Hiver 204

La traversée n’avait pas été chose facile pour l’enfant du pays pluvieux mais il avait tout de même réussi à rejoindre la capitale du pays. Il avait tenu le coup en ne cessant de se répéter qu’il aurait été impossible de faire ça en compagnie de ses sœurs. Il avait eu une bonne idée de les cacher sur l’archipel de Mizu, où il les rejoindrait le moment venu. Lorsqu’ils auraient trouvé un foyer digne de ce nom.

En attendant, il s’était installé dans la première taverne venue pour se désaltérer jusqu’à plus soif. Manquant d’argent, il n’avait pas manqué d’attirer l’attention en motivant quelques parieurs à se prêter à un jeu. S’ils parvenaient à soulever une pièce posée devant lui, il leur payait un coup. Sinon c’était à eux de lui offrir. Bien sûr la pièce d’argenterie était marquée d’un sceau propre à son talent. Sa densité était telle qu’elle aurait pu écraser le comptoir si Senka ne maîtrisait pas à la perfection son art. Il avait amassé une petite foule de curieux autour de lui et l’alcool coulait à flots, ne faisant qu’attiser sa soif après chaque verre.

Quelques éclats de rire et de grandes tapes dans le dos commençaient à rendre le petit groupe populaire au sein du petit établissement. Le tenant du lieu se prêta au jeu et offrit une tournée générale suite à son échec. L’espace d’un instant, Senka laissait tous ses problèmes de côté. Seulement un instant. Il tenait bien la boisson enivrante et ce n’était pas ça qui le pousserait à oublier ses objectifs. Non seulement de vouloir épancher sa soif après avoir affronté le désert, il tenait à récolter quelques informations dans ce lieu reculé de tout. Il n’y avait aucune assurance qu’il trouve réponse à ses questions. Cependant, il préférait mener son enquête ici plutôt que sur les terres qui l’intéressait, par peur des représailles. Pourtant, alors qu’il sociabilisait avec tout un chacun, il finissait par essuyer des éloignements lorsqu’il posait cette simple question :

- Qu’est-ce que tu sais sur Ame ?

Le sujet semblait tabou au vu du groupe qui s’était progressivement dispersé autour du grand gaillard. Le dernier pilier de bar à ses côtés finit par prendre la fuite à son tour. Soupirant mais recommandant un verre, Senka posa son coude sur la surface de bois pour se masser la tempe. Il y avait bien des gens informés pour qu’il suscite autant de méfiance. Mais pour trouver quelqu’un capable de le renseigner comme il voulait, ce serait plus coton. Il avait beau être de la lignée pluviale, il ne souhaitait savoir qu’une chose : comment s’organisait cette mafia et comment les approcher. L’assassinat de ses parents restait un mystère qu’il voulait résoudre à tout prix avant de passer à autre chose. Il le devait au moins à ses sœurs. Du moins pour la plus jeune.

Senka commençait à désespérer de cette entreprise. Il faut dire qu’il y avait peu de chances qu’il trouve des réponses. Il avait eu l’espoir que la géographie proche des deux pays lui permettrait de se renseigner sans être filé en posant un orteil au pays de la Pluie. Les circonstances de la disparition de ses parents l’avaient poussé à continuer sa quête de renseignements. Quelque chose ne collait pas dans tout ce qu’il avait pu récolter jusque-là. Il lui manquait une information primordiale. Il ne saurait dire laquelle mais il sentait qu’un détail restait inconnu. L’ultime pièce qui lui permettrait de voir plus clair dans ce drame.

Il en avait déjà parlé avec sa sœur la plus âgée mais elle s’était montrée fermée sur la question. Pire, elle en avait presque été jusqu’à l’accuser de cette perte. Il n’y avait pas eu un ton plus haut que l’autre étant donné que la cadette se trouvait dans la tente à côté. Par conséquent ils n’avaient jamais pris la peine de reparler de cet évènement, qui pourtant ne quittait pas l’esprit du vagabond. Il comptait en partie sur cette taverne et leurs occupants pour l’aiguiller. Un effort vain semblait-il.

Qui reprit couleur et espoir en la personne d’une jeune femme qui alla droit au but. Elle avait l’air d’être renseignée au vu de sa phrase d’introduction. Une approche que Senka salua d’un geste de main pour interpeller la vision du tenancier et qu’il amène de quoi boire. Lorsque la boisson arriva, il sacrifia ses derniers sous pour régler la note. Il devrait refaire son petit jeu de tout à l’heure pour se renflouer. Il lui en coûterait une infime quantité de chakra. Mais pour l’heure il comptait bien se concentrer sur cet entretien.

Son interlocutrice engagea d’elle-même la discussion en précisant qu’elle avait peut-être les renseignements qu’il cherchait. Elle semblait faire partie du milieu de l’information, le genre de contact dont le vagabond avait bien besoin pour sa quête. Il allait poser sa question lorsque vint la question fatidique du coût de l’information. Il aurait été bien trop beau, mais surtout utopique, qu’il trouve son bonheur gratuitement. Il se pouvait que le paiement soit financier mais le ton employé laissait sous-entendre quelque chose de peut-être moins matériel. Comme une histoire de service à lui rendre. Senka leva son verre dans sa direction et le but d’une traite. Il prit la parole lorsque le petit récipient vint se claquer sur la table.

- J’aurais aimé en savoir plus sur la mafia qui sévit là-bas. Mais si vous pouvez me renseigner, quel serait le prix de cette information ?

Elle était directe, il le serait aussi.