Ses doigts pianotaient nerveusement sur le rebord de la table basse face à laquelle il se tenait assis à même le sol. Dans cette petite pièce exiguë parmi tant d'autres du Complexe, il patientait difficilement l'arrivée de deux de ses récentes recrues. Sur sa droite, un parchemin scellé des quatre ondulations symbolisant l'autorité de la Brume. En fixant avec peine le manuscrit, ce fut comme s'il peinait à se soustraire à l'hégémonie du Frimas incarné par ce morceau de papier.
Alors qu'une faible lueur matinale éclairait la pièce, Kaguya Shitekka accueillit finalement ses deux disciples. La sévérité des premières rencontres se mua sur son visage en une profonde détresse dissimulée par un regard morne. Les deux ninjas s'installèrent dans la petite salle de réunion autour de la table. Sans un mot, le Jônin les invita à se joindre à sa table pour ce qui semblait être un briefing périlleux.
« Kamui, Mayumi. Merci à vous deux d'être venus ce matin. Comme expliqué dans la lettre que je vous ai envoyés, si nous nous retrouvons aujourd'hui, c'est pour accomplir une mission au nom de l'équipe huit. Cette mission est d'une grande importance pour la Brume et ses citoyens. »
Le chef d'escouade marqua un silence, accentuant la gravité de la dite mission. Elle n'était pourtant que de rang B, bien loin de ce qu'avait pu connaître le vétéran sur Wasure. Après avoir discrètement déglutit, le regard fuyant, il poursuivit.
« En tant que ninjas de Kirigakure no satô, notre rôle est crucial pour assurer la sécurité et la prospérité dans l'Archipel. Jusqu'ici je ne vous apprends rien, j'imagine. Mais il arrive parfois que nous soyons confrontés à des situations désagréables, qui mettent en conflit nos convictions avec notre devoir. Nous sommes des guerriers, mais aussi des agents de l'ombre. Parfois, il est nécessaire d'accomplir des tâches peu reluisantes pour protéger autrui. Moi-même, en tant qu'individu, et Urumi de l'île de Saroruncasi, j'ai mes propres convictions, ma conception de la vie et de l'équilibre avec le monde. Mais, au nom de la Brume, et de notre équipe, j'espère que vous parviendrez à passer ce cap, tout comme moi. »
Conscient qu'il ne faisait que retarder l'échéance, le Kaguya de sang-mêlé approcha sa main du rouleau tant craint. De sa seule main droite, il déroula l'objet et le plaça au centre de la table, face à ses élèves.
« Je vous invite à présent à prendre connaissance de la mission qui nous a été assignée. En ma qualité de sensei, je prendrai naturellement le commandement de cette mission, et assumerai pleinement les conséquences de cette dernière. Néanmoins, j'aimerai dans un premier temps que vous me fassiez des suggestions pour accomplir cette mission. Afin de vous développer en tant que ninjas accomplis de la Brume. »
Il n'aimait clairement pas imposer aux siens ce qu'il abhorrait le plus. Pourtant, telle fut la volonté de la Brume. Et à cet égard, il n'avait d'autres choix que de la suivre. Face à cette dure réalité, le balafré de Saroruncasi leva la tête vers ses élèves. Ses yeux abandonnèrent toute tristesse, pour épouser avec détermination cette vérité glaçante.
« Je me serai bien passé d'en arriver là dans ma carrière, mais la vie de nombreuses personnes est en jeu aujourd'hui. Qui plus est, l'influence de notre cible est trop grande, trop néfaste, pour que la justice puisse opérer librement. Yamashi no Kamui, Sendai Mayumi, pour cette mission, notre homme se nomme Shimada Gozaburô. Et afin que l'harmonie continue de régner au sein de l'Archipel… »
Ses deux mains soutenaient tout son poids sur la table. Dans une grande inspiration, il s'élança. Les mots avaient besoin de sortir, pour que cette réalité se manifeste sans ambiguité, dans l'intimité de cette pièce.
Un mal pour un bienDepuis quelque temps, un entrepreneur influent de Kiri pose problème. Sa richesse venant d’exploitations agricoles sur l’île d’Obon, il est le propriétaire de tout un pan des quartiers populaires de Kiri. Cependant, tout le village sait qu’il dispose aussi d’activités sombres qui l’enrichissent. Jusqu’à maintenant, il n’était pas mis en danger car il reversait une partie de ses bénéfices pour loger la population. Or, la situation a changé. Il veut exclure les habitants pour raser le quartier et construire des commerces à la place. Personne ne veut lui faire entendre raison, si bien qu’il projette d’avoir recours à la violence pour appliquer ses envies. Il aurait même menacé de faire du chantage auprès des hautes instances de Kiri en envoyant des menaces envers le village. L’action est simple : éliminez-le. Néanmoins, il faut faire passer ce meurtre pour une mort naturelle aux yeux de tous. De plus, il ne se déplace jamais sans sa garde rapprochée.
Repérez les lieux, les différents paramètres et étudiez ses déplacements Établissez un plan Assassinez-le et masquez votre meurtre Faites votre rapport
Sitôt recruté, sitôt mandaté. La carrière de l'incroyable Charlatan de la Brume commençait sur les chapeaux de roue, visiblement. Une mission de rang B, s'il en croyait la convocation qui l'avait amené à venir se perdre dans l'une des salles de réunion du tout frais Complexe Shinobi, sorti de terre bien après son départ. Le rang, s'il traduisait la difficulté, avait fait naître plus de questions qu'apporté de réponses au Shimazu. Son intérêt, piqué, l'avait poussé à conjecturer en silence sur le chemin du rendez-vous.
L'accueil fut pour le moins perturbant pour lui. Nul ne lui avait jamais tenu tel discours à l'aube d'une intervention, ou d'une mission. Les temps ont changé, pensait le dévot, tandis que le Jōnin parvenait à la fin de sa tirade, annonçant avec gravité qu'ils étaient chargés d'une mission d'assassinat.
Le charlatan soupira lourdement. Avachi contre la table basse, appuyé sur ses deux avant-bras pour lire l'ordre de mission, il se redressa en plantant son regard dans celui de son supérieur. Dans les prunelles de Kamui, on ne lisait aucun désarroi, aucune surprise, aucune appréhension en dépit de ce qu'il venait d'entendre.
« Ça me va. »
Ces trois mots traduisirent avec une précision remarquable le ressenti profond du Shimazu. Cela lui allait, d'ôter la vie à un ennemi qui menaçait celles d'innocents. Il ne s'en réjouissait pas, il ne s'en voudrait pas : cela lui convenait simplement. Il l'avait déjà fait, et se l'était déjà pardonné - il savait qu'il avait les épaules pour ce genre de missions, d'expérience. Le calme et la sérénité avec laquelle il acceptait ce fardeau pouvant être dérangeant, voire inquiétant, il s'éclaircit la voix avant de reprendre de plus belle.
« Ça me va de guider cet homme jusqu'au Yomi, maintenant que la sentence capitale a été prononcée. Défier la Brume est une chose, jouer avec des vies pour assouvir son propre dessein en est une autre - en cet honneur, soyez assurés que ma main ne tremblera pas lorsqu'il s'agira de l'offrir au monde de l'impur. »
Ses paroles furent celles du dévot, plus que celles du protecteur de l'Archipel ; croyant de la Déesse de la Mort s'étant affranchi des sectes destructrices dirigées par ses propres frères de sang, il avait une relation toute particulière avec la vie et le trépas. L'idée que des innocents soient envoyés dans les bras de sa Mère prématurément, pour simplement convenir aux lubies d'un vulgaire mortel cupide, le révulsait au plus haut point.
Intérieurement, il espérait avec ferveur qu'il aurait le droit de porter le coup final, en tant qu'agent de la Déesse primordiale. Pour autant, il n'irait pas à l'encontre des ordres, s'il s'en voyait privé. Ses seules prières suffiraient à l'apaiser - l'âme de ce Shimada Gozaburô était, de toute façon, destinée aux ombres.
Le regard de Kamui dériva, scrutant finalement celle qui serait la troisième membre de leur groupe d'assassins. Comment réagirait-elle à l'honneur d'être désignée comme l'une des émissaires de la justice, et de la mort ? Une réponse qui, pour le dévot d'Izanami tout particulièrement, aurait une saveur toute particulière.
La première mission était tombée, telle une sentence inattendue, implacable, et avec elle, un appel à la rencontre, une réunion préalable entre les nouvelles recrues de la huitième équipe de la Brume et leur chef. Transcrite en un parchemin qu’elle avait reçu une journée auparavant, cette convocation ne laissait guère présager ce qui allait tantôt s'abattre sur la kunoichi, qui ne connaissait ni les tenants, ni les aboutissants de ce qui s’avérerait être une véritable défi, un choc à venir entre ses valeurs, ses aspirations les plus intimes et la dure réalité de la vie de shinobi.
Mayumi s’était donc conséquemment préparée à celle-ci du mieux qu’elle avait pu, et malgré les circonstances nébuleuses qui entouraient le débriefing. L’immaculée piétina tout de même un moment avant de pénétrer la pièce dans laquelle figurait déjà son sensei, Kaguya Shitekka, et un coéquipier inconnu. Être ainsi mise à l’épreuve, lors d’une mission en compagnie de son mentor et d’un partenaire étranger, l’affligeait d’une angoisse ayant jusqu’alors peu de comparatifs. Elle ne voulait pas leur faire faux bond, encore moins paraître idiote, ou faible. Face à deux supérieurs, le poids de la hiérarchie se faisait imposant sur ses frêles épaules, et leur regard, aussi difficile à supporter qu’un millier de rochers.
La Sendai inspira un grand coup, puis s’élança. Une brève courbette en guise de salutation, elle s’aventura aussitôt, sous les yeux du jônin et de l’autre homme, près de la table basse trônant en maître sur l’espace exiguë, et s’y installa en silence, buvant chacune des paroles d’un manieur d’os autrement plus bavard qu’à son habitude. Il y avait, de toute évidence, anguille sous roche. Et quelle anguille.
La gifle, d’une violence sans précédent, ne tarda point et frappa la genin de plein fouet. Couché noir sur blanc, l’ordre de mission, et son objectif, étaient clairs et sans appel : il leur faudrait tuer, pour épargner la vie. Assassiner, pour protéger des civils innocents. Là où la main de la justice ne semblait plus être en mesure d’étreindre de sa poigne de fer le malfaiteur, s’étalait désormais le territoire sombre de la faucheuse, qui réclamait à présent son dû; l’âme pervertie d’un être influent du paysage kirijin se verrait bientôt soutirée, et contre son gré.
Instinctivement, le corps tout entier de la belle églantine se crispa. Comme un unique spasme remontant depuis le bas de sa colonne vertébrale, tout son corps fut pris d’un frisson d’effroi. Ses poings se serrèrent fortement contre ses cuisses, tandis qu’elle terminait la lecture du parchemin déroulé devant eux. Ses prunelles rosées fuirent brièvement la scène, préférant la compagnie des murs et autres éléments architecturaux que la silhouette, dorénavant désagréable, du bout de papier.
La réponse du dénommé Kamui la répugna. Simple, d’un calme presque olympien, il exposa sa vision des choses. À la limite d’une dévotion incompréhensible pour la native du pays des neiges éternelles, celui-ci psalmodia d’étranges paroles, alliant impureté, honneur et un certain mysticisme dans une tirade peu digeste dans son ensemble pour l’immaculée, à laquelle elle protesta discrètement, en soufflant doucement du nez.
Lorsque le silence se fit à nouveau assourdissant, l’enfant de chakra soupira bruyamment. Elle n’avait aucune envie de répondre, en vérité, et doutait même de l’utilité de sa présence en ces lieux. Se défiler, pour autant, n’était pas une possibilité et aurait tôt fait d’entacher son dossier pour des mois, sinon des années. Se soustraire aux ordres n’était pas envisageable, qu’ils soient contraires à ses valeurs, ou en parfait alignement avec celles-ci. Une vérité cruelle, mais une évidence pour quiconque osait se targuer d’être shinobi, en ce monde. On ne choisit pas toujours les actions à poser. L’espace d’un instant, elle regretta, bien malgré elle, de ne pas s’être extirpée des griffes de l’équipe du Kaguya lors du précédent apprentissage, en sa compagnie.
« Une mission est une mission, n’est-ce pas, sensei? Si on n’a pas le choix... »
Les doigts de la jeune femme se nouaient nerveusement, tandis qu’elle remettait de l’ordre dans ses pensées. Le chaos régnait toujours dans son esprit, perturbé par l’annonce de son mentor et l’écho d’un passé baigné dans le sang et la souffrance. Celle qui s’était jurée de défendre à tout prix la vie, suivant la chute de sa tribu et le soudain décès de son paternel, celle qui n’avait de cesse de contempler sa propre épée de Damoclès, devait se résigner à appliquer le jugement de Kiri sur un homme dont elle ne savait pratiquement rien. Un parfait étranger.
« Je suis contre ce genre de pratiques. J’aspire à protéger la vie, peu importe la situation, autant que cela soit possible. Mais… Je peux comprendre que le village doive en arriver là. Si cela permet de sauver des civils, ça me va aussi. »
Un mensonge qui fit légèrement grincer des dents la kunoichi. Évidemment, son corps entier détonnait face à ses propos. Péniblement, elle poursuivit, d’un ton aussi détaché que possible, bien qu’elle ne pût tromper quiconque davantage. Les mots se bousculèrent donc en un flot long, et ininterrompu; la dernière défense d’une gamine submergée sous sa propre vulnérabilité. Elle jouait à la grande, mais se sentait bien petite, face à ses deux compagnons expérimentés.
« Que sait-on sur ce Shimada Gozaburô, sinon qu’il soit un entrepreneur influent au pays? »
Un questionnement simple, auquel elle ajouta aussitôt :
« J’ai peut-être quelques idées, remarques, ou suggestions, sensei. Tout d’abord, je crois qu’il nous faudrait éviter toutes armes tranchantes, ou autres moyens pouvant laisser des traces physiques sur le corps de cet homme. Lui soutirer son énergie vitale serait le plus approprié… ou alors utiliser quelque chose qui ne serait pas découvert facilement. Un poison, peut-être, et qui ne neutraliserait pas directement la cible. Passer outre sa garde rapprochée ne sera pas évident, j’imagine. Je... »
L’ombre d’une idée semblait poindre le bout de son nez, mais cette possibilité ne lui plaisait pas. Incapable de trouver mieux, elle déglutit péniblement. Sa naïveté allait en prendre un coup, pour sûr.
« Un homme d’une telle opulence, et brassant des affaires obscures… Doit aimer la compagnie féminine, non? De l’alcool, des drogues... une soirée bien arrosée, une… jeune et jolie... hôtesse… du poison… Ce serait peut-être un moyen d’éviter de se frotter à ses hommes de main et d’accéder directement à la cible, tout en faisant passer sa mort pour un simple excès de substances illicites, non? Enfin, ce n’est qu’un remue-méninges. Qu’en... pensez-vous ? »
Le malaise était palpable, mais si cela lui permettait d’éviter de s’étendre plus amplement sur la finalité de cette mission, le prix semblait bien minime. Il ne restait plus qu’à attendre la réaction de son mentor et de Kamui.
Face à la gravité de la situation, Kaguya Shitekka en oubliait presque que ses deux élèves ne s'étaient jamais rencontrés auparavant. En tout cas, pas à sa connaissance. Encore moins en sa présence, en leur qualité de membres de la Huitième. Mais cette omission révélait bien toute l'inquiétude qui gagnait le sensei. Surtout concernant l'un de ses deux éléments présents aujourd'hui. Tandis que le premier à s'exprimer afficha avec une grande aisance son aptitude à ôter la vie, la seconde confirma les soupçons de son supérieur. Sendai Mayumi abhorrait le meurtre sous toutes ses formes. Néanmoins, elle tenta de légitimer cet acte tout comme son sensei. Les deux se mettaient des œillères sur leurs principes, au nom de la justice sociale, et d'un calcul statistique qui pondérait l'inestimable vie d'un criminel contre celles d'une poignée d'innocents.
Malgré ce tour de force mental, Mayumi trouva les ressources pour affronter la mort. Elle avait proposé quelques pistes pertinentes pour maquiller au mieux cet assassinat commandité par le Palais de la Brume. Des zones d'ombre subsistaient quant à la faisabilité de ce projet, mais en acquiesçant machinalement de la tête, Shitekka donnait déjà son aval à la poursuite d'une telle entreprise risquée. Le choix du poison s'avérait judicieuse. D'autant que l'un des deux disciples de l'équipe disposait de connaissances pointues en la matière. Lequel fut, pour le moment, peu coopératif, sinon pour manifester son indolence quant à la suppression de Gozaburô.
« C'est une piste intéressante, Mayumi. Risquée, mais intéressante. Parmi les éléments qui me sont parvenus sur notre homme, on dit qu'il lui arrive de côtoyer quelques jolies filles pour égayer ses soirées. Mais les informations sont assez floues sur la nature de ces soirées, d'autant qu'elles ont eu lieu chez lui. Un grand domaine en bordure de la cité qui est à l'abri des curieux. Le tout férocement gardé, j'imagine. »
Le Jônin de Kiri souffla du nez. Shimada Gozaburô n'avait rien de la biche innocente qui se laisserait prélever par quelques chasseurs. Bien au contraire, il avait tout du requin agissant en bande, donnant l'illusion aux petits poissons un semblant de quiétude avant de festoyer. Après un dernier coup d'œil sur le permis de tuer le requin, Shitekka s'adressa à ses élèves.
« Kamui. D'après ton dossier, tu as des connaissances dans l'art des remèdes et des poisons. Est-ce que tu aurais une suggestion qui irait dans le sens de celle de ton équipière ? Il nous faudrait quelque chose d'imperceptible, au nez comme en bouche. Si possible, qui donne la mort discrètement, pas dans l'immédiat. »
Sa demande paraissait probablement exigeante. Mais il préférait exiger le mieux et se débrouiller avec ce qu'ils avaient à disposition pour partir sur de bonnes bases. Ce serait peut-être aussi le moyen de challenger l'apothicaire qui sommeillait en Kamui. Quoiqu'il en soit, quelque soit la nature de ce remède à la corruption, Shitekka avança quant à la stratégie de cette mission.
« Bien. Alors voilà comment on va procéder. Mayumi. Tu vas enquêter dans le quartier rouge de Kiri. Renseigne-toi sur ses contacts, intègre ses réseaux. Il faut qu'on sache avec quelles filles il organise ses soirées, pour qu'on puisse éventuellement infiltrer son domaine et le neutraliser une fois pour toute. »
Son attention se focalisa ensuite sur son dernier élève en date.
« Kamui. Tu vas venir avec moi pour suivre les déplacements de monsieur Shimada. Il faut qu'on se renseigne sur ses gardes, sur les lieux où il se rend, et qu'on en sache davantage sur sur son domaine. Aux dernières nouvelles, il y a trois zones où il a été aperçu récemment. Les rizières d'Obon, où se trouvent les terres qu'il possède. Le port, où il négocie avec des marchands. Et enfin le Palais de la Brume. Là, c'est plus flou, mais j'imagine qu'il y va pour faire pression sur les autorités. Pour commencer, on va simplement prendre la température auprès de sa garde et le prendre en filature, histoire de ne pas se faire remarquer. »
À ce stade, deux groupes se formeraient pour préparer le terrain. Mayumi dans le quartier rouge, et Kamui avec son sensei sur les traces de Gozaburô le squale. Le balafré en question se leva lentement, et invita ses élèves à faire de même pour partir à l'action.
« Si vous n'avez pas de questions, alors allons-y. Je suis conscient que la mission ne se résoudra pas en une journée. Alors nous nous retrouverons dans cette même pièce ce soir pour faire le point sur nos avancées, et préparer la suite des opérations. Compris ? »
Telles des vagues se fracassant contre le rivage, ne laissant dans leur sillage qu'une épaisse couverture d'écume blanchâtre, les prunelles de la belle églantine s'échouèrent aux confins de la pièce exiguë, balayant murs et ornementations plutôt que d'oser se noyer dans l'éclat mordoré des perles de son mentor. Car en cet instant où le balafré donnait son aval aux suggestions de l'immaculée, il n'y avait plus que le tourment et le regret pour occuper l'esprit de l'élève à l'imagination fertile. Ô comme la jeune kunoichi aurait voulu rembobiner ce mauvais film pour faire s'évanouir dans la mutisme le plan qu'elle avait élaboré à l'arrache, pour faire s'effacer dans le silence les mots qui étaient parvenus à s'extirper de ses lèvres déliées.
À présent, les dés avaient été lancés. Désormais, la genin était paralysée, tétanisée face au rôle dégradant qu'elle s'était si docilement imposée dans cette sombre affaire d'assassinat. Gagnée par la panique, elle résista tant bien que mal à l'envie de déguerpir la queue entre les jambes. Plutôt que de fuguer à nouveau, plutôt que de jeter son dévolu sur la porte close à ses côtés, sa dextre vint se réfugier contre l'ultime rempart qui s'offrait à sa personne dans cette lutte intérieure face à l'angoisse du moment : une banale écharpe aux accents bleutés, cadeau de sa mère et symbole de son appartenance aux forces de la Brume. Protégée par ce bouclier imaginaire, les doigts resserrant fermement les pans du vêtement, l'horreur fut, l'espace d'une seconde sans doute, quelque peu tamisée. De par ces sensations tactiles, il en vint à poindre une lueur de courage dans les sombres recoins de l’esprit perturbé de la barbare. Juste assez, du moins, pour égayer à nouveau l’espace clos de sa timide voix sibylline.
« Si ce que vous dites sur notre homme est vrai, sensei, alors… Je… Je… pourrais chercher à en savoir davantage sur le contenu de ces soirées. Peut-être qu'on pourrait y découvrir des failles, les moments les plus propices à l'utilisation du poison. Sans compter que ça nous permettrait d'améliorer notre couverture, et nos chances de… succès. Tout en assurant ma… notre sécurité, bien sûr. »
L’imaginaire de l’églantine se refusait encore à participer à pareille ignominie. Il n’y avait que l’intérêt grandissant de la genin pour l’infiltration et la collecte d’informations pour lui permettre de se tenir la tête hors de l’eau, pour la pousser à avancer des idées inédites concernant l’atteinte du macabre objectif. Ainsi, inspirant bruyamment de plus belle, l’enfant de chakra poursuivit, sans égard pour le coéquipier à ses côtés.
« Est-ce que vous auriez quelques informations sur le quartier rouge du village? Je crois que ça m’aiderait à mieux cibler des établissements, ou des gens, pour lancer mes recherches. Je… ne connais presque rien des lieux, je l’avoue. »
Mal à l’aise, la Sendai hésita. Une autre idée venait de lui traverser l’esprit. Une nouvelle voie d’ouverte dans cette quête vers la mort. Incertaine quant à celle-ci, elle préféra en faire tout de suite part à son mentor.
« J’aurais peut-être une idée, sinon : Lors d’une mission pour le compte de la Kenpei, j’ai pu établir un contact avec un vendeur de drogues d’un quartier à proximité du port. Un certain Yamaguchi, un homme de noble apparence, particulièrement charmant et manipulateur. Il avait accepté de collaborer avec nous pour terrasser la concurrence, qui proposait de la Nova, une substance aux effets douteux… Malheureusement, il a été arrêté, lui aussi. Vous croyez que je pourrais essayer de tâter le terrain en le rencontrant, à la prison? Je me doute qu’il trempe dans bien plus que le commerce de substances illicites. Il doit sûrement avoir eu vent de certaines rumeurs, informations ou posséder des liens dans le domaine. Il y a peut-être possibilité de nous assurer de sa collaboration, moyennant quelque chose? Qu’est-ce que vous en pensez, sensei? »
La discussion terminée, les rôles distribués, l’heure était venue de se mettre à la chasse au requin. Tandis que le balafré se relevait, un comportement étrange de la part de la nouvelle recrue de la huitième formation attira l’oeil curieux de la femme à la chevelure d’argent. Dans un murmure à peine audible, l’homme souffla quelques mots à l’oreille du jônin, puis disparut dans le dédale de couloirs du Complexe Shinobi, laissant en plan le duo de guerriers de l’ombre. Le silence se fit assourdissant, lourd. Qu’avait-il bien pu prononcer? Perplexe, Mayumi posa son regard sur le Kaguya.
Le briefing touchait à son terme. Chacun connaissait son rôle dans cette mission d'assassinat. Si bien que Yamashi no Kamui se contenta d'un simple hochement de la tête. L'apothicaire serait amené de toute manière à disposer de davantage d'informations sur le chemin aux côtés de son nouveau sensei. Quant à la ressortissante de Yuki, les choses se déroulèrent différemment. Emmitouflée dans son écharpe, la demoiselle des neiges tentait d'étoffer son approche dans le quartier rouge. On sentait une certaine gêne dans son élocution, manifestement induite par les responsabilités qui lui furent confiées pour cette mission. Shitekka demeura silencieux, le temps que la kunoichi s'exprime. Il connaissait sa propension à s'exprimer longuement, quitte à traduire le fond de sa pensée en un profond laïus trahissant ses sentiments.
« En toute honnêteté, je connais pas grand chose du quartier rouge de Kiri, à part les lampions qui lui donnent son nom. En revanche, ce que je présume, c'est que notre cible n'est pas le premier idiot venu. Il doit avoir des exigences, des habitudes, des moyens. Ça m'étonnerait fort qu'il fréquente les établissements de la plèbe. Ce sont des établissements de renom, donc faciles à trouver dans ce quartier, que tu dois viser. Et qui dit prestige, dit exigences à l'entrée. Tu devras par conséquent savoir te mettre en avant. Si tu sais jouer de la musique, chanter, … tout ce qui dépasse le simple cadre du physique tu donneras un avantage. »
Conscient des implications de cette mission, Shitekka échangea un long regard avec son élève. Lui en tant qu'homme n'aurait probablement jamais à devoir utiliser son corps ainsi. Il ne saurait certainement jamais la pression exercée sur la gente féminine. Pour cette raison, il la remerciait d'avance, dans une expression pleine d'empathie et de sérieux.
« La Kenpei, hein ? … Hum, je doute que cet homme nous soit utile dans l'immédiat. La priorité, c'est d'infiltrer le quartier rouge, et d'en apprendre davantage sur notre cible avant de frapper. Garde quand même cette idée dans un coin de ta tête, au cas où on aurait besoin d'indices en plus pour être à l'aise le jour J. »
Avant d'aller plus loin, et d'en entendre davantage de la part de Kamui, Shitekka préféra cependant ajouter une précision qui lui paraissait si évidente qu'il oublia de l'évoquer plus tôt.
« Mayumi, Kamui. N'oubliez pas une chose : quoiqu'il arrive, ne tentez rien qui vous expose inutilement au danger. Certains ont tendance à affirmer qu'un shinobi doit vouer sa vie à sa patrie, et que c'est dans la mort qu'il s'accomplit. Ces histoires d'honneur et de devoir, très peu pour moi. Un shinobi mort, c'est un shinobi qui ne sert plus à rien. Tant que vous êtes encore en vie, alors vous pouvez contribuer à protéger l'Archipel. Votre sécurité prime sur le reste. Cela vaut aussi bien pour toi Kamui que pour toi Mayumi. C'est compris ? »
Après cet aparté, Shitekka fut rapidement interrompu dans son élan par Kamui. Le dernier arrivant de la huitième escouade lui glissa quelques mots à l'oreille, qui eurent l'effet d'un poison. Le charlatan se leva, puis disparut, laissant un sensei à cran. Il peinait à contenir ses émotions, à serrer le poing sans manquer de briser la table qui soutenait tout le poids de son bras convulsé. Par chance, son élève restante le tira de la rage qui naissait dans ses pensées. Il tourna la tête en sa direction brutalement, avant d'éteindre le feu qui rongeait ses iris mordorés.
« Non. Aucun problème, Mayumi. Et maintenant que tu en parles… on va légèrement changer de plan. Cet homme, Yamaguchi, il est fiable ? Je te donne carte blanche pour lui tirer les vers du nez. J'ai besoin qu'il nous refile sa came la plus forte. Avec ça, Gozaburō aura de quoi s'amuser… avant de mourir d'overdose. »
Il se releva par la suite. Avec ses iris d'or incandescent, il lorgna sur la sortie et se dirigea vers l'antre du Kyōi. Finalement, plutôt que de prospecter les lieux où sa cible serait susceptible de se déplacer pour l'inspecter plus facilement, le Kaguya en décida autrement. Il désirait frapper au cœur de son repère, à la faveur de la nuit : le Gardien du Saroruncasi attendrait l'aube du soir pour inspecter le domicile de Gozaburō afin de préparer la nuit de sa disparition. Avant de disparaître, le Spectre délivra un ultime conseil auprès de sa dernière élève.
« Si jamais tu as un souci, et que tu sens avoir besoin d'aide, alors lève les yeux dans le ciel étoilé. Là, cherche la silhouette du hibou blanc et appelle-le. Il t'aidera dans ta quête. »
Lorsque le soleil disparut dans l'horizon, l'hibou blanc fit son apparition. Émissaire de la Lune, l'oiseau dominait les cieux nocturnes à la recherche de sa proie. La disparition inopinée de Yamashi no Kamui força le balafré à changer ses plans. Plutôt que de prendre le temps d'étudier les déplacements de sa cible, Shitekka choisissait de frapper au coeur de l'antre de la bête. Au gré des vents marins et de ses ailes, Shitekka atteignit le domaine de Gozaburō. Une imposante cloture définissait un vaste terrain boisé, le tout ponctué de bâtisses dans un style on ne peut plus traditionnel. On distinguait parmi les bambouseraies quelques fleurs bien entretenues, un jardin zen, et un stand de tir à l'arc. Une unique entrée au sud conduisait au bâtiment principal. En perdant de l'altitude, le Kaguya remarqua la présence de gardes lourdement armés postés autour de cette entrée. Impossible de passer en force, tant le dispositif de sécurité avait été renforcé au gré des années.
Mais pour celui qui troqua ses bras pour des ailes, et ses jambes pour des serres, le ciel était sa seule limite. Shitekka s'envola sur le toit de la bâtisse principale. Là, il distinguait quelques gardes qui effectuaient des rondes autour du bâtiment. A travers les fenêtres et les maigres lumières, il y devina des pièces à coucher, et plus bas de quoi dîner. Sans aucun doute la bâtisse qui trônait au centre du domaine constituait le repaire principal de sa cible. L'immensité du château imposa à Shitekka d'être attentif à chaque fenêtre, chaque allée susceptible d'être surveillée. Mais cette dangerosité offrait cependant davantage de possibilités d'infiltration pour celui qui assumerait dorénavant le trépas de Gozaburō. Le Jōnin étudia longuement la structure du lieu, le dispositif de sécurité déployé. Il nota les entrées possibles, les failles du système. Malgré l'opulence affichée par Gozaburō, la grandeur de sa demeure se retourna irrémédiablement contre lui. Contre un intrus lambda, sa sécurité s'avérait impénétrable. Mais pour quiconque bénéficiait du don du Kotan-kor-kamuy, c'était une toute autre affaire.
Ainsi Shitekka repéra une fenêtre conduisant à un couloir isolé au troisième étage. Au deuxième étage, il nota une entrée du même acabit, mais plus risquée, cette fois-ci. Si la première s'avérait plus pénible à forcer, et plus simple ensuite à exploiter, la seconde était au contraire plus facile à forcer mais s'exposait davantage aux rondes des sbires de Gozaburō. Le membre du Kyōi devrait composer avec ces deux paramètres. Alors qu'il tenta de déterminer l'endroit où serait susceptible de passer la soirée sa proie, il fut dérangé par un molosse qui fut alerté par les inspections de l'homme-oiseau. Ce dernier pencha la tête vers l'extérieur, et interpella ce qu'il interprétait comme un intrus :
« Qui va là ? »
Aussitôt en danger, Shitekka préféra s'extraire malgré son camouflage aviaire. Il hulula pour tromper la méfiance du garde, et décolla pour quitter définitivement l'enceinte de la tanière de Gozaburō. Lorsqu'il retourna auprès des spectres du Kyōi pour noter ce qu'il avait observé ce soir, un de ses collègues se présenta à lui avec une note en main. Un changement soudain dans les consignes de sa mission. En parcourant les quelques lignes qui attestaient de ces modifications, les bras du Kaguya se tendirent, avant de trembloter. La poigne qu'il exerça sur la feuille de papier s'intensifia, avant qu'il ne réalise la situation : dorénavant, il serait seul sur cette mission. Et probablement au sein de son équipe, aussi.
« Osoma… »
Malgré la grogne qui montait en lui, Shitekka essaya de rester stoïque auprès de son camarade de l'unité spéciale. Il se contenta de hocher la tête et de remercier ce dernier avant de rejoindre son domicile. Si la nouvelle l'avait affecté, il tenta de convertir son agacement en quelque chose de mieux. Une motivation nouvelle émergeait des pensées sombres du Kaguya. Quand il releva la tête vers le ciel étoilé qui surplombait le toit de son immeuble, il se jura de mettre un terme aux agissements de Gozaburō par ses propres moyens. Une pensée avait besoin de sortir de l'esprit du guerrier. Dans une posture assez solennelle, il fixa les constellations et se laissa submerger par le ramat environnant.
L'écho d'une marche calme et inarrêtable éclata en ce jour dans les couloirs marmoréens de la geôle de Kiri. Dans la propriété des Yuki, un homme attendait une visite, qui fut organisée à son insu. Une petite pièce avait été aménagée à l'occasion. Aucune chaleur ne se dégageait de cette salle sans fenêtre, sinon la lueur jaunâtre de la lanterne. Le détenu attendait silencieusement au centre de la pièce, la tête abaissée, perdu dans ses pensées. Il la releva aussitôt que le bruit de la porte le tira de ses réflexions, suivi de celui d'une chaise tirée en face de la sienne.
« Je vous remercie de votre temps, monsieur Yamaguchi.L'homme accompagna la parole d'une brève salutation. — Depuis que je séjourne ici, c'est bien la seule chose qu'il me reste. »
En un léger soupir, le prisonnier peigna tant bien que mal sa chevelure grasse en arrière avec ses doigts fins comme des clés de cellule. Il se permit de reprendre.
« Que me vaut l'honneur de votre visite ? Je m'excuse de ne pas pouvoir vous recevoir en des conditions plus acceptables,plaisantait-il, en soufflant du nez. Son accent portait en lui une assurance d'aristocrate, malgré ses haillons de détenu. — Je travaille sur une affaire délicate, monsieur Yamaguchi, qui nécessite votre aide. Vous et moi partageons une connaissance, celle-là même qui m'a conduit jusqu'à vous. Une certaine Mayumi. — Humm… oh ! Oui, bien sûr.Il cessa de réfléchir en passant ses doigts dans sa fine moustache.Yuki Mayumi. Comment oublier ce joli brin de femme. Nous avions passé une délicieuse soirée ensemble autour d'un verre, ou plusieurs, je ne sais plus trop maintenant. — Rassurez-vous, ma présence ici ne concerne en rien la teneur de cette "délicieuse soirée". Ni le nombre de verres que vous avez pu boire ensemble. »
L'ancien trafiquant releva la tête pour mieux observer son interlocuteur. Il fut captivé par l'ambre de ses yeux aux fentes aquilines qui réverbéraient indistinctement l'éclat de la lanterne. Avec ses mains jointes sur la petite table et ses lèvres humectées, son attention fut toute portée sur le Sans-Visage.
« J'ai eu vent de vos … activités passées. On dit que vous étiez le cuisinier idéal des quartiers de la Brume. Vous saviez toujours quel arôme apporter pour telle soirée, quel sel serait le plus adéquat pour relever les existences de vos clients. Vous confirmez ? — … probablement.Sa maigre réponse épousait les contours d'une méfiance mesurée. — Bien… Alors dîtes-moi. Supposons que quelqu'un souhaite offrir à une personne … son dernier repas. Un met dont il appréciera les saveurs avec délice, sans se rendre compte qu'il s'apprête à rendre son dernier souffle. Quelle épice suggéreriez-vous pour agrémenter discrètement ce repas, afin de s'assurer qu'il apprécie la cène jusqu'à la dernière miette, jusqu'à son dernier souffle ? »
Pas un bruit. Pas un son. Le prisonnier consulta le silence, face à la proposition cruelle de son vis-à-vis. Plusieurs fois, il hésita à relever la tête vers les deux ambres de prédateur qui le scrutaient en permanence. Il ne savait pas s'il avait affaire avec un homme, ou bien un fauve. Ni l'un ni l'autre, en réalité. C'était bien le rapace qui faisait le lien entre l'humain et le bestial chez son interlocuteur.
Le détenu avait pris la pleine mesure des paroles qui lui furent adressées. Son port altier se dégrada alors que ses doigts s'entrelaçaient pour évacuer la tension.
Sous le mode du réveil brutal, une voix éclata dans le vide. Il fallait presser l'individu.
« Je vous sens nerveux, monsieur Yamaguchi.Son ton était sans équivoque d'une rhétorique irréfutable, quoique teintée d'une compassion subtilement dosée, qui vint croître par la suite.Je suppose que votre séjour ici n'est pas des plus agréables. Surtout en si mauvaise compagnie. — …L'homme se refusa à répondre. A écorner davantage ce vernis de gentilhomme qui s'effritait depuis des mois pour ne cacher qu'à demi-mot l'ombre d'un trafiquant derrière les barreaux. — Allons, monsieur Yamaguchi. Hum… je comprends. Peut-être seriez-vous plus bavard, plus détendu, si j'allais glisser un mot aux geôliers pour vous offrir une chambre plus digne de votre stature ? Une pièce pour vous seul, loin du tracas de quelques colocataires. Qu'en dites-vous ? »
Yamaguchi fut percé à jour, alors que ce même regard perçant ne cessait de le fixer. Il ne put réprimer la fatigue qui tiraillait son regard. Ni occulter son décharnement qui résultait de son régime carcéral. Encore moins dissimuler les sévices de l'hôtel tenu par les Yukis, occupé par la pègre de Mizu. Toutes les stigmates, ces indices de la décrépitude d'un homme qui échouait à maintenir sa façade de bourgeois respectable, furent percés à jour par son vis-à-vis. Les moindres subtilités de l'esprit forgeant la chair inconsciemment n'échappaient pas à celui rompu aux méthodes d'observation du Kyōi.
Yamaguchi détendit ses muscles, relâcha les épaules. Il s'avoua vaincu sans le dire. Dans un long soupir, il releva la tête, et glissa quelques mots.
« La larme du shinigami. C'est une préparation de ma composition. A faible dose, elle procure euphorie, sentiment de confiance, de supériorité. Idéale pour la virilité. Augmentez la dose, et elle conduira lentement à la mort sans que vous ne vous en rendiez compte. Je ne la réserve qu'aux clients qui ont déjà tout essayé, et qui cherche une ultime solution à leurs tracas. — La larme du shinigami donc… — Oui, monsieur. Elle se marie à merveille avec les boissons, alcoolisées ou non. Une épouse docile, discrète, mais qui sait ravir ses époux, avant de se faire veuve noire. »
L'ancien vendeur essaya de relever la pente en présentant sa solution avec le même entrain commercial qu'il adoptait dans sa vie antérieure. Ses mains accentuaient ses explications, et il en oublia presque qu'il se faisait complice d'un meurtre, alors plongé dans la nostalgie du moment. Qu'importe. En acceptant à demi-mot l'offre de son vis-à-vis, il se retrouverait seul dans une cellule, plus facile à surveiller, incapable de faire part du pacte avec le diable qu'il venait de sceller. L'homme-rapace acquiesça.
« Eh bien, monsieur Yamaguchi, je vous remercie de votre sollicitation. Soyez-en fier ; votre préparation saura apaiser les tracas. Oui… les tracas de la Brume. Les Yuki seront certainement sensibles à cette main tendue de votre part, et probablement reconnaissants à votre égard. Sur ce, je me dois de vous quitter. Merci une fois de plus pour cet échange très fructueux. Avant de se quitter… je suppose que je pourrais retrouver cet élixir dans votre inventaire ? — … oui, tout à fait. »
Alors qu'il ajusta nerveusement sa chevelure huileuse, Yamaguchi assista sans dire mot au départ du Sans-Visage. Il disparut dans l'ombre des couloirs avec la même furtivité que lors de son arrivée. Il fut reconduit à sa cellule, laquelle serait amené plus tard à évoluer pour plus de confort. Le confort d'un dandy de façade, dealer dans sa chair, qui avait un prix : la vie d'un autre malfrat.
Dernière édition par Kaguya Shitekka le Dim 6 Mar 2022 - 19:35, édité 1 fois
Le lendemain de la "discussion" entre les barreaux, l'agent du Kyōi se préparait à avancer un à un ses jetons dans la bataille. Seul dans la préparation de cet assassinat, Shitekka préférait miser la prudence plutôt que l'action. En tant qu'ombre parmi les ombres, il savait l'intérêt de cultiver le secret de la mort. Surtout s'il se retrouvait à se confronter en solitaire face à un magnat de Mizu no Kuni. Le plan du Jōnin se mettait alors progressivement en place. Et ce fut comme s'il sentait que les fils de son intrigue se resserraient peu à peu sur sa proie. Au centre de cette toile d'araignée, le Kaguya trouvait dans ce contrôle de la situation un exutoire à sa crainte d'ôter la vie. Ce n'était pas un coup de sang, une impulsion bestiale qui répondait à la soif de vengeance ou de haine. Non, l'individu s'abandonnait à l'intérêt du collectif. Shitekka trouvait dans cette réflexion un apaisement insoupçonné, et il songea longuement sur son chemin aux moments passés avec les siens sur Saroruncasi.
Il faisait nuit lorsque l'Urumi déambula dans les ruelles éclairées lascivement au gré des lanternes rouges. Certains auraient pu penser qu'un jeune homme isolé, à l'accoutrement exotique, chercherait quelque réconfort charnel dans ces lieux. Mais il n'en fut rien ; sinon l'illusion procurée par ce masque de chair singeant l'innocence. Le faux regard bleuté de Shitekka erra à travers chaque bâtisse, afin d'identifier celle qui l'intéressait. Il résista à l'appel des sirènes au seuil de ces temples de la débauche, tout en poursuivant son œuvre. Au bout de quelques minutes, le ninja de la Brume s'arrêta devant une prétendue maison de geisha. Si sa devanture présentait l'établissement comme un service tout à fait respectable, Shitekka avait bien fait ses devoirs en sa qualité de membre du Kyōi.
Ainsi, en pénétrant dans l'enceinte de la bâtisse, l'homme mit tout ses sens en alerte. L'atmosphère apaisante, à base d'encens et de musique traditionnelle, n'était qu'un paravent. Une barrière de respectabilité illusoire qui couvrait le parfum et la mélodie de la luxure. Accueilli par une charmante jeune femme, Shitekka prit les initiatives. Le temps des formalités passé, il décida d'aller à l'essentiel.
« Je souhaite rencontrer votre Okāsan, s'il vous plait. »
Son fin sourire innocent trompa la méfiance de la geiko, qui obtempéra sans se douter de la suite. Quelques instants plus tard, une femme plus âgée se substitua à l'hôtesse, et elle convia le Kaguya à la suivre dans une petite pièce. Au sourire trompeur de Shitekka, la patronne des lieux opposa un sourire mielleux, déformé par l'appât du gain. Les deux personnes se firent face, assis à même le sol.
« Bienvenue à Enpa no Ochaya, monsieur. Comment mes filles peuvent vous rendre service, en cette douce soirée ? J'ai à votre disposition une grande variété de talents selon vos préférences. Vous avez frappé à la bonne porte, monsieur. — Oh, hé bien j'ai de la chance ! Il lâcha un rire embarrassé, avant de poursuivre.Hum, alors à vrai dire… je suis à la recherche d'un service… un peu… particulier. — Allons, jeune homme, ne soyez pas gêné, huhu. Vous n'avez rien à craindre entre ces murs. Vous êtes au bon endroit. Faites-moi confiance, monsieur. Dîtes-moi ce qu'il vous ferait plaisir, et mes filles se feront une joie de vous offrir un service de qualité… »
Le sourire de Shitekka s'effaça.
« Murai Ieyoshi. Kuroba Yoshikazu. Gamo Akihiro. Keikain Jinzaburo. Keikan Hiro. Oyakawa Hideaki. Noyamano Tomokazu… Ces noms vous sont familiers, n'est-ce pas ? »
A son tour, le visage fardé de blanc de l'Okāsan se décomposa. Même derrière son maquillage, elle fut bien incapable de masquer sa surprise, et son terrible embarras. Elle hésita à répondre, et Shitekka préféra alors insister davantage.
« Ne vous en faites pas, madame, je n'ai pas besoin de votre confirmation. Mes sources sont certaines quant à ce sujet. En revanche, vous avez de la chance que cette information n'ait pas fuité dans le quartier des plaisirs. Quel scandale ce serait, si l'on apprenait que votre respectable établissement soit visité par des pirates, des escrocs ou pire encore, d'anciens criminels de guerre ! Les rumeurs vont bon train dans votre milieu, qui plus est. Et je ne suis pas sûr que cette information soit raisonnablement transmise de proche en proche sans être déformée. — Mais, qui ê- — Qui je suis, cela n'a guère d'importance. Je suis un client, comme les autres, n'est-ce pas ? Et si je suis venu ici, c'est pour un service. Je suis au bon endroit, vous m'avez bien dit ? Madame, si je viens vous rencontrer ce soir, c'est car j'ai besoin d'une simple faveur. Je doute que cette faveur fasse parti de votre catalogue habituel, aussi le prix associé sera simple : faites honneur à votre établissement, et je vous assure que cette malheureuse information au sujet de vos clients passés ne sera plus qu'un mauvais souvenir. »
La patronne se figea sur place, ancrée dans le doute et la confusion. Shitekka la "rassura" d'un sourire carnassier. Le Sans-Visage avait scrupuleusement épluché les dossiers du Kyōi au sujet de cette prétendue maison de thé pour trouver quelques dossiers à mettre sur la table. De quoi forcer la coopération quoiqu'il en coûte. Et garantir que cette coopération ne se retourne à aucun moment contre le Kaguya. Ce dernier patienta calmement de longues secondes, avant d'attendre la réponse tant espérée de sa part.
« Je… je vous écoute, okyaku-sama. — Je vous remercie de m'accorder cette faveur. Voyez-vous, j'ai un ami qui a des passions assez simples : la bonne boisson, la musique et la bonne chère. J'ai besoin que l'une, ou plusieurs de vos filles se prêtent à l'exercice. Avec le prestige de votre établissement, je ne doute pas que mon ami sera sans aucun doute intéressé par vos services. Il préfère se divertir à domicile plutôt que se déplacer, mais je suis sûr que cela ne posera pas de soucis à vos filles. Et il se pourrait qu'à un moment donné, j'ai besoin que l'un de vos filles puissent me rendre service au cours d'une de leurs représentations. »
La demande paraissait, en surface, peu suspecte. Mais lorsque Shitekka glissa le nom de cet ami à voix basse, la propriétaire des lieux manqua un battement de cœur. Elle connaissait le personnage, et surtout sa dangerosité. La quinquagénaire réalisa alors la portée d'une telle demande. Elle se doutait que cet ami dont parlait son client n'en était probablement un, et que des complots sanglants se tramaient dans l'ombre. Pourtant, après avoir évalué le risque de l'offre du Kaguya, cette dernière se décida à acquiescer en faveur du balafré. Elle ne se doutait pas nécessairement que son client appartenait à l'ordre des spectres de la brume. Mais la menace imminente qui pesait sur la réputation précieuse de son établissement lui suffit à trancher.
« Je ferai mon… mon nécessaire, dans ce cas, okyaku-sama. Je vais faire fonctionner mon réseau pour proposer nos services à votre ami, le temps d'une soirée. »
La patronne de l'Enpa no Ochaya essaya de se rassurer de son mieux. Elle songea à Shimada Gozaburō. Peut-être risquait-il de mourir ? Dans ce cas, cela enleverait probablement une épine à son pied. Indirectement, elle contribuerait à la prospérité de la Brume. Une manière pour elle de se racheter en dépit des connivences avec quelques malfrats de Mizu no Kuni.
« Je vous remercie Tsujihara-okāsan pour votre aide. Je vous prie de croire que je m'engage sincèrement à occulter à jamais vos travers passés. Après tout, tout le monde fait des erreurs, mais chacun mérite une seconde chance, n'est-ce pas ? Je vais à présent vous laisser. Je reviendrai bientôt, pour prendre des nouvelles de l'avancement de la faveur que vous m'avez accordé. »
Shitekka salua respectueusement la patronne de la maison de geishas du quartier des plaisirs, puis se leva pour partir. Tsujihara-san, encore estomaquée de cette entrevue, se contenta de lui rendre la pareille timidement, sans jamais négliger la bienséance qui incombait à l'étiquette de son établissement. Une fois encore, Shitekka avait avancé ses pions dans la chasse à l'homme. En quittant la bâtisse, le Jōnin semblait satisfait. Ce sentiment de toucher au but se renforça dans son esprit, alors que dans l'ombre d'une échoppe, il profita du calme des ruelles pour rompre sa métamorphose. Il ne restait plus qu'à finir ses préparatifs pour mettre en place l'acte final qui scellerait le sort de Gozaburō : son ultime soir de débauche, où d'une main innocente, il périrait sans s'en douter.
Pourtant, trois jours plus tard… le sort en décida autrement, et préféra se jouer des efforts de Shitekka.
Trois jours plus tard, Kaguya Shitekka adopta la même apparence que ce soir-là pour arpenter le quartier des plaisirs de la Brume. Cette fois, le Jōnin avança sans hésitation à travers les ruelles fréquentées par courtisanes et débauchés. Avec son illusoire œillade d'azur, il s'arrêta à l'entrée de la maison de thé des embruns, là où l'attendrait Tsujihara-okāsan. La propriétaire des lieux fut vite sollicitée lorsque débarqua Shitekka. Si les geishas, innocemment, tentèrent d'amadouer l'invité pour susciter le recours à leurs services, la patronne des lieux les fit disperser aussitôt. Elle leur fit comprendre que l'importance de ce client n'avait pas de rapport avec la profondeur de son porte-monnaie. Rapidement, l'élu de Kotan-kor-kamuy sentit que quelque chose n'allait pas. La maîtresse des lieux semblait inquiète. Ses gestes étaient nerveux. Son regard fuyant. Elle s'adonna volontiers aux formules de politesse en vigueur dans le milieu des geishas. Mais jusqu'à ce que Tsujihara et Shitekka s'entretiennent en privé, elle demeura relativement vague dans ses propos.
Les deux s'installèrent dans une autre pièce de la "maison de thé". Après un long moment sans échanger un mot, Tsujihara se décida à enfin briser le silence.
« Okyaku-sama, je vous souhaite un bon retour dans notre établissement. — Je vous remercie Tsujihara-okāsan pour votre accueil. Comme vous vous en doutez, j'ai tenu mon engagement jusqu'à présent. Qu'en est-il de votre côté ? Avez-vous du nouveau sur les discussions avec mon ami ? — C'est-à-dire que… il y a eu des rebondissements, depuis notre dernière rencontre, okyaku-sama. »
La patronne déglutit en baissant le regard. Elle semblait se préparer à être grondée par son vis-à-vis. Lequel s'avéra soucieux des nouvelles que s'apprêtaient à lui faire parvenir la dame au teint fardé de blanc. Finalement, une maiko débarqua pour servir à boire. Cette fois, le Kaguya en était persuadé : les nouvelles n'étaient pas bonnes, et la maîtresse craignait pour son établissement. Malgré son rapport à l'alcool, Shitekka accepta de partager le saké auprès de la maîtresse. Le choix de cette boisson, idéal pour relâcher la tension, ne présageait rien de bon pour celle qui cherchait à gagner un maximum de temps.
« Mes contacts ont réussi à approcher Shimada Gozaburō. Vous aviez effectivement raison : votre ami semble apprécier passer ses soirées en bonne compagnie. Ses proches nous ont fait comprendre, en des termes un peu trop cru à mon goût, que mes filles correspondaient à ses critères. Mais ils nous ont aussi indiqué que Shimada-san paye très correctement quiconque occupe ses soirées dans son domaine. Nous devions alors commencer à proposer nos services en vue d'une prochaine prestation. Et là… — … et là ? — Hé bien… Gozaburō Shimada-san a disparu depuis hier soir. Enfin… non, non. Aux dernières nouvelles, il est parti conclure des affaires vers Kaminari no Kuni. »
Shitekka soupira intérieurement. Sa cible venait de filer. Et avant de songer à une éventuelle méfiance de la part de l'homme, la patronne d'Enpa no Ochaya s'affola directement, tentant de faire preuve de bonne foi à l'égard de son client si particulier.
« Je vous assure que je n'y suis pour rien ! Tout se passait très bien jusqu'à présent, et… et nous étions sur le point de prendre contact avec Shimada-san pour convenir d'une date. Je vous prie de me croire, okyaku-sama. N'y voyez en aucun cas une tentative de ma part de compromettre la faveur dont nous avons discuté. »
Le Kaguya marqua un temps avant de répondre. Une légère colère s'accumulait en lui. Mais plutôt que d'inquiéter davantage la responsable des lieux, il préféra laisser cette rage se dissiper doucement. Car cette colère n'était pas dirigée vers elle. Mais bien vers Shimada Gozaburō, qui venait de filer entre les doigts de l'enfant de Saroruncasi. Pour autant, cette frustration, qui se lisait dans les yeux du guerrier, fut mise à contribution, alors que le Jōnin s'exprima avec aplomb.
« Cela, nous le verrons bien. Je vous fais encore confiance pour prendre la mesure de notre accord. Pour le moment, que savez-vous de ce départ ? Dans combien de temps compte-t-il retourner à Mizu ? — Je… je dois bien vous avouer que… je l'ignore, okyaku-sama. Tout ce que je puis vous indiquer, c'est qu'il n'est pas rare que votre ami quitte l'Archipel, parfois de manière inattendue. Sans doute…Elle se refusa de poursuivre, de peur d'admettre qu'elle en savait trop auprès de son client. — Sans doute craint-il déjà depuis un moment pour sa peau, au point de se terrer comme un rat dès que le vent tourne,songea intérieurement le Jōnin. — Ses collaborateurs m'ont assuré que monsieur reviendrait prochainement. Une histoire de semaines, ou de jours, je l'ignore encore. Mais ils se sont montrés confiant à notre égard. Shimada-san ne refuse jamais de passer une soirée en bonne compagnie. — Alors il ne nous reste plus qu'à attendre. Tsujihara-okāsan, je compte sur vous pour rester informée du retour de Shimada Gozaburō. Nous reprendrons cette discussion une fois Gozaburō revenu à Kirigakure no sato. — Je puis vous assurer que je ferai le nécessaire pour tenir au courant de la moindre nouveauté le concernant, okyaku-sama. — Ce ne sera pas nécessaire. Cela, je m'en chargerai personnellement. »
Une fois encore, Shitekka se releva, avec un sourire plus détendu et sincère que lors de leur première entrevue. Le Kaguya remercia la patronne de l'établissement de son accueil, et tâcha de la rassurer dans son allure quant à l'avenir de ce même établissement. Toujours perplexe, l'ancienne geisha rendit la pareille auprès de son client singulier, et le laissa filer. Quelques minutes et dizaines de mètres plus loin, sous son apparence normale, Shitekka défoula sa frustration contre un mur. Son poing ensanglanté ne suffisait pas à expugner le sentiment d'échec qui émanait de ses réflexions. Quand bien même la disparition soudaine de sa cible relevait plus d'un paranoïa presque justifiée de ce dernier, que d'une réelle méfiance concrète, il ne se permettait pas d'échapper de si près à l'accomplissement de sa mission.
Plus que le goût de la réussite, le Kaguya ne pouvait se résigner à porter plus longtemps ce fardeau. Celui de devoir accepter qu'il allait devoir ôter la vie à un être humain. Le destin avait choisi autrement. Dès lors, le membre du Kyōi dut se tenir en alerte jusqu'au jour fatidique du retour de Gozaburō. Grâce au réseau d'informateurs du Kyōi, il décida de se tenir informé de la moindre nouvelle concernant sa cible en provenance du port Naragasa.
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