L'annonce fut brutale. Expéditive. Presque inattendue.

L'ordre avait été donné de retourner au Pays. Abandonner Kumo. Ses enfants des Nuages. Ami avait obéi à l'ordre. Au nom de l'Empire, il rassembla ses affaires, et, du jour au lendemain, avait disparu des radars.

L’œil avait quitté Kumo, puis Kaminari no kuni. Selon la volonté du Feu.
Fidèle à lui-même, l'orateur ne s'était pas prononcé sur la question. Le même homme qui avait œuvré corps et âme à l'entente entre deux peuples que tout opposait en apparence. Le même homme qui s'était fait le pont entre deux belligérants en temps de paix. Le même qui repartait d'un pays libéré de la protection d'un Empire de Feu.

Ami évolua à son rythme en direction de Hi no kuni. Avec sa carrure contrastant avec son statut de soldat, il observa peut-être pour la dernière fois les montagnes de Kumo disparaître dans la brume. Il traversa les grandes vallées de Kaminari, et s'engagea en direction du Pays du Feu. Impossible pour l'ancien agent du Protectorat d'estimer sa dernière excursion au sein de la capitale. Impossible, au point de savoir si Ami avait rejoint autrefois Yūgure, ou Urahi. Qu'importe, car à l'issue de nombreux jours de voyage, tous éreintants pour le diplomate, Ami faisait face à la capitale impériale depuis le pont Araho.

La Grande Urahi concentrait toutes les ambitions de Teikoku. Elle reflétait un Pays en pleine reconstruction, en recherche d'identité, d'unité. A la recherche de rédemption. L'Empire avait oscillé par une fois sur le chemin piégeux de la vengeance, avant de se tourner vers le sinueux sentier de l'apaisement. La libération de Kumo, Ami ne l'apprendrait que quelques jours plus tard, une fois au cœur de la cité impériale. Il ne subsistait que le souvenir des conflits passés. Des multiples guerres civiles qui ravagèrent le Pays du Feu. De la naissance de l'Homme au Chapeau, et de ses ambitions démesurées qui emportèrent de multiples innocents dans son sillage destructeur. Des divers conflits qui avaient éclot çà et là dans le Yuukan. L'ère des shinobis était pleine d'incertitudes, et plongé dans un chaos ambiant.

C'était à se demander si l'être humain apprenait de ses erreurs, ou ne cessait d'évoluer sur ces mêmes fautes comme sur un lit de braises ardentes. Conscient de la douleur, il avançait sans broncher sur la même voie.

Ami contempla une dernière fois la vue offerte par le pont Araho. Là, immobile, figé sur le bord de l'édifice, il soupira. Comme un relâchement, venant d'un homme qui ne laissait s'échapper en aucun cas aucune émotion, aucun sentiment.

« Le chakra… est un fardeau. »

Il était temps d'agir.

Ainsi Ami décida d'entrer au sein d'Urahi, déterminé à mettre en œuvre ses grands desseins.

Urahi était une cité en pleine ébullition. L'ancienne Yūgure se renouvelait sans cesse, catalysant l'aspiration de grandeur croissante qu'ambitionnait l'Empire qui en avait fait sa capitale. Le contraste flagrant entre l'opulence de cette ville qui ne cessait de s'étirer et ses alentours dans l'ombre des forêts dérangeait la vue. Pourtant, nombreux étaient ceux qui se plaisaient au sein de la capitale impériale. Le Retour de Flamme sonnait comme une renaissance pour plusieurs civils, lassés des différents conflits qui avaient déchirés leur patrie.

Sur son chemin, Ami découvrait des Hijins en plein effort, mais plein d'entrain également. Une atmosphère inédite se dégageait des ruelles. Il y reconnaissait une Kumo en ruines, tâchant de faire de son mieux pour se reconstruire. Mais les visages meurtris par le deuil et la peine laissèrent ici place à l'espoir et la hargne. Les discussions qui animaient les allées traitaient de divers sujets, parmi lesquels la haine du shinobi et la grandeur de l'Empire régnaient en maître.

Curieusement, en progressant vers le centre de la capitale, Ami fut interpellé par une voix parmi tant d'autres. Au détour d'une allée commerçante, il s'arrêta devant une échoppe quelconque. Ce n'était pas le responsable, un vieillard au dos courbé qui attira l'attention de l'orateur. Il s'agissait d'un vétéran de Hi no kuni, dont la barbe mal taillée et le regard farouche traduisait une expérience du terrain certaine. L'homme était installé à l'ombre de l'entrée de l'échoppe, une petite bijouterie. L'air nonchalant, son large sabre reposait contre son épaule, prêt à l'emploi.

« Kamoto Bokkai… je me souviens de vous. Vous étiez présent lors de l'assaut, sur Kumo. »

L'ancien mercenaire manqua de sursauter devant l'étrange personnage qui lui faisait face. Avant de retrouver son flegme et son air insupportable.

« Argh… qu'est-ce que tu me veux… ? Toi aussi t'es venu m'accuser des conneries que j'ai fait à Kaminari ? J'ai eu ma dose, si c'est ça tu peux passer ton chemin. »

Kamoto Bokkai faisait parti de ces mercenaires qui avaient fusé sur les défenses de Kumo. Un personnage sans morale, qui n'avait pas hésité à faire usage de son Katon pour ravager les fortifications de la ville, non sans perte. Des pertes qui auraient pu être évitées, parmi lesquelles des civils innocents. Cela lui avait peu importé, à ce moment-là. Seul comptait la revanche, la vengeance. Combattre le feu par le feu.

« Rassurez-vous, je ne suis pas ici pour vous juger. En revanche, je serai étonné de savoir comment se fait-il qu'un fier utilisateur du Katon, destiné à s'illustrer parmi les rangs de l'armée du Teikoku se retrouve à garder cette joaillerie comme simple garde. »

Rapidement, le cerbère abaissa la tête en broyant du noir. La question de ses crimes passés suscitait l'agacement chez Bokkai, mais celle de son statut inférieur le dérangeait davantage, plus profondément. Il fixa le vide devant lui, et passa quelques secondes à hésiter sur sa réponse. Finalement, il relâcha la poigne qu'il exerçait depuis tout à l'heure sur son katana, et observa Ami.

« Hum… j'm'en souviens comme si c'était hier. On avait gagné à ce moment-là. C'était un joyeux bordel, plein de décombres, de fumée, des cris partout, mais on l'avait fait putain. J'voulais faire le beau devant les autres, en crachant un feu d'artifice. J'allais le faire ! … et puis d'un coup je me suis écroulé. J'ai senti comme une vague d'énergie me traverser très rapidement. Comme un éclair. Quand je me suis relevé, c'était fini. Je ne sentais plus mon chakra. J'étais comme ces putains de civils qui chouinaient à côté. »

Bokkai était ému. L'émotion vive de cet instant l'habitait encore. Ami s'approcha de lui pour apposer une main compatissante sur son épaule. L'ancien maître du feu riait nerveusement.

« Faut croire que j'ai pas besoin de procès… cette Résonance de merde s'est occupé de me punir pour mes fautes. »

Ami l'observa un long moment, à discuter avec lui, à comprendre sa douleur. Dans l'ombre de l'échoppe, on pouvait alors réaliser que le masque de bandages de l'orateur s'était déformé subitement, dans une expression difficile à interpréter.
En son for intérieur, l'Œil jubilait.