La fidélité a un prix [Sendai Yahiko]

La porte s'ouvre avec fracas, mais elle reste quand même sur ses gonds. Tu avais rêvé d'une scène ou tu enfonçais celle-ci pour la faire voler en éclat droit dans la face de cet Empereur. Pas une fois, il n'avait tenu promesse. Glisser une récompense dans une enveloppe aurait été tout ce qu'il te fallait pour te faire taire... du moins avant le prochain caprice. Tu pouvais paraître pénible ; mais tu étais simplement attachée à une vie d'errance ou un contrat se payait au compte goutte. PAS avec des promesses jetées en l'air.

Ce Yahiko avait exactement la même attitude que ce que tu avais pu blâmer lors de l'affrontement final. De belles paroles, mais rien qui suit. L'accès au titre, il te le devait. La mission ? Impayée. Son ardoise n'était plus assez vierge pour que ton calme prime sur la rancœur. S'il comptait te mener en bateau, il aurait du l'avouer dès le début. Pas de primes, pas d'avantages, ainsi, aucun espoir n'aurait germé en toi. Un espoir qui se transforme bien vite en hybride sans visage, cruel et affamé.

Tu avais une bonne demie-heure d'avance, avait bousculé les soldats qui voulaient te dire de patienter, et avait pénétré dans la pièce majeure du palais en faisant bien attention de créer un brouhaha reconnaissable.

Le toutou du roi est là

Son visage plongé vers le tien, l'impatience lisible qui émane de toi. Il avait déjà compris qu'il s'y prenait mal pour gagner ton respect, ta fidélité. Aujourd'hui serait donc l’avènement de cette tension qui avait germé de son fait.

Il aurait donc le choix ; faire honneur à ses mots. Ou le perdre à tout jamais à tes yeux.

Dans un cas, tu continuerai à obéir sans jamais rechigner. Dans un autre, il acterait probablement le début d'une nouvelle stratégie à adopter. L'un comme l'autre ne te déplaisaient pas. Tu pouvais t'enrichir machinalement comme créer un nouveau cataclysme aux portes d'Urahi.

- Alors, confortable ce trône ?

Une manière qui t'était propre de t'introduire, avec toute la classe d'une mercenaire sans gêne. Tes yeux se remplissaient d'un feu vicieux ; sincèrement intéressé par la réponse. A part donner des ordres depuis son trône d'or... Cet homme... Que valait-il réellement ?

@Sendai Yahiko

De nombreuses pièces d'or gorgeaient des sacs dissimulés derrière le trône d'or. J'avais eu vent des lettres de réponse, je me remémorai notre marché et sans l'ombre d'un doute, j'allais l'honorer. La jeune femme qui s'approchait de ma position avec une tête déterminée et presque insolente me surprenait, négativement, si bien qu'il me fallait me rappeler de temps en temps que les rôles s'étaient naturellement inversés, causés par nos comportements respectifs. Son assurance et sa franchise avaient tendance à la faire passer pour celle qui donnait les ordres, et mon calme ainsi que l'écoute que je tentais de faire preuve auprès de tous me donnaient parfois l'impression que c'était à elle de mener l'orchestre.

Pourtant, c'était elle le musicien.

Je pouvais lire dans son regard de la frustration. Je pouvais voir les yeux de quelqu'un qui était déçue, de quelqu'un à qui l'on avait menti, de quelqu'un qui regrettait amèrement son choix. Assez naïvement et innocemment, je me rendais compte qu'elle et moi ne provenions pas du même milieu. J'étais simple, bien trop pour la complexité de son fonctionnement. Elle était simple, bien trop pour la complexité de mon fonctionnement. Mais je comptais tout de même honorer la promesse que je lui avais faite, même si elle arrivait tardivement.

Alors à sa présentation, je levais la main droite. Emergeait de derrière le grand trône un oiseau de chakra, transportant sur son dos des dizaines de bourses de taille moyenne, comprenant largement la somme que je lui devais et même plus encore. Il passait au dessus de ma tête, suivant le geste pourtant simple de mon bras, et venait se poser calmement devant le corps de la jeune femme. La même qui venait de me poser une question fortement amusante.

-"C'est un bon cache-misère", lui répondis-je sérieusement en parlant du trône.

Le ton était lui aussi théâtral, une preuve d'autodérision camouflée par une intention intransigeante.

-"Je me suis permis d'y apporter un supplément, de ma poche. Pour m'excuser du retard, je vous le devais bien. Aussi, la suite dont je vous avais parlé dans votre lettre est enfin disponible. Vous la trouverez à l'adresse que je vous ai indiqué sur la petite étiquette, située sur la bourse la plus proche de vos yeux."

Je la montrai en même temps du bout du doigt, afin qu'elle comprenne bien de quelle bourse je parlais. Mais voilà qu'il ne s'agissait qu'une introduction à notre grand discours, à une discussion qui se valait plus profonde que prévue. Parce que malgré la puissance de son caractère et malgré la sérénité du mien... j'étais bien déterminé à remettre les pendules à l'heure. De celui qui peinait à rattacher un seul soldat remplaçable, à celui qui imposait son rythme.

-"Je vous ai convoqué parce que je voulais en savoir plus. Au final, le contrat qui nous lie repose sur deux aspects : la prime, et la liberté."

Un contrat sur lequel elle aurait sûrement rêvé revenir, mais je faisais pourtant quelques pas en avant pour tenter de la raccrocher à mon règne. Comme si un Empereur avait besoin de raccrocher le moindre soldat, comme si un Empereur avait besoin de se rabaisser à des caprices qui me déplaisaient. Tout ça parce qu'elle était l'Ange Noire.

-"J'ai besoin d'en savoir plus. Vous ne me connaissez pas, et je ne vous connais pas. Alors parlez moi de vous, dites-moi ce que vous entendez par la Prime et par la Liberté. Expliquez-moi en quoi cela m'intéresse par rapport à ma lutte contre l'Homme au Chapeau."

La dernière question ressemblait à une attaque. Je ne comprenais pas que l'on puisse privilégier l'argent au combat pour le Chakra. Pour quelqu'un qui se vantait de sa simplicité, j'étais probablement tombé sur plus simple que moi.

L'envol du céleste chakratique eut raison de toute forme de conversation. Ton regard suivait la bête, ardemment, sans sourciller ; jusqu'à ce que l'or pèse enfin sur tes paumes. Tu connaissais son poids à la pièce, et pouvait juger de la valeur rien que par l'odeur légèrement terreuse de l'argent alléchant. Dans tes mains, de quoi bien vivre pour plusieurs mois. Dans tes yeux, l'effacement immédiat de toute hargne ou colère.

- Bien... Très bien

Soupesant les bourses et jouant avec comme une bête le ferait avec un nouveau jouet, tu oublies que l'Empereur se trouve à côté et n'a d'yeux que pour tes nouveaux amis. Le bonus pour le retard était la meilleure réponse que Yahiko aie pu trouver pour faire taire tes aversions, cela montrait qu'il avait conscience qu'avec toi, la rente devait être pointilleuse.

La suite dans le palais était un luxe approprié sur lequel tu ne crachais pas ; il te tardait d'en voir les effets. Pour le reste, c'est toujours un regard appuyé vers l'or que ton attention s'évapore, malgré les questions te concernant.

- La Prime... Je pense... Vous l'avez comprise. Un travail mérite salaire avec une échelle méritocratique. Plus la tache est lourde, plus le prix à payer est conséquent. Vous devriez comprendre de quoi je parle... Maintenant que vous régnez sur un pays tout entier.

Pour la première fois, ton visage se détache du paquet de soie et jubile à l'idée de comparer ton fonctionnement au sien. Peut-être n'y comprendrait-il rien, mais à tes yeux, l'équation se valait. La grandeur appelait au sacrifice ; parce que tout reposait sur un équilibre bien défini. En travaillant dangereusement, la valeur d'une vie augmentait. En devenant un roi ; il avait une responsabilité étalée à l'échelle d'un pays tout entier.

Pour ce qui est de la Liberté, c'est là que nos passés nous séparent. Je suis issue d'un monde ou le mercenariat est banalisé et simpliste : Un contrat, une paie. Mais le client n'a pas à nous dicter nos façons d'agir, ni comment, ni pourquoi. Le mercenaire est libre d'agir, mais surtout de choisir ses clients.

Ton jeu avec la pochette d'or se fait de plus en plus indélicat ; tu jettes la bourse en l'air et la rattrape quand elle retombe, faisant chanter les pièces comme une foule aux cris étouffés par les tissus.

- Votre cible est un gros lapin, l'homme le plus recherché du Yuukan. On dit qu'il jouerai avec le temps, l'esprit et la matière. Un homme comme ça... Même le plus adroit des mercenaires ne s'y frotterai pas ... Même pour tout l'or du monde.

Une franchise qui te vaudrait probablement ta place au sein de l'Empire ; mais tu admettais haut et fort que la quête du nouvel élu était bien trop gourmande par rapport aux moyens dont il disposait. Tu ne pouvais rien pour lui, et n'oserait rien dans un combat joué d'avance. Du moins, pas en contrat singulier. Pas en tant que Seiun, ex-mercenaire d'Ame.

Les yeux de l'Ange Noire paraissaient soudés à l'objet de toutes ses convoitises. Il ne me fallait que voir cela pour comprendre à qui j'avais à faire, ou du moins pour me créer des préjugés à son sujet. Je m'imaginais avoir affaire à une femme qui n'en avait que faire de l'avenir de l'Empire, qui n'en avait que faire de la guerre contre l'Homme au Chapeau. Si le chakra disparaissait, c'était avec des talents de voleuse qu'elle s'emparerait d'or. S'il prospérait, c'était avec ses techniques qu'elle pillerait. Je me demandais sincèrement s'il y avait une quête du bien ou du mal, ou s'il n'y avait qu'un amour inconditionnel pour quelque chose qui dépassait de loin toutes les problématiques du monde.

Alors je l'écoutai exprimer son point de vue, partagez ce qui l'animait. Pour le moment, je pouvais effectivement voir qu'elle ne dérogeait pas aux quelques idées reçues que je m'étais faite sur elle. Pire que ça, je constatais avec déception qu'elle était fermée à l'idée d'agir contre l'Homme au Chapeau... alors qu'il s'agissait bel et bien de tout l'intérêt de l'Empire sous mon règne. J'avais ainsi plusieurs choix : la tuer, l'expulser, ou tenter de trouver un juste milieu entre le danger, la paie et les limites qu'elle se mettait. Car après tout, dans toutes les missions qu'elle effectuait...

La pire fin était toujours la mort.

-"Êtes-vous bien au courant que Sakaze Tôsen ne s'embête pas à faire souffrir ses adversaires ? Lorsqu'il décide de les tuer, il le fait sans que vous ayez l'occasion de vous en rendre compte."

Il y avait quelque chose qui m'intriguait dans ce qu'elle me partageait. Je pouvais voir sa peur, je pouvais voir la crainte vis à vis de l'Homme le plus craint de l'Humanité. Pourtant, si elle effectuait souvent des missions de vols et autres pillages, je pouvais mettre ma main à couper qu'elle avait déjà eu à frôler la mort à de nombreuses reprises. Et même si l'enjeu paraissait bien plus important dans ce contexte de guerre pour les Shinobis, le risque était exactement le même que pour une de ses missions les plus risquées. Avec même moins de chances de se faire torturer.

-"Je suis persuadé que vous avez déjà manqué de mourir dans certaines de vos missions. Le mercenaire est au danger ce que vous êtes à l'argent, n'est-ce pas ?"

Il y avait ainsi un marché qui se démarquait dans mon esprit, quelque chose que je pouvais lui proposer. Du moins, je voulais être certain de pouvoir le faire. Alors en plongeant mon regard dans le sien, ignorant l'argent que je lui avais donné comme s'il n'avait à mes yeux aucune valeur, j'étais déterminé à tester sa volonté.

-"Au final, pouvons-nous dire que vous refusez catégoriquement une mission dans laquelle vous craignez d'être torturée ? Je m'intéressais à des missions d'infiltrations dans les rangs de l'Homme au Chapeau, je suppose que je ne peux m'adresser à vous à ce sujet ?"

Une proposition qui avait l'air complètement folle, qui pouvait paraître comme la blague d'un Empereur inconscient mais qui illustrait un besoin primordial, dangereux certes, mais on ne peut plus avantageux si nous en ressortions vainqueur.

Une question me trottait dans l'esprit, suite à cette demande. A quel point me trompais-je à son sujet ?

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