Été 204, Hôpital, village de Kiri.
« Ōgai, aurais-tu un instant à m'accorder ?
— Toujours là à accaparer mes précieux instants de repos à ce que je vois., le plus âgé releva un regard vers son ancien apprenti. Qu'est-ce que tu veux ? »
Sans un mot, Aditya se rapprocha de lui, élevant un mudrā unique, le regard bordé sur l'un des nombreux sceaux parant son corps de leur présence illusoire. Sa paume vint s'apposer sur l'un d'eux tandis que l'écho de ses pas se tarissait, et qu'il ne se tienne face à celui qui fut autrefois son mentor, afin de lui confier l'aboutissement de ses recherches. Un léger voile de fumée vint emporter le bras de l'ascèse, le temps d'un instant, avant que l'air ne le dissipe sous peu ; et au creux de ses doigts se révéla alors les détours d'un membre mécanique, forgé dans le même bois qui trahissait le don de l'héritier de la forêt. De nombreux loquets pouvaient être discernés aux abords de ce qui devait remplacer le biceps, en tout point identique au précédent prototype qu'il avait érigé, il y a quelques jours. Pourtant, il en était fondamentalement différent.
Le regard du blond vint trouver celui de l'Irounin, sans moindre parole.
« Est-ce que c'est ce que je crois ? »
L'intéressé hocha la tête, confiant l'objet à son vis-à-vis.
« Je croyais que tu avais abandonné. Tu m'avais confié que tu ne pouvais trouver de moyen de répandre le chakra comme le font normalement nos tenketsus.
— C'était le cas.
— « C'était » ? »
Aditya éleva ses doigts sous les détours d'un nouveau mudrā, dont l'écho de son chakra provoqua la fissure de l'objet, selon une line fendue sur le côté, comme incrustée dans l'ouvrage afin d'accéder plus aisément à son intérieur. Et pour cause ; les rouages devenaient apparents au plus âgé, au même titre que les Fūinjutsu qui gardaient l'extrémité et la paume de l'objet, comme connectés. Ōgai sembla hausser les sourcils de surprise, face à la complexité de l'agencement.
« C'est au professeur Gurashi que l'on doit ces sceaux. Une fois liés l'un à l'autre par leur nature paire ou impaire, ils semblent entrer en résonance, et faire circuler le chakra depuis les fils de métal hérités des arts marionnettistes... jusqu'aux doigts articulés, que les loquets actionnent pour former un mudrā. Cela repose sur le même principe que notre don de chakra, à la différence que le propriétaire de cette prothèse jouera tant le rôle du médecin que du patient.
— Ce vieux Gurashi ? Je le pensais mort, il a abandonné ses fonctions ici après qu'Osamu et lui se soient disputés au sujet d'Iseki.
— Je l'ignorais., lâcha-t-il dans un souffle, en repensant à son échange avec l'ermite.
— N'aborde pas le sujet avec elle, cela vaut mieux., il lui rendit la prothèse. Comment l'as-tu retrouvé ?
— La Kenpei.
— Je vois. »
Un silence s'installa entre les deux hommes tandis qu'Aditya s'emparait à nouveau du fruit de ses recherches, les sourcils froncés par les reliquats d'un doute dont il ne pouvait se défaire.
« Sais-tu combien de personnes cela va-t-il pouvoir aider ? », déclara-t-il, le ton grave.
Aditya hocha la tête, à nouveau. C'était précisément cette pensée qui implantait en lui les graines de l'inconfort, au lendemain de l'avènement de son objectif. Une question qu'il aurait dû se poser – qu’il s’était posé – tout au long du processus, mais dont il ne demeurait jamais certain de la fiabilité de la réponse. Il entendit la voix d’Ōgai redoubler de présence ; cette fois-ci, sur un ton plus léger, remémorant la discussion échangée lorsqu’il reçut le sceau garant de l’héritage du code Iseki.
« Et dire que tu ne me croyais pas quand je t’ai dit que ce qu’il y avait dans ton esprit pouvais apporter beaucoup.
— Je ne suis pas certain que ce soit la bonne chose à faire, cela dit., devant l'air interrogé d'Ōgai, il poursuivit. D'offrir aux ninjas la possibilité de retrouver leurs aptitudes, si celles-ci doivent être utilisées pour en tuer d'autres. Raonaka Ao était dôté de prototypes plus avancés que ceux-ci. Cela ne l'a pas empêché de tuer l'un des nôtres sur son passage, et de menacer la vie de tous. Ce fut le prix de son ego. »
Son regard s'attarda sur les détours de sa propre œuvre le temps d'un instant où l'attention de son ancien mentor planait sur ses épaules, absorbant chacune des réactions dont il pouvait être témoin. Il ne gisait sur son visage qu'un mélange de résignation et d'infâmie. Ses yeux se relevèrent vers les siens, un peu avant qu'il n'entende une fois encore le son de sa voix rompre le silence qui s'était imposé entre eux.
« Tu dois accepter qu'il y ait certaines choses que tu ne peux contrôler. Qu'un shinobi utilise ces prothèses pour le bien ou pour ses propres intérêts, cela n'est pas de ton ressort. D'autres aurait pu parvenir à cette avancée, comme c'est le cas au sein de la Roche ou des Nuages., il soupira. Tu n'es pas responsable des actions d'autrui, simplement des choix que tu leur offre. »
Aditya détourna le regard, conscient de la véracité qui trônait au cœur des propos de l'homme. Ces mots qu'il aurait lui-même employé. Vivre, en ne donnant qu'un choix, sans devenir acteur de l'histoire. C'était-là ce qui fut l'un des principes ayant dicté sa vie, depuis sa naissance. Il n'était plus certain d'être légitime à le suivre, désormais. Pas depuis le second Cataclysme.
« Penses-tu que la greffe de membres humains est envisageable ?
Aditya referma l'objet de bois dans l'un des sceaux placés sur son avant-bras, en éveillant ses contours d'un mudrā unique. Je ne me prononcerai pas tant que la finalité du combat contre le Chapelier s’offre à nous. Sans chakra… parvenir à ce genre de chose pourrait se révéler bien plus compliqué.
— Des greffes, Ōgai ? Que vas-tu imaginer comme sottises. »
Aditya retint un rire en voyant son l'Irounin embrasser à nouveau son côté caractériel à l'arrivée de leur comparse commune, dont le visage exempté de fatigue trahissait le début de ses devoirs envers l'hôpital pour aujourd'hui.
« Toujours là au bon moment., maugréa-t-il.
— Toujours. Aurais-je raté quelque chose ?
— Aditya a finalisé les prototypes de prothèses.
— Vraiment ?, demanda-t-elle en remplissant une tasse en osier vert d'eau bouillante. Elle le vit acquiescer. C'est superbe. Qu'en as dit l'Ombre ?
— Je ne lui ai pas encore présenté. C'est pour cela que j'aimerai que vous restiez discret à ce sujet. Tout du moins, jusqu'à ce que j'obtienne une audience auprès de lui.
— Je vois. Enfin, quoi qu'il en soit... fêtons ça. Même si nous n'avons que du thé, Ōgai rechignerait à l'idée de boire du saké entre les murs de cet hôpital.
— À juste titre. Ce n'est pas parce que tu es en mesure de purger ton sang que nous le pouvons.
— Peut-être que l'on n'aurait pas ce problème si tu n'avais pas l'alcool mauvais, mon cher. »
Aditya laissa un sourire se glisser sur son visage avant de s'approcher de son aînée, et de remplir à son tour deux nouveaux verres d'eau.
« Du thé fera parfaitement l'affaire Osamu, rassure-toi. »
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