Alors que les rayons ardents du soleil estival laissaient doucement place à la brume automnale et éternelle de Kiri, Arukisa se laissait porter sur le chemin qui menait de son appartement au Complexe. Au milieu des feuilles mortes qui commençaient à quitter leurs parents, la Rose gambadait, sautillante, prête à rejoindre son élève. Une odeur de végétation humide et d’embruns marins permanents se mêlaient pour former une odeur particulière en cette saison. La chaleur laissait place à des températures plus douces, propice à des envolées d’oiseaux migrateurs qu’on pouvait observer par dizaines au-dessus du village si l’on était un tant soit peu observateur. Un spectacle naturel annuel qui ne manquait pas de rappeler son propre voyage à Arukisa. Suivant les saisons, les espèces faisaient les va et vient entre le continent et l’archipel de Mizu, cherchant un endroit propice pour évoluer et vivre paisiblement. Après tout, n’était-ce pas ce qu’elle était venue chercher en débarquant au port Naragasa ?

En arrivant au terrain numéro douze, la gladiatrice s’empressa de saluer son élève d’un signe de la main.

- Hoy Misa ! Dit-elle avec entrain.

Cette fois, Arukisa s’était rendue sur place sans en connaître la raison. Une demande express de sa protégée pour probablement la questionner sur ses entraînements ou ses jutsus. Attentive, bras croisés, la jônin fut étonnée de sa demande. En somme, son élève lui demandait des conseils à propos d’une technique assez primaire. Une base qui en effet lui aurait évité d’être surprise pendant son duel si elle l’avait su. Aru’ démontra sa surprise par des sourcils remontés et une mine déconcertée.

- Hmm. Surprenant. J’étais pourtant certaine d’avoir appris cela quand j’étais aspirante. Elle secoua la tête faisant mine de passer à autre chose. Pas grave, je vais te montrer, ça devrait être simple ! Tes patins te serviront sur la glace mais il te faut cette technique pour tenir sur d’autres surfaces.

La kunoichi fit une petite série de mudras, concentra son chakra dans sa gorge et cracha un jet de mucus au sol. La gerbe glissante vint se poser juste devant les deux femmes. Une technique sommaire qui lui permettait de faire sa démonstration sans utiliser la glace de la Yuki. Directement, elle refit quelques signes.

- Regarde.

La Rose sauta à pied joint sur sa création, elle éclaboussa les alentours mais ne perdit absolument pas l’équilibre. Aussi aisément que de marcher dans une flaque d’eau de pluie, elle se mit à tourner en rond.

- Les signes sont basiques, j’espère que tu les as mémorisé. Dit-elle en faisant semblant de la rouspéter du doigt. Il faut ensuite concentrer une partie de ton chakra dans ta voûte plantaire. Cela te permettra de garder l’équilibre sur n’importe quelle surface instable. Mais attention, c’est une petite dépense de chakra mais qui peut durer longtemps dans certaines situations et puiser dans tes ressources.

Spoiler:

Aussi à l’aise qu’un bambin faisant ses premiers pas, Arukisa observa son élève regarder avec dédain son œuvre gluante et tenter de grimper dessus. Si un simple jet de mucus la dégoûtait, elle se demanda si les scènes sanguinaires qu’on pouvait observer parfois sur le terrain n’allait pas lui retourner l’estomac. Il fallait avoir le cœur bien accroché pour supporter la vision des éviscérations, décapitations et autres joyeusetés barbares. La Rose se rappela les images de sa cheville tranchée et de son pied roulant au sol. C’était dans ces moments-là qu’il ne fallait pas céder à la panique devant les horreurs de la guerre.

- Allez c’est rien, juste un peu d’eau collante. Dit-elle en bougeant les bras mimant de passer à autre chose.

La séquence de mudras exécuté par la Yuki était la bonne. Une formalité pour une shinobi avec son talent. Sa sensei n’en attendait pas moins d’elle. Retenir trois mudras, peu importe la vitesse d’exécution, cela devait être un jeu d’enfant.
Quand la Rose vit sa protégée hésiter à faire le premier pas, une envie folle de la pousser émergea en elle. Un peu de nerf, allez ! Pensa-t-elle. Or, elle se retint de la bousculer pour mieux la mettre à l’épreuve. Si elle pensait que seulement réussir à tenir debout sur la flaque lui permettrait de valider aux yeux de sa supérieur l’apprentissage de cette technique, elle se trompait. D’ailleurs, la gladiatrice ne put s’empêcher d’éclater de rire quand elle vit Misaki s’agiter tel un pantin désarticulé pour tenter de trouver son équilibre. Une désynchronisation corporelle étrange qui insultait les capacités de la Yuki.

- Bon, on va dire que la base est acquise. Répondit-elle en faisant une moue démontrant une satisfaction modérée. Seulement, ce n’est qu’un terrain collant. Cette technique doit te permettre d’être à l’aise sur des terrains bien plus accidentés, voire capricieux pour certains ! Ton sol gelé par exemple. Mentionna-t-elle immédiatement. Sans les patins, tu ne pourras pas t’en sortir avec quelques moulinets de bras ou je ne sais quoi… Ajouta-t-elle en recopiant maladroitement la gestuelle clownesque de son élève tout en ricanant. On finira par une course, toi contre moi sur ta glace ! Finit-elle sur un ton de défiance.

Arukisa aimait les défis stupides, même si celui-ci était au service de l’apprentissage. Un exercice ludique et à la fois amusant et qui permettrait de valider l’acquisition et la maîtrise totale de ce jutsu.

- En attendant, je vais te faire danser un peu, puisque tu as l’air d’aimer ça. Dit-elle avec un sourire malicieux. Interdiction de quitter ta piste de danse !

La gladiatrice détacha Mikazuki de sa ceinture et pointa le canon de son arme vers les pieds de la jeune femme. D’un signe des sourcils, elle lui fit comprendre ce qui allait arriver. Aru’ appuya sur sa gâchette et commença à viser ses pieds, l’un après l’autre afin de l’obliger à se tenir sur une jambe.

Spoiler:

Assurément prise au dépourvu, la Yuki ne réussit pas à tenir le rythme de la danse endiablée que lui proposait sa partenaire. Arukisa termina sa rythmique en soliste tandis que Misaki s’échoua dans la mixture visqueuse. La sensei ne put retenir un petit rire tout autant moqueur qu’affectif en voyant son élève s’emmêler les pinceaux. Un peu de ridicule ne faisait pas de mal, surtout en petit comité. La jônin stoppa sa rafale musicale afin de laisser sa protégée retrouver son équilibre.
Amusée pour la récompense en jeu, Aru’ se lécha la lèvre supérieure en s’imaginant dévorer sa récompense.

- Oh ! Mauvaise décision, s’il y a de la nourriture en jeu, je deviens imbattable ! Lança-t-elle le poing levé.

La kunoichi maniait aussi bien Mikazuki que la fourchette. A elle seule, elle pouvait ouvrir un guide gastronomique des meilleurs échoppes de Kiri. Elle ne buvait pas d’alcool mais en ce qui concernait la nourriture, c’était une référence, un fin gourmet. La jônin avait traîné son petit estomac dans toutes les bonnes adresses. Au marché du port Naragasa, tous les commerçants connaissaient son attrait pour les bonnes denrées et surtout les produits marins dont elle raffolait. Indiscutablement, Misaki venait de signer sa défaite.

Dès lors que le givre se propagea pour recouvrir l’espace autour d’elle, Arukisa se mit en position et réitéra son enchaînement de mudras.. Le corps abaissé vers l’avant, les jambes pliées, le regard fixé au loin, elle visualisait son plat de takoyakis. Les petites boules de morceaux de poulpe flottaient devant ses yeux. Dans son esprit enfantin, elle apercevait les mets formant une farandole gustative qui tournait indéfiniment sur un air alléchant. Seul le son du kunaï perçant la glace la sortit de sa savoureuse hypnose.

Usant de la technique en jeu avec une aisance évidente, Arukisa démarra au quart de tour. Évoluer sur ce sol gelé ne lui posait aucun problème. Partant à vive allure, elle remarqua tout de même du coin de l'œil le démarrage raté de son élève. Un sourire un coin, elle usait de son agilité naturelle de Sentinelle pour se mouvoir telle une patineuse venu des grands froids.

- On se revoit à la ligne d’arrivée ! Dit-elle en narguant Misaki.

De temps à autre, la jônin oubliait son grade et avait l’attitude d’une adolescente de son âge. Sans même prendre des nouvelles de l’avancée de la course de son opposante, Aru’ passa la ligne d’arrivée, triomphante. Les bras levés, elle s’adonna à une danse de la victoire toute aussi saugrenue qu’inélégante, marmonnant un chant à la gloire des takoyakis sans queue ni tête. Une désarticulation de ses membres qui traduisait tout de même une maîtrise parfaite de la technique qu’elle tentait d’enseigner. Pas une seule fois elle ne craignit la chute.

- Bon, il est encore un peu tôt pour manger et je suis joueuse. Alors je t’offre une seconde chance. Dit la gladiatrice sur un ton guilleret après son succès.

La Rose forma quelques signes avant de frapper de sa main la glace. Aussitôt, un pilier de terre de plusieurs mètres commença à surgir du sol. Brisant la matière froide, celui-ci s’éleva sous les pieds d’Arukisa qui s’écarta de sa position pour laisser la structure progresser seule. Toujours pendant la progression de sa création, la kunoichi posa sa botte sur la pierre et commença à courir vers la hauteur. A l’horizontale, encaissant les perturbations terrestres de l'ascension de son monolithe, elle visa son sommet jusqu’à l’atteindre le point culminant au moment où celui-ci arrête de grandir.

- Si tu arrives à grimper ce rocher pendant sa création, je t’amène au Takotako ! Lui proposa-t-elle avant de sauter de son promontoire. C’est quand tu veux.

Ce restaurant spécialisé dans les produits de la mer était l’un des plus réputés et surtout le préféré d’Arukisa.

Spoiler:

Quelques secondes après avoir de nouveau initié la montée du pilier, Arukisa vit son élève se lancer. Beaucoup plus naturellement qu’à ses précédents exercices, Misaki escalada le roc d’une seule traite. Fière de l’intégration rapide et efficace de ce jutsu, la jônin se mit à applaudir frénétiquement, démontrant son enthousiasme. Ce n’était pas une avancée stratosphérique mais chaque petit pas comptait. Aru’ ne voulait pas avoir le rôle glacial du sensei qui ne félicite jamais ses élèves et les réprimande à la moindre faute. Non, elle restait authentique, se réjouissait des réussites aussi minimes soit-elle et fulminait devant certaines situations quand elle n’était pas satisfaite.

- Quoi ?!? S’étonna-t-elle en entendant les interrogations improbables de la genin.

Complètement perdue par cette question soudaine, la Rose préféra ne pas répondre, laissant Misaki se perdre dans ses réflexions saugrenues. Les Yasei étaient des humains après tout, ils avaient un régime alimentaire omnivore. Enfin c’est ce qu’elle pensait. Commençant à partir dans les délires loufoques de son élève, elle secoua la tête et leva les yeux au ciel pour se sortir ses pensées de la tête.

- Je te laisserais résoudre tes questions existentielles plus tard…Mais je doute que Gine ne t'aide beaucoup. Répondit-elle en rigolant devant les enfantillages de Misa. En attendant, si tu as besoin de revoir d’autres techniques plus basiques, n’hésite pas à me demander hein ? Il existe beaucoup de jutsus utilitaires qui n’ont pas l’air puissants mais qui sont essentiels au quotidien. Il n’y a pas de honte à ne pas savoir. Je préfère prendre le temps de t’apprendre que de te voir trébucher en pleine mission sur un terrain glissant. Dit-elle avec ironie.

Jamais la Rose ne viendrait se moquer d’un shinobi qui avoue ses faiblesses et demande à apprendre. Elle haïssait ses confrères fiers qui se vantaient de tout savoir et moquaient les moins expérimentés qu’eux. Fort heureusement, ce genre d’individus n’était pas légion à Kiri.

- J’ai quelques affaires à régler. Passe chez moi en début de soirée, et ne mange pas trop avant ! Lança-t-elle avant de partir vers les bureau du Complexe.