Comme ci cela ne suffisait pas de jouer le chien de garde, on lui demande aussi de partager le nonoss avec une de ses pairs. Et travailler en équipe, c’est loin de lui plaire. Déjà parce qu’elle aura un témoin du carnage si sa patience se perd. Mais aussi et surtout qu’elle ne sait pas encore si un partenaire lui facilitera la tâche ou l’inverse. En prime, le temps est sec et frais. Tout ce qu’elle déteste. Mais les ordres, sont les ordres. Voilà bien longtemps que Sayo ne cherche plus à comprendre comment ça fonctionne. Elle exécute, encaisse, prosternise et attend d’être sifflé pour recommencer le cycle. Parait que ça prend fin qu’à la mort. Et sa fin de vie, elle n’est pas pressée d’y arriver, comme à sa destination d’ailleurs. Comment peut-on partir en avance et avoir déjà un quart d’heure de retard au rendez-vous en n’ayant pas fait un tiers du chemin. Un vrai mystère.

Quoi qu’il en soit, elle est attendue de pied ferme. Perplexe, la kunoichi vérifie l’adresse puis reporte son attention sur la boule de nerfs courte sur pattes tapant du pied. Sa cliente, aucun doute. Une sorte de boule pétillante, décorée avec mauvais goût et pourtant que de belles choses. Enfin, plutôt de boulet de luxe de sa journée. Ce qu'elle brille, ça lui donne presque mal à la tête, presque, comme beaucoup de mauvaises idées. Un oeil expert louche sur les bijoux trop nombreux sur ce petit corps d’enfant… chaparder ne serait pas très “pro”, mais rien ne lui interdit de renégocier ses tarifs. Si ?

“Mais en voilà un joli petit joyaux…”

Elle parle d’une pierre précieuse sur le cou de la princesse, mais on pourrait tout aussi bien prendre ça pour de la flatterie en l’honneur de sa future bienfaitrice. Les bonnes manières d’abord, il paraît, alors elle se présente aux adultes, nom, prénom, profession, blabla. Un instant plus tard, Sayo est accroupie devant la gamine, d’un coup d'œil dans la petite assemblée elle croit repérer la kunoichi qui va partager la tâche. La miss plus ponctuelle s’est déjà fait harponner par les parents et leur flot d'exigences. Elle a l’air d’avoir besoin d’un petit coup de main pour se défaire de l'assaut. Dommage, Sayo ne lui sera d’aucune aide.

Et ça l’arrange bien de se décharger de toutes les responsabilités comme ça. Même pas elle n’a l’air désolée pour sa camarade, bien au contraire, elle la nargue presque en lui offrant un clin d’oeil. L’art de se faire des amis dès les premières secondes. Pour l’heure, se faisant discrète, l'Aisaka ne veut l’attention que d’une seule personne. La gamine. Elle profite alors de la diversion que lui donne bon grès, malgré sa partenaire de mauvaise fortune. Sa voix glisse comme un murmure à l’attention de la principale intéressée de l’expédition.

“ Je pourrais te laisser faire des choses interdites en échange de tes babioles. Un voeux, un bijou. “

L’instant d’après, elle surplombe sa petite cliente, l’air de rien en faisant un signe à sa partenaire.

“ Tu as de l’expérience avec les enfants ? Moi j’adore jouer avec eux. “

L’air faussement penaud, la fourbe joue les ingénues en attendant les instructions. Finalement, ça pourrait être lucratif et amusant comme mission... Pour Sayo en tout cas.

Trouver la maison des parents de la cible n’avait pas été très complexe. Aato était un village que le borgne avait mainte fois parcouru lors de son jeune temps.

La missive qu’on lui avait remis venait avec un tas d’information, choses qu’il avait pris soin d’étudier et de mémoriser, il semblerait qu’il partagerait cette mission avec deux Kunoichi et fait encore plus important, aucune d’entre elles n’avait eu l’information jusqu’ici... La famille avait jugé que leur petite princesse avait besoin de plus de protection et un autre Genin avait été redirigé sur les lieux.

De son passé militaire, entrainement acharnée sous la tutelle des mentors Kobayashi et une légère envie de bien réaliser sa première mission sous le bandeau de Kiri, Kuzan s’était présenté bien en avance. Il avait toqué à la porte suivant le chant du coq.

Il avait d’abord partagé une tasse de thé avec le père de famille et échanger quelques bouffées de sa réserve personnelle de tabacs importés du désert, il avait pu jauger un peu plus à quoi le trio aurait affaire, mais la rencontre lui avait surtout permis de confirmer que l’enfant ne serait pas de tout repos. Avant de s’absenter pour faire une première ronde des lieux, il remercia la famille pour leur confiance et remis son chapeau d’osier pour disparaitre dans la rue sous un soleil a mis chemin entre sa levée et son apogée.

Son raisonnement était simple : une enfant n’avait généralement pas d’ennemi, mais quand un enlèvement peut faire synonyme de retraite précoce, nul ne sait vraiment à quoi s’attendre. De plus, la famille était bien connue et beaucoup aurait pue tomber dans la jalousie. Ne sachant pas combien de temps dureraient les négociations, il valait mieux ne rien laisser au hasard.

Ce n’est que bien plus tard, que la jeune femme aux cheveux couleur de mer se permit de, il l’espérait, rigoler au sujet des joyaux. Comme une ombre, Kuzan qui était perché dans un arbre de la cour arrière avait assisté à toute la scène, il décida donc de lui répondre tout en atterrissant derrière elle. Elle venait à peine d’interpeler leur autre compagne du jour, alors il fut bref et direct.

-Il serait plus prudent de laisser les bijoux sur notre chère princesse ne pense-tu pas ? Faisons comme si je n’avais rien entendu et ce petit accro restera entre nous.

Dans le silence qui s’en suivit, il joignit un bras autour des épaules d’Aisaka Sayo et d’un sourire enjoliveur repris tout en saluant les demoiselles de son autre main.

-Alors les filles, que diriez-vous d’aller vous balader au parc ? Je suis sûr qu’un peu d’air frais plaira à la princesse !

Sans oublier qu’un endroit à découvert était parfait pour voir venir les mains d’un voleur, surtout si ce voleur n’était autre que sa partenaire ninja…