Ils s'étaient promis plus de temps. Plus de temps pour eux deux. Deux êtres vivants sous le même toit. Mais séparés par une vie commune de guerriers de l'ombre.
Des mois que le couple urumi avait choisi de s'installer ensemble. Dans le logis originel du conjoint, ils décidèrent de sceller leur union en partageant leur quotidien. Mais voilà : être Kirijin comporte son lot d'engagement, de devoir, d'absences; de missions à l'étranger, de séances d'entrainement. En définitive : peu de compatibilité avec l'idylle sincère que cherchaient les deux enfants de Saroruncasi.
Curieusement, quelqu'un proposa à son petit-neveu une trêve dans cette course perpétuelle contre la faiblesse.
* * *
« Alors… ça y est… j'y ai enfin le droit ? — Oui… tu mérites de comprendre la quintessence du Shikotsumyaku. L'apogée de notre art, que seul Renzaburō a su acquérir. — L'art… de forger ses os ? Comme… lors de mon second Agni Kai ? »
Simple hochement de la tête.
« Tu as fait preuve d'une grande maîtrise du Shikotsumyaku. Même maintenant, tu continues de progresser sur la voie de l'Impulsion mortelle des os, alors que ta technique est prodigieuse. Comme promis… je te montrerai comment Renzaburō, par le travail et l'expérience, a su dompter ses os à un niveau jamais atteint dans le clan. — Q-quoi… ? Le travail ? — Oui. Tu ne croyais pas que ça s'acquiert en un claquement de doigts ? Allez. Je t'avais promis de te montrer ça à la fin de notre séance, mais regarde-toi : tu es plus pâle que tes os ! Rentre chez toi te reposer. Je ne t'ai pas pris sous mon aile pour que tu me claques entre les pattes avant d'affronter mon frère ! »
* * *
« Foutue danse du Cerisier… aaah… chaque fois que je prends l'avantage, il me sort une variante de derrière les fagots pour me mettre tarif. Aaah… »
Kaguya Shitekka avait fait péniblement la route du retour. Foudroyé par une intense fatigue, son corps portait les stigmates de sa pénible session d'entrainement contre Henzaemon. Qualifier son kaparamip de haillon tenait plus de l'utopie que de la réalité. Seuls quelques lambeaux de tissus pendouillaient sur le haut-corps du guerrier, révélant ailleurs de multiples blessures. L'azur qui caractérisait autrefois son habit fut remplacé par un mélange de cramoisi et de pourpre.
Malgré son état peu reluisant, le Jōnin avait préféré retrouver le confort de son domicile plutôt que de faire un crochet par l'hôpital. La possession des Kaguya ne méritait pas d'en savoir plus quant à ses duels visant à le préparer pour éliminer le chef du clan. Ainsi, lorsque le balafré arriva au seuil de son appartement, il fut par chance accueilli par sa moitié : Imekanu. Sous la douleur encore présente, il grimaça pour lui sourire, sa main couvrant une partie de son torse bien amoché.
Le gardien de Saroruncasi prit le temps de reprendre son souffle. Puis, une fois la porte derrière lui refermée, il interpella sa mie.
« Irankarapte, Ime… désolé de te prendre de court mais… tu peux faire quelque chose pour mes blessures ? Mon partenaire d'entrainement ne m'a pas ménagé aujourd'hui, haha… »
Son léger rire lui suffit à susciter une pointe de douleur au passage. Shitekka décida en écoutant la réponse de la kunoichi de retirer son haut, qui ne servait pas à grand chose à présent, si ce n'est éponger le sang qui suintait de ses blessures. Le guerrier révéla alors en totalité le haut de son corps. De multiples lacérations creusaient ses flancs, des hanches jusqu'aux épaules. Une perforation ornait la droite de son nombril, peu profonde heureusement. Le tout constellé de contusions en tout genre, aux couleurs variées.
Toute cette mosaïque de traumas se dessinait sur un corps d'athlète. En bon sculpteur, Henzaemon avait taillé la musculature de son disciple dans le marbre au gré de leurs entrainements. A coup de burins d'os, il avait consolidé la silhouette de l'ancien chasseur. Lui qui autrefois s'accoutumait à préférer la distance, fut obligé de s'adonner au corps à corps. C'est par la confrontation avec le frère renié du Démon blanc qu'il se forgea un corps plus à même de réflexes contre les danses meurtrières du clan. Les progrès du jeune balafré avaient dès lors pris forme au creux de sa peau. Et, sous un rideau de sang et de sueur, ce progrès charnel s'offrait sur un plateau d'argent aux yeux ingénus de la belle Imekanu.
Durant l’absence de Shitekka, Imekanu avait profité de ce moment pour fouiller dans ses réserves de plantes et de remèdes. Un sourire béat s’était accroché à son adorable visage depuis qu’elle avait quitté Aditya il y a quelques jours. La création de cette unité était vraiment une bonne idée, Imekanu avait toujours pensé que le chakra ne faisait pas tout et que les connaissances acquises à Saroruncasi pouvaient être aussi utiles. C’était un bon moyen de leur prouver qu’on pouvait faire du bien autour de soi sans utiliser cette essence mystérieuse. Elle réfléchit à tout ce qu’elle pourrait apporter pour montrer les différentes plantes qu’elle utilise pour ses poisons ou ses cures. Le monde végétal était si vaste que même l’archère ne savait pas tout utiliser et c’était normal. Cependant, elle était certaine de pouvoir compléter l’attirail de savoir en travaillant dans cette serre. Elle était certaine que son cher père, qui lui manquait tant, serait heureux de savoir qu’elle s’épanouit enfin dans un domaine qui est fait pour elle.
Elle attrapa son panier le plus grand pour ranger tous les échantillons qu’elle avait sur elle et les sépara soigneusement pour ne pas qu’une fleur soit touchée par une autre, ce n’était pas le moment de créer des accidents. Lorsqu’elle entendit la porte du humble foyer s’ouvrir et se refermer, elle se retourna avec une joie non dissimulée et un doux sourire aux lèvres.
« Irankara…. »
Cependant, la vision qu’elle eut dans un premier temps figea son faciès alors que seuls ses cils froncés témoignaient de l’incompréhension qui la frappa. En plus, il avait le toupet d’essayer de lui sourire. Ses pupilles aussi éclatantes que la mer sous un soleil d’été descendit pour constater l’état pitoyable de son habit et de la coloration d’un camélia rouge. Son regard remonta pour constater avec effroi les multiples blessures qui couvraient le torse du balafré, le sang commençait à peine à sécher et les traces d’écoulement sur sa peau mate lui laissaient comprendre que c’était récent. Elle ne comprit pas pourquoi il avait marché jusqu’ici alors qu’il devait souffrir violemment.
La jeune femme s’approcha doucement de lui, tendant ses mains sans pour autant le toucher de peur de lui faire davantage mal, comme pour analyser la situation. Elle avait d’ailleurs du mal à croire qu’il prenait tout cela aussi légèrement, ou peut-être était-ce parce qu’elle ne supportait pas de le voir dans un état aussi alarmant ? Elle ne savait même pas comment il arrivait à rire de la situation, mais l’entendre ainsi semblait l’apaiser. Et ce n’était pas que côté visible de l’iceberg. En effet, le Kaguya s’exprima sur sa situation bien sanguinaire et en profita pour se débarrasser de son habit bon pour le feu. Elle pouvait alors constater l’étendue de ses blessures et à quel point elles étaient nombreuses. La jeune femme entrouvrit la bouche avant de la refermer, presque horrifiée de la voir ainsi. Pourtant, ce n’était pas la première fois qu’elle voyait quelqu’un aussi blessé, ça arrivait de rentrer de chasse avec quelques petits accidents à son arc. Dans sa propre expérience, elle avait été presque découpée en deux par un ours et son dos s’en souvenait encore. Mais voir son rayon de soleil dans cet état, lui fit perdre toute assurance.
Et ce n’était certainement pas le moment pour se lamenter, mais bien pour agir. Il avait choisi de venir à sa rencontre pour qu’elle se charge de son cas et comptait bien le faire. Elle retroussa les manches de son léger kimono et attrapa son panier avant de le déposer non loin d’eux.
« Je vais m’occuper de toi, Shitekka... »
De sa petite taille, elle pouvait observer chaque parcelle de sa peau transpirante et salie par le sang et la poussière ainsi que chaque entaille, allant de la plus profonde à la plus petite coupure. Ce fut alors à cet instant, qu’elle se rendit compte que c’était la première fois qu’elle découvrit le corps de Shitekka d’aussi prêt, et même si elle l’aurait souhaité, elle ne pouvait cacher ses rougissements. La genin alla chercher de la réserve un peu d’eau remplissant une marmite et n’hésita pas à utiliser ses propres affaires pour les mouiller et tendre sa main vers le Kaguya. Avant de s’y mettre, elle releva son regard saphir vers l’or du sien qui la faisait tant chavirer.
« Le sisam avec qui tu t’es entraîné n’aurait-il pas essayé de te tuer ? Je vais devoir nettoyer ton tor..se et tes bras pour pouvoir m’occuper proprement des blessures. Oh, prends ça, ça va t’aider à mieux supporter la douleur. »
Lui demanda-t-elle presque sous la forme d’un ordre avant d’activer le sceau sur son avant-bras et d’y faire apparaître cette concoction destinée à atténuer la douleur que le jonin pouvait endurer. Elle le lui tendit pour qu’il le prenne avant de se concentrer sur son patient du jour. D’un geste à la fois délicat et professionnel, elle s’attela alors à glisser le tissu mouillé sur le haut de ses épaules et de passer sur ses bras. À chaque fois qu’elle passait sur une blessure, elle la frôlait presque pour ne pas relancer les saignements puis continua son cheminement jusqu’à descendre sur ses grandes mains. Ses longs doigts et ses paumes ne semblaient pas avoir pris trop cher. Elle s’y perdit quelques instants, appréciant les regarder et les avoir contre les siennes.
Par la suite, elle releva le visage et lui adressa un sourire rassurant. L’archère nettoya le tissu avant de commencer par le haut de son torse. En passant par chaque parcelle de sa peau, elle pouvait sentir les dessins d’un poitrail bien entraîné et presque divin. Ses pectoraux étaient amochés, mais elle semblait apprécier la scène qui s’offrait à l’ingénue qui n’hésita pas à prendre son temps pour mieux comprendre ce qui se trouvait entre ses mains. Presque déstabilisée, elle se permit de lui envoyer une œillade troublante avant de retourner à ses occupations. La genin glissa son bras sur les flancs du jeune homme, tournant autour de lui pour réaliser la tâche avec efficacité. Elle arriva alors vers son nombril et se baissa légèrement pour nettoyer la zone en remarquant le trou léger qui s’était installé, ce n’était pas très joli à voir. À chaque mouvement qui la rapprochait de sa peau, les battements de son cœur s’accéléraient et elle se sentait rougissante de ne pas être indifférente à cette proximité et de constater que le corps du Kaguya était divinement sculpté. Elle se surprenait à simplement apprécier la vue et de pouvoir être celle qui s’occupait de cet homme qu’elle affectionnait tant.
Enfin, elle se releva, morceau de tissu couvert de sang entre ses mains. Elle resta silencieuse quelques instants, se perdant dans le regard du manipulateur des os.
« Je… je vais devoir refermer certaines plaies, ce ne sera pas agréable Shitekka. N’hésite pas à me dire si quelque chose ne va pas ou si tu as besoin de quelque chose. »
Difficile pour Shitekka de savoir si par mégarde il avait par le passé évoqué son lien avec Henzaemon. L'homme préférait éloigner Imekanu des intrigues du clan Kaguya. Encore plus des séances spartiates que réservaient le frère du chef de clan actuel à son petit-neveu. Néanmoins, une chose était sûre.
« S'il voulait me tuer ? J'en suis pas trop sûr. S'il l'avait vraiment voulu, y a longtemps qu'il m'aurait envoyé dormir avec les vers, pensa tout bas l'enfant de Saroruncasi. Oh, merci Imekanu. Je savais que je pouvais compter sur toi, et tes mains magiques, fut la réponse officielle du guerrier auprès de sa douce, de peur de l'affoler inutilement. »
Il y avait une forme de malice qui se dégageait du sourire du Kaguya. Il savait pertinemment que son torse vierge de tout tissu suscitait la gêne auprès de sa moitié. Et il en jouait avec plaisir. Néanmoins, la plaisanterie prit une toute autre tournure lorsque la guérisseuse s'occupa des blessures de son Urumi. Malgré son importance tolérance à la douleur, construite au gré des mois d'entrainement et de combat, cela n'empêcha pas Shitekka de grimacer alors qu'Imekanu nettoyait ses plaies. L'homme observa immobile sa petite femme prendre soin de son corps. Il échangeait de temps à autre de léger sourire à son égard, alors que ses mains se maculaient de son sang.
Son poitrail étant peu endommagé, le Kaguya s'était permis de confronter sa guérisseuse avec une moue plutôt enjouée, bravant la douleur. Jamais il n'avait ressenti cela auparavant. Cette impression d'être vu par la personne qu'il aimait. Ce cœur qui battait à un rythme effrené, cette chaleur qui inhibait la douleur au gré de sa peau. À la fois appréciant et culpabilisant, il se confrontait à cette innocence féminine qui prenait soin de lui et qui accompagnait dorénavant sa vie. Curieuse situation pour le couple; s'il n'était pas rare que l'homme s'assoupisse torse nu la nuit, ce face à face charnel déstabilisait dorénavant aussi bien Imekanu que son patient du jour. La pulsation de l'une sembla résonner avec celle du second, alors que leur corps se rapprochaient dangereusement, au nom de l'hygiène.
Ce jeu d'attraction aurait pu avoir une dimension presque masochiste, si la guérisseuse n'avait pas pris le soin d'atténuer la souffrance de son guerrier. Au moyen d'une préparation médicinale, Shitekka sentit peu à peu le passage du tissu le faire moins souffrir. Il parvint dès lors à se tenir plus droit, avec la dignité d'un fier fauve bravant ses blessures.
Ce même jeu sembla prendre fin lorsque l'infirmière en herbe annonça devoir s'occuper de coudre les plaies du guerrier. Ce dernier serra les dents, conscient de la douleur qui en résulterait. Il abandonna toute expression de malice et d'orgueil sur son visage. Son faciès se lissa dans un sourire de façade.
« J'ai pas trop le choix, alors… tu peux y aller. Je préfère que ça soit toi qui s'en occupe plutôt qu'un autre. »
Naturellement, le jeune homme se sentait peu disposé à recourir aux services de l'hôpital. Le parano en lui abhorrait l'idée d'exposer les stigmates de son entrainement visant à renverser Renzaburō dans le fief de son propre clan. Abandonnant cette sombre réflexion, Shitekka releva finalement la tête, le soleil de ses iris se couchant dans l'océan des yeux d'Imekanu. Il était prêt pour la suite.
Dernière édition par Kaguya Shitekka le Lun 26 Avr 2021 - 11:49, édité 1 fois
S’il pensait qu’elle n’avait pas remarqué son regard. Elle fronça des sourcils et pencha la tête sur le côté. Avait-il vraiment voulu le tuer ? Ou était-ce simplement un échange de bons procédés ? Aimait-il se battre au point de se blesser ? La native de Saroruncasi ne comptait pas le juger, elle-même avait déjà agi avec beaucoup d’imprudence par le passé simplement pour pouvoir ramener la tête d’un ours par exemple. Cependant, s’il comptait revenir plusieurs fois dans cet état, elle voudrait savoir et comprendre. Elle sourit face à ce qu’il lui répondit avant de glisser ses mains sur ses avant-bras, comme pour analyser la situation.
« C’est normal, tu sais que je serai toujours là pour toi. Mais si je dois savoir certaines choses, je préfère que tu me le dises au lieu de vouloir me préserver, je suis forte, tu sais. »
Elle n’avait jamais vécu autant de choses dangereuses et éprouvantes que depuis qu’elle avait posé les pieds sur Kiri. Mais elle avait aussi appris à être plus courageuse et plus forte mentalement. La rencontre avec Shitekka et sa présence à ses côtés en était une raison, mais c’était aussi grâce aux kijirins de la brune qu’elle pouvait s’épanouir dans le but de protéger Saroruncasi et dorénavant Kiri et n’importe quelle autre terre.
Cette pensée fut vite chassée par la vue déstabilisante du torse du balafré à cette proximité. Il devait se délecter de la voir rougir et ne pas en être indifférente. Elle pourrait le punir en appuyant davantage sur ses plaies, mais elle prenait son rôle à cœur et voulait lui montrer qu’elle était tenace. Ses fins doigts aussi blancs que neige, furent rapidement couverts du sang à demi séché de Shitekka. Cela ne la dérangeait absolument pas et elle priorisait les soins à l’état dans lequel elle pouvait finir. Si elle avait déjà vu le jeune homme dans un accoutrement similaire d’ordinaire, elle ne s’était jamais permis de le toucher autant et elle semblait apprécier cela. En effet, son visage ne pouvait cacher son embarras alors que son regard océanique se concentrait sur sa tâche de guérisseuse. Par moments, elle croisait le soleil de ses pupilles et ne pouvait s’empêcher de lui sourire timidement. La brune avait étrangement chaud et se battait pour rester de marbre.
Vint enfin le moment le moins agréable où la native du Mata Kotan allait devoir refermer sa plaie la plus profonde. C’était tout de suite moins attirant et élégant, mais c’était nécessaire. Son homme comptait sur elle pour en prendre soin et elle comptait bien le réconforter une fois ce moment douloureux passé. La douce lui sourit et se dressa sur la pointe des pieds, hésitant presque quelques instants, elle vint déposer ses lèvres rosées sur le bas de sa joue.
« Pense à ce bisou lorsque je commencerai… Je te promets de faire cela vite et bien. N’hésite pas à serrer quelque chose avec tes mains. »
Sa pilule anti-douleur devrait continuer à faire effet, mais ne suffira pas à tout atténuer, elle le savait bien et il le savait aussi. Avant de se mettre à la tâche, la jeune femme remonta les manches de son léger kimono, laissant place à une peau laiteuse et immaculée. Son avant-bras gauche était marqué par une blessure que le duo connaissait bien maintenant et son bras droit lui… avait eu le droit à un assaut enflammé de Saji qui lui avait laissé quelques séquelles. Si elle ne souffrait plus maintenant, elle n’oubliait pas non plus à quel point cette rencontre avait été importante pour l’archère. Le Kaguya se poserait sûrement des questions, mais elle ne comptait pas lui cacher quoi que ce soit.
Après s’être lavée les mains et avoir récupéré l’aiguille qui lui avait permis de se tatouer le tour des lèvres, elle y fit glisser une fil assez fin, mais pas autant que dans l’hôpital. Elle nettoya de nouveau la plaie et inspira profondément avant d’utiliser sa main gauche pour relier la chair séparée par ce trou et d’y insérer la pointe. Elle ne devait pas montrer un seul signe de faiblesse ou de peine à son égard, elle savait qu’il aurait mal et devait se montrer forte. Une fois que l’aiguille passa une première fois, laissant tisser la suture de fortune et pourtant précise d’Imekanu, elle continua ainsi de suite sur quelques centimètres. Des minutes défilaient avant qu’elle termine sa tâche. La jeune femme attrapa un bandage qu’elle utilisait pour cacher ses bras et se rapprocha afin de l’enrouler autour du ventre de Shitekka, le passant dans son dos. Elle passa ses bras autour de lui, suffisant à rejoindre les bandes dans son dos et à former une sorte de nœud. Elle resta là, ses bras toujours scellés autour de lui, levant son visage vers lui, ses iris saphirs contemplant celui qu’elle aimait par-dessus tout, elle ne pouvait nier à quel point il était plaisant à regarder et combien son coeur chavirait à chaque oeillade lui étant adressée. Il était rare qu'elle l'étreigne ou qu'ils s'échangent ce genre de geste, mais elle savait qu'il en aurait besoin et elle ne savait pas pourquoi, mais son corps lui avait dicté de rester près de lui, à ce contact déstabilisant mais réconfortant et agréable. Oui, elle aimait le prendre dans ses petits bras et cette priximité entre eux.
« Je surveillerai que ça cicatrise bien, mais c’est fini. Merci d’avoir cru en moi et d’être venu me voir, Shitekka. »
Passée l'interrogation autour des machinations entre Kaguya, l'intervention chirurgicale de fortune put démarrer. Malgré les conditions précaires de cette couture de la chair, le balafré plaçait toute sa confiance envers sa moitié. Son visage supplantait une expression de douleur avec des traits placides, détendus par une assurance évidente. Dès lors qu'Imekanu se mit à l'œuvre, Shitekka apprécia la raison pour laquelle son cœur avait flanché pour son être. La jeune archère incarnait malgré elle toute l'île de Saroruncasi. Alors que leurs corps se rapprochaient dangereusement, le balafré appréciait l'odeur des conifères insulaires sur ses cheveux. Ses yeux trouvèrent l'éclat apaisant de Chirotto, le lac aux mille oiseaux, dans l'iris de sa compagne, alors qu'il sentait la chaleur de l'âtre du kotan contre son corps. Même lorsque la candeur de sa peau se souillait du cruor de son bien-aimé, Shitekka devinait l'albe des monts de Saroruncasi sur le derme de sa bienfaitrice. Tout en Imekanu représentait un ancrage profond envers cette île que Shitekka fut contraint de quitter il y a déjà quelques années.
Mais tout fut bouleversé alors qu'elle apposa ses lèvres sur la joue de Shitekka. Les stigmates qui maculaient les avant-bras de l'infirmière en herbe rappelèrent la condition actuelle d'Imekanu. Elle était plus qu'un simple fantasme lyrique qui soulageait sa mélancolie. Sous la Brume, les deux Urumis étaient égaux en leur qualité de ninjas. Alors que la dite kunoichi s'attardait à refermer la plaie ventrale de son patient, ce même patient éprouvait une sensation bien différente que celle procurée par la pilule analgésique. Au zénith du contact entre les deux êtres, Shitekka redécouvrait le parfum du corps d'Imekanu. Il y décelait quelque chose de plus organique, de plus vivant que ce qu'il se représentait jusqu'à présent. La vue de cette peau virginale avait quelque chose d'intriguant, d'attirant, bien loin des perceptions nivéennes que le chasseur s'en faisait précédemment.
En lui aussi, quelque chose changeait. Le tambour au cœur de sa poitrine ne cessait de s'emballer dans un rythme effréné, et le capitaine de son crâne sombrait bientôt dans la confusion. Difficile à dire s'il s'agissait d'un moyen d'échapper à la mise en scène chirurgicale, mais Shitekka se plaisait à parcourir chaque centimètre de peau visible au creux de ses doigts, alors que ses yeux fuyaient le spectacle de couture carnée.
Naturellement, l'étreinte prolongée offerte par Imekanu fut une occasion supplémentaire d'exalter davantage toutes ces sensations. En bon Urumi, Shitekka en profita pour déposer un baiser au creux de son cou, appréciant par là même la saveur de son enveloppe charnelle. En cet instant, il aurait aimé que cette accolade dure une éternité. Oublier les peines passées, ignorer les défis du futur. Recentrer le présent exclusivement sur ce moment. Mais ce n'était pas raisonnable. Ce n'était pas sain, non plus.
Pourtant… qu'est-ce que Shitekka se sentait bien dans les bras d'Imekanu. Un peu trop, même.
Il en ignorait dorénavant toute perception du temps. Un désir naissant dans le subconscient du guerrier, alors qu'il s'appropriait tout le corps de sa moitié. Allant jusqu'à outrepasser les attentions de sa douce, et ses remerciements. Trop longtemps, il avait ignoré ses pensées, choisissant de se consacrer uniquement à autrui. Trop longtemps, il s'était oublié en tant qu'individu, pour s'offrir à la Brume. Trop souvent, il embrassait les règles dictées par la tradition ou l'autorité, rejetant les lois de son être. Mais cet instant, passé au plus près d'Imekanu, il voulait se l'approprier pour lui seul. C'était égoïste, oui. Peu moral, peut-être. Mais Shitekka n'en avait cure à ce stade. Seul comptait ce sentiment de pouvoir, que les lois de la physique exprimaient naturellement en une attraction irrésistible entre le balafré et la brûlée.
De la gorge, ses lippes trouvèrent la joue de l'archère, scellant à nouveau un remerciement physique. Un léger « merci » s'échappa de sa mâchoire. Bientôt, la chaleur du foyer céda à la fièvre de la chair. Bien loin de la candeur alpestre de sa peau, Shitekka redécouvrait réellement les formes et les contours de sa bien-aimée. Il se releva, et l'enserra à son tour, avec douceur, comme pour l'empêcher de s'évaporer. Leurs regards tombaient mutuellement dans le gouffre de leurs pupilles. Alors, enfin, il scella nerveusement ses lèvres aux siennes, ignorant tout de ce qui les attendraient. Seule la minute présente importait.
Shitekka représentait un aspect de la vie qu’Imekanu n’avait jamais connu. Oh grand jamais avant aujourd’hui, elle s’était interrogée clairement sur ce qu’elle ressentait en cet instant, sur l’effet que la présence du Kaguya représentait pour elle. Très déconcertée, elle tentait de se concentrer sur la couture de fortune qu’elle imposait au combattant en herbe. Le balafré avait un regard chaud et ensoleillé qui contrastait avec ceux de Sarocuncasi et pourtant, son teint halé se coordonnait à la population locale. Étrangement, c’était l’inverse pour la traqueuse qui avait des yeux aussi bleus que les mers séparant les îles dans Mizu, mais sa peau était bien plus rosée et claire que les femmes de sa tribu. En Shitekka, elle voyait le lien entre Saroruncasi et Mizu, il représentait le changement, le bouleversement dans la vie de l’Urumie, ses interrogations, ce pourquoi, son cœur battait si fort.
En un sens, il l’avait changée, pas en mal bien sûr, mais il lui offrait un aspect de ce monde qui lui donnerait presque des ailes. La jeune femme ne s’était jamais sentie aussi femme que près de lui et elle avait parfois envie de lui montrer, même si elle ne savait pas comment faire. Alors lui permettre de le soigner d’elle-même et de s’occuper de son rétablissement ne pouvait pas lui faire plus plaisir. Lorsqu’elle glissa ses lèvres sur sa joue, comme pour lui donner un point auquel se rattacher pour oublier sa douleur, elle comprit à quel point ce qu’elle ressentait pour le jonin n’était pas qu’imagine, pas que symbolique, pas que sentimental : c’était aussi physique.
Etait-ce parce qu’elle avait une vue parfaite sur le torse-nu du jeune homme ? Ses muscles, ses cicatrices, cette transpiration qui se reflétait aux quelques rayons qui traversaient la modeste fenêtre de son appartement ? Ou simplement le fait de pouvoir le toucher ? En tout cas, le fait de se concentrer sur les soins lui permettait de ne pas perdre pied, du moins, pas encore.
Lorsqu’elle scella les sutures une bonne fois pour toute, la kunoichi se permit de couvrir sa blessure d’un bandage, passant autour de son ventre pour maintenir le tout. Si elle aurait pu reculer et se contenter de lui expliquer ce qu’il se passerait ensuite, elle n’en fit rien. Non, elle resta bras autour de lui, son regard rivé sur les billes d’or qui ne cessaient de l’observer. Shitekka pourrait ressentir contre son torse, le cœur palpitant de sa dulcinée, comme s’il dansait rien que pour lui. Le choc électrique des lèvres du manipulateur d’os sur son cou envoyant Imekanu dans un autre monde. Son corps se tendit agréablement alors qu’un long frisson parcoura son échine. Son regard s'agrandit, surprise de constater que son corps avait agi directement suite à ce simple contact. Ses joues se colorèrent alors elle serrait un peu plus le jeune homme contre elle, comme pour se préserver de quelque chose. Entre ses bras, elle avait l’impression de voyager et de tout oublier.
Les barrières semblaient s’être inclinées face à l’amour existant entre les deux êtres faits de chair et de sang. C’était comme si depuis toujours, elle était toujours endormie et qu’aujourd’hui, elle sortait de son cocon. Oui, c’était ce que procurait l’effet qu’avait le Kaguya sur l’archère. La jeune femme voudrait que le temps s’arrête, que rien n’empiète sur ce moment entre les deux natifs de Saroruncasi ; car ce qu’offrait ce lien étroit, ce sentiment de bien-être, cette chaleur dans leur corps qui coloraient fortement le visage de la chasseresse, Imekanu ne pouvait plus s’en passer. Elle ne comprenait pas comment cela fonctionnait, mais elle sentait que Shitekka y était réceptif, elle frissonnait à chaque mouvement de sa bouche sur sa peau, qui avait vogué jusqu’à sa joue rebondie. Ce discret remerciement arracha un faible sourire à la kunoichi, qui sentait ses mains trembler contre son bien-aimé.
Entre ses mains, la genin se re découvrait, elle avait l’impression de renaître, il lui offrait un sentiment indomptable, indéchiffrable. Mais lorsque leurs pupilles se croisèrent de nouveau, offrant un ultime message à ce qu’ils voulaient, elle comprit que son emprise sur elle était totale. Le baiser qu’avait initié le balafré fut comme la confirmation de tout ce qu’elle pensait, il projeta violemment toute planche de bois qui avait pu s’ériger autour d’elle afin de la préserver de ce moment. Imekanu ne put fermer les yeux à cet instant, ses pupilles océaniques brillaient à la fois de surprise et de joie. Ce premier baiser, tournant une page importante de leur vie, fut prolongé avec maladresse et passion, les mains de la douce s’était accrochée à la nuque du Kaguya, comme si elle avait attendu ce moment depuis qu’elle était venue au monde, comme si elle était née pour tomber dans ses bras.
Combien de temps était-il passé ? Elle ne savait guère, mais le besoin de reprendre leur respiration les poussa à se séparer légèrement, sans pour autant se séparer. La jeune femme observait avec tellement d’amour l’urumi qu’il ne pourrait pas l’ignorer. Ce fut à ce moment-là que son cœur parla à sa place, que son corps agi sans qu’elle sache pourquoi.
« Shitekka… Kuani e omap ash... »
Déclara-t-elle la voix chaude et tremblante, alors qu’elle se rapprochait de nouveau de ses lèvres qui lui avaient offert le plus beau des paradis, en quête d’un nouveau monde.
Ils n'étaient plus dans cet appartement miteux. Pas moins au sein de la Cité de Kiri la Grande. Plus dans cet Archipel de l'Eau qui protégeait leur île natale. Loin de ce monde matériel, les deux Urumis échangeaient un pur moment d'intimité loin de tout. Chaque geste de tendresse, chaque contact chaleureux contribuait à construire un nid en dehors du temps et de l'espace. Le balafré continuait de serrer la brûlée contre lui, tout comme elle l'enserrait. Il découvrait une douceur inédite, à défaut d'avoir connu l'affection d'une mère en vadrouille permanente pour protéger son peuple. La déclaration explicite d'Imekanu sortait temporairement le gardien de Saroruncasi de cette agréable torpeur. Il baissa la tête vers la sienne. Ses lippes s'élargirent en un sourire béat. Ils échangèrent naturellement une nouvelle preuve de leur lien si fort, scellant leur promesse au moyen de leurs lèvres.
Spontanément, une unique réponse s'imposait dans le cœur du guerrier de la Brume.
« Kuani e omap ash. »
L'amoureux apposa sa main sur la joue de sa belle. Il désigna du regard ses blessures, les bandages qui couvraient les séquelles de ses duels avec Henzaemon. Avec la même voix suave et calme, il glissa :
« Ku ehese-hum-pirika tap an, Imekanu. »
La chaleur qui entourait les deux êtres nullifiait la moindre douleur. Plus efficace encore que la préparation de sa douce, sa seule présence suffisait à apaiser les maux du guerrier blessé dans sa chair. Presque un sacrilège pour un tributaire de la horde d'ivoire. Seul le squelette devait encaisser pour son possesseur. Mais le maître du Shikotsumyaku en avait bien cure en cet instant présent. Ses ambres continuèrent de se perdre dans l'azur de sa mie. Ses mains, elles, se baladaient sur le corps de sa belle. Il explorait sa peau ingénue. Parfois, ses dextres approchaient de lieux inconnus et défendus. Mais la psyché du guerrier en cet instant ne comportait guère d'innocence. Seul un sentiment d'ivresse sentimentale gouvernait ses mouvements.
Shitekka ressentait l'envie d'aller plus loin avec sa belle. Demain, peut-être serait-il envoyé en sa qualité de Spectre pour faire taire quelques opposants. Ou en représentant de la Brume pour le compte de la Coalition, afin de faire perdurer l'ère du chakra. Il risquerait d'y perdre la vie, ou au moins ses convictions dans la foulée. Demain était si proche, si instable. Alors il fallait saisir l'instant présent. Apprécier cette journée avant de perdre le contrôle. Son corps le lui dictait. Son cœur pulsait à un rythme effréné, loin des champs de bataille. Sa respiration s'emballait. Et sa chair demandait plus.
Alors ses mains explorèrent en des lieux insoupçonnés. Elles descendirent sur la taille de sa belle, et pas même le rouge qui explosait sur les joues de sa douce ou des siennes ne l'arrêta. Le balafré déposa un baiser sur la nuque de sa proie. Leur proximité permettait à Imekanu de ressentir ce qui se tramait dans la chair de sa moitié.
Les minutes s'écoulèrent, et la température grimpait également. La douceur côtoyait progressivement la volupté. La balade gestuelle se poursuivait, au gré du bon vouloir de l'archère. Peu à peu, les limites de Shitekka cédèrent une à une. Jamais il n'avait agi ainsi. C'était la première fois, pour ainsi dire. Pas même Kotan-kor-kamuy n'eut son mot à dire, bien incapable d'intervenir dans pareille situation. Alors, lorsque l'ultime digue de son esprit vint rompre à son tour, les mains à un endroit insolite, l'Urumi n'eut d'autres choix que d'exprimer ce qu'il ressentait au plus profond de son être.
Affronter des dieux, des créatures inconnues, des êtres dotés de chakra, des animaux féroces, ce n’était rien comparé à ce qu’elle combattait aujourd’hui. L’inconnu qui se présentait devant eux faisait trembler la douce de tout son être, mais ce n’était pas des frissons désagréables, bien au contraire. Chacun échangeait et partageait une part de leur âme, de leur cœur, offrant ce qu’ils éprouvaient mutuellement avec une douceur infinie. Si les gestes disaient beaucoup de choses, Imekanu ne put contenir ces mots qui souhaitaient s’extirper de sa bouche, elle voulait faire savoir au Kaguya à quel point ce qu’elle ressentait, dépassait tout ce qu’elle avait connu. En effet, jamais elle n’avait prononcé ces mots pour quiconque et elle savait à quel point ils pouvaient être puissants. Voir le sourire du balafré suite à cela et l’échange labial nourrit le cœur de la kunoichi qui fut presque achevée par la réciprocité de ses paroles.
Tous ses gestes lui offraient une chaleur à en avoir le tournis, elle maintenait ses pupilles océaniques dans l’étendue dorée des siennes pour ne pas chavirer. C’était sans compter sur les mots de Shitekka dénoté d’un vent aussi intense que celui d’un après-midi d’été caniculaire. Faisant l’effet d’un fer bouillant sur la poitrine de la kunoichi. Elle lui sourit, heureuse d’entendre qu’il se sentait aussi bien avec elle. La traqueuse ferait tout pour le combler, car lui l’avait bien sorti de cette caverne sombre et froide où elle s’était réfugiée depuis son arrivée à Kiri. Il lui avait offert le Kotan qui lui manquait tant, mais pas seulement, il lui avait offert la capacité d’Aimer et d’être Aimée en retour. Dans un Yuukan aussi sombre et imprévisible, ce sentiment était plus que précieux et Imekanu le chérissait à chaque instant. Si l’ingénue ne s’était pas osée à s’aventurer plus qu’à soigner son torse, ses mains qui s’étaient agrippées à la nuque du jeune homme commençaient à dessiner chaque parcelle de sa peau halée et de ses muscles dessinés. Quant à lui, à chaque fois qu’il s’aventurait sur ce corps parfaitement innocent, c’était un battement de corps bien plus intense qui poussait Imekanu à en faire de même avec lui.
Il pourrait y avoir un tsunami qui traverserait le village que l’azurite ne s’en rendrait pas compte : elle était complètement obnubilée par les preuves d’amour et d’envie du Kaguya, complètement transportée dans un autre monde, loin de la réalité qui pourrait les rattraper à chaque instant. Elle voulait profiter, se perdre, comprendre et connaître ce qui se présentait derrière les grilles érigées dans son esprit jusqu'à aujourd'hui. Alors que le jeune homme posa son dévolu sur sa nuque brûlante, la kunoichi s’attarda à glisser ses doigts dans sa crinière onyx tandis qu’elle faisait connaissance avec le corps de sa moitié qui montrait un désir irrémédiable. Constatant qu’elle ne le laissait clairement pas indifférent, la jeune tatouée se sentait heureuse et fière.
Que les kamuys lui pardonnent ne pouvoir retenir son souffle bourré d’ivresse à chaque geste et baiser de Shitekka. Le petit appartement de fortune se transformait petit à petit en un fourneau rempli d'effluves volcaniques et grondait presque aux dernières paroles du Maître du Shikotsumyaku. Une petite boule naquit au creux du ventre de la genin qui comprenait l’imminence même de ce qui allait se dérouler. Mais contre toute attente, elle ne put s’empêcher de sourire et d’arborer la même envie que lui.
« Shitekka... »
Murmura la kunoichi contre ses lèvres avant de lui offrir un baiser passionné, comme pour s’ancrer dans la suite des événements. Blottie dans ses bras, l’archère savait qu’elle pouvait se dresser contre le monde ou même face à Shitekka. La brune recula légèrement et dirigea ses doigts contre la ceinture qui retenait le tissu brodé de Saroruncasi avant de la desserrer et de la laisser tomber. Enfin, elle parcourut le tissu jusqu’à l’encolure de son kimono et le repoussa maladroitement en arrière, le laissant glisser jusqu’à la taille. Son regard n’avait pas quitté celui de son amant, brillant intensément de désir et d’amour. Ses joues, plus colorées que jamais, contrastait avec le haut du corps pâle, laiteux et délicatement plantureux qu’elle présentait à celui qu’elle aimait. N’arrivant pas à placer les mots qu’elle avait dans son esprit, elle préféra le prouver en lui offrant une vue sur l’innocence même, courbée pourtant comme celle d’une jeune femme. Son corps témoignait aussi de son tempérament de guerrière, laissant transparaître quelques cicatrices des erreurs du passé, notamment durant la chasse. Mais c’étaient principalement les grandes balafres dans son dos qui pourraient faire frissonner le Kaguya. Pour l’heure, il ne s’y attarderait sûrement pas, étant donné que l’ingénue lâcha complètement le vêtement, dévoilant le reste de ce qu’elle avait camouflé aux yeux indiscrets du monde toute sa vie. Aujourd’hui et jusqu’à la fin des temps, ce qui se présentait au Prince des os lui appartiendrait.
En cet instant, il n'existait plus que ce cocon. La matrice de quelque chose de bouillonnant, duveteux. Un havre de volupté aux frontières floues, construite au gré des regards complices, des sourires enchanteurs, des caresses agréables. L'alchimie magmatique entre deux êtres qui atteignait peu à peu son point d'orgue. Né dans le creuset d'une culture héréditaire, cultivée au sein de la Brume entre devoir et recherche de repères. En cet instant, le reste n'avait plus d'importance. Pas même Celui au Chapeau. Surtout pas Celui-là. Seul importait l'interaction précieuse entre eux deux.
Il n'y avait plus la guerre : seulement l'affrontement des désirs et des rêves face aux limites. Il n'y avait plus la destruction : uniquement un chaos bouillonnant qui catalysait leur bonheur mutuel.
L'attirance magnétique mutuelle invita chacun à se révéler davantage. Abandonner tout apparat, toute contrainte imposée par la société. Revêtir l'unique vêtement conféré par les forces de la nature. Au milieu des preuves d'affection, le saphir s'offrit à son ambre. Elle dévoila sa peau de porcelaine, progressivement, face au regard palpitant de sa moitié. D'aucun commenterait la tristesse des blessures qui marquaient la chair de l'archère. Mais, hypnotisé par le galbe envoûtant de sa douce, ses yeux qui exsudaient d'une sensualité innocente, les yeux fauves ne décrivaient qu'une beauté singulière. Un bouquet de pétales de prunier, de cerisier et de camélia.
Ses perles dorées détaillaient non sans gêne les courbes de sa promise. Il découvrait une anatomie qui lui était auparavant étrangère. Ses pensées frissonnèrent alors qu'il comprenait qu'elle offrait jusqu'à son intimité la plus profonde à ses yeux de mortel.
Alors à son tour, l'ambre se dévoila.
Un puzzle charnel, né des cicatrices de chacun, s'assemblait dans la petite pièce, alors que leur tenue originelle se complétait à merveille. La distance n'existait plus. L'un découvrait les muscles aussi fins que fermes de sa moitié, la candeur parfaite de sa robe charnelle. Il apprivoisait cette vision agréable, qu'aucun autre ne put contempler jusqu'à présent. Il était le premier à découvrir ces formes euphoriques, non sans une pointe de fierté mal placée aussitôt balayée. Il humait son parfum fiévreux, et buvait l'océan tropical de ses yeux avec délice.
Le temps n'existait plus qu'à travers la chamade de leurs cœurs unis. Un chronos volcanique qui appelait à l'aion.
Dans une énième contemplation presque spirituelle, l'homme préleva une mèche de sa femme, avec la même attention qu'une fleur fragile. Il en huma le nectar, avant de sentir qu'il ne faisait que retarder l'inévitable. Il ignorait tout de son rôle, de ce que son cœur et ses entrailles lui dictaient. Au zénith de leur bonheur mutuel, l'homme sentait une certaine crainte corrompre le puits sans fond de son affection pour son Ève. L'exploration osée de leur corps ne fit qu'accroître cette appréhension, alors qu'entre leurs lèvres se levaient l'auster, annonciateur de la tempête.
Malgré les réflexes lascifs de son enveloppe charnelle, l'Adam décida de prendre une poignée de secondes pour lui-même. Alors que ses mains et le reste de son corps poursuivaient leur conquête voluptueuse en terra incognita, ses pensées furent toute redirigées le temps d'une introspection. Il croyait être seul, à trouver les ressources pour confronter cette ultime barrière qui l'empêchait d'accomplir l'aion. Ce fut sans compter sur les kamuys, piliers dans l'éternité, qui lui donnèrent la volonté de briser cette digue. Exprimer leur bonheur pleinement. Entremêler leur ramat passionnément. Tel fut le sens du moment que s'apprêtait à vivre les deux enfants de Saroruncasi, sous la bénédiction du Kamuy Moshir.
L'hésitation guidait les gestes de l'homme. Il contempla une énième fois sa femme, saisit la chance de cet instant, de sa rencontre avec elle. Il prit une légère inspiration. Le lustre mordoré de ses yeux dépeignait une détermination inédite, plus ambitieuse. En cet instant, le cocon se refermait définitivement sur eux deux. Cet instant, pas même les kamuys n'auraient le privilège d'y veiller. Il appartenait à Imekanu et Shitekka. Ce dernier ferma les yeux, et, aux côtés de son amoureuse, accepta d'accomplir l'aion.
…
…
…
Lorsque Shitekka rouvrit les yeux, la lueur du soleil matinal agressait ses rétines. L'esprit embrumé, son regard parcourut son environnement, détailla la silhouette endormie à ses côtés. Les souvenirs fragmentés de la veille remontaient peu à peu à la surface. Un bonheur indescriptible. Un moment inoubliable. Le partage de deux êtres à l'unisson. Les mots manquaient pour le guerrier, mais son corps les traduisait en fragments de mémoire. La nuit n'avait pas existé, sinon sous la manifestation d'une pause inquantifiable. Une transition tout aussi agréable pour le Kaguya, libéré de tout cauchemar habituel. Pas une fois seule fois le fantôme de la Sorcière blanche, de Hanae, ou de quiconque d'autre ne vint tourmenter son sommeil.
Dans un sourire à la fois béat et timide, il fit l'inventaire de cette célébration suprême de leur lien, chérissant chaque seconde passée en la compagnie de sa chère et tendre. Leur union n'en fut que plus renforcée. Ils s'étaient découverts plus qu'aucun autre auparavant n'aurait pu. Plus que leur corps, ce fut leur âme à nue qui fut offerte à l'autre. Cela, l'enfant de l'os n'en doutait pas.
Malgré ce rituel presque sacré que traversèrent les deux natifs de Saroruncasi, un élément continuait de hanter inutilement les méandres de l'homme. Alors que le film de leur soirée ne cessait de tourner en boucle dans sa tête, une seconde crainte se manifesta jusqu'à l'épitome de leur moment. Une appréhension, nourrie par sa propre participation, et les hantises des discussions dans les ruelles.
« Est-ce que… j'ai pas été trop nul ? »
Sa petite voix s'essouffla alors qu'il se parlait à lui-même. Malgré ce doute qui occultait toute la complicité entre les deux êtres, la félicité de partager un moment loin de toutes les préoccupations qu'imposait leur devoir militaire, et le moyen de manifester physiquement la puissance de leur lien sentimental, Shitekka secoua sa tête pour évacuer ses pensées néfastes. Il trouva alors le réconfort dans la vue de la demoiselle endormie, qui étira définitivement son sourire béat et chassa ses appréhensions. Maintenant, ne subsistait que la sérénité que lui procurait son amour pour Imekanu.
Un parfait tableau printanier, qui s’inclinait face à l’été se présenta dans le logement des deux amants qui avait fait de cette peinture, une œuvre unique et parfaitement fleurie. Les pétales s’étaient ouverts au travers des minutes qui défilaient, jusqu’à s’ouvrir à l’union de ceux qui s’étaient promis l’un à l’autre. Un mélange de Saroruncasi, de Mizu, d’eux se démontraient sur l’énième toile qu’ils avaient dessinée ensemble. La première ayant été créée à leur rencontre. Le brouillard qui avait suivi Imekanu jusqu’à Kiri s’était dissipé dès que leurs regards s’étaient croisés pour la première fois, l’absence de cette masse opaque et dérangeante initiale qui avait permis à la douce de se frayer un chemin vers l’indépendance et l’intégration au sein du village. Elle devait à cet homme la vie, le renouveau, l’espoir. Mais aujourd’hui, alors que son esprit se réveillait petit à petit après cette nuit parfaitement mouvementée, elle comprenait que ce n’était qu’une couche qui la séparait de l’accomplissement total. Parce qu’en cet instant, Imekanu se sentait complète. Elle remercia intérieurement les kamuys de leur avoir permis d’entrelacer les pinceaux de leur amour pour en graver un souvenir, un passage vers un futur bien plus clair pour eux. Ses yeux toujours fermés, elle profita de ce moment pour repenser aux fragments qui se reformaient de ces dernières heures.
Pleinement consciente, elle garda un moment pour elle, les yeux fermés pour repenser à cette transition, ce passage vers un autre monde. Le cocon qui s’était fermé autour d’eux s’était de nouveau ouvert, les invitant à retourner dans le monde réel. Pour autant, Imekanu baignait encore dans un rêve éveillé. Pour s’assurer que ce n’en était pas un, elle se permit d’ouvrir un œil et tomba sur l’épaule dénudée de son bien-aimé. Un sourire plus que ravie se dessina sur le visage de la comblée, se permettant de refermer sa paupière. Alors qu’elle profitait tranquillement du réveil et de la compagnie de son artiste complice, elle pouvait entendre quelques mots, sûrement pas adressés à elle. Elle haussa d’un sourcil, presque amusée de le voir se poser de telles questions après ce qu’ils avaient partagé.
Le Saphir se décida d’ouvrir les yeux pour retrouver son ambre, tout d’abord aveuglé par le jour qui le fit grimacer. Dans un silence envoûtant, la kunoichi observa son amour, repensant alors à chaque instant qu’ils avaient partagé la veille. Ses joues se colorèrent légèrement en repensant à leur union. D’une voix basse, qu’il pouvait tout de même entendre, la traqueuse murmura...
« Shitekka, voyons... »
Une douce main se posa sur sa joue, dans un mouvement lent, comme si son corps lui rappelait tous les gestes qu’elle avait réalisés avec ce bras, caressant la peau de son cher et tendre… Avant de glisser sur sa nuque, qu’elle avait attrapée un bon nombre de fois... pour le rapprocher d’elle. Son front se posa sur le sien, comme la veille, lorsqu’ils décidèrent de faire rencontrer leurs âmes et les lier. Son corps dénudé vint rejoindre le sien, un contact vraiment très plaisant, qu’elle avait appris à apprécier durant un moment qui semblait avoir duré une éternité.
Elle lui disait bonjour à sa manière.
Presque comme hypnotisée, comme souhaitant très rapidement ôter tout doute de son esprit, la traqueuse de la Brume vint déposer ses lèvres souriantes de bonheur contre celles de l’amour de sa vie, lui offrant un baiser des plus amoureux et passionné. Reculant alors légèrement, la jeune femme lui offrait un regard bien différent de la veille : plus confiant, plus désireux, plus… femme… Elle observait chaque trait du visage qui faisait battre son cœur, presque émue d’avoir la chance de pouvoir ressentir un tel bonheur. Elle espérait avoir répondu à ses interrogations et était même prête à recommencer si cela ne suffirait pas...
Que le Cerisier, lui pardonne de sa Grace cette pensée exaltante.
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