Mission:

Était-ce une mission ou un jour de repos dissimulé ? Arukisa se dirigeait de bon matin vers le quartier général de l’Han’en. Toujours reconnaissante de ce qu’elle devait à Aditya, la jônin s’était promise de donner un peu de son temps pour l’aider dans son œuvre. Depuis son accident, elle avait longuement réfléchi à l’apport irremplaçable des shinobis médecins. Sa réflexion la menait à penser qu’une formation médicale, même minime, était nécessaire pour chaque ninja. Et pourquoi pas même l’intégrer directement dans les enseignements de l’Académie ? Un petit geste pouvait sauver une vie, ne serait-ce que la maintenir en attendant l’arrivée des personnes compétentes. Si elle pouvait, par sa maigre contribution, porter cette idée et permettre à Kiri de distribuer son savoir médical au plus grand nombre.

Volontairement, elle s’était inscrite pour participer aux derniers préparatifs de la nouvelle unité spéciale. La majeure partie du travail était déjà effectuée par le Gardien Sylvestre et ses associés qu’elle avait pu entrapercevoir lors de l’inauguration. La Rose n’intervenait que sur un projet qui demandait quelques finitions afin d’être fonctionnel. Et quel projet ! Une journée de jardinage rémunérée ? C’était bien ça. La serre permettant la fabrication d’antidotes et venins était montée mais il fallait désormais la remplir et l’agencer correctement de façon ordonnée. Sa courte discussion avec Shimizu Menma et Seiibutsu Homare avait convaincu la kunoichi de s’intéresser de plus près à ces travaux. En effet, la serre serait un soutien inestimable pour l'hôpital général et l’Han’en. A ce jour, seule la famille Ishikawa était en mesure à ce jour de fournir les plantes nécessaires aux besoins médicaux. Arukisa avait pu constater sur sa blessure les résultats considérables de leurs miraculeuses préparations. Ses nuits furent grandement soulagées et reposantes grâce à un baume apaisant créé par leurs soins. Néanmoins, toutes ces préparations étaient épuisantes pour la jeune Ishikawa Chihiro, principale source de chakra florale. Une dépense de chakra bien trop importante pour une simple jeune fille qui, malgré sa bonne volonté, serait inévitablement dépassée physiquement et moralement par cette tâche.

Pour l’occasion, la Rose adopta une tenue de civil. Sa robe de combat habituelle semblait peu appropriée pour du jardinage. Un yukata couleur cassis beaucoup plus sobre faisait bien mieux l’affaire, même si inévitablement elle risquait de le salir à cause de son inexpérience. A ce propos, Arukisa n’était pas une experte de l’horticulture. Son seul essai fut la décoration florale d’une tombe avec l’aide d’un shinobi nommé Kaikon saru. Une mission bénévole commémorative pour une jeune âme tombée au combat contre Sanbi. Si sa pratique était à perfectionner, la gladiatrice disposait néanmoins d’un certain savoir sur la flore grâce à ses multiples escapades en pleine nature. Avant tout amoureuse de la faune, son attrait pour le monde animal l’avait menée à s’aventurer dans différents paysages aux plantes et arbres dont elle avait appris à connaître les particularités, parfois même à ces dépends. Le venin de cette liane empoisonnée sur Ue avait marqué son esprit.

Or, aujourd’hui, la faucheuse s’imaginait être guidée. A aucun instant, elle se voyait mener les opérations. D’ailleurs, pour une fois, sachant le contenu sans danger de la mission, elle avait à peine feuilleté le dossier et n’avait pas regardé le nom des participants. Un professionnel du domaine devait bien superviser le projet, non ? Du moins, c’est ce qu’elle espérait en poussant la porte qui menait à l’intérieur de la serre. Aussitôt, bien qu’approchant la fin de l’automne, une vague de chaleur souffla sur son visage. La structure semblait bien fonctionner, il faisait une température bien au-dessus de la normale là-dedans ! Quelques plantes hautes déjà installées empêchaient Arukisa d’avoir la vision complète sur l’ensemble de la serre. Elle tenta de pencher son corps pour apercevoir quelqu’un mais ne vit personne.

- Il y a quelqu’un ? C’est Arukisa, je viens pour aider. Clama-t-elle haut et fort en espérant trouver un interlocuteur.

Immédiatement, Arukisa reconnut la frimousse de la fougueuse archère. Jamais elle n’aurait pu oublier leur première rencontre lors de ce tournoi complètement loufoque. Un instant de gêne dont au final elle gardait un bon souvenir tant l’événement était bon enfant. D’ailleurs, en y repensant, elle ne se rappelait même plus des vainqueurs de cet affrontement burlesque. Or, le visage d’Imekanu était resté gravé dans sa mémoire tant elle s’était battue avec hardiesse ce jour-là, n’hésitant pas à ridiculiser une plus haute gradée.

La Rose s’incline à son tour affichant un sourire radieux afin de démontrer sa joie de se trouver ici avec elle, elle tenta même quelques paroles maladroites.

- Irankapaté à toi aussi Imekanu ! Répondit-elle avec hésitation.

Le dialecte de la sauvageonne était entièrement inconnue de la jônin, mais comme à son habitude elle éprouvait très peu de honte, et voulut se l’approprier en tentant sa chance. A aucun instant elle pensa pouvoir vexer son interlocutrice, au contraire elle voyait cela comme une tentative de rapprochement afin de créer des liens avec une kunoichi qu’elle connaissait peu au final. Hormis ses talents d’archère et ses origines urumis, la gladiatrice avait encore tout à connaître d’Imekanu. Des bruits de couloir étaient souvent remontés jusqu’à ses oreilles, parfois trainardes, à propos de son comportement socialement étrange et de son langage natal dont seul Shitekka était capable d’en comprendre l’entièreté.

Arukisa commença d’abord par déposer son arme au sol. Mikazuki ne lui serait d’aucune utilité pour les tâches à suivre qui ressemblaient plus à un moment de détente qu’à une mission.
L’authenticité d’Imekanu avait quelque chose de touchant. Elle semblait sans filtre, sans arrière pensée, peu importe à qui elle s’adressait. La jônin appliquait les normes de politesse par conformisme et pour respecter sa fonction, mais elle apprécia de voir que sa consoeur n'hésitait pas à la tutoyer d’emblée, sans même lui demander la permission. Ainsi, elle ne put s’empêcher d’afficher un regard empathique accompagné d’un sourire sincère quand elle avoua ne pas être à l’aise avec l’écriture de la langue commune.

- J’imagine que je suis une…sisam ? Dit-elle en se désignant de son index. Et bien écoute, je sais bien écrire mais je n’ai pas tes connaissances sur les plantes, alors je suis à tes ordres ! Ajouta-t-elle avec entrain.

La Rose sortit un petit parchemin de sa sacoche et de quoi prendre des notes.

- Par quoi on commence ? Celles-ci ? Demanda-t-elle en pointant de sa plume les plants qu’elle lui avait tendu.

La kunoichi attrapa un plant et le rapprocha de son nez afin de la sentir. Instantanément, sa tête fit un mouvement de recul et son visage afficha un air de dégoût. Les yeux plissés et la bouche incurvée pour montrer son rejet, elle attendit une réaction de son acolyte. Une forte odeur très désagréable s’en dégageait.

- Bark ! Lança-t-elle. En tout cas, si on doit les classer par odeur, celle-ci va dans la catégorie des “qui puent”.