Le bretteur originaire de Tesu n’avait trop su comment réagir, lorsqu’il avait été abordé par l’un des gradés du village de la Roche dont il avait pris l’habitude de sentir la présence au fil de son séjour dans la grande cité commerciale. Sa perplexité n’avait alors fait que grimper en flèche, à mesure que le Juunin lui avait exposé ce qui était attendu de lui et ce qu’il pourrait y gagner. Une mission, frappée du sceau officiel d’Iwa et qu’il avait à présent le devoir de mener à bien si il souhaitait pouvoir prolonger son séjour dans la grande Rokkusu. Une mission, également, pour laquelle il serait payé, au même titre que n’importe quel shinobi d’Iwa qui en aurait eu la charge, une ambivalence empreinte de justice qui n’avait initialement pas suffit à tempérer l’inquiétude du Nomura à l’idée de s’occuper d’un travail qui aurait dû échoir aux forces officielles de Tsuchi. Il fallut en effet à Ieyasu prendre le temps de la lecture de ce fameux ordre de mission afin de mieux comprendre et d’accepter explicitement les termes de l’accord qui lui était proposé, alors bien au fait des enjeux.

Ordre de mission

Eisenin sans frontières Le village de Kuke, prêt de la frontière du Pays de Tsume, subit fréquemment des raids de la part d’un groupe de brigand. La dernière a eu lieu il y a un jour à peine et de nombreux blessés sont à déplorer.

Vous avez été appelé, Nomure Ieyasu, à servir le Pays de la Roche et aider ces gens : soigner les victimes et empêchez les infections.
Il est possible que les brigands attaquent de nouveau ce village, ou l’un aux alentours. Envoyer un shinobi d’Iwa pourrait s’avérer risqué. Votre présent n’est donc aucunement dû au hasard ; Vvs ordres sont clairs : aidez la population locale.

Rejoignez le village de Kuke et renseignez-vous sur la situation.
Prenez contact avec le chef du village, puis soignez les blessés et aidez les villageois à toute autre tâche nécessaire.
[Optionnel] Mettez hors d’état de nuire le groupe de brigand.

Tout en rassemblant son matériel et en préparant des stocks de décoctions curatives en tout genre, l’épéiste itinérant songeait aux habitants de ce village, Kuke, auxquels il était chargé de poter secours. Ieyasu avait depuis quelques mois à présent pris la décision ferme de rentrer chez lui à Tetsu, après avoir si possible pu profiter des miracles médicaux de la Roche. Prioriser la famille qu’il lui restait, plutôt que de poursuivre de grands idéaux auxquels il n’était même pas sur de vraiment comprendre la portée. Malgré tout, et suivant en cela les principes enseignés par son senpai Hyûga Kisuke, le Nomura se voyait mal refuser d’utiliser ses nouvelles compétences pour porter assistance à une communauté en danger. Bien piètre espion, il n’avait pas échappé malgré tout à l’attention du jeune bretteur que les forces du village semblaient dans un état d’étirement et d’effervescence assez singulier, ce qui pouvait de ce fait seul justifier qu’un banal mercenaire tel que soit soit employé dans ce cadre. Une autre dimension du problème, toutefois, échappait toujours à ses réflexions, tandis que l’alchimiste en herbe quittait la serre instituée par Kisuke avec tout son attirail.

Ce n’était pas la première fois depuis son arrivée à Iwa que le Nomura quittait l’enceinte de la cité, mais tandis que son regard sombre se perdait dans l’horizon du matin au-delà des Crocs Rocheux, le jeune itinérant prenait la mesure de la tâche qui l’attendait. Des vies étaient en jeu. Des vies qu’il pourrait sauver… ou condamner à la ruine, si il ne se montrait pas à la hauteur. Ses cheveux noirs soulevés par la brise, Ieyasu prit une grande inspiration, puis se mit en route.

La rapidité était mère d’efficacité, quand il s’agissait d’aller porter secours à une communauté en danger comme c’était le cas pour les habitants de Kuke. Aussi Ieyasu adopta-t-il un rythme de marche et de course alternées soutenu, profitant de sa connaissance relative de cette partie de Tsuchi qu’il avait déjà arpenté dans l’autre sens pour emprunter des voies de traverse, en dehors des sentiers battus. Croisant vers le sud-ouest, le Nomura sentit au fil des heures et des joueurs l’air autours de lui se rafraîchir, signe que l’hiver refermait peu à peu des crocs sur le Yuukan, renforçant l’urgence de son intervention dans la petite bourgade de Kuke. Dépassant le lit d’un fleuve qui descendait en serpentant le long d’une montagne, le bretteur venu du Fer reconnut son environnement, se rappela de ce qui se trouvait à présent plusieurs kilomètres plus au sud : la Griffe. Une terre désolée où simplement subsister semblait être une épreuve du quotidien.

Dans l’esprit du jeune itinérant, aucune raison ne le pousserait plus jamais à franchir cette frontière, à aller se confronter à l’incarnation de la misère de ce monde : l’objet de sa mission, selon la carte légendée qu’il avait emprunté à Iwa, ne se trouvait désormais qu’à quelques encablures, entre les monts qu’il apercevait à présent depuis sa position surélevée. Kuke semblait avoir été fondé dans un renfoncement naturel propice au développement humain, mais cette enclave rendait également le village vulnérable aux assauts en l’absence de fortifications. Un constat que le Nomura put attester de loin, lorsqu’il entama son approche du petit village isolé et implanté en marge des grandes routes commerciales. Deux tours de guet se dressaient de part et d’autre de l’avancée qui délimitait l’entrée de la ville, mais en l’absence d’autres aménagements défensifs ou d’un régiment entier pour couvrir le périmètre extérieur, le Nomura ne pouvait qu’assez bien imaginer avec quelle facilité les malandrins qui avaient jeté leur dévolu sur Kuke étaient parvenus à piller et blesser à tout va.

Ses sabres à son côté, Ieyasu ne perdit pas un instant et s’afficha aux prémisses du village, apparemment désert, se risquant pas après pas un peu plus proche des bâtisses de bois sombre et abîmé. Alors qu’il n’était plus qu’à quelques mètres de la ligne de démarcation invisible qui reliait les deux tours, il aperçut le mouvement subite de deux silhouettes, chacune paraissant respectivement depuis l’ombre d’une tour. Deux habitants de Kuke, déduisit l’épéiste du Fer… et qui braquaient vers lui fourche et couteau de boucher, une mine fatiguée et colérique sur leurs visages tendus. Machinalement, le Nomura leva les bras en l’air, son unique paume ouverte, et stoppa net sa progression pour montrer qu’il n’était pas une menace.

« Hoy, bonjour ! Je suis Nomura Ieyasu, j’ai été missionné par Iwa pour vous porter assistance ! J’ai mon ordre de mission ici, je vais le déposer au sol ! »

Plus avant dans le village, dans l’ombre d’une fenêtre, le jeune voyageur venait de repérer la forme caractéristique d’un arc bandé et pointé dans sa direction, ce qui le poussa à d’autant plus de précautions. Lentement, il déposa son parchemin déroulé sur le sol humide avant de reculer de quelques pas, gardant en tout temps ses bras et sa main bien visibles. L’homme au couteau, toujours suspicieux et dont l’accoutrement trahissait son mode de vie rudimentaire, s’approcha pour se saisir du papier et l’examiner, son corps se détendant alors visiblement au fil de sa lecture.

« Alors… !? C’est un shinobi comme il dit, avec cette armure ?
- J- Je ne suis pas shinobi, je suis un intervenant au service de la Roche. J’ai-
- Bordel, l’interrompit l’homme au couteau, détendu mais également profondément désabusé. Non seulement il est seul… mais en plus il a pas passé la puberté. Sans parler… Tshh. »

Il s’éloigna, lui et ses comparses abaissant leur garde et s’en retournant en maugréant à voix basse vers l’intérieur du village. Ieyasu soupira profondément : il allait avoir du travail… pour seulement pouvoir commencer à travailler.