La nuit tombait, et enfin les rugissements de la bête se mirent à cesser. Kisuke avait progressivement repris conscience par des vibrations rythmées des enjambées du clone de Yanosa qui le portait. Il eut comme un énorme frisson, et en tournant la tête, il vit la bête, et compris instinctivement que pour la première fois de sa vie, il ne faisait pas face à un animal dont il était le prédateur. Il se sentait fourmi face à une pression colossale. Des muscles énormes, des poils hirsutes. Une puissance chakratique certainement démente, alors que la sienne se devait avant tout de se regénérer.

Il reperdit conscience - ou était-ce le sommeil qui reprenait le pas sur ses faibles forces ?

Ils étaient tous là. Sains, saufs, se réchauffant autour d'un feu de camp. Les mines étaient fatiguées, les traits creusés par le stress de la dernière journée et la réalisation des implications. Teruyo, son sensei, avait joué avec le feu. Et par sa bêtise tout le yuukan était en danger. En voulant sauver le Yuukan d'un simple prisonnier, le jonin avait libéré quelque chose de bien plus effroyable. Sa pugnacité dans ses derniers instants ne risquaient pas d'abandonner Kisuke de si tôt. Le Pharmacien s'était tut, pas d'humeur à ses blagues habituelles. Il d'abord commencé par pansé correctement ses blessures et celles de Rin (Yanosa n'était pas doué pour tout) avec un cataplasme fabriqué sur place à l'aide de quelques plantes. Il avait du recoudre comme il pouvait son bras gauche légèrement perforé par la lance d'Harumi. La présence directe de ses invocations sur son corps avait limité partiellement la casse, mais celles-ci devraient désormais également se soigner.

L'air grave, il contempla son carnet, en maugréant des insanités tout en mâchant un lapin rôti.

Enfin, il prit la parole pour énumérer tout haut ce que tous pensaient tout bas.

C'est la merde.

Devoir quitter Iwa n'était pas le pire, que leur source d'information était morte passait encore, mais c'était une calamité que Teruyo avait libéré sur leur terre de la Terre, et des innocents en souffriraient très rapidement. Des reflets chatoyants des flammes dansaient sur son front, dénué de tout bob par une attaque éthérée, et son visage. Ses yeux. Oui, ses yeux avaient en eux une rigidité auquels ses partenaires n'avaient pas l'habitude.

Malgré la peur. Cette peur qu'il avait ressentit en voyant cette immense silhouette velue derrière lui. Une seule de ses pichenettes et il serait mort, c'était acquis. Il était blessé. Son chakra était très bas, pourtant il se devait de faire quelque chose pour tous ces civils. Tous ces innocents. Et s'il devait perdre la vie pour protéger une grosse ville... Il le ferait. Bien entendu.

Il devait compter sur des survivants pour annoncer la nouvelle a Iwa le plus rapidement possible. Mais il ne pouvait pas compter absolument sur eux.

C'est notre merde. Alors, on va devoir creuser une fosse, la pousser dedans, l'enterrer le plus efficacement possible pour donner le temps à iwa de revenir s'en occuper. Ils vont avoir besoin de temps pour être mis au courant. Tout ceci va nous demander une préparation, mais j'ai l'ébauche d'un premier plan. Il se dirige vers le Sud-Est. Soit vers le palais du daiymo, soit vers Iwa, mais le premier sera sans doute toucher, avec toutes les pertes civiles que cela implique. Nous devons jouer sur la géographie de notre pays pour préparer une cuvette dans lequel l'enterrer, pour lui faire perdre le plus de temps possible. Boues, avalanches, glissements de terrains, des dispositif qu'on peut actionner à distance avec mes fuins explosifs peut-être. On l'ensevelit pour gagner une journée, peut-être deux, sans trop s'exposer à sa rage. Puis on se regroupe plus loin, on retrouve nos forces, et on attend qu'Iwa soit-là pour intervenir avec ce qui nous reste de chakra. Il y a trois zones potentielles d'intervention je pense.

Kisuke montra sur le carnet trois cercles.

Spoiler:

Il faut prévenir les civils, aussi. Ou faire parvenir le message et faire en sorte que les villages eux-mêmes fassent passer le mot entre eux. J'ai deux invocations inutilisables, mais trois autres qui le sont et peuvent nous aider dans ces tâches. Préparons un terrain où on peut l'ensevelir en un instant et lui faire tomber sur sa tête des montagnes entières d'une distance raisonnable de lui, c'est la moindre des choses qu'on puisse faire avant de... avant de...

Quitter définitivement Iwa.

Il composa des mudras et invoque une petite vipère.

Spoiler:

Hermès, la situation est catastrophique, et nous avons besoin d'un messager pour évacuer des villages. Demain, ton rôle sera d'avancer devant Yonbi et de prévenir tous les villages que tu croises. C'est... très important.

Spoiler:

Peu à peu, le vrombissement s’était tu dans le lointain derrière eux, laissant place au silence de mort qui avait envahi cette partie de la forêt totalement désertée par la vie animale. Exténué, blessé, toutes ses forces épuisées dans l’affrontement contre ses pairs suivi de leur fuite au fin fond de la Forêt Interdite, l’Oterashi dut se résigner à stopper sa course folle avec ses clones, eux aussi arrivés au bout de leur autonomie. Les intempéries avaient fui vers l’ouest, laissant malgré tout derrière elles une canopée humide et des sols détrempés : dans un dernier souffle, drainé autant physiquement que moralement, le guerrier de pierre alla installer son groupe meurtri à l’abri sous les épaisses racines d’un arbre qui avait jadis élu domicile sur le flanc d’un surplomb. Souffler. Il devait souffler, prendre le temps de respirer, mais ces maux de tête, cet abysse qui était né dans ses entrailles en revoyant les traits du Dieu Singe, les saignements sur son corps,… Non, il ne pouvait pas encore, il devait les installer, sécuriser le périmètre, changer ses bandages. Une succession d’actions qui lui parut prendre une éternité tant chacun de ses muscles lui hurlait de céder à l’inconscience. Sa vue, tandis qu’il s’affairait à installer les corps ensanglantés de Rin et Kisuke, se brouilla toutefois finalement sans qu’il ne puisse rien y faire, et c’est tel un poids mort et sans vie que le Tellurique finit par s’écrouler dans le creux de leur abri de fortune, abattu.

Lorsque les yeux du Chûnin d’Iwa se rouvrirent, son horloge interne cavala pour rattraper les heures qui venaient de défiler, tout son corps s’animant dans la foulée pour le faire sortir de l’abri et se redresser au coeur de la nuit qui était tombée depuis. Non, se rappela-t-il avec aigreur : aucun danger immédiat ne les menaçait. Le péril qui les guettait ne se tapissait pas dans l’ombre, ne faisait pas dans le détail, et se dirigeait très certainement à l’heure qu’il était vers les centres de population de Tsuchi, vers le sud. La mine grave sur les traits bandés de Yanosa se retrouvait chez ses deux comparses, qui s’étaient en son « absence » occupés de panser leurs plaies du mieux qu’ils avaient pu pour stopper les saignement et éviter des infections. Échangeant des regard entendus, le trio n’eut pas besoin pendant un temps de se dire quoi que ce soit, trop occupé à gérer les urgences les unes après les autres. Se soigner, récupérer, se nourrir. Quoi qu’ils aient pu avoir dans l’idée de faire à présent, quel qu’ait pu être leur nouveau but face à la catastrophe, ils devaient toutes et tous en passer par là pour espérer accomplir quoi que ce soit. Et cela, même la tête brûlée qu’était l’Oterashi n’en était que trop conscient.

Chacun devait digérer la nouvelle donne comme il le pouvait. Junichiro n’était plus. Miyamoto Teruyo était mort, et Yonbi foulait à présent librement Tsuchi, le Yuukan. Et tout cela… par le truchement de leur initiative. Tandis qu’il mûrissait leur marge de manœuvre tout en tâchant de ne pas ruminer inutilement sur toutes ces choses qui lui passaient les entrailles au mortier et au pilon, Yanosa ne pouvait se défaire de cette sensation tout à fait physique, de ce fourmillement qu’il sentait poindre depuis les tréfonds de son pouvoir d’Assimilation. Après l’ingestion des pilules de Kisuke, suite à l’effort qu’il avait exigé du moindre de ses muscles pour exécuter cette offensive qui avait enfoncé les rangs de ses compatriotes, l’Oterashi avait cru que cette ébullition intérieure disparaîtrait, mais il n’en était rien. Quelque chose, dans son métabolisme, avait évolué, avait franchi un nouveau palier qu’il n’aurait su lui-même définir. Un sujet de réflexion, toutefois, qu’il allait pour l’heure laisser allégrement de côté pour se concentrer sur leur approche de cette crise sans précédent.

Debout à quelques pas du feu de camp, les bras croisés sur son poitrail, Le guerrier de pierre n’accorda pas un regard à Kisuke lorsque ce dernier fendit enfin le silence. Du reste, il ne manqua pas malgré tout d’écouter attentivement ce qu’il avait à dire et ce que son esprit sagace avait à proposer. Patiemment, de façon presque anormale étant donné son tempérament usuel, Yanosa attendit que l’homme au bob qu’il n’avait jamais connu si sérieux ait fini, ne quittant pas des yeux une seule seconde le visage de celle qui se trouvait de l’autre côté du feu en faisant peser sur elle tout le poids de ses iris de braises.

« … J’apprécie la métaphore, Kisuke. Ton sens de l’humour aussi, quand tu parles de faire gagner un jour… deux jours ? Aux forces d’Iwa qui viendraient du sud, par notre seule intervention. Tu ne lui as jamais fait face. Tu n’as pas pu mesurer… l’ampleur… de son chakra. De sa pure force physique. Ce n’est pas qu’un animal dur à tuer : c’est une force de la Nature, une force primordiale, et seul un assaut unique et décisif pourra en venir à bout. Un assaut réfléchi…

Tout le contraire, en fait, de ce que tu as été capable de produire. »

Prononçant ces derniers mots, ses bras quittèrent son torse et son regard redoubla d’intensité en direction de Rin, comme pour transpercer tout à fait le corps de l’opaline qui se trouvait au-delà des flammes. Ces derniers mots, bien sûr, lui étaient destinés… de même que les suivants.

« ...Tu as perdu ton sang froid. Tu as désobéi à un ordre que JE t’ai donné. Une consigne claire, limpide. Et aujourd’hui, certainement en partie à cause de ton manque de jugement, on fait face à nouveau à ce cataclysme. Teruyo s’est laissé aveuglé par ce qu’il croyait être son droit à l’autorité : je ne sais pas quelle sera ton excuse et je m’en moque, à vrai dire, car ta prochaine faute envers moi… sera la dernière, Rin » finit-il en braquant momentanément un doigt accusateur vers la Hyûga.

Cet élément mentalement encombrant enfin évacué et mis au clair, le Tellurique put s’appesantir plus avant sur la réflexion la plus urgente.

« Quoi qu’il en soit… c’est presque illusoire d’espérer faire gagner autant de temps aux forces d’Iwa. Même si vous connaissiez tous les deux la technique interdite servant à contenir la puissance de ces entités, nous aurions besoin d’une quatrième personne pour l’exécuter et Komorebi… Komorebi est introuvable.

Mais je te rejoins, Kisuke... sur la nécessité de faire la jonction avec nos alliés de Rokkusu. Sans eux, il n’y aura aucune victoire possible. Seulement la dévastation. Et la seule chose qui sera véritablement en notre pouvoir d’ici là, en vérité… sera d’empêcher un maximum les pertes civiles. Les villes, les villages,… la Capitale. Ils sauront tous tôt ou tard quelle menace pèse sur eux, mais si les populations ne sont pas prévenues, guidées, si elles n’ont pas le temps de s’organiser, alors… il pourrait bien y avoir autant de morts ensevelis sous la lave que sous les bottes de leurs voisins. »

L’Oterashi inspira un grand coup, presque fébrilement, résigné à adopter la stratégie du moindre mal en rongeant son frein quant à l’ultime revanche qu’il escomptait bien prendre sur Hachiman.

« Rin, Kisuke. Dès que nous aurons récupéré assez de forces et d’énergie… nous remonterons la piste de Yonbi. Nous tenterons de le ralentir si c’est possible en restant à couvert, au niveau de l’un de ces goulots. Puis nous dépasserons sa course, prévoirons toutes ses destinations possibles et voyagerons en amont pour vider les villes de leurs occupants. Peu importent les pertes matérielles, du moment que cet exil a lieu le plus tôt et le plus proprement possible. Et quand Iwa viendra au devant du « Dieu Singe », alors seulement… Nous passerons véritablement à l’action. »

Le regard embrasé du guerrier tellurique alla tour à tour dévisager ses deux comparses restants, mesurant si oui ou non ils avaient bien conscience de ce qu’impliquait leur prochaine intervention.

« … Que ce soit bien clair : hors de question de laisser cette bête élire domicile chez un autre iwajin. Quand l’heure sera venue, si Hachiman refuse de coopérer.. sa mort sera la seule issue favorable. »

Résumé

Yanosa récupère avec ses mates et panse ses plaies, le tout prenant sans doute une journée complète à priori. Si il ne nous est pas permis de faire plusieurs tours de post dans ce topic, j'éditerai pour ajouter le plan précis et les techniques employées pour tenter de ralentir Yonbi. Si nous pouvons échanger quelques tours dans ce topic, ce sera fait dans un post ultérieur.

Et peux-tu véritablement le tuer, Yanosa-san ?

Suite à la remontrance sur Rin, les mots avaient échappés à Kisuke. Il était un peu fâché, malgré lui, sur la sévérité avec laquelle Yanosa avait rabaissé sa cousine. Et du coup, la rétorque était sortie brute, toute seule, comme une délivrance violente d'un maëlstrom de sentiments obtus et diffus. Son cerveau enregistrait certaines informations intéressantes, mais son coeur était comme dévoré d'un feu endiablé et passionné.

Tu es capable de bien des prouesses, Yanosa-san, voir même de miracles. Mais tu es aussi obstiné et tu as du mal au compromis. Alors je suis prêt à accepter que la bête soit scellé en l'un des leurs, Yanosa. Tu auras droit à deux assauts, avec tout mon support et mon intellect à ta disposition, Pour essayer de mettre fin à ce calvaire de manière contrôlée. Deux assauts. S'ils ne fonctionnent pas, promets moi de prendre la fuite. Rien ne sert de s'entêter ici, avec des traqueurs potentiellement déjà à nos trousses et encerclés d'iwajins assoiffés de sang comme Teruyo et Harumi l'ont été. Promets-le moi, et je t'aiderais à optimiser un maximum tes chances et ton objectif.

Il laissa le silence couler autour de lui, conscient de la part d'influence qu'il avait dans ce groupe. Le Guerrier Tellurique en avait fait auparavant qu'à sa tête, n'écoutant rien ni personne. Avec le temps, il avait accepté certains conseils de Kisuke, peut-être de Rin. Maintenant, il avait toujours sa capacité bestiale à aller droit au but, et il savait entendre. Compromettre, même si c'était parfois difficile et contre nature pour lui. Il était pierre. La Pierre Est, simplement. Le scientifique continua, sur un mode plus raisonné et en calmant ses ardeurs.

De toute façon, seule la surprise ou la stupidité peut nous permettre d'avoir ce titan. Si ni l'un ni l'autre n'est possible, alors ce ne sera pas notre combat d'aujourd'hui. Pas encore. Peut-être que plus tard nous pourrons trouver un moyen d'anéantir ces monstres d'un coup sûr et méthodique. Peut-être en utilisant un boost aussi puissant que les portes ? Mais ne sacrifions pas notre future pour rien. Faisons les choses irationnelles d'une manière... rationnelle. D'accord ?

Une question pour leur futur. Car il y aurait un futur, même si cela ne serait pas avec Iwa.

Parles-nous de Yonbi, de ta dernière bataille avec lui. Puis... Parle-nous de ces kinjutsus.

Après tout, c'était la première fois que Kisuke en entendait parler.

Contrite et abattue par la débâcle, par l’échec quasi total de leur excursion et de leur projet pourtant si maîtrisé à l’origine, Rin n’osa d’abord pas rétorquer un seul mot. L’Oterashi imaginait assez bien ce qui devait traverser l’esprit de la kunoichi et pour cause : ses émotions ne lui avaient jamais paru aussi transparentes qu’en cet instant, face à la contemplation douloureuse, presque agonisante des conséquences de leurs actes. Loin de Yanosa l’idée de rejeter la faute sur autrui : il se débattait déjà bien assez avec ses propres remords pour se préoccuper du mal que pouvaient avoir les autres à gérer les leurs. L’idée que quelqu’un puisse rester ignorant de son rôle dans ce terrible fiasco, toutefois, lui était également insupportable, et c’est tout juste si le guerrier de pierre n’aurait pas souhaité pouvoir secouer le corps sans vie de Teruyo pour en extraire l’aveu de sa propre responsabilité et de sa faiblesse. Ces choses qui, au même titre que le sang chaud de Rin si ce n’était bien plus, avaient entraîné le retour de Yonbi en chair et en os. Tout comme c’était le cas, se rappela douloureusement l’Oterashi, de son propre entêtement à obtenir des résultats. Coûte que coûte.

La réplique de Kisuke, quant à elle, piqua le Tellurique au vif, forçant son attention à se braquer de façon presque physiquement agressive en direction de l’apothicaire. La question était, en réalité, tout autant pertinente qu’elle n’était vexante et vecteur d’anxiété chez le guerrier enrubanné, qui était de son propre avis passé si près de tuer la bête l’an passé qu’il en ruminait encore cet échec amer toutes les nuits. Modérant sa réaction en la tenant circonscrite à son regard rougeoyant, Yanosa attendit d’entendre tout ce qu’avait à dire l’homme au bob sur le thème de leur potentiel déicide avant de rétorquer.

« ...Vois où ce compromis nous a déjà mené, Kisuke. Teruyo… Il avait ses travers, mais c’était un shinobi d’élite. Un homme rationnel, père d’une petite fille. Et la bête, malgré tout… l’a changé de l’intérieur. L’a corrompu jusqu’à dévorer tout ce qu’il était pour se libérer. Tu es en train de me dire… que tu serais enclin à retenter l’expérience ? A ce que quelqu’un, qui que ce soit… ait ce fardeau, ce calvaire à supporter ? Et pour quelles garanties, hein ? »

Il marqua une pause, laissant ses deux comparses se remémorer de ce qui venait de se passer, lorsque le Miyamoto était tombé à bout de forces en laissant le champ libre à Yonbi pour reprendre les rennes.

« Tu me demandes si je peux le tuer… ? Oui. Oui, j’en suis capable, dit-il avec fermeté comme pour terminer de se convaincre lui-même. Pour m’extraire de ses entrailles… je l’ai mis à l’agonie, juste avant son scellement, après que Sen’Sei Ketten, le Lieutenant de Tôsen… ait brisé notre Barrière Divine. Si j’avais pu aller jusqu’au bout ce jour là, faire s'écraser sur lui le poids de la Terre... »

Les poings du guerrier meurtri se serrèrent machinalement à l’évocation de ces instants fatidiques, où tant de vies avaient été changées à jamais. Des instants qui voyaient leurs ramifications impacter les événements encore aujourd’hui, de la façon la plus dramatique qui soit.

« ...Deux tentatives. » finit-il par lâcher avec un air d’accord donné à l’arrachée.

Si il échouait à nouveau par deux fois, se dit-il en son for intérieur, cela ne pourrait de toute façon être synonyme que de deux choses : qu’Iwa était parvenu à sceller à nouveau la créature… ou qu’il avait trouvé la mort en essayant de l’occire. Ressassant ses souvenirs avec le plus de pragmatisme et de recul possible, l’agent du Sazori en disgrâce tâcha alors de mettre le plus efficacement possible au parfum ses deux comparses qui, Genin de leur état, étaient effectivement restés loin de la crise de l’époque.

« ...Les Kinjutsu divins sont des techniques longtemps gardées secrètes par l’ordre des moines d’Hayashi. L’un permet de sceller l’essence d’un « Dieu » dans un être humain, tandis que l’autre permet de contenir son énergie pour neutraliser son pouvoir. Et comme vous l’avez sûrement déduit, pour exécuter l’un ou l’autre de ces jutsu… quatre personnes doivent le maintenir de concert. Quand Iwa interviendra, ce sera donc avec un minimum de huit shinobi entraînés à l’utilisation de ces Kinjutsu, et chacun avec une escorte. Et pour que je sois en mesure de tuer cette bête une bonne fois pour toute, il sera impératif que la Barrière soit érigée pour museler Yonbi. La première fois, à Iwa… c’est parce que la Barrière a été brisée par Ketten, que j’ai été avalé.

Mais cette fois, ce sera différent. Cette fois… je lui exploserai le crâne. »

Des derniers mots prononcés la mâchoire serrée, les yeux froncés en un rictus de colère viscérale et insatiable.

Rin semblait reprendre du poil de la bête.Bien. Cela ne faisait pas plaisir à Kisuke de la voir ainsi prostrée. Après tout... il la considérait presque comme une fille. Il s'en était occupée quand elle était encore en couche-culotte, tandis qu'il effectuait encore ses simples tâches de membre de la branche secondaire du Clan Hyûga. Une ombre passa sur son visage à cette réflexion. Son clan. Comment prendrait-il sa désertion ? Devrait-il faire attention à des assassins envoyés à ses talons ? Peut-être. Sans doute. Un jour, il pourrait peut-être arriver au niveau de la tsuchikage et avoir par sa seule réputation une défense adamante de son être. Un jour. Peut-être même un jour pas si éloigné où il pourrait vaincre des jonins experts, même s'il pouvait se vanter d'avoir mis à terre Harumi par la seule force de ses invocations, ce qui n'était pas rien.

Ce n'était pas pour autant suffisant.

On doit essayer de tuer Yonbi, oui. Tant soit peu que ces créatures peuvent être tuée. Mais s'il faut se contenter de le sceller, laissons faire Iwa. Teruyo a été une expérience désastreuse d'égo démésuré pour une puissance bien modeste. Pourtant... pourtant, au moins pendant tout un temps, iwa a été sauve. Et je gage que les autorités régnantes ne prendront plus quelqu'un de la même démesure une fois de plus. Une solution temporaire, où l'on doit faire confiance à des autorités et à la bonne gestion de la personne. Je suis content de ne pas être le vaisseau d'un de ces monstres.

Il pourrait l'être, au fond de lui. Il accepterait ce fardeau si c'était nécessaire ou si c'était rentable. Il écoutait les informations transmises, pour une fois que quelqu'un dégnait lui en donner. Il esquissait ses sourcils. C'était complexe.

Quatre personnes par kinjutsus. Nous sommes en manque de personnel, semblerait-il. Ne comptez pas sur moi que ce soit pour le ninjutsu ou le fuinjutsu. La premier je suis exécrable dedans, et dans le deuxième... mes connaissances sont bien modestes et insuffisantes pour ce genre d'arcane, je le crains.

Kisuke n'était pas un expert dans ces domaines, et ne le serait jamais en ninjutsu c'était certain. Quand Yanosa exposa son plan, il... manquait un petit peu de détail. Lui exploser la tête ? La notion était plaisante, bien qu'elle méritait d'être développée.

Développe nous ton plan. Comment comptes-tu lui exploser le crâne. Quelle technique utiliseras-tu, dans quelle configuration. Par où frapperas-tu. As-tu besoin d'améliorer la puissance de tes assauts ? As-tu besoin d'une couverture de jutsus habilement placée ? Comment feras-tu en sorte de limiter ses déplacements ou sa capacité à s'en défendre ? Quel est ton plan pour en ressortir vivant, aussi ?

Une foule de questions, certaines particulièrement tranchantes, fusèrent en direction du guerrier tellurique, prêtes à mordre sa chaire. Kisuke était sérieux, et il voyait bien que Yanosa ne prenait que peu soin de sa propre vie. Si sa quête le lui demandait, il donnerait sa vie pour abattre le monstre. Et puis quoi ? Et puis rien ne changerait. Il fallait sonner bien plus qu'une victoire pour faire retentir les cloches de sa vérité et de sa supériorité. Kisuke allait protéger Yanosa de Yanosa, et faire de lui le phare de tout le Yuukan, l'espoir d'un peuple non écouté.

Si l’Oterashi avait pu penser que la situation en viendrait à un état aussi sombre et dégénéré, sans doute aurait-il pris le temps en amont d’enseigner à ses compagnons de cabale les rudiments du Kinjutsu de Barrière Divine. Le soit-disant Clairvoyant, cependant, avait été loin d’imaginer pareil développement catastrophique, et c’était dès lors sans aucune botte secrète pour stopper net l’avancée de Yonbi au sein de Tsuchi qu’ils devraient tous les trois composer. Et comme en vint à le souligner Rin, dont l’attention et la lucidité semblaient enfin avoir repris le pas sur son enfermement et sa léthargie, c’était sans aucun doute sans le moindre allié en poche qu’ils devraient prévoir la suite. Depuis l’instant où les mots n’avaient plus suffi et où la violence avait imposé sa loi entre leur groupe et l’équipe de pisteurs lancée à leurs trousses, Yanosa avait été on ne peut plus conscient de cet isolement, de ces nouvelles et inévitables inimitiés qu’il avait créé et gravé dans le marbre.

Chaque coup qu’il avait donné, chaque os qu’il avait brisé chez les siens, il en avait pris et assumé tout le poids des conséquences : si il n’avait donc aucun besoin que la Hyûga les lui rappelle, la voir et l’entendre prendre pleinement acte de la situation elle-même avait de quoi le rassurer, toutes proportions gardées, et c’est un regard naturellement dur mais dénué de reproches qu’il fit alors peser sur la veuve.

« Tu as raison d’envisager le pire, mais Iwa ne pourra pas se permettre le moindre faux pas avec la Barrière. Une dizaine de shinobi d’élite ont perdu leurs jambes, quand le Kinjutsu a flanché la dernière fois, et il s’en est fallu de peu pour que le scellement échoue. Pour mener à bien leur plan… qui consistera assurément à enfermer à nouveau Yonbi, ils devront inhiber son pouvoir sans faiblir. Et c’est précisément là… que repose notre opportunité. »

Une fenêtre de tir bien mince, mais qui pouvait suffire pour concrétiser ce qu’il avait déjà tenté d’accomplir par le passé pour créer un nouvel avenir à l’Humanité. Deux tentatives ? Une seule pouvait bien être suffisante, même si la présence d’un certain Juunin d’Iwa sur le futur champ de bataille pouvait augurer d’une ultime stratégie désespérée pour venir à bout de la bête.

« Faire confiance aux autorités hein… ? Si ça avait vraiment été possible de se fier au jugement du Triumvirat, on en serait pas là et tu le sais. »

Entendre Kisuke faire état de ses « modestes » connaissances en Fûinjutsu rappela au guerrier tellurique le chantier que représentait son initiation maintes fois repoussée en la matière. Détailler précisément sa démarche pour tenter d’occire Yonbi, cependant, prenait le pas sur ces réflexions et de loin.

« ...Il te faut du concret. Logique. Je n’avais que moi-même pour planifier ma première tentative. De ce point de vue aussi, cette fois… sera différente. »

D’un pas lourd et douloureux, l’Oterashi marcha autours du feu de camp, organisant ses pensées au mieux avant de passer à son explication agrémentées de gestes de la main pour illustrer son propos.

« ...L’idée est de viser la tête. De l’écraser, la broyer, sous une gigantesque masse de roche alourdie le plus possible par l’énergie du Mitsudo. Deux de mes bunshin peuvent se rendre au plus haut des cieux, sous couvert de l’apparence d’oiseaux charognard. Quand Yonbi sera neutralisé par la Barrière, chacun leur tour… ils se positionneront, et s’enfermeront dans une sphère de roche pleine la plus grande et dense possible en entamant leur chute. L’un après l’autre… ils s’écraseront alors sur son crâne après avoir atteint leur masse et leur vitesse maximales. »

Le Tellurique marqua une pause en regardant tour à tour Rin et Kisuke.

« En dernier recours… si un certain frère d’arme se trouve parmi les équipes chargées de sceller la bête… je pourrai peut-être le convaincre d’utiliser un jutsu que nous avons mis au point ensemble pour ce genre… « d’occasion ». Si on en vient à cette extrémité, alors j’aurai à nouveau besoin de ton soutien alchimique, Kisuke. Avec ton support Rin, j’ai bon espoir.. qu’on puisse se ménager une porte de sortie. Quelque soit l’issue, après cette opération le sort de Yonbi ne nous concernera plus.

...Reposez-vous. Quand nous repartirons, ce sera pour rattraper le Singe au plus vite et l’enterrer sous la neige et le roc des montagnes. Lui faire perdre quelques minutes… pourrait suffire à sauver des centaines de civils. Embrassez la douleur, embrassez le sang. Soyez prêts. »