A travers cet instant, cet échange qui leur permettrait de communiquer, de se découvrir l’une l’autre, de se rapprocher.
Ainsi avait-elle parlé.
Hideko ôta la blouse blanche, dévoilant un haut en tissu tressé sombre sur lequel tomba sa chevelure argentée. Le contraste était étincelant. L’air sévère, elle attendit que Natsumi se soit elle aussi préparée, puis elle ouvrit la marche en direction des terrains d’entraînements.

La démarche de Natsumi se fit boiteuse. Sa prothèse la gênait et elle peinait à suivre le rythme que lui imposait Hideko. Pour autant, elle ne ralentit pas, car Natsumi n’était pas faible. Elle pouvait la suivre, elle le devait.
A L’horizon apparurent les terrains d’entrainements, cabossés par la rudesse des combats qui y étaient menés. Cette terre humide, jonchées de rochers et de flaques d’eau, rendait sa traversée ainsi que tout entraînement complexe : c’était justement là l’objectif.
Une voix timide, apeurée, s’éleva dans son dos. Natsumi commençait à se rendre compte de ce qui l’attendait, de cette confrontation qu’elle craignait temps. Allait-elle fuir ? Elle n’aurait pourtant pas d’autre choix que de se battre.

Une bourrasque arracha devant elles les feuilles tombantes des arbres, qui, en cette fin d’automne, avaient bien perdues de leur superbe. Natsumi fut coupée nette dans son élan. De nouveaux mots sortirent de sa bouche. Des mots qui avaient l’air d’être ceux d’un enfant qui cherchait là la meilleure façon d’avouer la bêtise qu’il avait commise.
Hideko s’arrêta, se tourna légèrement et l’observa.
Natsumi lui avoua avoir vu une spécialiste. Un membre de l’Institut ? Probablement, mais ce rendez-vous ne s’était pas déroulé comme espéré. L’avait-elle blessé ? Le contact physique… le bras de Hideko se souvenait encore bien du premier contact avec Natsumi et sa fameuse maîtrise de la gravité. Un pouvoir surprenant… et effrayant.

La jeune femme attendit son avis, impatiente ; elle chercha en Hideko une réponse. Une réponse qui n’arriverait pas. Hideko se retourna et reprit sa marche.

« Suis-moi. »

Ses pas ne s’arrêtèrent qu’une fois arrivée à un endroit excentré des terrains d’entraînement. Là, son regard se posa devant elle, à gauche, puis à droite. Elle se retourna et fit de même.

« Parfait. »

Personne à l’horizon, l’endroit était désert : exactement ce qu’elle recherchait. Ses iris pourpres plongèrent dans celles de Natsumi. Hideko ne dit rien, se contentant de maintenir son regard, dans un silence qui, elle le savait, mettrait rude épreuve Natsumi. Jusqu’à ce qu’enfin, elle ne décide de la libérer.

« Attaque-moi. »

Natsumi allait refuser ; aussi ne lui donnait-elle aucunement le choix

« Attaque-moi maintenant, @Harusame Natsumi. »

Déjà son point se referma. Pliant légèrement les genoux, elle se mit en position de combat.

Shinobi? Ce n'est pas pour toi, tu le sais, pourtant…
Tu n'y arriveras jamais, laisse tomber.
Ta jambe… Ç'aurait dû être un signe, non?
Tu n'es peut-être qu’une ratée, au fond.
T'en as pas marre d'être… comme t'es?


Tout autour, les feuilles encore accrochées aux arbres bruissaient, comme autant de murmures en provenance du passé. Ils se faisaient, en l'instant, l'écho de mes craintes, de mes angoisses. Celui de mes blessures, de mes démons.
Un écho qui façonna, d'une bien triste manière, ce que je vis au travers d'Hideko, à ce moment-là. Comme un filtre déformant la réalité. Car il n’y eut malheureusement de réponse de sa part à mes aveux, que celle apportée par la brise automnale : celle qui vint telle une paume hiémale pour me frapper au visage avec fracas; Un silence, cette fois-ci, pur et simple, mais lourd de sens. Un silence palpable, douloureux, aussi affligeant que ces voix n'ayant de cesse de me tourmenter, jour et nuit. Des voix que j'avais voulu faire taire à maintes reprises. Un combat intérieur que je peinais à poursuivre seule, désormais.

Je ne compris, au fond, rien à son silence.

Il y eut un ordre simple, incontestable, tombant alors de la bouche d'Hideko. La suivre. Un couvercle pour étouffer une marmite d'eau en ébullition, pensai-je, amère. Elle me tourna le dos, et poursuivit sa marche, sans jamais se retourner à nouveau. Mais je ne la suivis pas. Pas tout de suite.

Je l'observai s'éloigner. D'un coup d'œil furtif vers l'arrière, je tâtai l’idée de rebrousser chemin. Pourtant, je n’en fis rien : une part de moi savait que cette femme ne me laisserait pas me défiler aussi facilement. Mes doigts s'enfoncèrent dans le tissu de mon manteau, près de mon thorax, l'empoignant avec vigueur, et, surtout, une force qui trahissait la colère sourde qui semblait s'éveiller en moi, trouvant sa source dans un profond sentiment d'impuissance. J'eus envie de crier, mais me retins. À quoi bon, après tout.

Une longue inspiration plus tard, je rattrapai Hideko, à contre-coeur, puis restai plongée dans un mutisme révélateur jusqu'à notre arrivée à destination; une parcelle de terrain désolée à l'écart de tout, délimitée par un épais tapis forestier et par les montagnes, érigées telle une large clôture de fer, en arrière-plan.
Satisfaite de cette trouvaille, Hideko s'arrêta, inspecta une dernière fois les alentours et me fit face.
Ses iris pourpres m’envahirent, piégeant mon regard sans que je ne puisse trouver le courage de m’en défaire, de les fuir ou de les supporter.

Puis… Plus rien. Une seconde s’envola, puis une autre, et une autre. Et alors que la panique semblait sur le point de me gagner, la Metaru brisa le silence.

L’attaquer…?

D'instinct, je reculai d'un pas, puis d'un second, secouant la tête en signe de refus, mais en vain : Hideko reformula son ordre, cette fois-ci avec plus d'insistance. Son corps, sa posture, son être tout entier appelait au combat. Elle était prête à bondir, elle.
Cette vision m'horrifia. À mon tour, mes muscles se tendirent, tous mes sens en alerte tandis que mon cœur s'emballait au fond de ma poitrine, résonnant jusque dans mes tempes. Ma respiration s'accéléra. Dans l'impulsion du moment, mes doigts se lièrent nerveusement entre eux, et avant que je ne pusse comprendre quoique ce fût, le sol, à mes pieds, se retrouva marqué d'un sceau prêt à déchaîner sa fureur si Hideko tentait une approche.

« N-Non ! »

Ce fût moi, cette fois-ci, qui planta mon regard dans le sien. Acculée, désespérée, je montrais maintenant les crocs, malgré moi, tel un animal apeuré prêt à mordre pour se défendre…

Résumé:

Hideko put lire la panique se dessiner sur le visage de Natsumi. Cette dernière fit un premier pas en arrière, puis un second. Allait-elle fuir ? Allait-elle refuser le combat, comme le laissa entendre son mouvement de tête ?
Natsumi s’arrêta. Son corps se contracta, ses pupilles rétrécirent. Alors Hideko comprit : Natsumi ne fuirait pas. Non, elle allait la combattre et en cela elle était fière d’elle.
Un petit pas pour Natsumi, mais un bond de géant vers la guérison.
Son regard horrifié laissa néanmoins transparaître le combat intérieur qui se déroulait en elle. Face à la voix qui lui criait de partir s’opposait celle qui lui susurrait de combattre. C’était cette dernière que Hideko voulait encourager, faire grandir jusqu’à ce qu’elle ne devienne plus que la seule, l’unique et que plus jamais Natsumi ne prenne la fuite.
Comme elle essayait de le faire pour elle-même.
Hideko resta immobile quelques secondes, observant les réactions de son adversaire. Au sol se dessina un sceau, fruit de la maîtrise de Natsumi. Avait-il un rapport avec la gravité ? Le pouvoir qui coulait dans son sang intéressait Hideko au plus haut point.

Les jambes de Hideko se contractèrent. Elle se mit à courir vers Natsumi, prête à subir, à résister à ce qui allait arriver. Quand elle posa un pas sur le sceau, celui-ci s’activa. En une fraction de seconde, le poids de son propre corps lui parut insoutenable. Tous ses muscles se contractèrent, elle se figea. Son corps se baissa ; sa jambe droite eut à peine la force de la stabiliser, Hideko manquant de peu de tomber, les mains presque posées au sol. Ses os eux-mêmes la firent souffrir, une douleur qui venait de l’intérieur de ses membres, de son corps, comme milles aiguilles qui la traversaient. Hideko grimaça de douleur, les dents serrées, les yeux rivés sur Natsumi.

« Non quoi ?! »

Elle fit un pas vers Natsumi.

« Tu vas encore fuir ?! Ou tu vas accepter d’avoir mal ! De te battre ! »

Un second pas.

« Hein, Natsumi ?! »

A l’instant où la technique s’arrêta, elle fonça sur son adversaire, puis fit un mudra. Alors qu’elle se rapprochait inexorablement de Natsumi, le corps de Hideko se recouvra de métal. Un acier qui prit la forme d’une armure intégrale, se terminant par le heaume qui recouvra sa tête. Un heaume et une armure aussi sombre que le charbon.
Voilà l’ennemi que Natsumi combattre. Voilà l’ennemi que Natsumi devait vaincre : un démon masqué, sans visage, qui saurait personnifier ses plus profondes craintes, ses plus insidieux cauchemars.

Et ainsi, l’effroi me fit prisonnière : malgré les crocs affichés, malgré la menace à ses pieds, Hideko avança.
Tout se déroula alors à la vitesse de l’éclair. Jamais n’hésita-t-elle. Jamais ne recula-t-elle. Au pas de course, elle alla accueillir la souffrance comme une vieille connaissance, un mystère dont elle avait résolu tous les secrets, un démon qu’elle était parvenu à vaincre, à maîtriser. Et si elle parut vaciller, un instant, sous le poids des maux, jamais celle-ci n’en vint à s'effondrer. Figée, elle lutta, encore et encore, contre ce chakra mystérieux émanant du sceau. Se tint debout, alors que son corps ne demandait qu’à fléchir. Garda la tête haute et les yeux fixés sur les miens tandis que la douleur creusait petit à petit son faciès pâle, cerné…
Sous des airs d’ange, elle était, en réalité, un monstre de résilience et de détermination. Une ennemie, un mentor, mais aussi une leçon; de celles qui, à jamais, marquent votre esprit et vous portent à vous dépasser, toujours plus.

Une source d’inspiration auprès de laquelle je résistais encore à m’abreuver. Pour l'heure.

Soudain, sa voix perça à nouveau le silence, aussi froide que la nuit, pour me glacer les sangs. Paniquée, je secouai la tête, refusant encore le combat.

« J… J’en ai assez..! »

Elle fit un pas dans ma direction; je l’imitai, à reculons, tous mes sens aux aguets.

« Je… Je ne sais pas me… Je… Je ne v- »

Un second pas; je reculai encore. Mon cœur battait la chamade. Je jetai un rapide coup d'œil derrière moi. Allais-je craquer, m’enfuir à toutes jambes ? L’envie ne manquait pas, et pourtant…

« L-Laisse-moi… Laisse-moi tranquille ! Je… Je vais… »

Je fis un pas en avant sous l’effet de la colère. Tous mes muscles se contractèrent. Mes doigts tremblaient un peu sous la pression, et d’autres secousses, plus discrètes, s'emparèrent rapidement du reste de mon corps, se faisant plus insistantes aux jambes. J’hésitai, néanmoins, à passer à l’action.

Et puis, tel un prédateur affamé, Hideko chargea, stoppant sa course à quelques pas de moi, et d’un mudra, se transforma en cauchemar éveillé : une ombre métallique, à l’identité masquée. Le néant empruntant mille visages, tous plus affreux les uns que les autres. Elle devint, tour à tour, Yamanaka Rei, puis Syoto, puis Joo Jun…

Mais ce qui me terrifia le plus fût d’y voir mon propre reflet.
Ces prunelles céruléennes inspirant le mépris tant elles empestaient la peur. Ces traits tirés par l’angoisse et la fatigue. Ce corps frêle, fragile, mutilé. Une shinobi pathétique. L’image de la faiblesse et de la défaite. Moi.

Cette personne que j'avais appris à détester.

Je fermai les yeux, serrant les poings. Sur mes joues, un torrent de larmes. Submergée par mes pensées, les doigts de ma dextre s'accrochèrent à la peau de mon avant-bras gauche pour y planter leurs griffes. Une douleur pour en réprimer une autre. Le même cycle qui se répétait inlassablement. Encore.

Qu’aurais-tu pensé de moi, hein, Tengo..?

Je lâchai mon emprise, laissant le sang perler à la surface des plaies, échappant un ricanement à sa vue. Je pus dès lors la sentir bouillir, puis jaillir dans chacun de mes membres, et jusque dans ma mâchoire contractée; cette rage. Celle de vaincre. Celle de changer.

Il y eut une inspiration, puis une seconde. Un mudra, et un corps libéré d’un poids incommensurable.

Et je bondis à toute vitesse dans sa direction.
Les muscles tendus, je foulai rapidement le dernier mètre me séparant de mon adversaire, portant aussitôt la force du Mitsudo en un seul point, sur ce visage que je méprisais; mon reflet, dessiné dans la noirceur du heaume. Puis tout devint floue… et incroyablement limpide. Comme si le temps lui-même avait décidé de ralentir sa course effrénée. Les frappes s’enchaînèrent, encore, et encore, et encore, balayant l’armure avec toujours plus d’impact, toujours plus de puissance… pour me libérer de moi-même...

L’ennemie à vaincre.

Résumé:

A nouveau, Natsumi hésita, recula. Un rapide regard en arrière fit comprendre qu’elle assurait là un potentiel axe de fuite. Pourtant, il n’en fut rien, car Natsumi à nouveau, décida de combattre. Une nouvelle bataille gagnée contre elle-même, une réussite qui la rapprochait toujours plus de la victoire face à cette guerre intérieure qui se déroulait.
La peur disparut de son visage, dévorée par cette colère qui bouillait tout au fond d’elle-même.

« Affronte moi ! Attaque-moi ! » Cria Hideko d’une voix rauque.

Cette colère… elle ne la connaissait que trop bien. Incontrôlée, elle était une ennemie dangereuse, mais domptée, elle se dévoilera à elle comme la meilleure des amies.
Elle n’y parviendrait pas en un jour. Surtout, elle n’y parviendrait pas seule, au risque de devoir faire des sacrifices bien trop grand, comme avait dû le faire Hideko. Cette dernière saurait la guider, à travers ce sombre tunnel vers laquelle elle la poussait. Une colère justifiée, une rage nécessaire. D’elles, Natsumi tirerait la force pour combattre son passé.

Son armure eût l’effet escompté. Natsumi, le poing serré, les yeux fermés, fut submergée par ses sentiments. Voyait-elle l’image de son bourreau ? Ou la sienne ?
Puis, après quelques instants, enfin, Natsumi attaqua, bondissant vers Hideko à une vitesse qui aurait pu la surprendre, si elle n’y avait pas déjà autant de fois fait face.

Le premier coup de poing visait son heaume. Hideko ne bougea pas. Le poing, alourdi par la maîtrise de Natsumi, s’écrasa contre le casque dans un bruit d’acier frappé. Hideko tourna le visage, encaissant le coup. Quand une seconde série de coups de poings se déchaîna sur elle, elle esquiva d’un court bond sur le côté. Quand son pied droit reprit contact sur le sol, Hideko se propulsa sur Natsumi. Les poings fermés, elle asséna deux coups rapide, chargés de son chakra Iroujutsu, sur le torse de son adversaire.
Jusqu’à maintenant, elle avait soufflé sur ses braises à peine rougeoyantes. S’éteindraient-elles au premier coup de vent ? Ou au contraire, se transformeraient-elles en un feu flamboyant ?
L’adrénaline coulait dans ses veines. Son cœur battait dans ses oreilles, alors que tous ses sens, aux aguets, observaient, écoutaient tous les mouvements de Natsumi.

Un corps prêt au combat, mais un corps blessé. Malgré l’adrénaline, tous ses muscles lui faisaient mal. Le plus dur de la douleur provenait de ses jambes, qui avaient encaissé la majeure partie de l’attaque de Natsumi. Si le combat venait à s’éterniser, Hideko n’aurait pas d’autre choix que de se soigner. Encore faudrait-il qu’elle y parvienne et même si elle y parvenait, elle ne pourrait s’occuper des blessures internes de ses membres inférieurs.
Le temps était compté : il lui fallait donc l’utiliser à bon escient.

Soudain, tout sembla ralentir. Le murmure de la brise automnale avait cédé le pas à un battement de tambour régulier, rapide, résonnant partout dans ma chair. Le monde, désormais restreint, ne formait plus qu’un étroit corridor opaque et flou, n’ayant de fin que cette armure d’une noirceur insondable; cette ennemie à abattre, issue de mes plus terribles cauchemars, de démons dont il me fallait m’affranchir, ou dominer. Je bondis à sa rencontre, la rage au ventre.

Il y eut une première frappe, contre son heaume. La puissance du Mitsudo se fracassa contre la froide solidité du métal, produisant un claquement sonore, dont l’onde de choc se prolongea à travers mes doigts endoloris, jusqu’à mon épaule. Hideko résista avec brio. Puis vint le déluge, une succession d’assauts répétés, animée par ses flammes naissant tout juste au fond de moi.

Mais ce fût, en tout point, un désastre.

Je compris, à cet instant, que la colère pouvait aussi s’avérer la pire des ennemies. Une arme qui, mal maîtrisée, pouvait aisément se retourner contre soi et nous embourber dans une effroyable tourmente. Car la ruée de coups, tous plus puissants les uns que les autres, n’atteignit jamais la cible, qui s’était habilement extirpée de sa mauvaise posture d’un bond rapide sur le côté. Je fus prise de court, déséquilibrée. Incapable de stopper ma course, de reprendre la main sur les émotions m’ayant submergée, ma prothèse glissa sur le sol boueux, et mon corps entier bascula vers la catastrophe.

J’eus à peine le temps de serrer les dents, à vrai dire, ou de craindre pour ma propre vie: ses poings fusèrent sans que je n’eusse compris ce qui m’arrivait.

Le choc fut brutal. Je fus aussitôt propulsée à bonne distance d’Hideko, mordant la poussière avec fracas. En un cri pourtant inaudible, tout l’oxygène fût expulsé de mes poumons tandis qu’un liquide carmin, que je reconnus, bien plus tard, être mon sang, envahissait ma gorge. La douleur me submergea ensuite, vive au point d’impact tout en irradiant chaque muscle, chaque os de mon corps, à la manière d’un brasier. Je n’avais rien connu de tel, auparavant. S’agissait-il là de la puissance de cette hyperforce, dont tous les experts en ninjutsu médical s'enorgueillissaient? Celle dont Hideko avait fait usage, par deux fois, lors de notre première rencontre?

La panique récupéra ses droits. Tous mes membres tremblaient désormais comme une feuille. Gagnée par l’adrénaline et la peur, je tentai de me redresser, luttant contre la souffrance qui m’assaillait, mais en vain : je pus à peine trouver appui contre mes genoux, totalement recroquevillée à l’image d’un foetus, mon bras gauche tendu pour m’éviter un nouveau contact avec le sol humide, glacial, empestant la défaite, tandis que ma dextre contenait, de peine et de misère, les quintes de toux sanguines. Régie par des muscles intercostaux déchirés et des côtes fracturées, ma respiration se faisait irrégulière, lourde. Un supplice tel qu’il m’arrachait, en permanence, de vilaines grimaces.

L’instinct de survie embarqua dès lors. Je relevai mon regard sur l’ombre, le cauchemar, qui se dressait toujours, là-devant, pour ne pas le perdre de vue. Je fis glisser mes jambes, mes genoux sur lesquels je reposais, dans la boue, pour reculer, pour fuir. Et dans une tentative désespérée de décourager la mort de me poursuivre, ma main droite fendit l’air, pour ne sans doute rien atteindre…

Résumé:

Natsumi, surprise par la contre-offensive de Hideko, fut frappée de plein fouet. Les poings de Hideko s’écrasèrent contre les côtes de Natsumi, qui se brisèrent sous le choc, dans un craquement reconnaissable. Projetée en arrière, Natsumi s’écrasa sur le sol. Elle tenta de crier, mais aucun bruit ne sortit, le souffle coupé par le choc.
Hideko s’approcha d’elle. Derrière son heaume, ses traits tirés trahissaient sa douleur. Une douleur inaudible et invisible aux yeux de Natsumi, car en cet instant, seule cette dernière comptait. Que ses jambes continuent à la porter, voilà tout ce qui importait.
Son adversaire se recroquevilla sur le sol, comme si, à travers cette position fœtale, elle cherchait un semblant de sécurité. Le poing serré, un pas après l’autre, Hideko s’approchait d’elle ; une démarche en rythme avec les quintes de toux de Natsumi. Du sang perla de la lèvre inférieure de Natsumi, elle grimaça de douleur. Puis, enfin, elle releva son regard sur ce monstre d’acier qui se dressait devant elle. Natsumi bascula en arrière, tenue par ses bras, afin de glisser sur ses fesses à l’aide de ses jambes. Une tentative de fuite désespérée. Une tentative de fuite qui n’arrêtera pas Hideko.

Quant elle se pencha vers elle, Natsumi décocha un dernier coup de poing qui fit voler le heaume de son adversaire. Le visage de Hideko se dévoila alors, ses cheveux argentés tombant dans son dos ; le némésis venait d’être vaincu. Le monstre n’était plus, ne restait plus que la femme. Ses traits sévères s’adoucirent, sa voix raisonna à nouveau.

« Se battre est la seule solution que nous avons. La seule solution pour nous en sortir. »

Les défaites seraient inévitables et innombrables, mais au bout du tunnel, la victoire serait la leur. Qu’importe les efforts, qu’importe les sacrifices qu’elles auraient à faire pour l’obtenir.

Elle ôta les gants de ses armures ; sa peau blanche détonna de l’acier sombre. Elle fit un mudra : ses mains se revêtir d’un halo turquoise, chaleureux, paisible. Un halo que Hideko apposa sur le torse de Natsumi, la délivrant ainsi de la douleur de ses blessures.

« Il est facile de se montrer faible, de fuir face au danger, face à l’adversité. Affronter ses démons, c’est ça, le courage. Affronter ses peurs, affronter ses faiblesses. S’affronter soi-même. »

Car le pire ennemi de l’Homme était l’Homme lui-même. Chaque personne, en son soi intérieur, avait une part d’ombre. Une part qui faisait partie d’elle, qu’elle devait combattre pour ne pas la laisser le dévorer, combattre et accepter. Car il n’y avait que dans l’acceptation que le salut se trouvait.

« Cette dernière attaque, ce dernier coup qui a vaincu le monstre qui te faisait face. C’est ça ta victoire, car aujourd’hui, Natsumi, tu as gagné. Tu as voulu fuir, mais tu as combattu. De tout ton être, tu as voulu t’échapper. Pourtant, cette ultime attaque est la preuve de ta force, de ta volonté. »

Le chemin serait encore long, mais le premier pas, le plus dur d’entre tous, venait d’être fait.