L’aube venait à peine de commencer et ses couleurs chaleureuses commençaient alors à remplir les paysages du village des Nuages. Seiji se trouvait au beau milieu d’une ruelle encore bien vide de toute vie. Pour une fois, il ne se sentait pas bien fatigué voir au contraire, il redoublait d’une énergie mystérieuse qui le poussait à accélérer chacun de ses pas. Le jeune homme venait d’avoir une nuit excellente qui lui avait permis de retrouver toute son énergie. Il revenait de quelques entrainements imposés par sa famille, auquel il avait prit par avec un malin plaisir. Seiji ne détestait pas l’idée de s’entraîner durement, bien au contraire d’ailleurs.
Et si aujourd’hui avait été supposé être un jour de repos, ses parents en avaient décidé tout autrement. Bien qu’il avait vingt-et-un ans et avait prit son indépendance il y a de cela un an, sa famille avec encore un impact majeur sur sa vie. Son père comme sa mère étaient deux êtres infiniment intelligents, maîtrisant les arts de l’esprit avec une perfection telle que Seiji avait tendance à ne pas croire cela possible. Ainsi il leur vouait un énorme respect qui était d’ailleurs réciproque. Et aujourd’hui on demandait donc au jeune Yamanaka de se rendre chez une connaissance à eux.
Seiji n’était pas bien sûr à quoi s’attendre, il connaissait cependant le nom de cette personne : Nara Kansei. De part son nom de famille, le Yamanaka percevait déjà une certaine image de cet homme. Il savait forcément que ce clan était connu pour son immense intelligence et sa maîtrise des tactiques. Il y avait quelques controverses autour de celui-ci, mais rien qui ne tâchait de façon définitive l’image d’un clan aux membres infiniment intelligents et stratèges. Le jeune homme était donc très excité à l’idée de rencontrer une personne pouvant lui apprendre des choses.
Il pensait aussi qu’on l’envoyait là-bas pour lui servir de leçons, lui donner une image plus concrète à poursuivre. En y pensant, Seiji n’avait pas de modèle à proprement parler. Son père était impressionnant, certes, mais il avait dédié sa vie à la recherche et Seiji ne se voyait pas suivre ses traces. Le Yamanaka se voyait plus tard un membre important, un manipulateur d’esprits. Il voulait être aussi craint que respecté des autres villages ; devenir un espion, un assassin, un politique important… Il avait plusieurs idées, plusieurs projets, mais tout semblait encore bien trop loin pour une personne de son rang.
Il arriva enfin à l’endroit qu’on lui avait indiqué, sûrement le lieu de résidence de Nara Kansei. D’une voix claire et forte, le penseur s’annonça.
« Bonjour, je suis Yamanaka Seiji, on m’a envoyé ici pour rencontrer un dénommé Nara Kansei. »
Un autre jour se levait sur le Pays de la Foudre. Et pour une fois, le shinobi nommé Kansei s’était octroyé le droit de grasse-matinée, ou du moins quelque chose s’en rapprochant dans son cas. Sa nuit blanche à la bibliothèque l’avait déréglé et il avait bien fallu se recaler. Aujourd’hui, l’homme de l’Ombre devait recevoir le rejeton d’un couple de Yamanaka, éminents dans cette partie du Yûkan par leurs recherches et leur appui à Kumogakure no Satô ; il ne s’attendait toutefois pas à le voir débouler si tôt. C’est sa voix d’adolescent qui le sortit de sa torpeur toute relative, ses longs cheveux noirs étalés sur le large traversin.
D’un mouvement de main, il les tira en arrière en queue de cheval et les attacha, enfila un kimono de nacre blanc floqué du symbole clanique Nara et descendit doucement les escaliers, le son de ses getas contre les planches annonçant son arrivée. Il vivait lors de ses séjours intra-muros dans cette bâtisse appartenant aux siens, assez spacieuse pour au moins trois ou quatre personnes. À l’intérieur, aucun effet personnel si ce n’était le large rouleau scellé.
Faisant glisser la porte sur le côté, il jaugea de ses yeux à l’air semi-éveillé celui qui se trouvait face à lui. « Lui-même. Entre, ne te dérange pas. » Il lui tourna alors le dos et se déporta pour lui laisser le passage, l’invitant de sa main gauche à suivre son geste pour s’installer dans le salon où une table basse entourée de coussins servirait de lieu d’étude. Kansei alluma un peu d’encens et alla ensuite se servir un thé, ramenant au passage quelques boissons et autres en-cas au cas où le Yamanaka aurait faim.
Sans se presser, il s’installa et avala une petite gorgée avant d’entonner. « Tu sais pourquoi on t’a réellement envoyé ici, Seiji ? » Son regard d’un noir de jais planté dans ceux de son interlocuteur, il attendait de voir tout le flegme Yamanaka en action ; et il le connaissait bien. Son meilleur ami de son époque en tant qu’Hijin faisait parti de cet Ichizoku et il les savaient malins ; trop malins même.
Le soleil commençait à montrer un peu plus de son horizon, laissant place alors à ce qui allait paraître une journée ensoleillée. La porte glissait alors sur son côté, présentant ainsi un homme un peu plus âgé que Seiji, sûrement de quelques années. Il avait bien dû mal à jauger ce genre de choses au simple regard. Il devait évaluer, analyser et définir la personne pour pouvoir la cerner parfaitement.
Le Yamanaka entrait de ce fait dans la demeure de cet homme pour se diriger là on lui demandait d’aller. En son fort intérieur, Seiji souriait et rigolait même de voir que ce personnage manquait d’inspiration pour sa décoration. Ce n’était pas essentiel en soi, mais Seiji accordait de l’importance a ces détails pour comprendre qui était ce fameux Kansei. Un minimaliste, peut-être ? Une personne préférant peut-être le réel au matériel et donc expliquant ce vide absolu chez lui. La discussion commençait donc.
« Je ne pense pas savoir, non. »
Il se doutait sûrement de quelques détails, mais avec ses parents l’impossible était possible et tout était imprévisible. Peut-être allait-il devoir servir d’escort-boy à cet homme et dans ce cas-là il y aurait affrontement, ou alors peut-être était-ce son grand frère caché ? Les parents du Yamanaka avaient un don pour cacher leurs objectifs et souhaits. Ils étaient après tout, eux aussi, des manipulateurs nés qui savaient se jouer des gens, même si ce n’était pas la voie que les deux avaient empruntés. Pour ainsi dire, son père et sa mère étaient les seuls individus que Seiji n’avaient pas encore réussi à lire au travers, à deviner leurs pensées et volontés.
« Je suppose qu’il y a un rapport entre nos clans. Je suis d’ailleurs surpris que mes parents vous connaissent, eux qui avaient décidé de couper tout contact avec le clan Yamanaka et leurs origines. Je ne connais pas très bien l’histoire du clan Nara mais me semble-t-il que nous sommes originaires du même pays. Mais qu’en sais-je? Je ne suis pas historien. »
Seiji faisait comprendre par la même occasion son interrogation sur sa venue, lui dont la curiosité était maladive. Il savait de ce Nara Kansei que c’était un haut gradé, donc un puissant homme. Le Yamanaka n’avait besoin de savoir que cela pour commencer à être intéressé et ouvert à la discussion. Il prit une gorgée de thé que lui avait proposé son hôte, attendant donc de savoir la suite des événements.
Son regard semblait briller d’une intelligence maligne. Dans sa prime jeunesse, il avait grandi avec ce même genre d’individus et cela lui rappela quelque peu le pays, le vague du passé pouvant se lire brièvement dans les pupilles noires du Nara. Les mains croisées devant sa tasse encore remplie, le Jônin scruta celles du Yamanaka sans paraître trop insistant. Même s’il disait ne pas savoir, il ne fallut pas longtemps à Seiji pour s’en donner à coeur joie sur sa théorie, faisant montre au passage d’une éloquence remarquable et rassurant le Nara qui n’aurait pas à faire à un de ces taciturnes muets et misanthrope. Il savait comment les prendre et faire avec mais la possibilité n’était pas plaisante ; ici il aurait tout loisir de s’exprimer et converser.
Curieux. Cela serait utilisable plus tard. Partageant la boisson avec le garçon, dont il était l’aîné de quelques années tout au plus, il lui répondit quelques secondes plus tard sur un ton calme et assuré. Sur un ton qui ne se voulait pas paternel, mais au moins amical.
« Pas besoin d’être historien pour le savoir, mais nos deux entités claniques collaborent depuis bien longtemps, avant même nos naissances. Et cette collaboration s’est nouée à Hi no Kuni, le pays qui a vu nos clans développer leurs arcanes. Après la guerre civile, certains sont restés en contact pour faire perdurer ce qu’il a fallu des décennies à bâtir. Voilà ce qui explique ladite connaissance. » Il se permit une autre gorgée puis continua. « Les capacités des Yamanaka tirent leurs forces de leurs esprits. Sans cela, ce n’est qu’un fourreau sans lame. Si je ne me trompe pas, tu n’as pas de senseï attitré ici à Kumogakure no Satô ? Le temps que ça soit le cas, je servirai de passerelle afin que tu aies un entraînement assez élaboré pour t’épanouir. En tant que membre de ton clan comme en tant que shinobi. » Un léger sourire de défi marqua ses lèvres.
« As-tu une idée du genre d’épreuves qui pourraient t’aider ? » Il savait lui même ce qui allait arriver ensuite, mais curieux lui aussi, Kansei se demanda bien ce que Seiji pouvait bien imaginer.
Seiji était intrigué par son interlocuteur mais surtout fasciné. Il inspirait un respect immense, de part sa carrure déjà, et ensuite une sorte d’aura émanait de cet étrange personne. Il ne pouvait décrire parfaitement ce qu’il ressentait, mais c’était un mélange de fascination et d’inspiration. Le Yamanaka était bien trop au courant qu’il n’inspirait pas encore le respect comme cet homme, peut-être à cause de sa faible puissance et son jeune âge. Ainsi, le garçon prenait déjà grand plaisir à converser avec Kansei. Il ne pensait pas pouvoir l’appeler comme cela d’ailleurs, d’où son vouvoiement très formel quand il s’adresse à lui.
« Je vois, cela me semble plus clair en effet. »
Il est vrai que Seiji ne s’était jamais vraiment interrogé sur le passé de sa famille et de son clan. Ses parents eurent tendance à dire qu’ils n’étaient que peu intéressants et que certaines méthodes qu’ils avaient pu employé dans le passé n’avait pas plus aux parents du jeune homme, d’où la rupture avec le clan. En soi, il ne regrettait rien, car il ne savait même pas ce qu’il aurait pu regretter de son passé. Mais il comprenait clairement pourquoi on l’avait envoyé ici : car ce personnage semblait intelligent et digne de confiance de la famille Yamanaka. Et Seiji manquait cruellement ce cet figure de maître, d’un sensei.
« Il est vrai que je n’ai personne comme supérieur. À vrai dire, j’ai déjà eu une ou deux propositions mais c’est en voyant la façon de faire de ces équipes que j’ai immédiatement refusé. »
Il marqua un temps de pause pour prendre une gorgée de son thé encore assez chaud pour être obligé de souffler avant de boire.
« Je connais mes faiblesses et mes forces, et beaucoup me demandaient d’être un personnage offensif, au milieu des combats. Je vais être honnête avec vous : je ne me vois pas comme le grand guerrier de la bataille combattant ardemment les ennemis. J’ai lu quelques écrits du clan Yamanaka et la majorité se voit comme des manipulateurs, prenant possession du corps des ennemis pour en faire usage : je ne suis pas comme ça. »
C’est vrai, Seiji se voyait comme un homme de l’ombre. Un garçon manipulant avec habilité l’esprit de ses ennemis pour altérer leurs réalités, leur faire croire ce qui n’est pas, leur inventer de nouvelles histoires. Il savait fort bien que ce chemin allait être ardue, car on allait sûrement lui demander à l’avenir des affrontements directs. Mais son choix était fait depuis l’adolescence, depuis qu’il avait compris que la seule limite de son pouvoir était son imagination.
Kansei demandait ensuite à quoi s’attendait Seiji, ou du moins son avis sur ce qui pourrait entraîner idéalement le Yamanaka.
« Je ne sais pas vraiment, à vrai dire. Je ne me suis jamais entraîné avec une autre personne, enfin, du moins, une personne consciente de s’entraîner avec moi. »
C’est vrai qu’il avait pour habitude d’aller dans des lieux publiques et d’infiltrer l’esprit de gens au hasard pour y planter des « graines » comme il disait si bien. C’était des choses minimes comme faire croire qu’ils avaient perdu leurs clés de maison alors qu’ils les tenaient dans leurs mains, ou alors inverser les couleurs d’un objet, c’était plusieurs idées dans tous les sens qui permettaient au garçon d’exploiter son pouvoir de différentes manières.
« Je suppose que quelque chose stimulant mon esprit, mon attention et intelligence serait idéal? Peut-être un jeu comme le Shōgi, bien que je ne ferai pas le poids face à vous. »
Kansei avait réussi à intrigué le Yamanaka au point de le faire sourire d’excitation à l’idée de découvrir ce qu’il lui réservait.
La cascade impétueuse de la jeunesse sembla se gondoler sous les caresses du flot tranquille de l’expérience et ses leçons. Seiji sembla l’écouter avec attention sans discontinuer, preuve en était son regard. Kansei n’aimait pas parler pour lui-même et déballer l’équivalent de kilomètres de parchemins pour ceux qui n’en avaient cure ; il était tout autre quand cela avait une réelle incidence sur son prochain.
Il ne put qu’acquiescer doucement. Le système shinobi, malgré ses nombreux avantages, comportait parfois certaines lacunes. Il était évident qu’une puissance telle que Kumo ne pouvait octroyer à chaque étudiant la personne parfaite, en totale adéquation avec ses talents. C’est à cela que servait les relations et l’intérêt des plus jeunes vers le savoir de ceux qui le possédaient ; à faciliter son accès.
Sans même que Kansei ait eu à en venir à des questions plus ou moins détournées pour en apprendre plus, le garçon lui offrit les informations qu’il n’avait pas sur sa personne. Il ne voulait pas marcher dans les sentiers déjà parcourus mille fois. Soit, il était d’une certaine façon assez similaire à lui. Bien que Nara, aucun ne se battait à sa manière et il avait élaboré son propre style martial et technique.
« Tu es jeune, l’avenir se chargera de transformer tes faiblesses et tes forces ; même si je comprends bien ton propos. Libre à toi de choisir ta voie, ce ne sont pas les fantassins qui gagnent les guerres, bien que ce soient les fers de lance que l’ennemi voit en premier et souvent en dernier. »
Il lui faudrait toutefois s’améliorer, même dans les domaines qu’il ne lui plaisait pas. Mais cela était une autre histoire qui attendrait.
« Tu es un garçon très perspicace. » Répondit-il en se levant, les pans de son kimono révélant un torse aux multiples cicatrices, tandis qu’il allait chercher un plateau dans une armoire non loin.
« Connais-tu les règles ? » Il déposa un échiquier entre eux, sans faire bouger d’un iota la theière et le reste de ses possessions sur la table, appliquant les pièces sur les cases noires et blanches, prenant de son côté la couleur signature de son clan.
« C’est une bonne mise en condition. » Une fois que tout fut mis en place, il déplaça simplement un pion. L’importance de l’échange n’était pas dans les déplacements, dans la victoire ou la défaite ; il était dans la réflexion menant à tout cela. Kansei lui rendit son sourire ; il se revoyait à l’époque avec les anciens, avec ses amis hijins.
Amusé, le garçon prenait plaisir à converser avec ce nouvel individu qu’il trouvait tout à fait fascinant. En soi, il comprenait fort bien l’écart de niveaux entre lui et Kansei et c’était bien ça qui l’attirait tant. Y-avait-il meilleure méthode que d’apprendre au près de ceux qui ont déjà tout vu ? Enfin, il n’en savait pas grand chose de ça. En revanche les cicatrices qu’il avait sur son torse avaient tendance à parler pour lui, montrant alors un passé sûrement hargneux et actif. Bien sûr, ce n’était pas cela que Seiji visait. Il avait appris, grâce à ses pouvoirs, que des unités spéciales existaient au sein du village.
Et dans sa tête résonnait alors l’idée de rejoindre l’une d’entre-elle, celle spécialisée dans l’infiltration et la collecte de renseignements. Il voulait être capable d’entrer dans un village caché sans que personne ne le prenne pour un ennemi, grâce à son pouvoir clanique. Modifier la réalité à sa convenance pour devenir qui il voulait et servir au mieux son village et accomplir ses plus profonds désirs. Voilà de beaux projets qui excitaient au plus haut point le garçon, impatient de devenir plus puissant et de montrer sa valeur. D’ailleurs, il comprenait fort bien les propos de Kansei à propos des fantassins.
Peut-être que Seiji voulait en effet avoir cette image de la main de fer dans un gant de velours, il n’était pas encore sûr de cela. Enfin, ceci était bien un autre sujet et le garçon fut ravir de voir que ses déductions étaient exactes à propos d’un jeu de conquête et dans notre cas : le Shogi.
« Eh bien, j’ai lu un ou deux livres sur ce jeu et quelques stratégies, mais j’avouerais ne jamais avoir essayer d’y jouer, peut-être par manque de partenaire de jeu. »
Ainsi le plateau était face à eux et Kensai fit le premier mouvement. Seiji savait très bien comment marchait ce jeu : 20 pièces, différents rôles mais le but étant toujours de mettre en échec et mat le roi adverse. Dans notre cas-là, le Yamanaka n’avait pas la pièce du Roi mais celle du Régent car selon les vieilles traditions, il n’était pas possible d’avoir deux Rois et donc dans ce jeu, un côté avait la pièce du Roi et l’équivalent adverse était le Régent. Les autres pièces restaient les mêmes et le jeu était plutôt simple à comprendre. Malgré tout, Seiji avait affaire à un Nara et donc la partie n’allait pas forcément être simple.
Il déplaça à son tour un pion d’une case.
« Êtes-vous un passionné de ce jeu ? »
Seiji avait sûrement mille questions, cent interrogations et tant d’autres choses à lui demander mais par politesse et respect il ne se permettait pas une quelconque intrusion. On lui avait toujours appris à montrer un respect immense envers les hauts-gradés et c’était bien pour cela que le jeune homme faisait preuve d’excellentes manières.
Il semblait une personne assez isolée, dans son cocon. Comme si ses aspirations adjointes à son caractère et son éducation en faisait un isolé, un solitaire. Non par misanthropie ou comme le serait un ascète ; Kansei en saurait de toute façon plus bientôt. Il opina du chef comme pour confirmer que cela serait suffisant et continua de jouer, commençant par lancer l’offensive en front serré par le côté droit via ses pions.
« Oh, disons que c’est une version simplifiée du Shogi et que j’affectionne ce qui a un rapport avec la stratégie. C’est bien plus amusant quand des vies humaines ne sont pas sur la table. » Devoir choisir pour les autres et les guider était une bénédiction mais aussi une tare ; car les erreurs commises en amont pouvaient provoquer les plus grands raz-de-marées. Kumogakure no Satô le découvrirait bien assez tôt, les conséquences des actes de Shûhei et Reiko arrivant à grand pas frapper à la porte du village, pourtant si calme aujourd’hui.
« À chaque pièce que tu prendras, tu pourras poser une question, et moi de même. Cependant, le mensonge est prohibé et mettra fin à la partie. » Un rictus s’afficha sur le visage précédemment placide du Jônin à la queue de cheval. Ses capacités de senseur, s’il n’était pas Yamanaka, suffisait à lui permettre de se rendre compte de la valeur des propos d’autrui.
Son premier pion vint se jeter en pâture à la première ligne de Seiji, prenant avant une unité adverse. « Quel est le plus grand défaut de Kumogakure ? » Son sourire continua de s’étirer, tandis qu’il observait simplement la main du Yamanaka, qui allait devoir jouer.
Il reprenait, lentement, une gorgée de son thé tout en regardant son adversaire jouer. Kansei semblait plutôt vouloir partir sur une offensive directe. Le Yamanaka trouvait presque cela étrange de partir sur une telle agressivité en début de partie. De ce qu’il y avait lu, on préférait d’abord placer une formation, avec exactitude. Mais il ne connaissait absolument pas toutes les tactiques de ce jeu qui étaient existantes par millier et la complexité de chaque mouvement créait de nouvelles occasions. Ainsi, Kansei avait un pion bien avancé dans les lignes de Seiji.
Et finalement le véritable enjeu était de permettre aux deux de se connaître à l’aide de questions et d’un jeu de réflexion. Ainsi Seiji touchait son menton pour réfléchir à sa prochaine action et devait, par la même occasion répondre à la question du Nara.
« La méfiance qu’à le village envers les autres nations, je dirais. Je ne pense pas qu’il faut être ami avec l’univers entier, bien loin de là. Il est d’ailleurs essentiel d’avoir des rivalités pour permettre de créer une sorte de compétition encourageant le chacun à se donner à son maximum. Cependant… »
Il décida de bouger son cavalier pour prendre la pièce bien avancée du Nara, lui permettant ainsi d’égaliser la prise de pions. Le cavalier était plutôt en sécurité, étant entre deux autres pions.
« Cependant je pense que notre village est trop protecteur et notre Raikage se pense toute puissante alors que la réalité est toute autre. »
Seiji prenait alors un grand risque de critiquer le chef du gouvernement du village des nuages, qui plus est face à un haut gradé. C’était, en partie, pour montrer son honnêteté et sa franchise directe. Il n’aimait pas passer par quatre chemins et s’il fallait pointer du doigt quelqu’un ou quelque chose, le Yamanaka s’en fichait très peu des bonnes manières. Il était le premier à vouloir faire de Kumo la plus belle et forte nation.
« Elle pense que Kumo est un village fort et sécurisé, pourquoi alors avons-nous laisser échapper des membres du Sôshikidan ? Encore aujourd’hui, je vois cet événement comme une honte nationale. »
Il montrait alors sa déception profonde envers son propre village. Comme toute entité gouvernementale, Kumo possédait ses défauts et même des majeurs.
« Que pensez-vous de notre Raikage, maître ? »
Seiji employait alors pour la première fois cette formule, sur un ton de respect mais aussi affichant un sourire assez voyant.
Son geste se muait à sa pensée et à ses intentions, bien que le peu qu’il avait déjà fait restait dur à appréhender sans rentrer dans son esprit. Il laissa son interlocuteur réfléchir et termina sa tasse de thé avec flegme, ses yeux voguant entre l’échiquier et le jeune garçon pensif. Finalement sa réponse arriva, sans le moindre bégaiement ni faux-semblant. C’était assez agréable de voir un shinobi n’ayant pas peur du système ; il n’y avait pourtant qu’un pas entre le courage et la folie.
Son point de vue se défendait bien qu’il ne soit pas celui du shinobi à la queue de cheval assit face à lui. Pourtant, c’était bel et bien un défaut énorme qui avait provoqué tant de morts et de catastrophes, la prochaine y étant étroitement lié. C’était la peur de l’autre qui avait poussé Akimoto et Shûhei à s’en prendre au Feu lors de la réunion de Yûgure. Tout aurait été différent si. Si. Mais ça ne l’était pas et les deux hommes assit l’un face à l’autre vivaient un temps teinté de belligérances, fautes aux élites.
« Soka. De ce que tu me décris pourtant, cela prouve que le village ne l’est pas assez. Sécurisé. La traîtrise peut naître dans la plus grande des forteresses, dans le coeur des plus nobles. Tu pointes du doigt et tu le touches presque sans savoir mettre un nom sur le réel problème. » Laissant le mystère sur ce qu’il pensait être la vérité vraie, bien qu’il n’eut pas la science infuse et n’était là que depuis deux ans passés, il regarda les fins doigts du Yamanaka déplacer à son tour sa pièce. Le cavalier. « Effectivement, l’Ombre des Nuages a échoué, sur bien des points. Mais ne la fustige pas trop ; aucun Kage, qu’il soit Kumojin ou autre ne peut se vanter d’avoir exercé un règne exempt d’échecs ou de problèmes. » Si ses compères Hijins l’avaient entendus, son dos se serait sûrement criblé d’arme de jets, son moi d’il y a quelques années participant même.
Sa pièce perdue, il était maintenant soumis à la même règle que Seiji. « Je pense qu’elle suit la route ouverte par son frère avant elle et que son comportement et ses décisions sont discutables. Je pense que bientôt certains actes auront des répercussions et que tous sauront les risques d’une telle élection. » Sa politique sécuritaire avait des bons côtés mais valaient-ils vraiment les mauvais ?
Doucement, il fit avancer un autre de ses pions vers le centre de l’échiquier là où siégeait le cavalier sans qu’il puisse être pris par ce dernier et ses déplacements singuliers.
Il faisait preuve d’une certaine sagesse qu’admirait pleinement le Yamanaka. Et puis, la sérénité qu’émanait de lui exposait une certaine confiance qui rassurait énormément le jeune homme. Un univers séparait les deux shinobis et malgré tout, dans l’instant présent, il se sentait à la fois élève, inférieur et égal. Plusieurs sentiments qui, finalement, amusaient grandement le garçon aux yeux dorés. Et c’est en le regardant dans les yeux qu’il écoutait la moindre de ses paroles, toutes très intéressantes.
Kansei pointa d’ailleurs du doigt un point intéressant qui amusait Seiji car il venait presque de décrire à la perfection ce que le garçon s’imaginait être capable de réaliser dans le futur : la trahison. Bien évidement il ne pensait pas à trahir son pays, son village mais plutôt, créer des doutes, des songes, des graines, dans l’esprit de ses ennemis. Et puis un jour, cette graine qui aura alors poussée et éclose, se transformer en une idée, une conviction et à ce moment là viendra la trahison. C’est bien pour cela que Seiji se voyait rejoindre une unité pouvant infiltrer les lieux les plus sécurisés au monde, afin d’influencer la pensée des personnes les plus hautement passées d’un village ennemi et le corrompre à la racine.
« Le cœur des Hommes à de nombreuses facettes, oui. »
Il faisait tourner dans sa main la pièce qu’il avait pris auparavant de son adversaire. La colère, la jalousie, la honte, tant de choses qui pouvaient permettre au Yamanaka de se divertir et de contrôler.
« C’est bien cela, qui est passionnant. Mais je ne suis qu’un Genin, un débutant. Je connais que très peu de choses et on ne m’apprend que très peu aussi. Mon point de vue peut être donc très simple, voir candide. »
Seiji observait alors l’homme jouer à son tour, adoptant une position plutôt centrée avec l’un de ses cavaliers. S’il y avait bien une chose dont Seiji c’était souvenu des livres qu’il avait pu lire à propos du Shogi, c’était qu’une pièce prise pouvait être rejouée à tout moment de la partie. Ainsi il posa un pion tout à fait banal, légèrement avancé en première ligne, séparant de deux cases le cavalier ennemi et son pion. Il posait pouvoir montrer qu’il n’allait pas laisser Kansei se positionner comme il le souhait.
Son père lui avait bien des fois répété qu’il était important de montrer du caractère et que parfois il faut savoir aussi en cacher. Et malgré le fait qu’il n’avait pas pris de pièce, il se permettait de poser une question.
« Qu’espérez-vous, de ce monde ? La paix ? La gloire ? Qu’est-ce qui vous anime à avancer chaque jour ? »
Les convictions de quelqu’un révélaient souvent le caractère d’une personne.
Acquiesçant presque sans le moindre mouvement de son port de tête perceptible, il était effectivement raisonnable de ne pas sous-estimer les émotions et leurs poids dans la balance des événements à venir. Par amour il avait vu les pires aberrations et les plus beaux miracles. Autant de leçons gravées sur son cuir et ceux de ses ennemis, certains ne pouvant plus en témoigner ; et tout cela l’avait mené ce jour à cette table face à ce curieux Kumojin qui était loin des stéréotypes auxquels on pouvait s’attendre en côtoyant un Genin, tout village confondu. Assez cérébral pour tenir un discours logique, il n’en fallut pas plus pour raviver l’intérêt du Nara qui portait toujours ses pupilles corbeaux sur la table devant lui.
Ensuite, il fit la démonstration de l’humilité et ladite prise de conscience de ses acquis branlants, ce qui étonna sincèrement Kansei. C’était une qualité que bien des hommes, indépendamment de leurs grades, se targuaient de ne pas posséder. Bien qu’il n’en afficha rien, cela lui plut assez.
« Les épreuves et les rencontres se chargeront de te forger, ne t’en fais pas. » Cela avait été son cas, et il n’était pas le seul. Les livres et les professeurs étaient des atouts mais vivre octroyait des leçons bien plus intéressantes, bien que leur prix soit parfois très ou même trop élevé. Une sagesse acquise en théorie n’était donc pas l’égale de celle échangé contre le prix du sang. La théorie ne préparait jamais vraiment à la pratique, surtout dans un monde shinobi.
Et voilà qu’il posait une question sans se risquer pourtant à prendre une pièce. Cela fit naître un sourire sarcastique sur ses lippes ; il avait après tout parlé d’élimination dans le cas du mensonge et la tentative était assez honorable pour qu’il y réponde. Mais c’était ses règles et il savait bien mieux que Seiji les faire ployer.
« Espérer la paix est dérisoire. Après tout, as-tu déjà souhaité qu’en te levant le pelage de ton chien change de teinte ? La gloire ne m’attire pas non plus, ce n’est pas très original mais comme l’ombre, je me complais là où est ma place. Ce que je souhaite par-dessus tout, c’est de profiter de la vie. » Un large sourire teinté de béatitude. Sans avoir révélé quoi que ce soit de ses véritables intentions et de la principale le poussant à habiter Kumogakure depuis deux ans, il avait pourtant énoncé la plus pure des vérités. Kansei adorait être envie, lézarder au soleil et réfléchir. Être vivant.
Après avoir observé le mouvement de son adversaire, il se contenta de faire pénétrer la première ligne à son pion en ignorant le possible parachutage et le cavalier qui se tenait encore trop loin pour mettre en danger quiconque. Prenant une autre unité au passage, le Jônin l’attrapa entre ses deux plus longs doigts et la fit glisser jusqu’à sa paume.
« Quelle est la plus grande faiblesse de ton Hidden ? » Posant sa proie abattue à côté de lui, son index tapota doucement le bois en mimant d’écrire un kanji.
Le plateau s’apparentait de plus en plus à un vrai champ de bataille. Des pions bien plus en mouvements, des positions tenues, des débuts de stratégies… Seiji s’amusait grandement sans pour autant le laisser pleinement paraître. Le garçon n’avait jamais vraiment eu de partenaire de jeu et c’était peut-être bien la première fois qu’il s’amusait avec quelqu’un d’autre. Et puis, le tout était agrémenté d’une discussion enrichissante qui poussait à développer une double réflexion entre ce qu’il se passait sur le plateau de jeu et la conversation. Le penseur voyait presque cela comme un entraînement de concentration et pour cette exacte raison, il donnait son plein potentiel.
Ses pupilles dorés regardaient et analysaient, tandis que ses oreilles écoutaient et appréciaient. Il espérait en effet que l’avenir lui réserve de nombreuses épreuves pour progresser. D’ailleurs, il ne pouvait s’empêcher de se demander quels genres d’épreuves avaient pu surmonter Kansei pour finalement en arriver à ce jour précis. Avait-il combattu corps et âme pour une cause ? Avait-il converser avec d’éminents personnages du monde ? Seiji le saurait peut-être un jour. On pouvait presque y voir une sorte de gaminerie dans cette curiosité mal placée, comme si il voulait qu’on lui raconte de grandes et épiques histoires.
Son adversaire répondait finalement à sa question par la simplicité et Seiji ne fut pas déçu. Il avait entendu beaucoup trop de fois des personnes aspirant au poste de Kage ou en voulant devenir de grands ninjas. Finalement une vie toute simple lui allait et la chance de vivre était déjà un grand cadeau, pour cet homme. Le Yamanaka le rejoignait sur l’idée de l’ombre. Si Seiji aspirait à de grands projets, il souhaitait lui aussi pouvoir se faire oublier. Se faire oublier pour ensuite mieux contrôler, bien sûr.
« La plus grande faiblesse de mon pouvoir dîtes-vous ? Eh bien… Il n’y en a pas. »
Bien évidement, il dit cela sur le ton de l’humour tout en souriant à son adversaire. Rien au monde ne pouvait être parfait et encore moins des pouvoirs héréditaires que possédait un simplet de genin.
« Dans mon cas, je pense la plus grande faiblesse de mon Hidden est ma dépendance à quelqu’un. Dans mon état actuel et avec la façon dont je veux exploiter ma puissance clanique, je ne peux m’en sortir seul. Ce n’est peut-être pas une mauvaise chose me direz-vous, de compter sur une personne ou une équipe. Mais avec mon niveau actuel et si je me retrouve isolé, cela pourrait m’être fatal. »
Après avoir perdu sa pièce, Seiji se décida de répliquer sur le coup en reprenant son terrain et avec son cavalier, à mettre hors jeu la pièce trop avancée de son adversaire.
« Cette dépendance est d’ailleurs aussi inversée car je compte aussi beaucoup trop sur mon ennemi. En voulant modifier sa vision de la réalité ou en voulant altérer sa mémoire, je dépends pleinement alors de ses bons ou mauvais souvenirs, ses rivalités, ses peurs… Et c’est ensuite en partant de ces facteurs-là qu’ensuite seulement je peux agir. »
Il venait de révéler une infime partie de son jeu, assez pour intrigué Kansei.
Le sourire fut rendu quant à la prétendue omnipotence du Hidden Yamanaka qu’il ne connaissait que trop bien. Il ne le cacha pas puis finit par siroter sa consommation calmement tout en regardant son interlocuteur qui s’exprimait pour son plus grand plaisir avec une certaine éloquence.
Il l’écouta décrypter son propre don, en pointer les failles. À l’instar de Seiji, il avait lui-même une capacité qui l’obligeait à certaines choses et en interdisait d’autres. Mais le secret était simple pour parer à ceci.
Kansei continua de l’écouter en voyant son cavalier avancer, mangeant son simple soldat tout en s’avançant dangereusement. Assez pour être en vue et à portée de ses premières lignes. Inexpressif désormais, il répondit avec le calme monolithique que Seiji lui connaissait maintenant.
« En résumé, tu dois remplir certaines conditions pour être en possession totale de tes moyens. As-tu déjà entendu parler des Bunshins ? As-tu déjà même réfléchi à te perfectionner dans des domaines qui te permettraient de palier à ces faiblesses sans l’aide de personne ? La guerre et les aléas des missions t’obligeront à savoir te battre seul contre plus fort que toi ; quand ce jour arrivera espérons que tu aies trouvé. » Un rictus bien plus amer au visage à l’idée qu’il évoqua, le Jônin finit de déplacer sa main qui venait de saisir la pièce. Le soldat abattant le cavalier dans un sacrifice qui ne saurait tarder.
Jouant lui aussi avec les règles, il ne répondit qu’après à sa question pourtant pleine de sens.
« Bien sûr. Par définition, l’ombre a besoin de lumière. J’attache aussi beaucoup d’importance aux miens ; les viser peut m’entraîner à prendre des risques que je n’envisagerais pas en temps normal, entre autre. » Sans préciser qui étaient les ‘siens’, les pistes étaient assez larges pour faire travailler son esprit.
Son Maître semblait comprendre très rapidement ce que Seiji avait parfois du mal à décrire. Plusieurs fois on lui avait la remarque que s’il n’était pas indépendant, il avait juste à le devenir. Des remarques bien stupides car s’il le pouvait, il le ferait. C’était un fait connu que les genins ne possédaient pas la même puissance quelles Jônins, ou ne maîtrisaient pas un aussi large éventail de compétences qu’eux. C’est en s’améliorant que le Yamanaka pensait pouvoir maîtriser dans le futur diverses choses et façons de combattre.
« Je pense juste ne pas avoir pris le chemin le plus facile. Bien de mes camarades, je le remarque, sont des ninjas pouvant se défendre et envoyer une attaque plutôt puissante et leur style de combat ne se base que sur ça. »
Il faisait tourner dans sa main la pièce qu’il venait de prendre.
« Mais ne trouvez-vous pas cela ennuyeux, vous ? De voir un ninja qui envoyer un dragon élémentaire sur un autre qui se protège à l’aide d’un mur ? En tout cas, je trouve cela d’un rébarbatif. Pour l’instant, je peux me défendre seul mais je ne peux attaquer seul. Bien sûr à l’avenir je m’améliorai dans ces domaines c’est juste que… »
Il posa la pièce qu’il venait de prendre sur le côté du jeu, attendant dans le futur de pouvoir la rejouer comme le voulait les règles.
« Je trouve cela bien plus amusant et divertissant de ne pas céder à la facilité. »
Il replaçait l’une de ses mèches tout en regardant l’homme prendre sa pièce et répondre aussi à sa question.
« Oui, cela me semble évident. Pourtant de vieux mythes racontaient qu’il ne fallait jamais être seul dans la nuit contre un Nara. Je pensais justement que c’était dû à l’ombre omniprésente… mais peut-être que je ne saisis pas bien votre pouvoir. Vous ne contrôlez que votre ombre? Ou l’ombre en général ou même celles d’autres personnes? »
Le Yamanaka déplaça un pion simple, avançant tranquillement.
« C’est certes un pari risqué. Mais la puissance n’est pas seulement contenue dans les techniques de zones qui brûlent et foudroient. Il y a bien plus dangereux que cela. » Le Nara esquissa un sourire qui s’il n’était pas conquérant se voulait plein de sens.
Ses deux mains sous la table, positionnées sur ses genoux, il regardait le visage de Seiji et plus précisément ses yeux mordorés.
« Effectivement, c’est peu original. Toutefois, si tu es le ninja sur qui est jeté ledit dragon et que tu ne disposes pas des capacités physiques pour l’éviter ni de l’affinité pour le bloquer alors… Voilà qui serait vraiment un comble, de périr par une technique ennuyeuse. » Il comprenait les mots du Yamanaka mais préféra les pondérer. Kansei analysa le positionnement des pièces sans pour autant reproduire le geste à l’identique.
« Je te le concède, et l’effet de surprise est d’autant plus important si ton répertoire est exotique. » À l’instar du sien, étonnamment varié pour quelqu’un se voulant simple Nara.
Petit à petit le jeu devenait un simple support à la discussion et ayant sorti l’échiquier dans ce but, bien que toujours intéressé par la stratégie déployée, Kansei s’en réjouissait.
« Il y a toujours une part de réalité dans les contes. » L’Ombrageux esquissa une moue mystérieuse, ne démantissant pas complètement les propos de son interlocuteur. En temps normal, il n’aurait pas révélé les faiblesses et les spécifités de son Hidden, pourtant connus par certains Hijins ou d’autres ayant survécus ou observer les Nara en temps de belligérances. « L’arme du Nara est sa propre ombre, mais cela ne se limite pas qu’à cela tu t’en doutes. Toutefois, l’obscur n’est pas ombre. » Il ne fallait pas trop en dire non plus, cela se méritait.
À son déplacement justifié par les nouvelles troupes présentes derrière, il mangea le pion avec un autre et positionna ce dernier à côté de la maigre armée récolté jusqu’à alors.
« Quelle est ton histoire ? Quel est ton nindô ? » Bien sûr il ne s’attendait pas à un récapitulatif depuis ses premiers balbutiements mais bel et bien à un résumé plus ou moins concis pour se faire une idée de son interlocuteur. Tous n’étaient pas des expatriés comme lui et chacun se voyait pourtant forgé par les décisions et les événements. À voir ce qui animait Seiji.
Finalement il se rendait bien compte que la partie n’avait plus que très peu d’importance. Sûrement plus intéressé par ce que pouvait dire l’homme qui lui faisait face. Il reconnaissait en lui une expérience certaine, que ce sot dans son élocution ou sa façon d’éluder certaines choses qu’il ne voulait mettre en lumière. Seiji comprenait parfaitement qu’une personne de son rang ne pouvait se permettre de révéler certains éléments qui pouvaient l’affaiblir.
Seiji maîtrisait quelques défenses, lui permettant une petite indépendance en combat. Mais il savait ô combien cela pouvait être faible, très faible. C’est bien pour cela que son but premier était sûrement d’améliorer son éventail de techniques et l’horizon de ses capacités. Il regardait alors son adversaire lui prendre une nouvelle pièce avec facilité, l’autorisant donc à poser une nouvelle question.
« Mon nindô dîtes-vous ? »
Il posait son pouce sur son menton, il n’y avait peut-être jamais vraiment réfléchi. Cette fameuse phrase, la voie du ninja que chaque personne devait se fixer et suivre. Un sorte de but ultime, ou encore un rêve, voir même une façon de se comporter. Quel était son but ? Quelle était son histoire ? Il réalisait bien qu’il n’y avait peut-être rien d’intéressant dans sa vie et qu’il n’avait pas vécu de grands drames…
« Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu une vie calme et idéale. Mes parents se sont éloignés du clan Yamanaka qu’ils jugeaient comme insolents et irrespectueux de certaines valeurs qu’ils portaient. Ils m’ont élevé avec des valeurs d’honnêteté, de fidélité et une éducation riche. Je n’ai jamais eu à me plaindre et malgré les facilités qui étaient à ma disposition, on m’a appris des notions comme le dur labeur, la satisfaction de progresser et d’obtenir des choses grâce à mes efforts. »
Il est vrai que s’il venait d’une bonne famille, il n’était pas pour autant l’enfant chérit par une mère poule. Le jeune adulte était même plutôt solitaire et débrouillard.
« Mon nindô.. je ne pense pas en avoir un. J’aimerais devenir un digne représentant de Kumo. Je me souviens avoir lu quelque part quelque chose comme ‘’mon corps est une arme, et cette arme une extension au service de mon village’’, ou quelque chose comme cela. Et je m’y retrouve partiellement, bien que je pense être plus une personne destinée à agir dans l’ombre. »
À son tour et d’un simple geste de main, le Yamanaka prit la pièce avancée de son adversaire et la posa délicatement a côté de celles prises auparavant.
« Pensez-vous la paix possible, dans ce monde ? »
Peut-être une question bien trop banale mais dont la réponse révélait bien des choses.
La phrase de Seiji marqua sa réflexion qui fut de courte durée. Le nindô n’était pas nécessaire ou même essentiel dans la vie d’un shinobi ; certains se contentaient de rester en bas de l’échelle toute leur vie et de se servir de cette profession pour subsister, eux et leurs familles. Un métier comme un autre en ces temps de guerre perpétuelle ; une façon de pouvoir se défendre des menaces toutes aussi différentes que létales.
Le jônin écouta ce que son vis à vis avait à dire, relatant son histoire qui devait être semblable à d’autres mais pas dénuée d’intérêt pour comprendre l’homme assit face à lui qui s’enquérait de questions prouvant une certaine maturité. Il ne répondit mot à cela, ne se voyant pas le féliciter ou même porter un jugement de valeur ; il avait appris ce qu’il voulait.
Le reste fut d’autant plus intéressant. Quand il eut fini, avant qu’il ne joue sa pièce, le Nara eut un fin sourire en guise de préambule et d’une oeillade convaincu, lui adressa quelques mots sur un ton toujours aussi calme qui laissait toutefois filtrer les prémices de la similitude et du hasard faisant bien les choses.
« C’est respectable. Le temps s’occupera de forger la définition de ton nindô au cours du temps et si nous avons la même discussion dans quelques années, je suis sûr que tu sauras l’étoffer. » Il parlait d’agir dans l’ombre et en cela, Kansei se sentit presque décrit. Il l’avait pour autant dire toujours côtoyée, l’avait baptisée. En avait fait sa plus fidèle allié ; sans savoir que son château de carte serait soufflé par la seule présence de ses racines en terres de la Foudre.
Il regarda sa pièce disparaître et les lèves s’animer. « Je suis d’un naturel optimiste, pourrait-on dire dans une moindre mesure. Alors je pense que oui. Pas une paix durable ni éternelle. Mais la paix. » Restait à savoir le prix de cette dernière. Que valait cinquante ans de tranquilité pour cinq cent générées par celles-ci ?
Doucement, sa tour vint s’avancer sans pour autant se mettre à portée d’être prise, tandis que ses deux mains reposaient sur le bois taillé qui maintenant l’échiquier à niveau.
« Je me demande bien quel est ton point de vue sur Iwa et Kiri, nos équivalents. » On aurait semblé qu’il pensait à voix haute.