Apposant lourdement ses mains sur la grande surface de roche noire, le guerrier calciné en éprouva la solidité, faisant porter le poids de son corps musculeux et ravagé dessus tout en expirant longuement par le nez. Sous ses yeux s’étendait la carte qu’il avait recréé en relief du Pays de la Terre, et qui restituait en trois dimensions ses monts et montagnes, ses vallées, ses forêts, ses villes,… Il s’agissait du fruit d’un travail minutieux, l’alliance des connaissances contenues dans les cartes d’archive et de l’expertise de terrain de bon nombre de professionnels, shinobis comme civils. Au fil du temps, les détails s’y étaient ajoutés, les reliefs s’étaient affinés, et si il demeurait bien des zones quasiment vierges qu’il conviendrait un jour ou l’autre de combler, cette large maquette de pierre représentait dors et déjà un outil très utile à la planification de leurs opérations.

Si elle n’avait pas eu vocation à demeurer ici, entre les murs du QG troglodyte du Sazori, sans doute aurait-elle pu être qualifiée d’oeuvre d’art par des yeux davantage portés sur la chose que ceux des hommes et des femmes de l’Unité. Ses yeux de braise plongeant à s’y perdre dans les reliefs de la maquette, l’Oterashi songea à cette contribution qu’il avait apporté, laissant affluer dans son esprit sans hiérarchie particulière toutes les autres qui s’étaient accumulées au fil du temps. Il n’y avait pour Yanosa rien de plus naturel que d’apporter ainsi à leur édifice commun autant de pierres que possibles, au propre comme au figuré. Le constat, froid et pragmatique, se faisait cependant de plus en plus clair pour le guerrier maintes fois brisé : si lui était bel et bien prêt à tout pour créer l’avenir le plus formidable possible pour leur cité, leur nation, et plus largement pour tous ceux capables de manier le chakra, ce n’était vraisemblablement pas le cas, psa tout à fait en tout cas, pour ses semblables et coéquipiers plus haut placés, ici même à Iwa.

Pendant un instant, l’Oterashi pencha la tête en avant, courbant sa nuque endolorie, puis finalement poussa sur ses mains pour se reculer de la maquette et se retrouver droit devant elle. Tsuyoshi. Il serait – et était certainement déjà – officiellement nommé Taishô de l’unité. Aux yeux de l’Oterashi, cela faisait le plus grand sens, et il ne faisait pour lui aucun doute que le Hyûga saurait reprendre là où Tenzin les avait malheureusement laissé. Cette question, qui n’en était plus vraiment une, continuait toutefois de forer ses galeries dans son esprit : pourquoi lui ? Pourquoi le choix initial de la Godaime, à la lumière de toutes les informations dont elle disposait déjà au moment de le faire, s’était-il porté sur lui ? La réponse, celle qu’il avait trouvé du moins, ne reflétait que trop bien les réticences du monde en général à regarder la violence dans les yeux, des réticences qui s’étaient peu à peu immiscées dans les pensées de Toph.

Il lui était difficile de la blâmer, vues les circonstances, mais les symptômes de ce genre d’hésitation finiraient par causer leur perte. Et si le Tellurique avait juré de servir sa Tsuchikage au mieux de ses capacités en n’allant plus contre sa volonté… il ne se priverait pas d’aller au-delà de celles-ci. Il avait vu ce que Toph réservait à celles et ceux qu’elle ne jugeait pas dignes : ces personnes se trouvaient dépouillées de leur grade, de leur paye, de leur équipe,… Yanosa était ressorti de ce bureau en conservant toutes ces choses, tous ces acquis intangibles, et sil il avait pu avoir le moindre doute sur les intentions profondes de Toph… ce simple fait aurait suffi à les lui ôter. Restait pour le guerrier tellurique à trouver comment continuer à opérer et servir au mieux ainsi. Pour ainsi dire… dans l’ombre de l’Ombre.