En l’an 174, l’essor des shinobis ne cessait de croître. Ces êtres, autrefois rares, qui avaient réussi à exploiter au mieux ce chakra pour décupler leurs capacités physiques et créer des choses qui avaient longtemps relevé de la magie, étaient de plus en plus fréquents. Les Seigneurs cherchaient à rallier les plus grands clans de ces nouveaux ninjas, car l’un d’entre eux valait dix simples soldats. L’époque était nouvelle et le Grand Continent et ses Archipels étaient en passe de devenir plus que jamais… le Monde Shinobi.

Kaze no Kuni devenait le pays le plus riche du monde, car son voisin du Feu était toujours en guerre. Plus au nord, à Tsuchi no Kuni, le commerce proliférait. Et les shinobis, entre armes, rouleaux et équipements divers, avaient créé chez les itinérants un nouvel essor. Et avec des conflits comme celui de Hi, les kunais et katanas avaient presque plus de valeur que l’or lui-même. Et à l’instar de la Terre qui achetait, vendait ou au Vent où l’Ordre de l’Impératrice utilisait les esclaves pour fabriquer les matières premières nécessaires, les territoires s’accoutumaient de ces changements. Même à Kaminari no Kuni, un clan manipulant le métal commençait à tirer son épingle du jeu…

Mais il y avait un pays qui n’avait de grandeur que le calme et la simplicité de ses habitants. Il n’était ni grand, ni riche. Il ne comptait pas non plus de grandes familles nobles et encore moins de puissants clans shinobis. Et si ça n’avait jamais été un problème jusqu’alors, il n’était pas bien placé. Car entre son voisin du nord, la Terre, principal commerçant mondial et celui du sud, le Vent, principal fournisseur et première fortune, le Pays des Griffes était impuissant.

L’armement et l’équipement des shinobis étant devenu plus précieux que n’importe quel shinobi, les convois et commerçants étaient souvent attaqués. Il en était de même pour les fournisseurs de matières premières ou les acheteurs, que l’on pillait sachant bien quelles sommes ils pouvaient avoir sur eux. Mais la Terre, le Vent ou encore les autres grands pays étaient riches et puissants. Et lorsqu’ils virent qu’on pouvait attaquer leurs citoyens, ils les protégèrent. Alors, les attaques de marchands et convois sur ces terres se firent plus rares…

Car plutôt que d’attaquer dans ces grands pays, on préféra les attaquer sur leurs chemins. Et Tsume no Kuni devint petit à petit le théâtre d’assauts répétés. Les autorités – bien que modestes – du pays tentèrent au début d’empêcher cette violence grandissante. Mais ces attaques créèrent des conflits plus importants, impliquant parfois les Seigneuries des grands pays elles-mêmes. Si au départ des convois étaient attaqués par quelques mercenaires, ce furent bientôt des assassins, des guerriers et des shinobis qui furent envoyés. Et les attaques surprises devinrent des batailles, puis des guerres.

Et alors que tant mourraient entre les frontières du Pays des Griffes, des enfants naissaient dans ce contexte sombre.

Et parmi eux, un jeune garçon qui ne savait pas encore qu’il aurait le pouvoir de changer ce qui, jusqu’alors, avait été tout tracé.

Il fait noir. Et soudain, c’est tout un décor qui semble se dessiner tout autour. Des hautes montagnes jusqu’aux prairies colorées du Pays des Griffes. La vie y paraît alors si paisible. Mais rapidement, la noirceur semble s’emparer du sol, du ciel et même de tout ce qu’il y a autour. Le paysage devient alors sombre, gris, triste. Et c’est alors que des silhouettes apparaissent en plein milieu d’un chemin de terre battue.

Le jeune garçon reconnaît ses parents. Deux des gardes du Seigneur Kagane. Ils marchent avec assurance avant de s’arrêter. Leur patrouille était un succès. Ils se regardent et se sourient, avant de s’embrasser. Une parenthèse amoureuse dans un contexte tellement important.

Est-ce à cause de cela qu’ils ne voient pas les ombres encapuchonnées foncer vers eux ? La suite est difficilement regardable, pourtant il y est bien obligé. Tandis que les lames rentrent dans le corps de ses parents, le petit garçon ressent une vive douleur, comme si l’un de ces katanas avait pénétré son cœur.

Ses parents s’écroulent et rassemblent leurs dernières forces pour se regarder une ultime fois. Leur sang s’écoule sous leurs corps, laissant le garçon tirer son horrible conclusion. Ils sont morts.

« AAAAAAAAH ! »

Tandis que le jeune garçon se réveille en sursaut, des bruits de bas se rapprochent dans le couloir. Sa mère ouvre la porte.

« Mon chéri !
─ Mère, j’ai encore fait un cauchemar ! »

La mère court vers son enfant et se jette à genoux pour se mettre à sa hauteur. En le prenant aussitôt dans ses bras, elle sent la transpiration et la panique de son garçon. Elle lui murmure à l’oreille pour le calmer avant de le regarder dans les yeux avec le regard d’une mère qui ferait tout pour protéger son enfant.

« Ca va aller, ce n’était qu’un rêve. »

Le petit garçon la repousse alors, lui jetant un regard furieux. Encore une fois, elle tente de le consoler bêtement.

« Mais mère, c’était encore le même cauchemar ! »

La jeune maman, ayant bien conscience que ses simples mots ne suffiraient probablement pas à apaiser son enfant, semble soudain avoir une idée.

Elle se lève et lui sourit.

« Je comptais attendre ton anniversaire, mais j’ai un cadeau pour toi. Suis-moi. »

Le petit garçon s’était levé. Il ne transpirait presque plus, mais n’avait pas pour autant oublié le cauchemar horrible qu’il venait de refaire. Pour autant, c’était devenu secondaire. Car quand il regardait sa mère, il ne voyait plus qu’elle. C’était comme si chaque chose en l’instant qu’il vivait n’avait d’autre importance que servir de contexte, de décor, à celle qu’il aimait plus que tout.

Ensemble, ils sortirent et traversèrent le couloir. Le long silence et l’attente forcèrent presque l’enfant à se remémorer ce dont il avait rêvé. Mais plutôt que de se souvenir, il préféra se demander comment aurait pu se dérouler autrement ce cauchemar. Et c’était l’occasion pour ce dernier de poser une question à sa mère qui le perturbait depuis longtemps maintenant.

« Mère… pourquoi ne devenez-vous pas des Shinobis, avec père ? »

La jeune femme s’arrêta. Cette question lui faisait un peu de peine, mais lorsqu’elle se retourna vers son fils, elle n’afficha qu’un sourire rempli de tendresse avant de s’agenouiller vers lui.

« Tôsen, nous sommes les gardes personnels du Daimyô. Notre famille remplit ce rôle depuis des générations, avant même que les Shinobis soient apparus. Alors pourquoi aurions-nous besoin de devenir des Shinobis ? »

Le garçon hésita.

« Pour devenir plus fort ? Rei me bat toujours lorsqu’on joue aux voleurs, tout ça parce qu’il apprend les arts ninjas ! »

La jeune mère laissa échapper un petit rire. Elle craquait devant l’innocence pure de son enfant.

« Ton ami qui vient du Pays du Feu ? J’espère que tu me le présenteras un jour.
─ Mais tu es toujours en mission, mère… »

Elle le regarda dans le blanc des yeux.

« Nous en avons déjà parlé, ce sera bientôt terminé. Et sache qu'il y a bien des façons de devenir plus fort, mon chéri. Allez, je te rappelle que je dois te donner un cadeau. »

Tandis qu’elle se relevait, le jeune Tôsen sautillait de joie et de hâte. Il n’avait pas besoin de dire un mot pour que sa mère constate son impatience. Après un dernier sourire, elle se retourna vers la porte de la chambre parentale, en faisant un signe de silence à son fils.

Naturellement, ce dernier s’exécuta. Il n’eut à attendre que quelques instants avant de voir la porte à nouveau s’ouvrir. Sa mère, qui en sortait, se tenait droite et les mains derrière son dos.

« Qu’est-ce que c’est, qu’est-ce que c’est ?
─ Tu te souviens quand tu m’as dit que l’on se moquait de toi, au village ? »

L’impatience enjouée du petit Tôsen disparut, au profit d’une honte que la femme qui lui avait donné la vie avait immédiatement décelé. Et plus que ça, elle avait bien compris à quel point cela pouvait le gêner.

« Les enfants se moquent tous de la marque que j’ai sur la tête… Mais comme a dit père, ça ne doit pas m’atteindre, alors…
─ Tu as le droit d’être en colère, ou d’être triste. Mais comme je te l’ai dit, il y a toujours des solutions. Je t’ai préparé ça. »

Elle sortit alors un chapeau de paille, renforcé par du tissu de très bonne qualité. Sans même laisser le temps à son fils de le découvrir, elle le posa sur sa tête. Et immédiatement en le regardant avec, elle sourit.

« Il te va bien, mon chéri. »