Lors de ses combats passés, Shoki avait eu l’occasion d’affronter des adversaires dont la puissance variait énormément. Tantôt, il pouvait croiser le fer avec des génies du combat, capables par leur seule force de faire face à plusieurs ennemis sans perdre une seule goutte de sueur, tantôt il se battait ardemment contre des ennemis qui usaient d’alliés inespérés pour faire tourner la balance en leur faveur. Cette deuxième catégorie était surtout représentée par les shinobis capables d’invoquer des alliés animaux pour leur prêter main forte. Pour sa part, le guerrier ursidé avait eu beau tenter, encore et encore, il n’avait jamais eu la chance de rencontrer un animal assez généreux pour signer un pacte avec lui, et encore moins un animal pouvant parler.
D’après ce qu’on lui avait raconté, la plupart des ninjas ayant contracté un pacte de Kuchyiose avaient eu la chance de croiser ce genre d’animaux bien spécifiques, vivant dans des forêts magiques ou des montagnes mythiques, et tous dotés de parole. Ces-mêmes animaux avaient sortis un baratin comme quoi ils étaient des « élus », et par le biais d’un pacte pourraient accomplir de grandes choses, comme sauver le monde ou défaire le légendaire sphinx bicéphale extraordinaire.
N’étant pas aidé par le destin, comme toujours, le Kazejin s’arma de patience, et de par ses propres moyens, fit l’acquisition temporaire d’un hangar aux abords du port Naragasa. Il aménagea, à l’intérieur, plusieurs espaces différents pour y entreposer quelque chose… Avant de s’imaginer un itinéraire entre les différentes îles de l’archipel. Et durant les quelques mois qu’il passa à Kiri, il stocka pas moins de cinq animaux différents, afin d’essayer d’en apprivoiser quelques uns. Une façon pour lui d’augmenter sa force en faisant appel à une armada impressionnante.
Chaque jour, il venait les nourrir, usant des noms qu’il avait lui-même donné aux bêtes majestueuses qu’il entreposait ici. Elfo l’éléphant, Reikan le Tigre, Janemba le taureau déchainé, Josuke l’ours brun imposant et enfin Mû le gorille. Tous faisaient une taille étonnante, à se demander comment il avait pu les faire entrer ici. La réponse se cachait dans les cicatrices de ceux-ci : il les avait tous affrontés et déplacés par des moyens étonnants. Mais comme toute chose avait une fin, Shoki se retrouva devant une grande problématique, outre le fait que les animaux sauvages resteraient… sauvages. Ces-derniers avaient réussi à développer une sorte d’intelligence et une communion unique.
Ce matin-là, le Yasei se rendit au hangar pour les nourrir et les affronter comme à son habitude – s’il ne les apprivoisait pas, il en ressortirait au moins plus fort. Lorsqu’il ouvrit la grande porte, deux lueurs rougeâtres se mirent à briller dans l’ombre. Il ne comprit que trop tard qu’il s’agissait des pupilles de Janemba, qui entama une course folle en sa direction, dans le but de le perforer. D’une basique esquive latérale, le jeune homme ne s’inquiéta pas de son sort… Mais il n’avait pas vu, dans son dos, qu’une personne approchait. S’il y avait un mort, il risquait de finir en prison, alors qu’il avait plus ou moins promis à Reikan de ne pas faire de vagues.
La journée avait somme toute commencé comme beaucoup d’autres et le vaillant Kirijin en avait passé la première partie à vaquer à ses occupations militaires, comprenant autant l’entraînement qu’une petite partie de paperasse - la plus infime possible, pour ne pas changer les bonnes habitudes. Battu aux mêmes règles et aux vieilles habitudes, il n’avait pas fermé l’oeil de la nuit et le soleil venait à peine d’entrer dans sa course pour le zénith quand ses getas frappèrent les pavés dans sa nouvelle direction.
Enfin libéré de son devoir envers Kirigakure no Satô, il prit la direction du grand port qu’abritait la forteresse brumeuse. Là-bas, il trouvait généralement le calme propice à la réflexion, de l’alcool peu onéreux et des informations juteuses sur le continent ; non pas qu’il fût intéressé, mais être au courant était encore une fois une des prérogatives de la vie de shinobi.
Son énorme jouet fiché entre ses omoplates, il vagabonda le long des quais une fois arrivé près de ces derniers, moins garant de l’ordre que touriste flâneur. Parfois, un quidam s’écartait anormalement, plus ou moins par peur de l’inconnu face à lui. Malgré la presque décennie passée ici, Honryū n’était pas vu comme un héros ni même une personnalité dans l’archipel ; et ça lui convenait très bien.
Perdu dans la vaste étendue de ses pensées, il fut sorti de sa torpeur par la vision d’un large hangar jusque là vide qui semblait s’agiter et dont la tôle vrombissait parfois, comme entrechoquée par quelqu’un… Ou quelque chose.
Samehada glapit et un début de rictus passa aussi vite que le jeune mistral serpentant entre les rochers constituant la digue proche sur le visage du sabreur émérite.
Un homme semblait prendre la direction de cet étrange lieu et il lui emboîta le pas. L’infréquentable n’était pas contre un petit échauffement et il n’était pas loin de ses attentes... D’abord ce fut l’odeur. Celle de fauves, quoiqu’il fût difficile d’établir le ou lesquels. Mué de curiosité, il pénétra quelques secondes après lui dans l’endroit.
À peine ses yeux purent-ils s’habituer à l’obscurité seulement transpercée de quelques rayons dans les coins vides de la pièce en piteuse état qu’une présence dépassant largement son poids, projetée sur seulement deux pattes se rua sur lui après que le dresseur ait esquivé avec nonchalance. Un énorme taureau dont une des cornes vint heurter une de ses côtes ; Honryū ne broncha pas et Peau de Requin déjà au creux de sa paume, il la fit couper l’air par l’intérieur d’entre les pattes du buffle pour se loger contre son poitrail. Un craquement retentit et le sang coula contre les bandages tandis que soulevé dans sa course, l’animal se voyait projeté contre une cage non loin.
Un craquement. Puis un rugissement. Le tigre était à son tour sorti de sa cage. Bien qu’aucun ici n’ait du chakra à part lui et le bougre, il ne faisait pas bon traîner dans le coin. Mais loin de lui l’idée de s’imaginer le pire et les causalités, il n’était ni de la police ni véritablement en service. Agitant d’un coup brusque l’énorme épée pour en dégager les quelques gouttes résiduelles, aucune écaille de cette dernière n’était apparue au grand jour.
« T’essaies de monter un cirque ? La vie de shinobi ne te satisfait pas ? » Lâcha-t-il sans attendre de réponse, tandis que Reikan sautait sur son interlocuteur dans le but de lui faire payer sa détention ; et déjà Janemba semblait vouloir dans l’énergie du désespoir finir en gardiane avant le repas de midi. Soit ; il attrapa son accompagnatrice comme un javelot et la lança avec force contre le crâne de l’animal qui sembla finalement décidé à apprécier ses futures conditions de détention.
Il tourna alors le regard vers sa gauche où une cage plus immense que les autres trônait. À peine eût-il le temps de tourner les talons qu’une trompe immense vint lui saisir le mollet et le projeta contre les barreaux qui s’imprimèrent de la forme de ses avants-bras.
Par un miracle quasi divin, Samehada avait retrouvé sa place à ses côtés et dans le plus profond de l’obscurité, un bruit bien singulier assorti d’une morsure vint faire mugir l’énorme animal anthracite. Elle l’avait mordue au sang. Par pur instinct, ce dernier n’ayant rien à lui offrir sur le plan diétique ; la chair n’avait rien de goûtu et ne valait certainement pas le chakra de celui qui l’avait mis dans cette situation. D’ailleurs, il sentait lui aussi l’animal. Mais lequel ?
Ce qui s’apparentait à une activité sécurisée et gérée d’une main de maître ne l’était au fond pas tant que cela. A force de vouloir transformer des animaux sauvages en bêtes de combats dotées d’intelligence, Shoki avait surtout réussi à les rendre capable de réaliser la plus grande évasion orchestrée depuis que l’Homme au Chapeau avait attaqué Impel Down Wasure et sa prison inavouée. Si le hangar était énorme, pour assurer aux bêtes un environnement plutôt agréable et également pour y faire vivre une arène d’une taille suffisante pour chacun des occupants – l’éléphant étant le plus imposant – c’était sans doute pour ce genre de moments, où, pris de court, le Yasei ne pourrait pas en fermer la porte au risque de laisser s’échapper ses spécimens, qui tueraient alors de nombreux Kirijins.
Par chance, malgré leur intelligence dépassant celle de l’animal lambda – et de bon nombre de Yasei, d’ailleurs – les revanchards s’étaient décidés à attaquer ce qu’ils pouvaient voir dans un périmètre réduit, à savoir Shoki et… un parfait inconnu, qui avait été la cible du terrible Janemba. La question qu’il posa alors était plutôt pertinente, et la réponse l’était toute autant :
« Oui, je monte un cirque, d’ailleurs j’ai besoin d’un clown, si jamais la vie de shinobi te gonfle également ! »
Mais ces mots, bien qu’à moitié sérieux, laissèrent une opportunité à Reikan de pouvoir lancer un assaut. Bondissant telle la féline qu’elle était sur son seul et unique maître, elle comptait bien évidemment déchirer les chairs du pauvre Grizzli. Usant de la force de son animal totem, il para les pattes – un peu avant l’emplacement des griffes – de la tigresse, déployant une force énorme pour se faire, avant de venir asséner un puissant coup de genou dans la mâchoire du bestiaux. Le contact entre ces deux forces de la nature fit légèrement trembler le sol, dans un faible espace autour d’eux.
« Couchée, Reikan, gentille fifille, tu vas retourner dans ta cage s’il te plait… »
La bête n’allait bien sûr pas l’écouter, et assez vite se fût au tour de Mû d’arriver dans le dos de son dresseur. D’un regard vif, Shoki remarqua l’état dans lequel Janemba se trouvait, et pouvait déjà voir Elfo subir des dégâts à son tour. Plus loin, dans l’une des cages, seul Josuke restait en place. Par sa fierté d’ursidé, sans doute, il refusait de se livrer à un affrontement déséquilibré. Il attendait donc que ses amis fussent vaincus pour aller tenter un duel contre l’un ou l’autre des humains qu’il détestait. Alors que Mû et Reikan tournaient autour de lui, prêts à attaquer de manière combinée, le Yasei en profita pour se présenter, entre autres choses :
« Au fait, bonjour l’inconnu, je m’appelle Shoki. Si tu m’aides à les remettre en cage, je te serai redevable… En attendant… Bon courage, parce qu’ils sont fûtés et travaillent bien en équipe, ces deux-là. »
Son speech terminé, le jeune homme adopta une forme plus orientée vers le combat à mains nues. Sa peau avait laissé place à un épais pelage de grizzli, et sa corpulence était passée de plutôt fine à carrément épaisse. Il se plaça alors face au gorille, dans une posture pouvant rappeler le kung fu. Ce n’était pas un kung fu panda, bien sûr, mais plutôt un… Kung fu grizzli.
« Vous faites pas prier les amis, le premier qui attaque aura le droit à un supplément de bouffe ! »
Même s’il ne l’avait peut-être pas entraperçu dans l’obscurité ambiante propre à un tel garage géant, sa petite réplique avait arraché au grand gaillard une ébauche de sourire, dans la mesure de ce qu’il était capable. Mais il n’y avait là pas matière à répondre ou commencer une joute verbale, bien que quelques tirades lui parcoururent l’esprit. Se relevant de l’assaut éléphantesque qu’il avait subi, il frappa le cadenas de la cage de son simple poing pour en faire sauter le verrou. Une fois calmé peut-être que Elfo accepterait sans broncher son sort.
S’il avait quelque expérience dans ledit domaine clownesque, son collègue Kirijin semblait aussi doté d’aptitude qui lui permirent d’arrêter la charge d’un tigre à mains nues, chose assez remarquable pour être soulignée.
Bientôt encerclé par un duo assez singulier dans le monde animal, son homologue s’épancha d’une autre sentence et en profita pour se présenter dans une forme plus conventionnelle. Shoki. L’idée qu’il lui fut débiteur le séduisit quelque peu, plus que celui de tourner les talons pour aller procrastiner sur le pont, en plus de répondre à des questions d’ordre nébuleux sur la chaîne alimentaire et le classement des prédateurs.
« Honryuu. » Il lui rendit la pareille sans se découvrir plus, d’un ton qui se voulait neutre. Ses yeux se plissèrent. Habitué à baser son style de combat sur ce que sentait son arme, il n’y avait là aucune piste chakratique à remonter au contraire de véritables Kuchiyose. Devant les yeux ébahis de la foule -juste le Sabreur- le meneur de cirque devint lui aussi un animal ; un Yasei ? Était-il arrivé lors de l’exode organisé par l’homonyme du tigre combattant en bande organisé avec le macaque contre leur tortionnaire ? Il laissa ses préoccupations de ce côté de la pièce avec le combat qu’il avait à mener pour expier ses péchés pour s’occuper de ses propres adversaires.
Janemba n’en avaient visiblement pas eu assez. Dans le but ultime de retrouver la liberté que lui avait dérobé le dénommé Shoki et dans une forme bien moins évoluée de compréhension de ses chances de survie, il tenta de foncer sur l’Infréquentable mais tomba sur les rotules bien vite, le laissant seul contre Elfo.
Ce dernier chargea à une vitesse impressionnante pour un tel gabarit. Samehada en opposition fut saisie par son énorme trompe qui s’enroula autour. Le fait qu’Honryuu tira d’un coup sec expliqua le cri qui fit résonner encore une fois la tôle. Profitant de cet arrêt, il lâcha le manche orné d’une tête de mort et démarra sa course vers le crâne de l’animal, qu’il frappa de son poing. Un flash lumineux éclaira un instant le hangar et étira les ombres. L’instant d’après, il était au sol. Peut-être expéditif ; mais la marque sur ses avants-bras le valait bien. Pouvait-on manger de l’éléphant ? Ca aurait été du gâchis de jeter tant de viande, le pauvre bougre encore sur ses pattes pouvant facilement nourrir tous les désoeuvrés du pays de la Pierre. Tournant le dos à sa “création”, un appel d’air glissa le long de son échine. Le monstre gris s’écroulait de tout son poids contre un des murs…
La situation aurait pu échapper au contrôle de Shoki, si cette personne n’était pas intervenue. S’il pouvait dompter chaque bête individuellement, leur nombre rendait la chose compliquée lorsqu’ils se présentaient tous à lui. Mais se retrouver face à deux adversaires, cela équilibrait la balance. Après tout, aucun des animaux ne savait manipuler le chakra, au grand dam du Yasei qui espérait en faire des Kuchyiose… A l’écoute de ses mots, le tigre bondit sans crier gare. Il aurait peut-être dû, car tout ceci n’allait pas en sa faveur. Evitant avec adresse les griffes et crocs du félin, le Kazejin contre-attaqua avec une frappe puissante, chargée de chakra bestial, droit dans les côtes de la bête qui cracha une gerbe de sang mais ne céda pas, restant bien en place.
Si l’un deux animaux était déjà blessé, à un rien de retourner sagement dans sa cage, le second n’avait pas dit son dernier mot. Ni son premier en fait, car il n’était pas doué de parole. Il profita de l’attaque de son « maître » sur Reikan pour venir le frapper dans le dos. Liant ses deux poings pour en former un seul, il tenta de frapper avec férocité le crâne de Shoki, dans le but de lui briser la boite crânienne, ou la colonne vertébrale, selon lequel était le plus résistant chez lui.
Malheureusement pour Mû, il n’avait pas agi avec discrétion, et sa respiration, ainsi que le bruit de ses pas, trahirent son arrivée en traître. Le Yasei n’était pas dans les meilleures conditions pour simplement éviter l’assaut, car il lui fallait se tourner pour voir précisément la forme que celui-ci prendrait. Ainsi, lorsqu’il sentit un courant d’air ascendant, il joua le tout pour le tout et plongea à plat ventre avec une grande vélocité, forçant le primate à frapper dans le vide. Tandis qu’il perdait l’équilibre, Shoki en profita pour se redresser et lui asséner une série de coups de poings dans l’estomac, les bras et les jambes. Celui qui se rapprochait physiquement le plus d’un homme parmi les cinq s’en retrouva fortement affaibli. Cela permit de le renvoyer directement dans sa cage, et de la verrouiller solidement alors que la tigresse semblait ne pas avoir dit son dernier mot.
« Si possible, il faudrait ne pas les tuer… Même si mon expérience se termine mal, je compte bien leur rendre leur liberté après. »
Lança le brun alors qu’il voyait Elfo subir un violent coup. Il ignorait même si l’éléphant avait survécu à cet assaut, mais ce n’était pas le moment de se concentrer là-dessus. Reikan avait sorti les crocs, les griffes, et tout ce qu’elle pouvait d’autre, prête à bondir. Pourtant, ce n’était pas la présence du félin qui dérangeait le plus notre Chûnin. En fait, la disparition de Josuke, qui jusque-là se tenait dans sa cage bien sagement, surprit le Yasei qui craignait désormais une attaque en traître. Si un gorille était difficile à contrer lors d’une charge, il en était autrement pour un ours… Même avec du chakra, il faudrait y aller fort pour retenir sa puissance.
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