Kansei repartait pour accomplir sa mission après avoir fait son rapport mensuel à la Seigneurie, ses traits assombris par ses actes autant que par le climat de Ame qui avait un effet indéniable sur lui. Le crachat sans fin hivernal avait eu raison de sa bonne humeur, ou de ce qui s’en rapprochait autrefois, quand il n’était pas un Hijin dévoré par le feu de son propre pays et les ambitions d’un Daimyô mégalomane. Mais le Nara n’était pas adossé à cet endroit précis par hasard ; sa curiosité était un vaste lac dont il sortait parfois la tête pour en apprendre plus, quitte à mouiller des larmes de ses questions le premier quidam un tant soit peu informé. Ce soir, ce serait cet homme à la crinière lactescente, qu’il savait d’informations sûres obtenues à l’Impériale lié au Protectorat et plus globalement à Kumogakure no Satô.

Comme il l’espérait, en voyant un homme adossé ainsi, l’inconnu s’approcha au pas et marqua le contact visuel que l’Ombrageux lui rendit sans exprimer pour l’heure d’émotions ; seulement le marbre de son teint hâlé.

« Bonsoir. Je ne crois pas, mais je vous attendais. » Il ne cracha dans un premier temps pas un mot de plus ; dieu qu’il pouvait être suspect. Mais Kansei faisait confiance au potentiel shinobi pour ne pas prendre ses jambes à son cou. Quelques instants après, le temps d’allumer une cigarette, il entonna sur le même ton.

« Je suis comme vous un Teikokujin, à cela prêt que nous sommes tous deux affectés à des missions différentes. » D’un doigt, il tira son haori pour laisser le kanji du feu brodé sur son pourpoint luire à la lueur du feu.

« Kansei. J’espérais en venant à votre rencontre en apprendre plus sur la condition du Protectorat. Et qui de plus fiable qu’un allié. »

En était-il un ? Après tout, les kumojins infiltrés pouvaient bien fourmiller, dans les rangs d’un Empire aussi grand et fructueux que le sien. L’air affable mais fermé, il contempla les traits de son interlocuteur pour décrypter autant ses expressions que ses futurs mots. Là face au petit feu qui brûlait, son ombre grandissante semblait crier son patronyme.

Pas farouche l’individu accosté ne semblait pas plus effrayé que cela par le Nara et s’octroya même le droit de s’approcher de lui, ce qui le conforta dans l’idée qu’il avait accosté la bonne personne. Il hocha la tête et en descendit son port assez bas pour dévoiler la base de sa nuque, mesure de politesse venue de Tetsu où découvrir un tel point montrait à une personne sa propension à lui laisser en disposer et donc ses bonnes intentions.

Du nom de son clan, qui n’était pas connu pour appartenir à une terre en particulier et à son accent, il ne semblait pas un natif hijin. De là, il faisait peut-être partie de la fournée accueillie en même temps que Tomoe, ou une plus récente. Le dénommé Yahiko répondit à son interrogation intérieure de lui-même. Le garçon semblait honnête avec ce que ça impliquait.

« J’ai aussi été Kumojin. Il me semble que ça fait des mois maintenant... » Il quitta la vision que lui offrait le Sendai pour le paysage derrière lui. Un mois ? Plus ? Moins ? Les dernières épreuves l’avaient assez secouées pour que sa temporalité lui paraisse floue, lui qui comptait presque tout ce qui était important.

« C’est cela. Je suis parti peu après la proposition de Rei-san aux Kumojins ; celles de prendre ses couleurs. Vous faites partie des hommes qui l’ont acceptés alors. Peut-être est-ce de la curiosité mal placée ou une inquiétude pour un village qui m’a jadis accueilli. Mais je me demande quelles sont les conditions du protectorat à l’heure actuelle. Qui dirige, comment va la population, est-ce que les rebelles n’ont pas fait trop de vagues... » Il pensa à Hiko, Takara et tant d’autres.

Yahiko l’estimait digne de confiance et d’intérêt alors il ne lui fit pas l’insulte de ne pas en faire autant. Éreinté et à vif, il était plus à même de discuter et de s’ouvrir un peu plus que d’habitude.