Il leva les yeux au ciel. Effectivement, le temps était clément. Du moins selon les points de vue. Akira appréciait la pluie, l’atmosphère qu’elle instaurait, cette sensation de plénitude qui l’envahissait lorsque les gouttes venaient perturber le silence en s’écrasant au sol dans un rythme orchestral. Sans parler du bien que cela pouvait apporter aux cultures et aux champs. Akira n’était pourtant pas du genre optimiste et encore moins idéaliste, mais il lui arrivait de trouver des avantages dans certaines choses.
“ Ça ne m’aurait pas dérangé. “
Dit-il alors qu’elle se détachait pour lui prendre la main. Ça lui revenait maintenant. Ce n’était pas la première fois que le duo faisait preuve d’une telle proximité. Peut-être était-ce pour cela qu’il n’avait pas rechigné à entrer dans un contact si intime avec elle. Comme s’il s’était souvenu inconsciemment du passé.
“ Avec plaisir. Malheureusement on ne voit pas les tours d’ici. “
Dit-il, pince sans rire alors qu’il entrelaça ses doigts avec les siens pour ensuite la guider dans les rues pavées de la capitale. A cette heure, elles étaient encore animées par quelques commerces de nuit ou des passants profitant du temps agréable de la soirée pour sortir en couple ou entre amis. Malgré la tension relative qui planait dans l’air en raison de la récente guerre, de l’incertitude de l’avenir vis à vis de Kumo, les gens ne s’empêchaient visiblement pas de vivre.
Après quelques minutes de marche, ils arrivèrent devant une petite maison reculée, située derrière les rues les plus peuplées. Accessible seulement depuis une petite ruelle pavée, la bicoque était située entre les murailles de la ville et d’autres habitations dont l’entrée se situait de l’autre côté. En bref, l’endroit était tranquille et relativement caché, un choix très certainement délibéré quand l’on connaissait le personnage.
Sans dire un mot, le jeune homme ouvrit la porte pour entrer en compagnie de Yenno. Il la laissa s’accomoder aux lieux tandis qu’il refermait la porte derrière eux, dévoilant donc une maison bien rangée et rustique, dans un style féodal classique. La propreté n’était pas dû à une quelconque folie ménagère du jeune homme, mais simplement au fait qu’il n’était pas souvent présent chez lui, préférant sortir en forêt ou flaner sur les remparts.
“ Et bien, bienvenue. “
Dit-il en l’invitant à se mettre à l’aise. C’était la première fois qu’il invitait quelqu’un chez lui, ce qui, naturellement, le rendait hésitant vis à vis de la marche à suivre.
Lorsque Yenno rouvrit les yeux, elle se contenta d'observer autour d'elle comme si elle venait d'entrer dans une pièce mystique. Elle avait raison, la maison n'était pas non plus dans un état déplorable et elle était même plutôt propre. Elle laissa s'échapper un soupir avant de le regarder d'un air amusé.
« Défaitiste. Elle est très bien cette maison ! »
La jeune femme se permit alors d'engager quelques pas dans ce salon, d'une taille moyenne et à la décoration simple. Quelques objets par-ci par-là, attiraient son attention. Sans rien toucher, elle examinait alors la moindre petite chose qui puisse annoncer un peu plus, la personnalité du garçon. En passant près d'un porte-manteau, elle y accrocha au passage, sa sacoche et son par-dessus. Une cheminée éteinte, le manque de cendre prouvait alors qu'elle n'eu pas été allumé récemment. Enfin, un canapé qui semblait moelleux et une table basse presque vide, un bouquin. Probablement une histoire futuriste, se dit-elle.
« Je ne voudrais pas abuser de ta gentillesse Akira, mais je boirai bien quelque-chose. »
Son corps portait encore la fraîcheur de l’extérieur et sa gorge semblait en subir les conséquences également. Elle s'avança alors d'une fenêtre pour observer ce qu'elle cachait. Une petite portion de verdure et les constructions voisines. Son regard s'arrêta net sur un tas de bois coupé contre un retour de pierre, accolé à la maison du soldat. Son regard s'illumina, si elle eut toujours rêvé de pouvoir maîtriser le feu, elle sut s'accommoder alors jusque là, de le créer et l'observer avec les yeux d'une enfant envieuse.
« Depuis combien de temps n'as-tu pas allumé cette cheminée ? »
Dit-elle en quittant son poste d'observatoire pour enfin rejoindre l'accoudoir du sofa. Elle attrapa alors sa longue tresse pour cette fois-ci, la défaire. Geste naturel qui traduisait probablement, une envie de se réchauffer, encore. Son regard se mît à suivre le grand homme dans son intérieur et elle eut un instant, l'impression de rêver.
Il haussa les épaules. Sans doute avait-elle raison, après tout l’endroit n’était pas si déplorable. Mais elle aurait pu prétendre à mieux, surtout qu’elle n’était pas n’importe qui. Du moins à ses yeux. Il ne savait pas d’ailleurs quel niveau d’exigence pouvait-elle avoir, bien qu’elle ne soit visiblement pas du genre capricieuse. Le contraire l’aurait étonné de toute manière.
“ Tant mieux si elle te plait. Au moins j’ai un logement, c’est déjà ça. “
Le salon était tout à fait générique, bien qu’une ambiance cosy, sûrement liée à l’isolement du lieu y régnait. Quelques sabres inutilisables étaient accrochés au mur, ce qui était la seule chose relevant un tant soit peu des goûts personnels d’Akira. Quelques livres étaient également disposés dans les étagères, tous des ouvrages futuristes ou se déroulant dans des réalités alternatives.
“ Tu es ici chez toi. Il n’y a pas de mal. “
Dit-il en allant voir ses bouteilles.
“ De l’eau, ou quelque chose de plus exotique ? Bon, je n’ai pas tant de choses que ça… “
En vérité Akira ne buvait jamais si ce n’est de l’eau, pas de raisons de faire le raffiné quand on vit seul. Surtout avec son mode de vie. Et la sobriété du lieu suffisait à le traduire, de toute manière il n’en ressentait pas le besoin. En ce qui concernait la nourriture néanmoins, le choix était déjà plus varié. Loin d’être un fin gourmet, Akira aimait tout de même diversifier ses plats.
Plus aucune gène dorénavant, Yenno était simplement décontractée et profitait alors de ce moment suspendu. Elle colla son dos contre le dossier moelleux du canapé puis regardait à nouveau en direction de la cheminée propre.
« Si jamais la pièce ne se réchauffe pas facilement, je serai ravie d'allumer un feu plus tard. »
Akira s'activait doucement dans la pièce voisine qui semblait être la cuisine. Prise de conscience, la jeune femme se leva alors calmement pour le rejoindre. Elle toqua avant de passer l'encadrement de la porte afin de ne pas le surprendre.
« Je peux t'aider peut-être ? »
Elle se permit alors de se rapprocher de lui, manifestement en train de chercher quelque-chose dans un placard. Une main glissa autour du bras d'Akira, puis une deuxième. Encore un geste étonnant mais naturel, la jeune femme s'emplissait alors, d'une sorte d'apaisement étrange.
Elle observait le shinobi en action, il semblait réfléchir contentieusement. L'attention de la demoiselle fût cependant, attirée ailleurs, des yeux luisants à travers la vitre de la cuisine. Intriguée, elle fît un pas sur le côté pour observer cette présence, moyennement rassurante. Dans un monde ou les pouvoirs sont présents, tout est possible et il est de mise de se méfier de chaque chose inhabituelle. De longs poils vinrent soudainement se coller contre la paroi vitrée qui les séparait de l’extérieur. Un majestueux chat fît alors son apparition, de part un miaulement aigu, adorable. Sous le charme, Yenno lui fît alors un sourire et pencha la tête sur le côté en relâchant ses bras le long de son corps. Son poignée cogna doucement, elle s’aperçut alors qu'elle portait toujours son sabre à la taille. Elle attrapa le manche de celui-ci et envisagea de le stocker dans en endroit sur, le temps de cette douce soirée.
Par il ne savait quel hasard, Akira avait du thé. Ce qui était étonnant puisqu’il n’en buvait jamais. Sûrement un cadeau d’un des agriculteurs du coin qu’il aidait parfois lors de son temps libre. Le thé Hijine était plutôt réputé après tout. Chose qu’il ne pouvait pas vraiment valider ou réfuter puisqu’il ne buvait jamais de thé et encore moins du thé étranger.
“ Ah, pour ça… si tu as froid, fais toi plaisir. Mais généralement le temps est clément. “
Dit-il en cherchant le thé dans le placard, nul doute qu’il serait dans un coin oublié depuis. D’ailleurs, la jeune femme s’approcha après avoir frappé pour une raison obscure, puisqu’il savait déjà qu’elle était la.
“ Pas vraiment, je cherchais juste le thé pour l’instant. “
Dit-il en posant alors la main sur la petite boite hermétique. De toute manière, à force de vivre seul… Akira n’avait pas besoin d’aide pour se débrouiller chez lui. Enfin, peut-être que si quand l’heure viendrait de faire le repas. Surtout que la jeune femme était, de son propre aveu, plutôt douée. Une aubaine pour lui qui n’était pas très doué, ce serait l’occasion d’apprendre.
Alors qu’il commençait à faire bouillir l’eau pour le thé, il remarqua du coin de l’oeil que l’attention de Yenno était attirée par la fenêtre. Ou plutôt ce qui se trouvait derrière. Un chat qu’il connaissait bien. Ce petit noiraud était presque tous les soirs à sa fenêtre puisqu’il lui arrivait de le nourrir spontanément en dépit de son aversion pour ces parasites. Mais qui sait, peut-être avait-il eu pitié de ce vagabond félin, tout comme il l’avait été par le passé.
“ Ah, lui. Ce petit parasite vient souvent. “
Dit-il alors en désignant un présentoir à sabre libre accroché au mur pour qu’elle puisse y ranger son arme. Autant se défaire des choses encombrantes, lui-même avait déposé son katana en entrant mais ne le lui aurait pas imposé. La seule chose qu’imposait Akira serait éventuellement de ne pas faire trop de bruit, mais il doutait franchement que Yenno soit prise d’une envie de chahuter.
“ D’ailleurs pour les pièces, ma chambre est au fond du couloir en passant par le salon, la salle de bains est en face et il y a un grenier mais je ne pense pas que ça te serve à grand chose. Le salon et la cuisine, tu connais… “
Dit-il en terminant de faire le thé pour l’apporter dans le salon. Heureusement pour elle, le canapé était très confortable, bien qu’il ne soit pas dépliable. Akira avait déjà de la chance d’en avoir un, inutile de se montrer trop coquet. De toute manière, la maison lui avait été fournie meublée.
“ Tu sais, tu peux toujours prendre ma chambre si tu changes d’avis. “
Elle suivait ses mouvements du regard, retenant correctement les indications quant à la disposition des pièces qui constituaient la bicoque. Pas bien compliqué, nous n'avions pas à faire à un palais, la comparaison se rapprocherait plutôt d'une grande cabane bien aménagée. Elle était charmé par l'endroit, simple mais assez ergonomique et bien pensé, sans surcharges et donc, paisible.
« Tu es bien ici, ça donne envie d'avoir son chez-soi. »
Elle s'approcha du présentoir en dérochant l'attache en cuir de sa ceinture, elle portait son katana très haut volontairement, ce qui marquait joliment sa taille. Une fois le sabre suspendu, elle se retourna en direction du canapé, sur lequel il venait à présent de s'installer. Un coup d’œil au passage, à l’entrebâillement de la porte coulissante de la chambre, curieuse.
« C'est déjà très gentil de m'avoir proposé l'hébergement Akira. » Dit-elle en approchant ses mains de la tellière, dans l'optique de réchauffer un peu celles-ci.
Les effluves de la boisson locale vinrent caresser les narines de la demoiselle, impatiente. Elle quitta sa posture militaire pour s'asseoir un peu plus librement au fond du canapé, elle releva alors ses jambes pour les installer en travers, genoux repliés. Elle faisait alors pratiquement face au soldat, relativement impassible. Comment était-il possible de garder un tel sérieux en toute circonstance ? Yenno l'observait en silence et se demandait comment il pouvait avancer chaque jour sans égarement aucun une fois la journée terminée.
Elle remarqua alors une marque, qui dépassait de son uniforme. Une marque qui ne semblait être ni une cicatrice, ni une blessure. La jeune femme était alors intriguée. Elle ne manqua pas d'approcher un peu son visage de l'épaule du garçon afin de découvrir discrètement ce qu'il cachait là-dessous. Elle souhaitait rester discrète mais ne pût s’empêcher de fixer le minuscule morceau de peau colorée. Se rendant compte de l'insistance de son regard, elle détourna celui-ci en direction de la céramique qui contenait le liquide chaud. Elle attrapa une tasse, versa un fond de thé afin de constater qu'il était maintenant assez infuser pour le servir. Une fois la tasse remplie, elle la proposa à Akira.
« Il semble délicieux, c'est du thé d’ici, je me trompe ? »
Malgré la quiétude de l’endroit, Akira n’y passait pas beaucoup de temps. Le jeune homme gardait des réflexes ou des attaches de sa vie de vagabond, ce qui le faisait apprécier les longues marches au clair de lune ou encore dormir à la belle étoile. Bien que cela vienne à s’estomper au fil du temps, puisqu’il était tout de même soldat depuis une année. Et voir Yenno le rejoindre ne viendrait qu’atténuer ce fait.
“ Mais tu es chez toi désormais. Pour un moment du moins. “
Dit-il alors qu’il rapprochait la table basse. Être accompagné, surtout chez lui, n’était pas quelque chose de commun ce qui rendait l’atmosphère relativement inédite à ses yeux. Comme s’il redécouvrait l’endroit.
Lorsqu’elle regarda la porte coulissante, qui était faite de toile maintenue par des lattes de bois, la lumière de la lune passant par la fenêtre permettait de voir les ombres des meubles. La chambre semblait contenir un lit double et quelques meubles à première vue. Une chambre confortable en somme.
“ C’est surtout normal. “
Dit-il en lui adressant un léger sourire. Impassible ou pas, Akira pouvait faire des efforts pour se montrer un peu plus avenant. Surtout avec une femme, qui n’était pas n’importe qui. Son impassibilité n’était simplement pas intentionnelle, mais instinctive chez lui. Simplement, s’il avait des choses à exprimer, ces choses restaient bien à l’intérieur sans qu’il ne laisse rien transparaître.
Alors qu’il rangeait les coussins, en en donnant davantage à son amie, le jeune homme remarqua dans le reflet de la tasse le regard insistant de Yenno. Il n’en fit rien, la laissant essayer de se rendre le plus discrète possible. Visiblement, il avait laissé légèrement dépasser son tatouage. Heureusement que personne d’autre n’avait vu, Akira faisant de son mieux pour le dissimuler. Une fois qu'elle servit le thé, le jeune homme la remercia avant un petit moment de flottement.
“ Oui. Tu n’en as jamais goûté ? Dans notre pays on mange presque toujours du local pourtant. “
Dit-il avant de souffler sur sa tasse.
“ Et donc, quelles conclusions tires-tu de mon tatouage ? “
Dit-il à la suite, le plus naturellement du monde.
En attrapant les quelques coussins, elle ne sût plus qu'en faire, elle en déposa deux dans son dos puis un derrière sa nuque, avec cela elle ne pourrai qu'être confortablement installé. Avant de s'avachir, elle eut un trop plein d'émotion face à la gentillesse incongrue du soldat et de ces propos si rassurants. Elle attrapa alors son épaule dessinée pour se hisser en sa direction, puis lui déposer un minuscule baiser sur la joue, cela représentait évidemment un merci sincère. Elle se laissa finalement tomber contre la paroi très moelleuse du sofa, renforcée donc par de nombreux oreillers.
« Si justement, j'adore ce thé ! » Dit-elle en attrapant la tasse de céramique sombre, apportant doucement le breuvage à ses lèvres.
Elle fût surprise d'attester en relevant la tête, que le trou du plafond était tout de même important et qu'il commençait à pleuvoir très très légèrement. Elle sauta tout de même en cette direction afin d'attraper un seau qui traînait à côté et de le placer sous la fuite, juste au cas ou. Alors qu'elle vînt de réinstaller à côté du jeune homme, en élevant ses jambes une nouvelle fois, elle fût coupé dans son élan par Akira, qui avait manifestement grillé le regard insistant... Elle devînt rouge d'abord, puis fût surprise d'apprendre que son ami portait un tatouage. Puis avec quelques secondes de recul, pas si étonnée que ça. Elle esquissa un joli sourire avant de lui répondre.
« Je l'avoue, j'ai été un peu indiscrète avec ce regard insistant. C'était de la curiosité voilà tout. Alors, quel motif as-tu fais graver dans ta peau ? »
Elle voulait savoir, connaître les explications d'un tel acte. Elle ne s'attendait probablement à rien de spécial mais cela pourrait simplement lui apporter quelques informations supplémentaires au sujet de son ami. Et elle n'était jamais contre ce genre de choses évidemment, Yenno est une personne aux aguets, toujours intéressée. Plus elle en sait et mieux elle se sent, autant dans son travail ou son côté maligne et réfléchit apparaît que dans sa vie privée. Elle aime cerner les gens de manière générale, savoir à quoi elle se frotte, se méfier. Cela-dit, elle ne respectait vraisemblablement plus très sérieusement ses codes de conduite, face à Akira. Difficile de ne pas lui faire confiance malgré le temps écoulé, d'autant plus qu'il travaille dans la même faction que celle ou la jeune femme entrera bientôt. Et puis, elle l'eu toujours considéré comme un ami cher, quelqu’un de spécial.
Akira leva les yeux vers le plafond. Visiblement, elle était plus réactive que lui. Heureusement, le seau qu’elle venait d’apporter contenait lui-même un sceau de chakra destiné à enfermer l’eau dedans à mesure qu’elle remplissait le contenant. En somme, le seau ne débordera jamais. Evidemment, puisqu’il n’y connaissait rien en fuinjutsu, Akira avait fait apposer le sceau par un expert en attendant de trouver une solution pour réparer ce satané trou.
“ Tu sais, il paraît que ce trou a été fait par un débris projeté lors du massacre qui a eu lieu au palais. “
Dit-il, faisant bien évidemment référence au massacre hijine perpétré par Kumo et Iwa. L’événement qui l’avait poussé à s’engager et à prêter serment à l’empire, envers et contre tout. Du moins, tant que ses idéaux iraient dans le sens de ceux de l’empereur.
“ C’est comme si cet impact était la pour me rappeler chaque jour les ravages de cet événement. Comme s’il était destiné à me motiver. Comme une cicatrice suintante. “
Dit-il, le regard sombre. Nul doute que s’il avait été sur place, il n’en serait pas ressorti avec une simple cicatrice. Mais ressasser les horreurs du passé ne siérait peut-être pas à l’instant de convivialité que partageaient les deux amis. Akira était ainsi, les mondanités et les codes sociaux n’étaient pas vraiment faits pour lui… et Yenno le savait très bien.
“ C’est normal d’être curieuse. Tu peux tout me demander tu sais. “
Dit-il en remontant sa manche, dévoilant alors un long dragon enroulé autour de son bras jusqu’à l’épaule. Quelque chose dans sa manière de le regarder indiquait une sorte de dégoût, de dédain pour ce motif… comme s’il l’avait fait à contrecoeur. Ou qu’il ne l’avait pas fait lui-même.
“ C’est un tatouage imposé par mon père. Il n’y a rien d’autre derrière ça. “
Dit-il avant de rabattre sa manche. Il s’agissait tout simplement d’une lubie malheureusement irréversible, offerte dans sa plus grande générosité par son défunt père. Akira ne le remerciait pas, et ne risquait pas de l’apprécier un jour. C’est pourquoi il le cachait la plupart du temps, bien qu’il fasse suffisamment confiance à son amie pour le lui dévoiler. Il n’y voyait pas d’utilité, mais ne pouvait pas non plus blâmer la soif de savoir de Yenno. Lui aussi était un peu du même bord, dans un autre registre.
“ Et toi ? As-tu des choses à cacher ? “
Demanda t-il en tournant la tête vers elle. Cette question était autant faite pour éluder le sujet que pour en savoir plus sur elle. Après tout, elle l’intéressait, elle aussi.
Le sourire perdu un instant, derrière les phrases du soldat, qui semblait ancré à chaque seconde dans le monde réel et dans ses objectifs. Yenno ne fût cependant pas étonnée, connaissant un peu l’entêtement du garçon. Un brin de réalité ne fait jamais de mal, il est vrai. Mais cela n’empercherai pas la demoiselle de garder à l'esprit, ce moment sympathique.
« Je n'hésiterai plus alors, si une question me chatouille les lèvres. » Dit-elle en regardant son ami dévoiler son bras dessiné.
Il y avait là, un sacré morceau de peau recouvert et elle ne s'attendait pas du tout à apercevoir un si grand tatouage caché là-dessous. L'histoire qui en découle ne fût pas vraiment plaisir à la hijine qui fît une grimace à l'évocation de son paternel. Akira n'avait jamais trop dévoilé à ce sujet mais au cours des quelques discussions qu'ils avaient pu avoir par le passé, elle savait très bien qu'il ne le portait pas vraiment dans son cœur. Cet homme avait la faculté à rester indétectable, les émotions ne se lisait pas souvent sur son visage et lorsque c'était le cas, elle en profitais un maximum.
« C'est marrant que tu pose la question. »
La shinobi n'avait elle, aucun tatouage sur le corps. Cependant, elle enfermait bel et bien une drôle de marque sur le haut extérieur de la cuisse. Elle est simplement née avec une tâche de naissance un peu plus foncé que la couleur de sa peau, qui fût lorsqu'elle chahutait enfant, abîmée par une vilaine cicatrice causée par un malencontreux coup de wakizashi d'un jeune garçon du village.
« Ma mère dit souvent que cela ressemble à un dragon, avec un peu d'imagination. » prononça t-elle, sourire aux lèvres.
Elle attrapa le haut de son pantalon, côté droit, de ses deux mains, en réfléchissant. Elle se questionnait sur une manière de lui montrer cette tâche sans déshabiller complètement le bas de son corps, au risque de passer pour une fille un peu trop à l'aise. Élevée dans une famille assez stricte, ce genre de comportement est absolument proscrit et très mal vu. Elle attrapa un des nombreux oreiller afin de le positionner devant son bas ventre, se releva sur ses genou puis fît glisser le tissu le long de sa hanche, jusqu'à sa cuisse. Le geste un peu hésitant, un trait rouge apparu sur ses pommettes lorsqu'on aperçu enfin "le dragon", elle se mît alors à rire timidement.
« Tout de même beaucoup moins bien esthétique que le tien..! »
Constatant que l’endroit qu’elle voulait lui montrer était relativement exposé, Akira détourna stoïquement le regard. Il aurait suffit de lui demander. Mais visiblement nul besoin puisqu’elle trouva un moyen de se déshabiller sans montrer grand chose. L’important était cette sorte de cicatrice mêlée à une tache de naissance, chose inédite à ses yeux. Plus surprenant, drôle d’emplacement pour une cicatrice. Comment avait-elle pu se retrouver avec ça.
“ Mais mieux caché. “
Dit-il en l’observant plus attentivement. De l’imagination, Akira n’en manquait pas. Mais lui voyait plutôt une rose, sans vraiment pouvoir se l’expliquer. Après tout, si chacun voit ce qu’il veut dans les nuages, pourquoi pas ici.
“ On dirait une rose. “
Dit-il en approchant ses doigts sans vraiment réfléchir avant de s’arrêter à quelques centimètres, se rendant compte que cela gênerait très certainement la jeune femme.
“ Je ne sais pas comment tu t’es fait ça, mais heureusement qu’elle est sur l’extérieur. Un peu plus vers l’intérieur et l’artère fémorale y passait. “
Expliqua t-il stoïquement avant de s’enfoncer davantage dans le fauteuil. Au vu de la cicatrisation, elle datait de l’enfance. Une cicatrice faite durant cette période est bien moins esthétique qu’une plus récente, puisque la peau s’étire sans cesse durant la croissance. C’est un peu comme tirer des deux côtés sur un drap troué au centre. Akira, lui, n’avait que quelques cicatrices bénignes mais en grand nombre.
Tout ceci lui rappela à quel point ils se connaissaient depuis longtemps sans toutefois tout savoir l’un de l’autre. Akira n’avait jamais vu cette marque, et elle n’avait jamais vu son tatouage. Il fallait dire qu’à l’époque, le jeune homme était encore plus renfermé. C’était à se demander comment Yenno avait pu être si bienveillante et attentionnée envers lui. Ce qu’il ferait pour elle désormais n’était qu’une suite logique et une récompense bien méritée pour ses efforts.
“ Bon. “
Dit-il, comme pour marquer une transition.
“ J’imagine que tu vas commencer à avoir faim. Après tout il se fait tard. “
En tant qu’invitée, il s’agirait de prendre soin d’elle. Et si elle pouvait l’accompagner, du moins au début, pour améliorer ses compétences en cuisine, cela ferait d’une pierre deux coups. A moins qu’elle ne préfères terminer cette soirée dans le calme et l’oisiveté, ce qu’Akira respecterait parfaitement.
Une rose. L'image plut immédiatement à la Yenno d’antan, en un seul coup de pensée, le retour devant les rosiers qui bordaient la forêt voisine de la maison familiale lui offra un petit sourire spécial, très sincère. La jeune femme pourtant très ancrée dans la vie réelle en tant normale, avait pourtant une facilité certaine à s'échapper loin, lors de moments de sérénité comme celui-ci.
« On avait quelque-chose comme cinq ou six ans, c'est mon voisin Hamadate Eishi qui eu le mauvais objet dans les mains, au mauvais moment. Nous jouions et une chute entraîna cette sacré entaille, je me souviens de ma cuisse rouge, comme une rose d'ailleurs. »
Lorsqu'elle senti s'approcher, la chaleur de ses doigts forts, un pincement de joue. La cicatrice n'était pas discrète, bien que blanche et propre. Mais le léger relief que cela créait, avait certainement attiré la touché du garçon. Cependant, il s’arrêta net à quelques centimètres de son corps.
« Une petite faim oui, en effet. Tu as des œufs ? Je peux nous préparer une omelette, c'est rapide et très bon. » Dit-elle en replaçant délicatement son vêtement.
Un coup d’œil vers la cheminée. La jeune femme, entreprit au passage de lancer un feu, sans même le consulter - un peu de liberté. Une fois tout installé dans le renfoncement, il ne manquait plus que la source, qui fera alors jaillir la flamme de la chaleur. Quelques-pas vers le soldat, elle lui attrapa délicatement le cou avec une seule main pour qu'il plante son regard dans le sien.
« Y a t-il des allumettes dans cette maison ? » Chuchota-elle, juste avant de faire remonter la paume de sa main, contre la joue de l'homme.
Yenno se sentait à sa place, étonnamment. Puisqu'elle n'avait jamais envisagé terminer cette journée ainsi, puisqu'elle n'avait jamais envisagé ressentir des choses si belles et douces aujourd'hui. La conjoncture commençait pourtant à sortir du rêve, à devenir bel et bien réelle.
Le fameux Eishi. Akira l’avait croisé à quelques rares occasions à l’époque où il fréquentait Yenno en attendant son prochain départ. Un type comme on en croise tous les jours, amical, quelque peu maladroit. Sûrement était-il devenu boulanger ou autre métier commun sans histoires. Mais Akira se souvenait surtout du regard avec lequel il regardait son amie. Un regard de pourceau épris qu’il reconnaissait au premier coup d’oeil. Enfin, tout ceci appartenait au passé désormais.
“ J’espère que tu lui as rendu la monnaie de sa pièce. “
Dit-il, pince sans rire. De ce qu’il savait, malgré ses airs melliflus, la jeune femme pouvait tout aussi bien montrer les crocs. C’est d’ailleurs ce qui lui assurait un bon avenir dans l’empire selon lui. Enfin, Akira préférait tout de même qu’elle reste douce avec lui, il avait assez vu de crocs pour toute une vie. Non pas que cela le dérangeait d’en découdre, mais peut-être un peu plus avec elle.
“ J’en ai oui, dans la cuisine. “
S’il ne savait pas très bien cuisiner, les oeufs faisaient partie de ces aliments faciles à préparer. Et puisqu’un de ses voisins avait des poules et qu’il l’avait aidé à se débarrasser des renards du coin, pourquoi se priver de ses offrandes hebdomadaires. Comme quoi, même en étant solitaire et renfermé il restait possible d’avoir quelques fréquentations ci et la. Bien qu’il s’agisse plus d’une connaissance en l’occurence.
Retirant sa veste noire pour se retrouver en simple t-shirt dévoilant sa musculature saillante, Akira s’apprêtait à changer de pièce quand elle l’interpella. La jeune femme avait décidé d’allumer un feu, et lui demanda des allumettes d’une manière des plus familières. Les yeux dorés du jeune homme exprimèrent un court instant une expression de surprise avant qu’il ne pose sa main sur la sienne, désormais remontée jusqu’à sa joue.
“ Pas besoin. “
Dit-il en retirant délicatement la main de Yenno. S’il ne maîtrisait pas le Katon, il avait bien assez pour allumer un feu. Ainsi, utilisant les cendres restantes des précédents feu, le soldat effectua un rapide mudra afin de les embraser. Il ne fallut pas plus de quelques secondes pour faire naître les flammes entre les bûches.
“ Je penserais à en allumer plus souvent, ce n’est jamais de trop. Surtout pour celui qui dormira dans le canapé. “
Dit-il, satisfait, avant de commencer à dresser la table. Si elle avait besoin d’autre chose, elle n’aurait qu’à lui demander.
Les yeux admiratifs de la jeune femme, plongés vers la flamme que le shinobi venait de créer à partir des cendres restantes, brillaient. Evidemment, elle aurait du y penser, avec une telle capacité le garçon pouvait lui, en un claquement de doigt ou presque, créer cette chaleur.
« Oh oui, ne t'en fais pas ! Sur le moment je me souviens avoir fondu en larmes, non pas de douleur mais de peur. Cela saignait beaucoup et à l'époque, je n'étais pas encore assez conditionnée à réagir face au sang. C'est un peu plus tard, lorsque j’apprenais doucement à utiliser le raiton que je l'ai correctement corrigé, sans même le vouloir ! » s'exclama t-elle, en riant.
Depuis la cuisine ou elle commençait à s'affairer à la tâche, elle observait méticuleusement les provisions disponibles dans la pièce. Elle trouva un morceau de chou entamé, un pot de farine et un bocal de miso rouge. Elle décida alors d'improviser une sorte de recette d'okonomiyaki avec les moyens du bord. Alors qu'elle délayait la pâte de soja et d'orge dans l'eau, entre la chaleur de la cheminée et celui du feu de cuisine, le corps de la jeune femme commençait à se réchauffer convenablement. Elle décida elle aussi, de retirer son par-dessus. L’espèce de brassière qu'elle portait là-dessous servait à recouvrir et soutenir sa poitrine lors des combats et dévoilait ainsi ses bras fin et musclés puis son bassin dessiné.
« Cette chaleur me fait du bien ! » Dit-elle en accrochant son vêtement sur le dossier d'une chaise qui portait déjà, la veste du soldat.
Retour à la préparation du repas qui touchait pratiquement à sa fin. Elle se souvint alors avoir aperçu à l’extérieur de la maison, quelques plans d'allium sauvage et se rendît, guillerette, dans le petit jardin munit d'un couteau pour en couper quatre ou cinq tiges. Une fois découpé et placé dans un petit bol noir, l'oignon vert semblait ressortir de sa plus belle couleur étincelante et les gouttelettes d'eau le rendait alors, presque brillant. Une fois les omelettes servies, elle ramena les poêlons puis vint s'installer à côté du garçon. Après avoir pioché allègrement dans le bol d'oignons, elle chopa les baguettes.
« Bon appétit, j’espère que cela te plait. »
Des gestes délicats, une manière bien précise de découper sa galette d’œufs en petites parts, elle dévora doucement la nourriture. Encore une fois l'attraction fît des siennes.
« Merci pour ce repas Akira. » Dit-elle souriante, glissant l'air de rien une main contre le genou de son camarade.
Akira tira une sorte de moue, invisible pour la jeune femme puisqu’ils n’étaient pas dans la même pièce. Maintenant qu’ils étaient réunis, le jeune homme comptait bien la protéger avec les moyens qu’il avait. Sans vraiment qu’il sache pourquoi, il se sentait investi par ce devoir. Ou peut-être savait-il sans vraiment se l’avouer.
“ Le mieux resterait que tu ne te blesses plus. “
Dit-il d’une voix doucereuse alors qu’il venait de terminer. Au final, le jeune homme avait préféré dresser la table basse pour que les deux amis puissent manger confortablement assis dans le canapé, face au feu. Il ferma ensuite les volets, la nuit étant désormais totale, et alluma les lumières dans le salon et la cuisine.
“ Tant mieux, j’avais peur que tu ne sois pas à l’aise. “
Dit-il en la voyant retirer son haut, dévoilant alors une tenue mettant en valeur ses attributs et sa musculature. Visiblement, ses craintes n’avaient pas lieu d’être. Si elle se sentait à l’aise et confiante, c’est qu’Akira n’était pas aussi négligeant qu’il ne le pensait. Ou qu’elle pouvait se contenter de peu de choses, bien qu’un mix des deux soit plus probable. Une fois le repas terminé, il l’aida alors à l’apporter sur la table basse avant de s’installer côte à côte.
“ Bien sûr. Je n’ai pas l’habitude de manger aussi sophistiqué… surtout avec les moyens du bord. “
Dit-il en se mettant à manger en même temps qu’elle. Etant friand de nourriture et un véritable gourmand, malgré son physique relativement avantageux, il ne fallut pas plus au jeune homme pour apprécier le repas. Sûrement regretterait-il même de ne pas en avoir une marmite entière, mais il fallait bien se contenter de ce que l’on avait avec son statut. Un rapide coup d’oeil par la cheminée pour voir s’il restait du bois lui indiqua que le feu brûlerait sûrement toute la nuit. En somme, tout était réuni pour passer une bonne soirée.
“ C’est normal. Merci à toi surtout, ce n’est pas moi qui l’ai cuisiné. “
Dit-il en sentant la main de Yenno s’approcher de son genou. Il laissa faire, alors qu’il lui adressait un léger sourire tout en s’approchant d’elle, presque collés sur le canapé. Ce moment était agréable. Sans vraiment qu’il sache pourquoi, ni même qu’il cherche vraiment à le savoir, Akira avait envie de se sentir plus proche d’elle. Et s’il ne se trompait pas, c’était le cas pour elle aussi. Sans doute était-ce l’euphorie des retrouvailles. En réalité, à force d’étouffer ses émotions, Akira ne les comprenait plus vraiment lui-même.
Terminant peu à peu le plat, le soldat bu un verre et le proposa à yenno. Simple jus de citron artisanal, mais terriblement bon.
“ J’ai comme l’impression qu’il n’y a pas que le feu qui réchauffe. “
Le soldat semblait être satisfait du repas partagé, le premier repas partagé depuis leurs adolescence. Alors qu'ils dévoraient tout deux le contenu de leurs assiettes, Yenno fût éprise d'un sentiment nouveau en ce jour, encore. La satisfaction de pouvoir régaler quelqu'un, de savoir qu'il n'aurai plus faim grâce au plat préparé par la jeune femme et surtout, la plénitude. Comme ci, elle se trouvait au bon endroit, maintenant. Étrange climat sachant bien qu'elle ne s'attendait jamais à une telle rencontre en ce jour.
Les deux shinobis se trouvaient maintenant tout proche sur ce canapé rempli de coussins douillets et elle fût surprise de découvrir un sourire charmant sur le visage du garçon, sans compter le rapprochement qu'Akira venait d'opérer. Leurs jambes et le début de leurs hanches étaient dorénavant collés et cette proximité eu un effet pour le moins déstabilisant sur la jeune femme. Attrapant le verre de citronnade bien rempli, elle ne manqua pas d'en renverser quelques grosses gouttes sur le sol, arrosant au passage ses propres genoux.
« Rrrh, quelle gourde ! » Dit-elle en attrapant un morceau de tissu qui se trouvait sur la table.
Après avoir essuyé sa bêtise, elle attrapa le verre un nouvelle fois pour cette fois-ci, se désaltéré correctement. Une fois reposé sur la table, elle enfonça son corps contre le dossier du sofa puis, reposa sa main à mi chemin entre sa cuisse et celle du garçon. Les joues de la hijine se tintèrent alors un peu plus de rouge, déjà quelque-peu marquées par la chaleur du feu. Il faut dire que le soldat venait de prononcer une phrase pleine de sens et surtout, chargée de franchise. Elle ne s'y attendait pas même si au fond d'elle, elle y fût sensible.
« La chaleur des corps est elle aussi, une source agréable, en effet. »
Un instant de rigidité, le souvenir de la droiture de son comportement revînt en plein visage de la jeune femme. Elle fût alors déstabilisé par la situation qui prenait doucement, une tournure spéciale. Elle posa sa tête contre l'épaule tatoué du garçon, une main sur l'avant de l'épaule et regardait alors le feu. Voilà un excellent moyen de se détendre et de faire descendre un peu la pression qu'elle se faisait subir à elle-même, en cet instant. Un mouvement de la tête en direction du cou du shinobi, le bout de son nez effleura alors sa peau et elle prit une grande respiration silencieuse.
« Toujours cette odeur, très agréable. Je n'ai jamais oublié la profondeur de tes yeux d'or mais cette odeur là, était un lointain souvenir... »
Lui aussi se sentait différent. Plus “léger” et moins pessimiste qu’il ne l’était d’habitude. A vrai dire, Yenno était douée pour dégager de la positivité, même avec lui qui était pourtant peu enclin à voir les choses du bon côté. Sûrement était-ce également dû à l’ancienneté de leur amitié. Au vu de son cercle restreint de connaissances, la seule personne qu’il côtoyait avait forcément plus d’importance que quiconque à ses yeux, et il savait le montrer à sa manière. Chose commune à eux deux visiblement.
“ Pas grave. Il y a déjà eu pire sur ce plancher. “
Dit-il en laissant un moment de flottement s’installer, comprenant que sa phrase pourrait laisser sous entendre des choses peu reluisantes.
“ Une fois j’ai fait tomber de l’huile. “
Dit-il pour désamorcer sa remarque avant de s’enfoncer contre le canapé, en même temps qu’elle. Le jeune homme passa le bras derrière elle pour l’entourer machinalement, sans y penser. La quiétude de l’instant et son unicité semblaient le faire agir plus naturellement, instinctivement. Non pas qu’il n’était pas naturel auparavant, mais il était indéniablement plus renfermé. Peut-être que cette distance qu’il plaçait entre lui et les autres n’était pas si absolue qu’il n’y paraissait, la preuve en était avec la jeune femme.
“ Il paraît que tout est plus facile à deux, c’en est un bon exemple. “
Dit-il sans lui-même réaliser vraiment ce qu’il était en train de dire. Peut-être aurait-il changé d’avis au lendemain, lorsque l’euphorie serait retombée. Car s’il savait bien une chose, c’est qu’il n’y avait rien de plus éphémère en ces temps troubles. En vérité, peut-être que le fait de savoir cela rendait les instants de joie plus précieux encore. Et dieu savait ô combien ceux-ci étaient rares pour le jeune homme.
Lorsqu’elle huma son odeur, ne cachant désormais plus vraiment une évidence qu’il ne s’avouait pas lui-même, elle pu sentir une odeur particulière. Unique, sans vraiment qu’il sache lui-même à quoi cela était dû. Peut-être que son odeur corporelle était naturellement agréable, ou que son contact régulier avec la forêt extérieure l’avait imprégné des effluves les plus délicates de dame nature. Mais, de ce qu’il savait, Yenno n’avait rien à lui envier.
“ Je n’ai jamais oublié la tienne. “
Dit-il, tournant légèrement la tête pour ancrer son regard dans le sien, laissant alors leurs deux visages si proches que leurs nez s’effleureraient presque. Aussi loin qu’il se souvienne, les deux amis s’étaient déjà retrouvés si proches, mais jamais de cette manière.
“ Ou peut-être que le simple fait de la sentir m’a fait remonter tous les souvenirs de l’époque comme si je venais tout juste de les vivre. “
Une vague de chaleur supplémentaire, puisque la jeune femme ne contrôlait à présent plus très bien son corps ni ses réactions. Akira venait de la surprendre une nouvelle fois avec des mots qui trouvaient toutes leurs puissances une fois sortis de sa bouche. Une rafale de gentillesse, ou devrait-on dire, de sentiments. Et il semblait sincère. Il était là, à tout juste quelques centimètres de son visage et elle se perdait une énième fois dans le reflet enflammé de ses pupilles. Entre le feu de la cheminée et la couleur brûlante de ses yeux, la jeune femme découvrait une toute autre facette du garçon. Si elle eu déjà une proximité certaine avec lui par le passé, elle ne fût que psychique et les peu de fois ou elle l'eut enlacé, son esprit n'était pas assez développé pour évaluer les sensations. Présentement, elle savait ce qui était en train de se passer dans ses entrailles, les papillons, les frémissements, son corps s'exaltait tout doucement sous ses vêtements.
« Akira... » Dit-elle en baissant les yeux.
Emprise de sa morale établie, elle posa alors sa deuxième main contre le buste du soldat et essayait de contrôler sa respiration qui se troublait quelque-peu. Elle dessinait avec le bout de ses doigts, des symboles indescriptibles contre le tissu blanc du tee-shirt du garçon. Ses iris aussi, suivaient les dessins, timide. La proximité était toujours présente, c'était un simple système de défense et de contrôle, que de quitter un instant la profondeur du regard. Sa paume maintenant, était posée à plat contre le muscle pectoral et elle glissait doucement en direction de son cou, très doucement, un geste à la fois hésitant, doux et chargé d'envie.
« Nous étions si jeune à l'époque. » Dit-elle en relevant le regard en direction du sien, affrontant alors l'agréable difficulté du moment.
Une fois arrivé à la hauteur du col, elle s'y agrippa puis vint alors caresser le menton du shinobi, avec sa joue. Le geste glissa alors en un instant, Yenno laissa grimper ses doigts dans la nuque, puis les cheveux ébène de son vieil ami, frolla ses lèvres avec les sienne sans marquer de baiser puis lança :
Akira n’était pas du genre émotif et aussi intense soit l’émotion, ce n’était pas encore suffisant pour véritablement l’alarmer. Il restait calme et consciencieux, apaisé. Peut-être était-ce ainsi qu’il exprimait ce sentiment nouveau qu’il n’expliquait pas, mais qu’il devinait bien présent. Après tout, sa conversation laconique et son stoïcisme faisait partie de son charme. Charme qui n’avait pas conquis tout le monde, certes. Après tout, ce n’était pas vraiment ce qu’il recherchait. De toute manière, le soldat n’était jamais certain de ce qu’il recherchait vraiment… mais en cet instant, peut-être savait-il finalement. Ou du moins pensait-il savoir. Ses émotions étaient si cryptiques qu’il n’y comprenait rien lui-même. Peut-être qu’une présence extérieur était ce qui lui manquait ?
“ … “
Comme souvent, Akira ne trouvait rien à dire. Pour des raisons différentes cette fois. Pas par manque d’intérêt, mais par manque de moyens. Comme s’il cherchait les mots justes, lui qui était d’habitude si naturel et véritable, à sa manière. Pour une fois, la situation qui se présentait à lui ne pouvait se résoudre d’une manière précise ou d’un quelconque stratagème. Peut-être était-ce cela, que l’on appelait agir avec le coeur.
“ Mais nous le sommes toujours. “
Dit-il de sa voix chaude, réconfortante. S’il n’avait jamais eu de véritable jeunesse, peut-être pouvait-il rattraper le temps perdu désormais. Plus besoin de fuir, de subir ou autres choses qu’il avait laissées loin derrière lui. Passant un bras derrière la hanche de Yenno pour lui entourer le bassin, le jeune homme la rapprocha un peu plus. Comme pour la garder auprès de lui. Le feu était bien assez fort pour les tenir au chaud, mais ce n’était plus ce genre de chaleur qu’il recherchait. Car celle qu’il ressentait davantage venait de l’intérieur.
“ … “
Avait-il vraiment imaginé ce moment ? Peut-être. Tout ce qu’il savait, c’est qu’ils le vivaient désormais. Akira n’aurait jamais pu imaginer cette situation possible auparavant. Vivre ce genre de choses avec autrui semblait être réservé aux autres, pas à lui. Et pourtant, l’instant était bel et bien réel. Yenno était avec lui, palpable, plus vraie que nature. Et Akira sentait au plus profond de ses entrailles quelque chose de fort, quelque chose le poussant à concrétiser ce rêve trop réel pour n’être qu’une simple amourette oubliable.
“ Je laisse l’imagination à l’irréalisable. “
Dit-il en ponctuant finalement sa phrase par un baiser. Un geste si peu commun pour lui et qu’il venait pourtant de faire si naturellement, comme s’il s’y était toujours préparé. Malgré son âge, Akira n’avait évidemment jamais entretenu de telle relation avec quiconque auparavant et n’avait jamais non plus embrassé. Peu importe. Il fallait une première fois à tout, et Yenno était la seule personne qu’il aurait jamais pu imaginer embrasser. C’était désormais une certitude. Si bien qu’il prolongea l’instant.
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