L’Amatsuki avait enchaîné les heures au travail ces dernières semaines, si bien que lorsqu’elle se présenta le matin à l’hôpital on lui refusa simplement l’accès. Elle n’en revenait pas. L’ordre émanait directement du vice-directeur, qu’elle n’avait, maintenant qu’elle y pensait, pas arrêté de berner durant ces dernières semaines. En l’occurrence, elle ne pouvait plus ressortir le même refrain que d’habitude. Elle devait se résoudre et prendre simplement ses deux jours de repos forcés. Deux jours. C’était beaucoup trop pour elle. Elle se demandait ce qu’elle allait bien pouvoir faire pendant ce temps. Comment elle pouvait occuper ses journées, elle qui avait pris l’habitude de passer la majeure partie de son temps à l’hôpital, même lorsqu’elle n’était pas censée être de service ? Elle soupira et rebroussa chemin.

Alors qu’elle était sur le chemin de retour, elle eut l’idée de changer de destination pour se rendre dans les bas quartiers de Taiyô. Oui, ces quartiers que le reste de la population indexait du doigt et dont les habitants étaient considérés comme des rebuts de la société. C’était dans cette zone qu’elle avait grandie et qu’elle avait commencé à travailler avant de rejoindre l’hôpital de Taiyô. Elle avait pris l’habitude de s’y rendre de temps à autre, notamment pour s’amuser avec les enfants ou échanger un peu avec toutes les personnes qui l’avaient, par le passé, aidées, d’une manière ou d’une autre.

Ainsi, Nao n’oubliait pas d’où elle venait, elle ne pouvait se le permettre. Achetant quelques friandises en chemin, elle arriva finalement dans les quartiers malfamés, où aucune femme censée ne s’y aventurait toute seule. Elle, elle avait l’habitude. Puis, si quelqu’un l’agressait, elle n’avait qu’à crier pour que, parmi les gens qui l’appréciait, quelqu’un se manifeste et venir à son secours, se disait-elle. Au pire, il lui faudra se battre ; elle savait arracher quelques cheveux et mordre, si c’était nécessaire.

L’ambiance changea rapidement une fois dans les rues des bas quartiers. Les hommes avaient cette fâcheuse tendance à la reluquer comme si elle n’était rien d’autre qu’un objet. Pire, ils donnaient l’impression qu’elle était un délicieux repas dont ils en raffolaient depuis des années. Ecœurant, c’était le moins qu’on puisse dire. Ne prêtant guère attention à ce genre d’énergumène, Nao préféra s’attarder sur les enfants qui s’amusaient et détroussaient parfois les passants. Elle savait ce que c’était que de vivre dans ces quartiers, elle avait elle aussi détrousser pas mal de personnes à l’époque où elle n’avait pas de quoi manger. Elle les arrêta et leur donna des friandises, en les gratifiant de son plus beau sourire. La plupart la connaissaient, ils se ruaient sur elle à chaque fois qu’elle apparaissait. Certains cherchant quelques caresses et son sourire, d’autres plutôt de quoi manger. Prenant le temps de les écouter, de rire avec eux, elle finit par leur donner quelques pièces, avant de poursuivre son chemin. Elle arriva finalement à la taverne de Fusaaki, la première personne qui lui avait offert un travail à l’époque, alors qu’elle n’était âgée que de sept ans.

« Nao. Qu’est-ce que tu fiches devant la porte à attendre comme ça ? Entre ! Ça fait un moment qu’on ne t’a pas vu par ici. » Glissa le vieil homme derrière le comptoir, sourire aux lèvres. « Oy vous les nigauds, allez dégager de cette table, c’est réservée pour ma princesse. » Ajouta -t-il, en pressant les trois jeunes hommes à changer de table.

Tous les regards se tournèrent naturellement vers elle. Certains se voulaient bienveillant, voire heureux, d’autres, au contraire, mécontents, ou pire...

« Nao ! Ça fait un bail ! T’es toujours aussi radieuse. Tu es certaine que tu ne veux toujours pas m’épouser ? Je suis certain que je ferai un excellent mari. Ahaha ! » Glissa le petit-fils de Fusaaki, en sortant de la réserve.

La médecin en rit, contente de savoir que ces deux-là allaient toujours bien.

« Je n’en doute pas, Raito. Nous en reparlons peut-être quand tu seras majeur, même si à mes yeux tu resteras un éternel enfant. » Lui glissa -t-elle, sur un ton sarcastique, en lui tirant la langue. « Salut, Fusaaki. Tu as l’air en forme. J’imagine que tu suis bien les instructions de ton médecin. » Fit-elle, en le regardant attentivement, sourire aux lèvres. « J’étais trop prise au travail ces dernières semaines mais, puisqu’on ne veut plus de moi, je me devais de passer prendre un verre avec vous. Ce sera la même chose que d’habitude pour moi. » Ajouta -t-il, avant de gratifier les autres d’un sourire et de prendre place devant le comptoir.

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