comme une étrangère, émergeant tout juste d'un univers où le quotidien léger avait cédé le pas à la survie.

Sur place, mon frère les considéra un instant, jaugeant par la suite un par un chaque commerce ayant pignon sur rue. Lorsqu’il eut trouvé ce qu’il cherchait, celui-ci se tourna vers moi.

« Le Poney Fringant, c’est ça? C’est bien cette auberge? »

Il la désigna, l’index levé. J’acquiesçai. Sur sa façade, la silhouette obscure d’un cheval, les fers en l’air, ne laissait aucune place au doute. Quant à la demeure de la doctoresse…

« Lequel est-ce..? »

De trop nombreux bâtiments s’entassaient tout autour de l’établissement. De trop nombreuses portes contre lesquelles toquer. De trop nombreuses personnes à déranger pour espérer tomber sur Hideko.

« Euh… je… Ce… J… Je ne sais pas.
T’en sais rien?
Euh… Hm… Je… Non. Non, elle ne m’a r-rien dit de plus. »


Il soupira, pinçant l’arête de son nez entre son pouce et son index, puis se remit en marche, sans un mot de plus.
Nous prîmes dès lors la route vers le Complexe scientifique, là où se dressait l’hôpital de Kumo. Nous pénétrâmes rapidement en son enceinte, déboulant bientôt sur un long comptoir faisant office d’accueil, près duquel quelques rares chaises vides attendaient toujours preneur. Une jeune dame, au corps tout de blanc drapé, griffonait distraitement quelques mots sur les pages d’un dossier vierge, relevant de temps à autre les yeux de ses écrits pour contempler l’activité débordante au sein des corridors de l’aile, où médecins et autres membres du personnel soignant s’affairaient à accompagner les nouveaux venus en direction des chambres et des salles de soins. Tout s'y déroulait trop vite, tout était trop bruyant. La pâleur des murs, l'écho de discussions interminables, la vive luminosité agissaient tel un amoncellement de briques empilées contre mon torse afin de mieux m'oppresser. J'en eus, bien vite, la désagréable sensation d'avoir le souffle court. De craindre que le pire allait tantôt surgir d'un angle mort. 
Avais-je bien fait de revenir ici?

D’un pas déterminé, mon frère s’avança vers la femme, puis se râcla la gorge pour attirer son attention.

« Pardonnez-moi, madame, mais ma jeune sœur aimerait voir l’une de vos Eisenin. Est-ce possible?
Une… Une certaine Hideko
(Je me souvins des propos de l’officier, concernant sa soi-disant cousine). Euh… Hm… Metaru Hideko, je… je crois. Elle… Elle a des yeux p-pourpres et des cheveux d’argent.
Avez-vous rendez-vous?
questionna-t-elle, déjà lasse.
N… Non, mais je… C’est… Important.
Tu ne serais pas la patiente d’il y a quelques jours, par hasard?
Elle se mit à réfléchir, passant son crayon contre sa lèvre inférieure tandis qu’elle nous analysait, tour à tour. Elle me reconnaissait, j’en étais certaine. J’étais un cas… particulier. Sa décision prise, elle soupira longuement. Hm. Bon, d’accord. Je vois. Je vais voir ce que je peux faire. Donnez-moi deux minutes, attendez ici. »

Elle désigna deux bancs à proximité, puis disparut dans un petit local adjacent. Je dévisageai aussitôt Shinichi, le dardant de mon regard comme je l’aurais fait avec un kunai avant de grommeler, en un murmure à peine audible :

« Je… Je peux le faire moi-même, Shin. Je… Je ne suis plus une gamine… »

L’attente fut longue, pénible. Le silence qui s’était installé entre mon frère et moi me laissa tout le loisir de replonger dans cet abîme insondable qui était le mien, là où, dissimulés dans les ombres, mes maux se donnaient une joie de ressurgir à la moindre occasion, comme autant de créatures sinistres s’abreuvant du peu de courage qu’il me restait. Je doutai alors dans ma venue ici, de cette nouvelle rencontre avec la doctoresse à la crinière immaculée. Pourquoi voulais-je la revoir, en réalité? Qu’avais-je à y gagner? Tengoku n’était plus, tout comme la confiance du village à mon égard. Je n’étais plus shinobi. Alors pourquoi m’accrocher à cette flamme, que j’avais pu entrevoir, dansant avec force, avec fureur sur les iris de cette femme? Je n’en étais pas certaine…

À vrai dire, j'aurais préféré fuir. Disparaître vers un paradis illusoire.

Mais mon frère, dans son mouvement, m’extirpa de mon mal-être. Debout, il s’inclina légèrement pour saluer celle qui se dressait dorénavant devant nous. Hideko.

« Pardon de vous déranger dans votre travail, docteur. Ma petite sœur voulait vous voir. »

Il me jeta une brève œillade. À cet instant, j’aurais voulu hurler, lui crier de dégager et de ne plus intervenir dans mes affaires. Pourtant, je n’en fis rien, me contentant de jeter un regard timide sur ma bienfaitrice. Un regard qui fuya prestement, pour se loger sur le sol. Je faisais piètre figure, encore une fois. Qu’allait-elle penser de moi?

« Je… euh… B-Bonjour, Hideko. C’est… euh… mon… C’est mon grand-frère. Shinichi. »

Dans son élan surprotecteur, mon frère poursuivit sans attendre.

« Je vous la laisse. Je reviendrai plus tard pour la raccompagner, dit-il, indiquant avec son menton mes avant-bras. Si j’étais vous… je jetterais un œil à ses blessures, sur ses bras. Enfin… À plus tard, Natsu. »

L’effroi. Le visage livide, je l’observai se défiler, impuissante, avant de fixer Hideko, incapable de produire le moindre son, la moindre parole de plus. Si seulement mon écharpe avait été assez large pour y emmitoufler l’entièreté de mon visage…

@Metaru Hideko
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Metaru Hideko
Metaru Hideko

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Dim 3 Avr 2022 - 10:21

Tous ces efforts, tous ces sacrifices. Ces années à souffrir, ces années à pleurer. Tout arrivait enfin à son terme.

Hideko, marchait dans le village d’un pas lent, le regard vide. La brise matinale montagnarde faisait danser son écharpe qui tombait sur sa gauche, manquant de la faire tomber. De sa main droite, elle la rattrapa, puis fit un tour de plus autour de son cou et la laissa à nouveau pendre derrière elle.
Au milieu d’une petite ruelle pavée, entre deux imposants murs, où au-delà les propriétaires étaient sans nulles doute encore dans un sommeil réparateur, elle s’arrêta.
Elle ne put trouver le repos de toute la nuit, comme tant d’autres, trop préoccupée à l’idée du verdict qu’elle attendait tant. Du verdict qui allait décider de la vie ou de la mort de son camarade, qui allait décider de la liberté ou non de sa petite-sœur.
Baissant les yeux au sol, elle les ferma, puis pris une profonde inspiration. Un parfum de terre et de plantes humides emplit ses narines, la revitalisant.
Au-dessus, le soleil commençait tout juste à se lever et la nature elle-même ne s’était encore éveillée.
Après quelques secondes, elle sentit un rayon caresser ses paupières. Hideko releva la tête, puis ouvrit les yeux, observant là, entre les murs, le soleil jaillir d’outre tombe pour une nouvelle danse journalière.
Quoi qu’il en fut, quoi qu’il en serait, elle devait continuer, coûte que coûte.
Ce fut sur cette pensée qu’elle reprit sa marche, déambulant tel un fantôme de ce village encore endormi, jusqu’à ce que les premières âmes ne fassent leurs apparitions et les premiers chants entendre. Alors elle se dirigea vers le Complexe, afin de commencer une nouvelle journée, dans cette routine quotidienne qui n’avait de sens que pour l’occuper, de sens que pour que le temps s’eût écoulé moins péniblement.


Vêtue de la tenue blanche si caractéristique des eisenins, à cela qu’elle portait sur son épaule un bandeau vert qui indiquait son statut d’apprentie, Hideko relisait un des dossiers dont elle venait de s’occuper. Le dos posé contre le mur, dans un petit recoin légèrement en retrait qu’elle ne connaissait que trop bien, elle relu attentivement les détails de cet homme dont le mal lui échappait : dont il échappait à tous.

« Pff... »

Maintes fois elle avait essayé de l’aider, maintes fois elle avait essayé de trouver l’origine de ses maux, mais pas une seule fois elle ne réussit. L’homme n’en avait plus pour longtemps : son état se dégradait jour après jour, dans la souffrance et la solitude.
Une mort inévitable, pénible.
Soudain, elle vit une collègue s’approcher d’elle et qui lui indiqua qu’une jeune femme et son frère l’attendait dans le couloir de l’accueil.
Étonnée, Hideko l’observa, les yeux plissés, dans une recherche de qui cela pouvait être, mais au final, peu importait. Elle tendit le dossier à sa camarade apprentie – l’une des rares qu’elle appréciait et qui l’appréciait en retour – puis lui demanda poliment de le ranger et s’en alla.

Les couloirs d’un blanc pâle défilèrent, les virages et les personnes s’enchaînèrent, tandis que Hideko traversa l’hôpital afin de rejoindre ces gens qui l’attendait.
La fatigue était lisible sur son visage, malgré le fait que pour une fois, elle eût veillé à ce que ses cheveux, à défaut d’être noués, soient correctement coiffés. Combien de fois lui avait-on fait la remarque, combien de fois les avait-elle déboutée.
Quand, au dernier couloir, elle tourna à droite et qu’elle parvint à sa destination, elle se stoppa, apercevant un visage familier : celui d’une femme qu’elle avait soignée, d’un femme à laquelle elle avait tendue la main. Pourquoi venait-elle la voir ici ? Ne l’avait-elle pas invitée à la voir directement chez elle ? Même s’il était vrai qu’elle y fut rarement, ce qui devait expliquer cela.
D’un pas posé, elle avança vers Natsumi, un sentiment de satisfaction l’envahit à l’idée que cette dernière avait acceptée sa main tendue, ainsi que la curiosité de savoir qui était ce jeune homme qui l’accompagnait. Un frère ? Un cousin ? Un ami ?
Parvenu à un mètre d’eux, elle les salua.

« Bonjour. »

Simplement, comme à son habitude, sans fioriture ni politesse inutiles.

Le jeune homme prit la parole, le jeune frère qui expliquait que Natsumi désirait la voir. Les yeux de Hideko se posèrent sur lui, le scrutant de haut en bas, mémorisant son visage, tandis qu’elle l’écoutait.
Un échange de regard entre le frère et la sœur invita cette dernière à parler, ce qu’elle fit en la saluant, dévoilant le nom de Shinichi, son frère.
Ce dernier se hâta de reprendre la parole, acceptant de laisser là sa petite-sœur dont il tentait, de toute évidence, tant de protéger.
Son corps, son regard, tout ce qui émanait de lui n’était qu’inquiétude. De l’inquiétude pour un être chéri, pour un être trouvé, mais surtout brisé.
Un esprit souffrant qui ne pouvait se retenir de l’extérioriser, d’une manière ou d’une autre et celle qu’eût choisi Natsumi fut l’automutilation.

« Je m’en occupe. » Répondit Hideko.

Puis Shinichi s’en alla, laissant là les deux femmes seule à seule.

Visiblement gênée, cherchant à se cacher de cette réalité qu’elle ne pouvait supporter, Natsumi fixa Hideko, muette.
Hideko quant à elle resta aussi muette quelques instants, observant ses bras, dont la chair dépassait à peine de ses manches. Des bras que les blessures devaient recouvrir, des bras qu’elle se devait de soigner.

« Suis-moi. »

Hideko ouvrit la marche, veillant à ce que sa protégée l’eût suivie. Elle traversa le couloir, puis tourna au premier croisement à gauche. Là, elle s’arrêta devant la seconde porte à droite, dont le bois usé témoignait des années passées. Quand elle l’eût ouverte se dévoila une salle de soin, éclairée par la lumière qui s’échappait timidement de la fenêtre de l’autre côté de la pièce. En son centre, une table de soin, un petit bureau et deux chaises se partageait l’espace, avec pour seule fioriture un petite bibliothèque qui se tenait fébrilement derrière la chaise du bureau, contre le mur.

« Assis-toi sur la chaise. » Dit-elle en désignant du doigt la chaise faisant face au bureau.

Puis quand Natsumi eût pénétré dans la pièce, elle la referma et s’approcha d’elle.

Il lui était inutile de demander comme elle allait, comment elle se sentait, tant la question était évidente. Surtout, elle ne voulait pas être l’initiatrice d’une conversation évidente, essentielle : Natsumi devait s’en sentir capable.
Quand Natsumi fut assis, Hideko s’approcha d’elle, puis s’abaissa, pliant les jambes sans toucher le sol.

« Tu me montres ces bras ? »

Le ton avait changé : il n’était plus question d’ordre, mais de choix, comme elle l’avait toujours fait avec Natsumi.

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Harusame Natsumi
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Lun 4 Avr 2022 - 18:24




Sans un mot, d’un pas traînant, je la suivis tout au long du couloir. Les murs, d’une pâleur répugnante, défilèrent de chaque côté sans jamais vouloir s’arrêter. Il y eût un premier croisement, quelques personnes affublés de ce même blanc stérile leur permettant de se confondre avec cet environnement étouffant. Rien qui ne cria à la chaleur, au réconfort tant espéré. Rien qui ne vint tempérer cette nauséeuse impression qui m’avait saisie à la gorge depuis mon arrivée ici auprès de Shinichi.
À présent seule face à mes maux, les doutes me revinrent. Je plongeai d’autant plus mon visage sous le couvert du tissu rouge pendu autour de mon cou. Avais-je réellement fait le bon choix ?

Suivant cet interminable parcours au sein des entrailles de l’hôpital — ce fut ainsi, du moins, que le trajet me parut; interminable, éprouvant  — nous aboutîmes devant une porte de bois usée par l'âge : notre destination, semblait-il. Mes iris quittèrent alors le sol pour se poser sur la silhouette de la soignante, sur ses sublimes mèches argentées  libres de toutes contraintes. Que faisait donc un ange perdu au beau milieu de l'enfer, pensai-je naïvement. Elle ouvrit la porte.

Le local était à l'image de bien d'autres salles de soins : quelconque, son espace encombré d'accessoires et de meubles que je ne connaissais déjà que trop bien. Pourtant, lorsque je vis les contours de la civière, mon cœur sauta un battement. La voix de la doctoresse se fit entendre, tel un écho lointain auquel je n'osai pas répondre tout de suite, craignant qu'un événement terrible ne se produise. Quand mon regard parvint enfin à se détacher du brancard, à se soustraire à la peur qui m'avait soudainement assaillie, il décrivit à nouveau chaque élément composant les lieux, un à un, avec l'attention, la méfiance qu'il convenait à imposer aux potentielles menaces.

Une profonde inspiration plus tard, je m'avançai, hésitante, levant les yeux vers le plafond avant qu'ils ne rejoignent la chaise faisant dos à la fenêtre de laquelle quelques rares rayons lumineux parvenaient à s'infiltrer. Lentement, je vins m'y asseoir, croisant ma jambe et ma prothèse sous son siège, refermant les doigts de ma dextre sur mon avant-bras opposé, que je frottais distraitement pour calmer mon esprit en surchauffe face à l'attente du jugement prochain. Mes prunelles lorgnant le plancher sous mes pieds, je ne les relevai qu'au moment où le bas du corps accroupi de la kunoichi apparut dans mon champ de vision réduit par la honte. Et ce pourpre me bouscula de plus belle.

Une demande, plutôt qu'un ordre, émergea cette fois-ci de ses lèvres. Je pinçai les miennes, échappant un rire nerveux. Mes jambes tremblaient un peu. Mon regard fuya, niant l'insupportable réalité dans laquelle j'étais ici plongée.

« Ce… Ce n'est rien, H-Hideko, ne t'en fais pas. M-Mon frère est seulement... Il... Il est seulement inquiet, et puis… »

En un mouvement presque imperceptible, mes sourcils se froncèrent. Je poussai un soupir, regardant à gauche, puis à droite et, enfin, ces doigts qui s'entortillaient un peu plus bas. Ces doigts desquels me glissait, à l'instant, tout mon courage.

J'inspirai longuement.

Je refermai mes poings, puis entrepris de retirer le manteau qui me recouvrait, de retrousser, non sans grimacer sous la douleur, les manches de mon haut. Les dents serrées, j'étirai enfin les bras sous les yeux de la Metaru.
Ce qui se dévoila ainsi ne fût que violence. Le résultat d'émotions trop longtemps contenues, de la souffrance, de la rage, de la culpabilité. D'épreuves répétées. L'œuvre d'une tristesse, d'une colère ne sachant pas s'exprimer ouvertement, correctement, d'une douleur retournée contre soi-même. Un appel à l'aide qui ne trompait personne. Personne sauf moi.

Je détournai le regard. J'eus envie de fuir, mais n'en fis rien. Envie de hurler, mais n'en fis rien. Envie de frapper, mais n'en fis, une fois de plus, rien. À la place, ma vue s'accrocha aux livres énormes qui emplissaient les différents étages d'une petite bibliothèque qui peinait, elle-même, à soutenir le poids d'autant de savoir, de connaissances accumulées. Une bibliothèque qui, malgré son état fébrile, tenait bon.

Et moi, dans tout ça?

Je secouai doucement la tête. Le monde se brouilla, noyé sous des larmes qui, pourtant, ne glissaient pas sur la peau de mes joues.

« Je… Je ne peux plus… Je ne p-peux plus être shinobi… soufflai-je, amère, sur le ton de la confidence. »

Sur les traits de mon visage se lisait la frustration. Celle de voir mon avenir m'être arraché. Celle d'avoir perdu le contrôle sur mon destin, sur ma vie. Celle issue d'une trahison ressentie, qu'elle fût réelle ou non.

Je déglutis, reniflant un coup, puis je laissai le silence combler le vide, l'espace d'un instant. Lorsque je repris, la colère s'était muée en chagrin.

« T-Tengoku… C'était mon c-coéquipier… et mon amoureux… »

Et le chagrin devint, bientôt, désespoir.

« Il a… Il est… »

Ma voix se brisa.

« Qu… Qu'est-ce que je devrais faire... Hideko..? »

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Metaru Hideko
Metaru Hideko

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Lun 11 Avr 2022 - 15:38

Le regard de Natsumi se fit fuyant, esquivant une demande à laquelle elle ne pouvait répondre. Hideko retrouva là la jeune femme brisée du jour de leur rencontre. Une jeune femme marquée au fer rouge par la vie, un être blessé qu’elle devrait à nouveau tirer vers la lumière, comme bien d’autres fois encore, jusqu’à ce qu’elle puisse un jour marcher seule sur ce sentier.
Hideko laissa le temps à Natsumi de rassembler son courage. Après un soupir, ses poings laissèrent place à ses doigts qui vinrent se saisir de ses manches, les relevant, lentement, dévoilant là une chair fendue, une souffrance gravée dans le sang.
Une rage qui prenait sa source dans l’injustice qu’elle ressentait et la culpabilité de la victime, d’avoir acceptée sa situation, de n’avoir pu s’en sortir plus tôt, seule.
Ses manches ainsi retroussées, les bras tendus, les yeux de Natsumi se perdirent dans les rangées de livres de la bibliothèque. Délicatement, Hideko saisit son poignet droit, puis le tourna légèrement, auscultant le bras dans son entièreté. La vision de ces mutilations la laissèrent de marbre, d’apparence seulement. Au fond d’elle-même, Hideko ressentait peine et tristesse, pour une douleur qu’elle ne connaissait que trop bien. Une douleur qui la renvoya dans ce passé qu’elle avait tant cherché à fuir, puis à faire sienne, en faisant souffrir les autres, en se faisant souffrir elle-même.
Sa main se détacha de cette chair fendue, puis elle exécuta des mudras et un le halo chaleureux que connaissait déjà Natsumi apparut.



A nouveau, sa main gauche vint se saisir du poignet droit de Natsumi, tandis qu’elle apposa son autre mains sur son avant-bras. Les chairs cicatrisées commencèrent lentement à se refermer, la douleur à s’effacer.

Natsumi ne put tenir plus longtemps ce poids qui pesait si lourd sur son cœur. Les mots qui sortirent de sa bouche n’eurent ni de sens, ni de raison, tandis que sa voix se brouilla et qu’une larme perla sur le sol. Hideko resta fixé sur ses soins, laissant ainsi à sa camarade l’intimité qui, dans un tel moment, lui faisait tant défaut.
Elle ne put cependant se retenir d’afficher sa stupéfaction quand l’annonce étouffée de la mort de Tengoku, son partenaire, fut prononcée.
Ce pourquoi elle devait s’être battue, ce pour qui elle avait fait tous ces efforts, tout ce chemin n’était en réalité plus de ce monde. Une réalité insoutenable et le monde s’écroula à nouveau tout autour d’elle.
Ce fut là le même sentiment qu’à l’époque, quand Hideko découvrit que sa petite sœur manquait à l’appel lors de son réveil à l’hôpital. Tout était si sombre, si vide… Jusqu’à ce qu’elle ne soit enfin revenue dans sa vie, qu’elle ne l’eût à nouveau poussé à ce battre, pour elle qu’elle désirait sauver, pour Aya.

Hideko s’arrêta un instant, le halo disparaissant, tandis que les chairs partiellement guéries de Natsumi brillaient encore d’un rouge vif. Ses mains elles vinrent saisir celle de sa camarade, dans une étreinte chaleureuse qu’elle n’avait d’habitude que pour Aya, la laissant pleurer plusieurs secondes, des secondes qui se transformèrent en minutes. Il n’y avait de juste mot pour épancher sa peine, de juste réponse pour consoler son chagrin, dans ce monde injuste qui n’avait de sens que la loi du plus fort.

« Te battre Natsumi. Pour toi, pour lui. »

Les condoléances ne ramèneraient pas Tengoku à la vie, rien ne le pouvait.

Ses mains relâchèrent leurs étreintes et Hideko reprit ses soins, laissant Natsumi à ses peines et ce jusqu’à ce qu’elle eût terminé.
Ce fut à cet instant que sa camarade ouvrit la porte, sans veiller à toquer, espérant là trouver Hideko. Cette même camarade qui l’avait prévenue de l’arrivée de Natsumi. Pressée, elle lui expliqua qu’un de leur collègue la cherchait. Hideko tourna la tête, posant son regard dans le sien, tandis que sa camarade observa, l’air désolée, Natsumi apeurée.

« Peux-tu me remplacer pour la journée ? Je te revaudrai ça. »

Sans un mot, elle acquiesça, puis d’un sourire complice, referma la porte et s’en alla.

Hideko reporta son attention sur Natsumi, puis se releva, s’étirant les jambes, engourdie par la position inconfortable qu’elle avait prise.

« Sortons de là. »

Les hôpitaux… Natsumi devait en avoir bien assez de parcourir ces murs pâles, de sentir ces odeurs persistantes de nettoyant et de maladie.

« Allons au terrains d’entraînements. »

Ce serait là-bas que Hideko pourrait aider Natsumi de la seule manière qu’elle connaissait : à travers les poings et le sang.


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Harusame Natsumi
Harusame Natsumi

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Ven 15 Juil 2022 - 2:38




Lorsque sa main entra en contact avec mon poignet droit, je ne pus réprimer un sursaut. Je serrai les dents. Sous mes yeux, les couvertures des livres, soutenus avec courage par la frêle bibliothèque, s’étaient métamorphosées en une magnifique mosaïque. Floue, mais colorée. Magnifiquement colorée. Il y avait parfois du beau à contempler le monde à travers ses propres larmes, pensai-je. Je ricanai malgré moi, levant la tête, les yeux vers le plafond. C’était idiot… non?

Dans ce paysage distordu, là, un peu plus bas, une lueur apparut, faisant ombrage, de par sa beauté, au tableau multicolore. Une lueur que j’avais connue, par le passé. Celle qui avait illuminé, ne serait-ce qu’un peu, mon arrivée entre les murs du village. Douce, chaleureuse, elle vint petit à petit chasser les horreurs infligées à ma chair, sans toutefois se douter qu’elle ravivait, sur son passage, une blessure que nul chakra médical ne savait encore apaiser.

Sa douleur en fût, bientôt, trop vive pour être supportable. La digue céda. Les larmes perlèrent alors, encore et encore, jusqu’à en noyer le sol. La tête basse, je jongleai avec l’envie de fuir cette pièce, mais n’en fis rien. Je savais maintenant d’expérience que le soulagement procuré serait éphémère, et le contrecoup, une souffrance aussi affligeante et tenace que celle infligée par mes démons. Le rendez-vous bâclé avec la spécialiste me l’avait, à mon grand regret, plus que confirmé.
Je me mis dès lors à trembler comme une feuille, posant mes poings contre mes genoux, le tissu de mon pantalon prisonnier entre mes doigts. Je le serrai fort, si fort que ma peau en devint blanche. Pourtant, cette fois-ci, je me refusai à pâlir devant l’épreuve. Ici, je n’étais pas seule face à la souffrance. L’ange aux cheveux d’argent pouvait me comprendre. Son étreinte me le confirma, me rassura.

« Tu… Tu crois qu’il… qu’il y aurait un moyen de… » demandai-je d’une voix désespérée, entre deux sanglots. J’en connaissais déjà la réponse. Elle ne me plaisait pas du tout.

De longues minutes suivirent. Les mains de Hideko se détachèrent des miennes, poursuivant, en silence, la lourde tâche d’effacer toutes traces de mutilations sur mes avant-bras. Un moment où le vide, plus que bienvenu à présent, agissait tel un baume sur des scarifications invisibles. Un moment où seuls les mots de la soignante résonnaient encore dans la pièce, dans mon esprit. Où les larmes ruisselaient avec vigueur pour nourrir le changement à venir. Un changement que je me refusais encore à croire envisageable. Ne pas voir le soleil poindre à l’horizon n’empêchait jamais le jour de se lever, pensai-je alors avec la naïveté d’une gamine. Je ne pus m’empêcher de sourire bêtement, levant, à nouveau, mon regard fatigué sur les rangées de bouquins, puis sur le plafond. Oui, c’était définitivement idiot.

Je me souvins de cette époque où j’avais perdu une partie de moi. Cet instant déterminant dans mon parcours shinobi, où j’avais découvert, avec effroi, la perte de ma jambe. Une conséquence parmi tant d’autres de l’invasion de cet empire, qui m’avait, encore une fois, tout arraché.
Je me souvins de cette montagne, que j’avais cru insurmontable. Ce sommet, que j’avais su atteindre, un pas à la fois, avec plus de détermination que je ne croyais posséder. Où était donc cette personne courageuse, aujourd’hui?

« Me battre… » répétai-je faiblement, perdue dans mes songes.

Et la porte donnant accès à la salle de soin s’ouvrit brusquement, laissant s’infiltrer la lumière aveuglante du corridor et la répugnante pâleur de ses murs. Je sursautai, malgré moi, fixant désormais, tel un animal apeuré, le visage de cette femme à la tenue immaculée que j’avais rencontré à l’entrée de l’unité. Sans doute pressée, elle posa à peine le regard sur ma personne avant de quémander l’aide de sa collègue, laquelle répondit par une simple requête. Perplexe, je les observai toutes deux, tour à tour, reportant enfin mon attention sur Hideko lorsque celle-ci se redressa. Qu’avait-elle donc en tête? La réponse ne tarda pas.

« Les… t-terrains d’entraînements..? bégayai-je, confuse. J-Je… Euh… D’a… D’accord. »

Je me fis d’abord hésitante, passant mes doigts contre ma peau autrefois meutrie avant de soupirer un grand coup. Je déroulai mes manches, m’enveloppant de plus belle sous la protection de mon manteau et de mon écharpe rouge tandis que l’ange à la chevelure d’argent se drapait d’une tenue plus appropriée au lieu où nous devions nous rendre. C’était la première fois que je la voyais départie de son uniforme. Ce qu’elle inspirait la force, ainsi accoutrée… mais je me gardai de lui dire. Mon regard à lui seul suffisait.

Sans tarder, nous quittâmes donc l’enceinte du Complexe scientifique, Hideko sur les devants. Son pas franc détonait du mien, peu assuré. La prothèse me freinait encore, semblait-il. Certaines choses prenaient plus de temps à changer que d’autres.
À l’extérieur, la brise automnale fit danser ma chevelure au gré de ses envies tandis que sa froideur mordillait avec avidité mes joues déjà rougies après tant d'émotions, me forçant à m'emmitoufler davantage le visage sous l’épaisseur du tissu rouge pendu à mon cou. Nous marchâmes ainsi de longues minutes durant lesquelles seul le brouhaha quotidien semblait percer le voile du silence qui s’était abattu entre nous.

Et alors, je le vis : cet immense espace, où je m’étais abandonnée tant de fois, corps et âme. Ce sanctuaire du dépassement de soi. Je m’y revoyais, tentant de percer à jour les mystères de cet étrange pouvoir qui m’habitait. Je m’y revoyais, confrontée à ce chûnin, ce sensei que j’avais tant détesté. Et je le revoyais, lui. Tengoku.

La panique me gagna. Non loin de cet immense espace, je m’arrêtai net, paralysée par le poids des souvenirs. La douleur revint. En vérité, elle n’avait jamais cessé.

Une voix minuscule s'échappa d'entre mes lèvres :

« Hi… Hideko, je… Je ne c-crois pas que… »

Une bourrasque m’interrompit dans mon élan. Loin devant, quelques rares feuilles d’arbres desséchées par le temps s’envolèrent, valsant avec légèreté sous mes yeux captivés par tant de beauté, tant de couleurs différentes. Des couleurs magnifiques. J’en suivis le trajet du regard, longuement, doucement, jusqu’à m’échouer, enfin, dans ce pourpre si particulier qui distinguait les iris de la Metaru.
Je devais lui parler, avant toute chose. Me libérer d'un poids. Les doigts de ma dextre vinrent alors s’emparer de ma manche gauche. Je détournai les yeux.

« Je… Je crois que… J-Je crois que j’ai fait une bêtise. »

Je piétinai un peu, laissant ma phrase en suspens. Comment pouvais-je lui expliquer?

« Je… Je devais voir une spécialiste, il… Il y a quelques jours, p-pour m’aider… Mais, j-je… »

Le bas de mon visage s’enfonça un peu plus sous mon écharpe. Je fermai les yeux.

« Q-Quand elle a touché m-mon épaule, je… C’est que… »

Les dents serrées, je crachai :

« Elle… Elle ne p-peut pas m’aider ! Elle ne c-comprend rien. Je… Je ne veux p-pas de son aide, je… »

Un profond soupir. Je rouvris les yeux, fixant le sol, sous le poids de la honte et de la culpabilité. Je murmurai enfin :

« Tu… Tu crois que je devrais… »

J'avais échoué lors de ce rendez-vous. Échoué lamentablement. J'avais appelé à l'aide, sans jamais accepter la main tendue. Pourquoi? Pourquoi avais-je si peur de progresser, de sortir la tête de l'eau ? Je ne me comprenais plus. Quelque chose ne tournait pas rond chez moi...






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Souffler sur les braises [Ft. Hideko]

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