L’entrée dans Joheki avait beau leur être acquise, c’était sous étroite surveillance que les membres du Senbazuru allaient effectuer leurs premiers pas derrière le rempart. Les paysages alentours valaient le détour, et même dans son état proche de la léthargie, Hanae ne pouvait s’empêcher de laisser son regard s’attarder sur ce qui l’entourait. La grande muraille de Joheki n’était pas venue de nulle part, et on devinait aisément aux reliefs recouvrant ce territoire que les pierres ayant servi à sa construction n’étaient pas venues d’ailleurs. Peut-être même que ce rempart millénaire s’était formé naturellement, sans que l’Homme n’intervînt à sa conception…

Les mises en garde des autorités de ce pays n’intéressaient pas la Sendai, qui n’était pas du genre à faire de vagues, encore moins lorsqu’une prime se trouvait sur sa tête. Yahiko suffisait bien à lui seul à écouter et répondre, et s’il avait besoin de son amie pour l’aider, il savait qu’il pouvait lui demander n’importe quoi. Mais le moment était sans doute mal choisi pour cela, et les stigmates des récents événements pouvaient probablement se voir dans l’attitude de la rubiconde, voire sur son apparence…

Alors que la troupe parvenait au Domaine des Vallées, le chef du groupe se tourna vers sa camarade pour s’enquérir de son état. Regardant autour d’elle, la rougeoyante se demanda si elle pouvait s’ouvrir au gré des oreilles indiscrètes. Elle indiqua au nivéen de la suivre un peu à l’écart. Si Ayuu était une personne de confiance à ses yeux, elle ne connaissait cependant rien de Kenzo. Une fois dans un lieu discret et loin de tous, elle commença à parler, ne sachant pas vraiment par où… débuter.

« Je vois que tu as toujours l’œil… En même temps, tu as des raisons de croire que quelque chose cloche, depuis notre départ de Hi. »

Si le cœur d’une femme était parfois compliqué à sonder, le premier élément suspect dans l’attitude de la Kazejine avait été son refus à la demande de Medyûsa.

« Il s’est passé quelque chose, peu avant notre départ… Cela doit remonter à plus d’une semaine maintenant. J’ai retrouvé des personnes que je ne m’attendais plus à revoir, et j’ai réalisé beaucoup d’erreurs que j’ai commises. »

Des erreurs que la Sendai pensait être excusables par son vécu tragique. Un vécu que peu connaissaient… Et plus encore, aucun homme n’en avait jamais entendu parler. Ce n’était pas étonnant, puisque des hommes étaient à l’origine de ses maux.

« Tu te souviens de Yasei Reikan ? Elle était… elle est l’une de mes plus anciennes connaissances. Et grâce à elle, j’ai pu revoir mes parents, alors que ma disparition les avait laissés dans une profonde tristesse. Tristesse que je partageais, bien entendu, pendant toutes ces années. »

Plus qu’une connaissance, la Kirijine se rapprochait de ce que l’on pourrait décrire comme une rivale, un exemple à suivre, une amie, et presque une sœur également. Mais les années avaient bien ruiné cette relation, que la flamboyante devait s’efforcer de réparer.

« Crois-tu que les sentiments soient une excuse pour les erreurs que nous commettons ? »

La question que posa la jeune femme était importante à ses yeux. Ses sentiments l’avaient pousser à s’éloigner de sa famille plutôt que de chercher à la retrouver, et aux yeux de la tigresse blanche, rien n’excusait l’attitude de l’adoptée du désert.

Les premiers mots de Yahiko furent plutôt abrupts, presque violents aux oreilles d’une jeune femme qui avait pêché et qui cherchait des réponses pouvant l’aider à mieux assumer son passé. Si Yasei Reikan, ainsi que ses parents, ne lui avaient finalement pas tourné le dos, Hanae n’en restait pas moins affectée par cette récente rencontre, et la Sendai était qui plus est de ceux qui ne pardonnaient pas facilement leurs propres erreurs. Autant dire qu’elle les pardonnait moins que ceux qui les avaient subies. Le laïus qui suivit, énoncé par l’ancien Empereur, tenta de justifier ces mots, et la rubiconde ne put qu’adhérer aux propos de son ami. Sans en dire plus, il serait difficile d’obtenir l’aide qu’elle souhaitait.

Alors qu’elle s’apprêtait à délivrer plus de détails, le nivéen prit l’initiative de faire valoir ses dons de déduction. Après tout, il n’était pas idiot de faire un lien entre les différentes phrases de la rougeoyante. Il avait vu juste, et ce qu’il annonça n’était pas du tout stupide, bien au contraire. Lorsque tout serait fini, la Kazejine pourrait cesser d’être une kunoichi et sa vie reprendrait là où elle s’était brutalement arrêtée.

« Ce n’est pas si simple que cela. Après la guerre, le monde ne sera pas sauvé de son plus grand ennemi. Tuer Tôsen, et puis quoi ? Tous les ninjas redeviendront bons ? Personne ne voudra commettre de crimes en profitant de ses pouvoirs ? Tu n’as qu’à te retourner vers le trône que tu as laissé pour découvrir l’après Homme au chapeau. »

Le cynisme soudain d’Hanae pouvait surprendre Yahiko, mais elle savait qu’elle pouvait lui parler à cœur ouvert, sans craindre un conflit ou de l’incompréhension de sa part. Il ne savait pas tout de la vie de son amie, mais en avait appris suffisamment – sans doute – pour la comprendre.

« Ils vivent à Kiri, comme la plupart des Yasei, apparemment. J’ignore comment le Mizukage… Nobuatsu Saji, si je me souviens bien des écrits, accueillerait une ennemie d’un Empire qui veut « unifier » le monde, mais j’ai bon espoir que certaines personnes proches de lui puissent appuyer mon arrivée. »

Si Aditya et Reikan avaient une posture importante au sein de la Brume, Hanae ignorait tout de leur chef, et cette option était possiblement compromise. Mais tôt ou tard, il allait lui falloir rencontrer cet homme et le convaincre qu’elle n’était pas une menace.

« Notre guerre ne se limite pas à un homme qui contrôle le temps, mais à tous ceux qui refusent que ce monde soit en paix. Et à l’heure actuelle, tu ne pourras pas me contredire sur le fait que l’Empire sera notre prochain ennemi, à l’allure à laquelle les choses vont. Je n’ai pas la force de vaincre tous les assassins qu’ils pourraient envoyer de l’autre côté de la mer, Yahiko. J’ai vu mes limites actuelles, et vivre là-bas, mêmes débarrassés de l’homme au chapeau, ne sera pas possible. »

Cela ne retirait pas sa ferme intention de leur rendre visite, mais s’y installer n’était pas encore à sa portée. Quelle aide pourrait donner celui qui avait parfait les arts Sendai à sa cousine ?

Yahiko ne se laissa pas abattre par les propos de son ancienne Porte-parole. Il semblait hésiter, batailler pour trouver des réponses qui seraient acceptables par son amie, et cela démontrait bien qu’il souhaitait l’aider à affronter ses tourments, tout en ayant des difficultés par lui-même à déceler ce que le futur pouvait leur réserver. Des mots ne suffiraient pas, bien évidemment, à faire retrouver une sérénité depuis longtemps disparue à l’enfant du désert, mais cela pourrait au moins lui donner la force de continuer à se battre.

Le premier futur envisagé par le nivéen était le plus souhaitable, mais ni lui, ni sa camarade ne connaissaient l’étendue réelle des forces Kirijines. Pour sa part, Hanae savait qu’un élément de ce village caché possédait une force démesurée, et celle-ci n’était même pas à la tête de la Brume. Par ailleurs, du peu qu’elle connaissait d’Aditya, ce-dernier semblait lui aussi posséder une force au moins égale à celle de la rubiconde. Du reste, sa connaissance était limitée, vis-à-vis du Fort de l’Eau. L’ajout de leurs forces – celles du Senbazuru, si tous les suivaient – pourrait y jouer, mais comme le mentionnait le Second Empereur du Feu, tout passerait à nouveau par l’acceptation. Si les discussions venaient à être ouvertes, alors il faudrait être le plus honnête possible. Et si le Mizukage refusait de mettre la sécurité des siens en jeu, alors il faudrait imaginer un autre plan.

L’autre idée, celle de fuir sans cesse, n’était pas la plus glorieuse. Depuis quelques temps, par ailleurs, la flamboyante détenait une information cruciale, et sous peu, il lui faudrait agir vers Tetsu pour cette autre famille, celle qu’elle ne connaissait pas. Mais il lui était impossible d’agir sans posséder un point d’attache solide.

« Bien entendu, quelle que soit ma décision, j’en parlerai à mes parents… Mais je ne peux venir sans leur proposer d’alternatives. »

Le regard d’Hanae se durcit à l’écoute de l’autre solution de Yahiko. Un regard qui en disait long. Le genre de regard qui indiquait à l’immaculé qu’il devrait vite écarter cette option, car de toutes les solutions, celle de laisser un ami cher se sacrifier pour que sa vie devienne agréable était la moins envisageable. Finalement, il se ravisa, pour simplement réitérer son conseil de s’entretenir avec ses parents, pour la jeune femme. Tout cela serait abordé dès lors qu’elle pourrait voyager vers Mizu no kuni…

« Merci, Yahiko. »

Elle ne prononça pas un seul autre mot, et lorsqu’il proposa de vérifier la force de son amie, cela lui redonna un sourire. Ils s’étaient beaucoup entraidés, par le passé, mais jamais ils ne s’étaient affrontés réellement. Lui tournant le dos, la rougeoyante quitta la pièce, en l’invitant à la suivre. Les lieux ne lui étaient pas connus, et cela prit quelques minutes à la Kazejine pour poser les yeux, puis les pieds, sur un espace loin de quiconque, où ils pourraient se déchaîner avec modération.

« Alors… Commençons. »

Se tenant face à son ami, elle se contenta de faire apparaître un clone. Un mètre la séparait de ce double, et cinq fois cette distance du chef du Senbazuru.

résumé:

A la mise en garde de Yahiko, Hanae se contenta de répondre par un hochement de la tête. Utiliser des techniques assez puissantes pour alerter les personnes alentours signifiait également impacter le décor environnant, et celui-ci était assez beau pour que l’envie de le faire ne plaise pas spécialement à la rougeoyante. L’affrontement était donc déjà sur le commencement, et Hanae créa un clone en attendant que son camarade ne donne le signal. Il commença par une question, à laquelle la jeune répondit simplement :

« Laissons libre court à notre imagination… et évitons simplement d’endommager les environs. »

Même s’il était peu probable de ne pas impacter le paysage, il était au moins possible de limiter la casse, et cela allait de pair avec les consignes de l’ancien Empereur. Les hostilités furent lancées par le nivéen lorsque ce-dernier revêtit une armure pour se protéger, avant d’enchaîner sur un technique visant à immobiliser la véritable Hanae. Rien de bien difficile étant donné qu’elle avait créé sa copie devant les yeux de l’autre Sendai présent en ces lieux.

La proximité en ce début de combat entre les deux ne laissait que peu d’alternatives à la rubiconde, qui, même si elle avait une ou deux façon de s’en sortir, préféra se laisser prendre par l’étreinte. Après tout, elle possédait un double, qui s’empressa de laisser glisser un fumigène à ses pieds pour troubler la vision de son ami. Celui-ci devait tout juste se trouver en périphérie de la zone, et même en utilisant ses talents en sensorialité, il aurait probablement du mal à réagir à la suite.

D’un simple geste, la vraie Hanae activa un sceau dans sa paume, malgré son immobilisme forcé, afin de neutraliser l’entrave qui la ciblait. Son clone était, quant à lui, déjà parti en direction de l’immaculé, pour surgir sur sa droite, afin de lui lancer une technique préparée alors qu’elle était encore dissimulée : un véritable barrage de projectile prit le chef du Senbazuru pour cible, afin de frapper son armure de plein fouet, s’il n’avait pas le temps de réagir.

Dans le même temps, la vraie Hanae désormais libre était partie dans l’autre direction, à savoir la gauche de Yahiko, afin de le prendre en tenaille, pour lancer la même technique une seconde plus tard, et en prenant en compte le possible mouvement de son cousin depuis l’attaque du clone.

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