[invisible_edit] Le ciel s'était voilé et le soleil, éteint. Dans ce pays qui semblait brûler de hargne et se trouvait encore à l'aube d'un de ses instants charniers, après toutes ces guerres qui se voulaient légions en lui, Yasei Reikan essayait de voir plus haut que cette frontière d'infamie, plus loin que cette fumée d'acrimonie. Si les ténèbres menaçaient les enfants du Feu de les lécher pour mieux les enrober, la Tigresse blanche se jurait de ne pas lâcher ces petites étincelles d'espoir qui se soumettaient encore à son optimiste vue. Et malgré les cris des affres qui terrassaient le monde et plus particulièrement son centre, où la Coalition avait placé bien de ses ambitions contre l'Homme au Chapeau, il lui fallait retrouver une autre bribe oubliée du clan Yasei. Il lui fallait, en marge de tous ces dangers qui ne faisaient que croître, continuer à redonner du baume au cœur à ceux qui portaient le même sang qu'elle, afin de respecter sa plus sincère promesse. Femme de parole, mais surtout d'actes, l'enfant des Bêtes n'était pas repartie sur les sentiers du Yuukan pour les seuls beaux yeux du Gardien Sylvestre ; elle avait tourné le dos à la Cité Brumeuse le temps d'un voyage pour servir les valeurs des métamorphes et chérir davantage tous ceux qui ne les connaissaient pas ou plus. Ceux qui, à force de se terrer dans la nuit du présent à cause des terreurs du passé, avaient fini par en oublier l'avenir qui pouvait les attendre à la surface. Comme ceux de Taiyō, comme ceux de Kiri, Yasei Reikan s'était jurée de ne pas les abandonner à leur sort.
Et de leur tendre aussi bien la main que la patte.
Voilà les raisons pour lesquelles l'Héroïne de l'Eau suivait désormais une nouvelle piste pour embrasser la rencontre d'une autre de ses congénères. Rendue à la maison de soins de la Cité d'Urahi, elle ne voulait pourtant pas ébruiter les échos de sa venue pour l'une de ses lointaines sœurs ; à tel point que la Jōnin de la Brume, accompagnée de la jade escorte de sa délégation, s'y présenta avec le bras mutilé par ses propres griffes. Il n'y a qu'ici que je pourrais trouver cette chère amie de l'Empereur. Mais le faire pour que cela ne regarde que nous... leurs yeux sont partout... Prise en charge par les infirmières à tour de rôle, la crinière de jais laissa l'après-midi s'écouler pour laisser ses plaies se refermer sous les talents des soigneurs de la capitale. Sa patience, elle, demeura pour autant de marbre jusqu'à ce que ne se présente dans sa chambre une jeune employée du centre hospitalier. Ainsi assise sur le bord de son lit, mise à sa disposition et à l'écart de la verte escorte pour recevoir les derniers soins avant de repartir, Yasei Reikan lui accorda son bras gauche pour la laisser couvrir de bandages blancs les blessures qu'elle s'était infligée à elle-même afin de ne pas lever les doutes des autorités de l'Empire d'émeraude en se rendant en ces lieux. Et alors que le silence du repos avait pris une place trop imposante à son goût, cette infirmière se permit de le briser pour le teinter d'une coïncidence enfin bienvenue aux yeux de la féline.
« C'était une sacrée papatte que ce félin devait avoir, vous l'avez échappé belle. Ces animaux... — Ils sont fabuleux, n'est-ce pas? »
Interloquée, l'infirmière prit un temps de pause et osa aventurer ses pupilles citronnées sur la fiche de soins qui ne comprenait pas le nom de la patiente tenue devant elle.
« Oui, ils le sont. Qui êtes-vous? Le certificat de chambre ne mentionne nullement votre nom. — Yasei Reikan. Mais peut-être me connaissez-vous plutôt sous le nom de Tigresse blanche, derrière les vagues de l'Archipel de l'Eau? »
Défaite de sa sérénité, la jeune femme n'éprouva toutefois pas l'ombre d'une crainte avec le bras de la guerrière aux épaulières dorées entre les mains. Si bien qu'en un coin de sa tête, sa mémoire s'amusa à lui jouer des tours en lui rappelant l'une de ses collègues qui, si elle ne portait pas officiellement le nom du clan des enfants des Bêtes, ne pouvait cacher au grand jour la bestialité qui voulait bien couler en elle comme une rivière.
« Enchantée et ravie de rencontrer une autre femme de ce clan. Une bonne amie à moi, métamorphe également dans l'ombre et femme soldat de l'Unité de Recherche, travaille ici, à mes côtés. — Je suis venue en cet endroit pour faire la rencontre de cette chère Medyūsa, si c'est bien d'elle dont vous parlez. Sauriez-vous où je pourrais la trouver, entre ces murs? »
Le bandage arrivait bientôt à sa fin. Pourtant, l'employée de l'établissement de soins se mit à baisser les yeux pendant que la féline plissait les siens à la vue de cette réaction.
« Ne travaille-t-elle plus ici? — Si. Seulement, elle ne travaille pas aujourd'hui. Je ne sais pas combien de temps vous envisagez de rester à Urahi, mais... je comprends votre souhait de la voir. Attendez-moi sagement ici et tâchez de ne pas vous volatiliser avant mon retour, femme des Bêtes. »
Sans prévenir, l'infirmière se releva de sa chaise et sortit un instant de cette pièce en ne laissant que légèrement entrouverte sa porte. Les yeux plissés, Yasei Reikan observa le soldat qui se tenait derrière avant de détourner le regard vers la fenêtre en attendant son retour. Et lorsque celui-ci eut sonné son glas et que la porte eut retrouvé l'étreinte de son mur, l'infirmière se mit à fouiller l'une des poches de sa blouse afin d'en ressortir un voile transparent et le lui tendre. Le sourire aux lèvres, elle ne tarda pas à reposer son séant sur le tabouret sans parler trop fort à son égard, à l'ombre d'oreilles trop indiscrètes derrière les murs.
La changeforme se mit à saisir le voile entre ses fins doigts, pour le faire sien.
« Je ne sais pas quand elle reviendra. Mais ceci vous servira sûrement pour suivre ses pas, Tigresse blanche. — ...Merci. Avant que vous ne partiez, j'aimerais connaître le nom de celle qui m'aura aidée à retrouver l'une des miens. — Hirose Yui. Bon courage, Reikan du clan Yasei. »
Le visage illuminé par un rictus de satisfaction et de bonheur, cette jeune Yui se rendit au pied de la porte sans se retourner avant de quitter la chambre de Reikan qui, désormais, possédait un objet qui, s'il n'avait pas le moindre poids financier en soi, disposait d'une valeur olfactive sans pareille pour le nez de l'enfant du Tigre blanc. Car dès qu'elle eut quitté l'hôpital d'Urahi, la féline se mit à attendre la tombée de la nuit pour distancer son escorte et sortir de la capitale après y avoir laissé un clone, sur les pas du Serpent. Rivières, plateaux de rochers, arbres, plaines ; rien ne sut mettre à mal le flair de la Meneuse du clan Yasei qui, sans la moindre aide extérieure, s'attelait à se frayer un chemin parmi les terres pour mieux rejoindre les mers. De l'intérieur de ce Feu, la Yasei aux éphélides parvint à s'en éloigner afin de longer la Baie de Jade et de retrouver l'accalmie des vagues, où les navires de fortune n'étaient pas rares par endroits. Mais à leurs yeux, Reikan n'apparut que comme une ombre sans ennuis que l'on ne savait rattraper ; appelée par son odorat à ne pas relâcher ses efforts, sa petite épopée l'emmena sur les côtes marines et sonna en elle la proche rencontre avec la fameuse. Ces Hommes sur sa route, elle ne fit que les ignorer en évitant de les dévisager pour seulement se focaliser sur ce que lui hurlait son nez au lieu d'écouter ce que voulaient bien lui murmurer ses yeux. Et ce fut à ce moment-là, qu'elle sentit la piste odorante prendre fin et l'amener à une silhouette encapuchonnée en pleine marche dans ce modeste port.
Son arrêt, il marqua sa certitude et permit à ses voiles orientaux de ne plus subir la caresse du vent. Mais même après tout ce chemin, la Tigresse blanche n'avait pas peigné l'once d'une trace de fatigue sur ses traits ; si bien que sa voix demeura claire et douce, lorsqu'elle décida d'interpeler la femme serpentine du Feu qui lui tournait le dos.
Automne 204, quelques jours avant qu’Hanzo devienne Empereur,
Medyûsa avait décidé de quitter temporairement son groupe, composé de : Sendai Yahiko, Sendai Hanae, Inuzuka Ayuu et Sugimoto Kenzo afin de se rendre à Mizu no Kuni. La blonde avait proposé qu’une personne puisse l’accompagner si quelqu’un le souhaitait. Finalement, elle allait s’y rendre seule, les laissant s’occuper de leur occupation à Joheki. Medyûsa en avait profité pour faire sa demande à Hanae, mais celle-ci a refusé voulant que son rêve puisse se réaliser avant. Or, leur sentiment ne changera pas pour autant. C’était un peu difficile pour la Yasei à encaisser, mais ses sentiments ne changent pas vis-à-vis de la rubiconde. Elle l’aime et durant le trajet, la menant vers la Baie de Jade, elle a appris à accepter cela. D’ailleurs, le trajet a été un peu long pour se rendre à la Baie, là-bas, il y avait un port pour se rendre plus aisément au Pays de l’Eau. La Nukenin s’y était déjà rendu par le passé afin de réaliser une mission, au nom de la coalition. Cela dit, la Black Mamba y garde un mauvais souvenir, car elle a failli y perdre la vie. Heureusement, les Kirijins savaient y faire pour occuper l’ennemi, tout en fuyant la zone avec le Conservateur. Med n’avait pas non à se sous-estimer, du fait de ses capacités de Yasei et d’iroujutsu, elle a pu permettre d’aller loin et d’apporter un peu de son aide. Cela dit, ça remonte un peu à la saison dernière et là, sa présence était pour autre chose.
Au port, Medyûsa se fait discrète, car depuis une demi-journée, sa disparition ne s’est pas faite inaperçu, qui sait. Beaucoup de monde sait qu’elle est Kumojin à la base et elle a un lien avec l’Empereur qui venait de quitter son poste. Cela dit, sa disparition prendra effet que dans quarante-huit heures, car comparer aux autres villages, les soldats et autres gradés peuvent sortir d’Urahi sans souci pendant un moment. Du coup, cela lui donnait de la marge pour partir du pays du feu et de prendre un navire en direction de la destination qu’elle s’était fixée à la base, Mizu no Kuni. Le port semble s’être remis de la confrontation contre le Ningen. Les civils n’avaient pas perdu de temps pour réparer et reconstruire les zones qui ont été touché. Cela faisait plaisir à la blonde que finalement, certains n’attendaient pas forcément l’intervention d’une tierce personne d’Urahi pour se bouger. Le port est un peu en reconstruction, mais il y avait d’autres bateaux de disponibles pour partir. Il ne fallait pas chômer afin de reprendre leur activité principale. De plus, la nuit commençait à tomber et Medyûsa se dirige, encapuchonner, vers un marin qui semble être le capitaine d’un navire. « Bonsoir, j’aimerais un renseignement, si possible. » Dit-elle. « Euh, bien sûr. Que voulez-vous mademoiselle ? » Demande-t-il. « Auriez-vous un navire prêt à partir pour Mizu no kuni ? S’il vous plaît. » Répondit-elle à l’homme par une autre question. « Bien sûr, mais il ne partira que demain matin. Il part vers Buntan, pour aller à Asosan et vers l’île centrale où se trouve Kiri. Soyez là à l’aube et vous pourriez y monter. » Répondit-il. « color=#07528a]Est-ce tout.[/color] » Demande-t-il à la jeune femme. « Merci, ça sera tout. » Fit-elle avant de partir pour se trouver un endroit pour dormir.
Marchant en ville, Medyûsa ne se sentait pas observer ni rien, les gens faisaient leur vie comme avant. Pour le moment, le Teikoku n’a pas encore réagi à la dernière nouvelle par rapport à Yahiko. Ils doivent sans doute, gérer certaines choses pour éviter les soucis en l’absence d’un Empereur. Ainsi, ça leur faisait gagner du temps pour quitter le pays, en sécurité. Med ne craignait pas trop ce souci-là, de toute façon, on ne peut pas retrouver quelqu’un sans avoir aucune information de sa future destination. De plus, la Baie de Jade est loin d’Urahi, ce qui fait qu’elle a de la marge par rapport au soldat de l’Empire et si message, il y a, ça mettrait trop de temps à arriver à destination. De toute façon, tout ce que pouvait faire la Gorgon, c’était de trouver une auberge où passer la nuit et attendre l’aube pour prendre le bateau qui l’emmènera à Mizu no Kuni. Marchant dans une rue modeste du port, Med sentit une présence derrière elle avant qu’une douce voix l’interpelle en l’appelant par son prénom. Pivotant légèrement sur la droite, elle regarde qui l’appelle, ses yeux dorés fixent une femme à la chevelure ébène. Inconnu aux bataillons, qui est-ce ? C’est la première fois que la Hebi la voit et qu’est-ce qu’elle lui veut ? Un soldat de l’Empire est déjà arrivé sur place ? Ils ont réagi rapidement ? Non, ce n’est pas possible. Ne pas paniquer et analyser la situation, tout en restant sur ses gardes en lui parlant.
« Qui êtes-vous ? C’est la première fois que je vous vois et vous connaissez mon identité. » Dit-elle et inutile de mentir. Cette femme ne l’aurait pas appelé par son prénom de manière hasardeuse, elle a dû employer une technique pour la repérer. Faute à la blonde, de ne pas avoir masqué son chakra. « Un conseil, ne me mentez pas. Et j'aimerai éviter de me battre, surtout au milieu d'un endroit rempli d'innocentes personnes. » Dit-elle d’un air sombre, tout en la fixant du regard.
[invisible_edit]De tous les âges connus par les enfants actuels du Yuukan, ceux des Bêtes avaient toujours été en proie aux menaces et au feu extérieur du clan Yasei. Méprisés, convoités, dédaignés et même chassés pour leurs différences, pour leur férocité qui avait construit leur réputation et leur renommée à travers les terres du globe, ils demeuraient bien plus que seulement pointés du doigt et écartés. Ils avaient été les effroyables victimes de l'humanité, pour la plupart de ceux qui s'étaient isolés, égarés suite à la profonde et haïssable brèche entre les familles des métamorphes. Si bien que d'aucuns d'entre eux n'avaient eu la chance de profiter d'une calme enfance ou d'une tendre existence, toujours pourchassés par les ombres les plus viles du monde. De ces jeunes changeurs de peau martyrisés par le genre humain, pour la couleur de leur seul sang bestial, la Tigresse blanche en avait connu quelques-uns. Et si elle avait bien voulu voir le jour et se soumettre à la rigueur de son éducation, c'était bien pour leur tendre sa patte immaculée et les extirper de cette honte dans laquelle ils s'étaient blottis, afin de se réconforter de la cruauté des peuples plus civilisés. À l'opposé de toutes ces flétrissures, de toutes ces craintes, la féline avait reposé même ses plus maigres forces sur sa bravoure, son courage et sa confiance.
En entière contradiction avec toute la méfiance qui entourait parfois ses congénères, venus de l'Eau ou d'ailleurs.
Cet état de qui-vive, ce scepticisme à toute épreuve, la Jōnin de la Brume les regrettait terriblement, eux qui demeuraient les empreintes les plus franches de la peur insufflée dans les cœurs de ses pairs. Mais elle avait appris à accepter tous ces ressentiments et ces faiblesses, pour mieux les approcher et les gommer. Nourrie par ses ambitions dévorantes pour débarrasser le clan Yasei de ses chaines, de ses fardeaux et de ses affres, c'était bien pour cette essentielle raison que la Fille du Lion de l'Atlas avait ouvert les bras à toutes ces violences, à tous ces pénibles efforts. Car déjà haute comme trois pommes, seulement à l'aube de son âge d'or, Reikan avait très bien compris que son sens de l'abnégation, son sens du sacrifice pouvait se rendre bien bénéfique pour les siens. Qu'il pouvait les sauver et les mettre à l'abri, de cette haine à qui les Hommes aimaient trop tenir par la main et alimenter, en creusant la voie vers leurs vices.
Et Medyūsa n'échappait visiblement pas à cette règle, sous le joug de sa réaction.
D'un pas vers l'avant, la Yasei au teint doré par le soleil du Pays du Vent leva sa sénestre sur le côté pour se rendre ainsi plus chaleureuse et moins périlleuse. D'abord en silence, elle lui intima de s'écarter des mouvements de foule. Puis en paroles, elle s'attacha à lui faire part de ses intentions les plus franches.
« Mon nom est Yasei Reikan, la Tigresse blanche. Je ne suis là ni pour te demander de te battre, ni pour t'empêcher de prendre le bateau sur lequel tu entreprends de monter, si c'est pour cela que tu t'es rendue à la Baie de Jade. Si j'ai pu suivre tes traces, c'est grâce à Sendai Yahiko et Hirose Yui, qui m'ont gracieusement fait part de ton existence. »
Discrètement, à l'ombre d'une ruelle de ce petit port, l'Héroïne de l'Eau sortit le voile transparent qui lui avait été remis et le tendit à sa propriétaire.
« N'aie crainte, j'aimerais juste discuter de toi. Et si cela t'intéresse, du clan Yasei auquel tu appartiens. Ne connaitrais-tu pas un lieu non loin, où nous pourrions échanger dans le calme? »
Medyûsa avait décidé de se déplacer vers la Baie de Jade, se séparant donc par la même occasion de ses amis de la Senbazuru. En effet, la blonde avait des choses à faire à Mizu no Kuni comme se recueillir sur le lieu où ses parents sont morts. Et si par chance, elle en avait, c’était de retrouver sa sœur jumelle et renouer le lien afin de se retrouver et de revivre ensemble. Pour cela, la Yasei avait besoin d’un bateau pour s’y rendre et espérant que tout ira mieux qu’à TsuchI. Car la dernière fois où elle a voulu se rendre à Mizu, le port de Tsuchi a été envahi par des écrevisses géantes et cela lui a coûté pas mal de chakra pour protéger tout le monde. Espérant que cette fois-ci, il n’y aura plus de souci et qu’elle pourra partir de nouveau sans problème. Or, Med pensait être tranquille pendant un temps et qu’elle pourra voyager sans être repéré. Son départ n’était que récent de quelques heures, personne ne serait mis à sa recherche. Il leur faudrait environ vingt-quatre heures ou plus pour signaler sa disparition et la considérer comme un déserteur de l’Empire. De toute façon, étant une ancienne Kumojine, ils ne perdront pas leur temps en ce qui la concerne. Après avoir trouvé un navire, l’ancienne lieutenante décide de marcher dans le port, cherchant un endroit où se posait parmi ce bon monde. Or, quelqu’un semble l’avoir reconnu et en regarde qui ça pouvait bien être, la Hebi ne reconnut pas la femme qui lui avait adressé la parole.
Medyûsa se montre prudente envers cette inconnue et lui pose des questions, en plus de la mettre en garde, en cas de combat. La blonde aimerait éviter un affrontement pour ne pas se faire repérer. Cela dit, la suite ne dépendait que du comportement de la brune, se trouvant en face d’elle. Aucun geste brusque ni même hostile n'apparaît aux yeux de la Black Mamba, mais le mouvement de main de la Tigresse semble lui indiquer de s’écarter de la foule, cherchant sans doute, à ne blesser personne. Difficile de lui faire confiance, sans savoir qui elle est réellement. L’ancienne lieutenante reste sur ses gardes et préfère rester à sa place, se sachant en sécurité, entouré de civils innocents. Ce n’était pas correct de se servir d’eux comme bouclier, mais au moins, la brune ne pourra pas l’attaquer. Cependant, l’étrangère prend la parole se présentant comme Yasei Reikan, la Tigresse Blanche. La Kirijine n’était pas là pour la combattre ni même, pour l’empêcher de prendre le large à bord d’un bateau. Selon ses dires, ça serait grâce à Sendai Yahiko et Hirose Yui qu’elle a pu connaître l’existence de Medyûsa. Un peu surprise, Med ne s’attendait pas à ce que la chef du clan Yasei soit à Hi no Kuni. Cela dit, elle est moins surprise du coup de comment elle a pu la retrouver, sans doute grâce à son odorat plus développé que la moyenne. « Hum… Je suis étonnée que la chef du clan Yasei soit à Hi no kuni, si je l’avais su plutôt, on aurait pu se rencontrer dans d’autres circonstances. Inutile de me présenter, du coup, vu que tu sais qui je suis. Cela fait un moment que j’ai entendu parler de toi dans le Kunaï Émousse, j’avais dans l’idée de te rencontrer un jour, mais pas ici. » Dit-elle.
Soudain, Reikan lui tendit alors un petit voile, morceau de tissu que la blonde reconnaît très bien. Elle l’avait laissé à Yui, après un entraînement pour la maîtriser de l’hyperforce afin de nettoyer ses blessures. Voyant l’état du voile, elle ne l’avait pas nettoyé, mais bon, il n’était pas sale et connaissant Hirose, elle ne l’avait pas utilisé. Soit, la Hebi reprend délicatement le morceau de tissu avec un léger sourire. La Kirijine voudrait discuter tout simplement avec la Nukenin, afin de mieux la connaître et aussi, permettre à Med de se renseigner sur son clan, si elle le désire. Or pour cela, elles avaient besoin d’un lieu où se poser et dans le calme. Rangeant le voile dans sa poche, la blonde prit la parole. « Bien, comme je te l’ai dit, je comptais te rendre visite à Kiri, un jour, mais apparemment, c’est plus tôt que prévu et ailleurs. Suis-moi, Tigresse Blanche. » Dit-elle en lui faisant signe de la main. Medyûsa emmène Reikan, dans un lieu où elles pourront discuter dans le calme, une auberge qu’elle avait repérée et qui semblait calme. Ainsi, les deux femmes pourront s’hydrater et se nourrir, si nécessaire. Ouvrant la porte de l’établissement concernée, la Hebi invite la Shiroitora à une table, dans le fond afin d’être tranquille et qu’on ne puisse pas les déranger. Les seules personnes qui pourraient venir les embêter, ça serait des serveurs pour obtenir leur commande et encore, juste une ou deux fois. S’asseyant sur une chaise, elle fait signe à sa consoeur d’en faire autant. « Le trajet a été long, profitons pour manger et boire quelque chose. J’ai du temps devant moi avant de partir pour Mizu no kuni. » Dit-elle calmement.
Retire sa cape, Medyûsa se met à regarder Reikan. « Je sais déjà que le clan Yasei se trouve à Kirigakure grâce à toi et à deux autres Kirijins. Cela n’a pas dû être une mince affaire à Kaze, non ? » Demande-t-elle en croisant les bras. « Maintenant, je peux mettre un visage sur celle qu’on appelle la Tigresse Blanche et je ne suis pas déçue. Soit, tu voulais qu’on discute entre cousines, du moins, si je ne dis pas de bêtise, c’est comme ça qu’on se considère entre membres du même clan, non ? De quoi veux-tu me parler ? Et par la suite, on pourra parler de notre clan, car franchement, je n’ai jamais vécu avec d’autres Yasei donc je ne connais nullement les traditions ni le culte etc. des miens. » Finit-elle là-dessus afin de laisser la Kirijin lui répondre.
Si le hameau des enfants des Bêtes devait bien naître et se rendre pérenne entre les murs de la Cité Brumeuse, nulle raison ne trouvait de légitime pierre angulaire à ses yeux pour l'empêcher de se rendre au-delà afin d'y trouver son compte. En effet, la coutume restait que les têtes pensantes de bien d'autres clans éprouvaient un mal fou à parfois quitter le terreau de leurs racines, même s'il ne s'agissait que d'une poignée de pauvres jours. Oui. Derrière leurs murailles, ces gens-là savaient trouver une belle sécurité qui les séduisaient un peu plus chaque jour, à l'ombre des affres qui traversaient les sentiers du monde et happaient parfois la vie de ses pèlerins sans même leur demander la permission. Confortés dans leur noblesse, convaincus que cela ne revenait pas à faire preuve d'une éventuelle paresse au goût d'autrui, ils se terraient là sans même vouloir guetter ce qui se pouvait bien se tramer dans le dos de ce qui les protégeait, de ce qui les préserver peut-être un peu trop de ce contre quoi ils étaient censés se battre pour assurer la survie de leurs familles, de leur sang. Cette mollesse d'esprit, cette lâcheté du corps, la Meneuse du clan Yasei ne les avait jamais connues et n'entendait pas changer cette habitude. Terrassantes vagues, terribles volcans de feu, interminables ergs ou même vertigineux monts de neige ; depuis toujours, la Tigresse blanche avait envisagé de surmonter les caprices du Yuukan et de les braver sans même hésiter de se mettre personnellement en péril, à mille lieues de la sûreté du berceau encore naissant des métamorphes, afin d'en rencontrer d'autres. Noble, la Yasei aux éphélides ne le demeurait que dans le squelette de ses valeurs, de ses principes. Mais à l'extérieur, si ce n'était pour ses parures et ses préciosités, rien ne pouvait faire penser qu'elle s'estimait mieux qu'un autre de ses frères et sœurs de sang.
Voilà pourquoi elle se donnait tant de mal, pour eux.
Sans en dire plus à l'extérieur, elle se fraya un chemin dans la taverne de fortune qu'abritait ce petit port de la Baie de Jade. En un regard, la féline parcourut son intérieur qui se tapissait de visages étrangers de travailleurs natifs de la côte, qui se ressourçaient avant de repartir en mer. Ensuite, sous l'invitation de Medyūsa, la Yasei au teint doré par le soleil du Pays du Vent vint s'asseoir à cette table reculée afin de discuter. Ses paupières, elles se plissèrent après avoir appris toute la nébulosité qui entourait son vis-à-vis et ses origines. Mais à elle seule, la femme bien serpentine apportait déjà beaucoup à la guerrière aux épaulières d'or.
« Le Désert n'a jamais fait de cadeau à notre clan, même à l'aube de son départ. Si cette exode a pu être possible, ce n'est pas seulement grâce à moi. Je ne peux que remercier tous les métamorphes qui ont croisé ma route et m'ont donnée cette force de ne pas abandonner cet espoir de ralliement. Il est vrai que cela n'a pas été aisé et, aujourd'hui, l'histoire du clan Yasei ne siège plus dans les bras du Vent. Mais dans ceux de l'Eau. J'en viens justement, au nom de la quête de réunification que j'entends continuer de mener à travers le monde. »
Yasei Reikan planta l'éther de ses pupilles dans l'or de celles de Medyūsa.
« Les enfants des Bêtes sont liés par le sang, comme tu peux t'en douter. Ainsi s'avère grande ma surprise d'apprendre que tu n'as jamais eu l'occasion d'en côtoyer d'autres sur les terres de l'Empire du Feu ou même ailleurs. J'aimerais te parler des racines du clan Yasei qui nous appartiennent à toi comme à moi, Medyūsa. Mais laisse-moi d'abord entendre le récit de la naissance et du passé d'une métamorphe qui n'a jamais rien su de ses pairs. D'où viens-tu? Où as-tu grandi? Par qui as-tu été élevée? »
Ses yeux, ils réussirent à trahir son pardon d'avance que de lui poser toutes ces questions.
Mais ce passage demeurait nécessaire, si elle voulait approfondir ses recherches.
Il fallait un lieu tranquille, là où les deux Yasei pourraient discuter sans qu’elles soient gênées par qui ce soit. Medyûsa ne connaissait pas la Baie de Jade comme sa poche, elle s’y est rendu que deux fois. La première fut à une mission à haute risque avec des Kirijins face au Ningen. La Hebi aurait pu mourir durant cette confrontation d’ailleurs, mais le destin en a voulu autrement et c’était mieux ainsi. La seconde fois est aujourd’hui et la kunoichi n’a pas eu le temps de tout visiter avant d’être rattrapé par Reikan. Du coup, elle l’a juste dirigé vers l’une des auberges qu’elle avait pu croiser sur le chemin. Heureusement, il n’y avait pas l’air d’avoir grand monde et du coup, ça sera plus simple pour discuter entre « cousines ». De plus, ce fut une rencontre intéressante, bien qu’elle eût prévu de voir la cheffe du clan des métamorphoses durant sa visite à Mizu, en lui envoyant une lettre. Or, à croire que le destin joue encore avec elle. En soi, la blonde allait pouvoir profiter de cette opportunité pour mieux comprendre son clan et connaître la Tigresse Blanche. Il n’est pas fréquent de croiser le chemin du chef de son clan alors qu’on n’est pas du même village ni même croiser un autre Yasei. Après tout, Med n’a jamais eu la chance de croiser un autre de ses semblables que ce soit à Kumo ou au Teikoku.
Assise à une table, un peu dans le fond et à l’abri des regards et des oreilles trop curieuses, les deux Yasei allaient pouvoir discuter tranquillement. Medyûsa est la première à prendre la parole, racontant qu’elle sait déjà qui est la brune et son exploit à Kaze avec son clan, tout cela grâce au Kunai Émoussée d’Ohana. Or, il était intéressant de quoi voulait parler Reikan, même si d’un côté, la blonde aimerait connaître un peu plus son clan et sur celle qui en est à la tête. Jusqu’à aujourd’hui, elle n’a plus la possibilité de revoir sa famille adoptive à Kumo, ni celle du sang, mais peut-être que celle du clanique, ça pouvait sans doute se faire, qui sait. Or, elle espérait que malgré sa situation actuelle avec le Teikoku, ça pourra être possible un jour. Cette rencontre pourra être fructueux pou plus tard, si elle survit assez longtemps pour un jour, vivre parmi ses pairs. À présent, ce fut au tour de la Kirijine de prendre la parole et dans un premier temps, elle avoue que c’est grâce à tous les métamorphoses si elle a eu la force et le courage d’aller au bout du ralliement du clan à Kiri. De plus, elle ne s’arrête pas qu’à cette réussite à Kaze, car elle compte continuer sa quête clanique en trouvant d’autres Yasei dans le monde. « Je vois, il est toujours motivant de faire ce genre de quête lorsqu’on est soutenu par ses proches. De plus, je te souhaite du courage pour trouver ceux et celles qui arpentent le Yuukan à la recherche d’un foyer, même s’ils savent où te trouver. » Dit-elle avec un léger sourire.
Pour la suite, Med l’écoute attentivement, à nouveau et sans l’interrompre. Elle était surprise que Medyûsa n’a jamais côtoyé d’autres membres de leur clan et peu importe où. C’est vrai que ça peut paraître surprenant, mais apparemment, la vie nous éloigne des nôtres quand on s’y attend le moins. En tout cas, Reikan aimerait parler des racines de leur clan, car la Hebi en avait le droit comme n’importe qui au sein du clan des métamorphoses. Cependant, avant d’en parler, la Tigresse aimerait connaître le passé de la blonde et ça se voyait dans le regard de la Kirijine que poser bien des questions, ça pouvait être barbant. Croisant les jambes et les bras, la Nukenin plonge son regard aux pupilles dorés dans ceux d’azur de la brune. « Très bien, je n’y vois pas d’inconvénient et je pense que c’est mieux ainsi. » Dit-elle avant de reprendre la parole quelques secondes après. « Je suis née à Mizu no Kuni, je suis la cadette de la famille étant celle venue au monde en première vu que j’ai une jumelle. Si tu ne le sais pas, la première qui voit la lumière du jour parmi des jumelles, c’est la plus jeune. Mizuchi est ma sœur jumelle. J’ai vécu bien des années sur Mizu no kuni et plus précisément, sur l’île de Buntan. Mes parents m’ont élevé du mieux qu’ils pouvaient, mais avant la création de Kiri, la vie a été très dure avec les bandits et certains villageois ayant peur des Yasei. J’ai été plutôt sauvage et violente, comparer à mon aînée et mes parents…comportement qui a eu des conséquences irréversibles, comme la mort de mes parents cherchant à nous protéger de mercenaires engagés par des villageois. » Répondit-elle avant de prendre une légère pause. « Je pense qu’il est important que tu connaisses tout de même mon parcours, mais je vais faire vite sinon on en a pour un moment. » La blonde demande deux verres d’eau, questions de s’hydrater le palais vu qu’elles vont beaucoup parler.
« Pour reprendre, j’ai été sauvé par un vieux marchand qui m’a fait quitter l’île de Buntan alors que j’ai été séparé de ma jumelle durant ma fuite, pour aller jusqu’à Kaminari, là-bas, il est décédé d’une crise cardiaque à la suite d’une attaque et j’ai vécu un peu à l’état sauvage avant d’être recueilli par un couple, ils m’ont emmené à Kumo et de là, j’ai été soigné, suivi psychologiquement et le couple m’a adopté. Je n’ai jamais rencontré de Yasei là-bas, j’ai développé mes capacités toutes seules. J’ai une famille à Kumo, une mère, un père, une petite sœur, une tante et deux cousines…finalement, je ne suis pas mal retombé. J’ai également trouvé l’amour là-bas et avec qui je suis encore, une magnifique rousse du nom de Sendai Hanae…c’est pour elle que j’ai quitté Kumo pour rejoindre le Teikoku malgré mon appartenance à la Résistance de Kumo durant l’annexion du village pour l’Empire. J’ai parfois des regrets, mais bon, c’est la vie. Et pas besoin de te dire la suite, actuellement, j’ai déserté le Teikoku…disons que les Hijins sont…trop bercé dans la haine et la vengeance contre les villages ninjas. Bref…voilà. » Dit-elle en finissant ce résumé de sa vie tandis qu’un serveur leur offre un verre d’eau. La Hebi boit une gorgée. « Un petit résumé, ça ne tue pas. D’ailleurs, parles-moi de toi, Reikan. On a du temps devant nous, de toute façon. Sauf si tu préfères me poser d’autres questions ou partir directement sur les racines de notre clan. Je suis d’humeur bavarde, profites, ce n’est pas tous les jours que je le suis. » Dit-elle en gardant un œil sur la Tigresse.
Pas même un instant, l'ombre du doute ou de l'incompréhension ne prit le pas sur sa lumière pour tordre les traits de son visage. Yasei Reikan se rendit silencieuse, au lieu de se sentir anxieuse. Car celle qui se tenait devant elle semblait lui parler et se livrer à elle, une inconnue, sans barrières, sans supercheries. Sans mensonges, ni fourberies. Un comportement qui a eu des conséquences irréversibles, hein... Combien d'enfants s'en seraient voulus, pour avoir causé la mort de ceux qui les avaient fait naître? Combien de familles s'en seraient perdues, pour avoir laissé l'innocence et l'instabilité infantiles tuer ceux qu'elles aimaient? Et combien y auraient survécu, comme l'avait fait Médusa et son cœur porté par le voyage plutôt que par un foyer? Sous es yeux et aux oreilles de la Tigresse blanche, la femme à la chevelure de récoltes et au regard de feu ne se retint pas pour lui soumettre tout le poids de son passé. Et toute l'envergure de sa destinée, passée à fuir quelqu'un ou quelque chose plutôt qu'à le combattre. Car il était de ces gens qui, même animés et gorgés à à ras bord d'amour et de bienveillance, ne savaient ni lever l'échine pour s'acharner de terribles ahans, ni se dresser sans mal envers et contre leurs pires affres. Détourner l'attention, laisser la besogne à un autre ; voilà à quoi étaient bons bien des Hommes de ce monde, par lâcheté ou par égoïsme.
Mais Yasei Reikan se trouvait à mille lieues d'être une enfant des Bêtes dévorée par l'envie de juger, de critiquer.
Plus encore lorsqu'il s'agissait de quelqu'un digne de l'intérêt d'un des siens ou de ses amis.
Évoquer devant elle un tel amour pour la rubiconde, Sendai Hanae, eut vite fait de mettre l'Héroïne de l'Eau mal à l'aise, derrière les barreaux de ses chairs. Et même si son expression demeurait toujours accrochée à son marbre et persistait à ne pas s'en défaire, elle eut l'impression qu'une boule de venin venait de se frayer un chemin à travers ses entrailles, pour mieux lui pendre aux poumons. Parce que si son cœur ne lui criait que sa joie de voir l'enfant du Chakra heureuse et aimée de ses proches, la Yasei à la peau dorée par le soleil du Pays du Vent ne put s'empêcher de s'en inquiéter. Ses yeux, ils n'avaient vu cette forme d'amour que comme un véritable poison, un vrai glaive prêt à lui transpercer l'âme et la lui déchirer à petit feu. Mais jamais, elle n'avait eu cette occasion de changer son regard à l'égard des relations externes à son clan, à ses amis, à la Cité Brumeuse et ses responsabilités qui pesaient sur ses épaulières dorées. Car au-delà de ses ambitions, ce sentiment d'épanouissement personnel se voulait bien trop lourd à porter, pour une Cheffe de clan qui souhaitait réunir autour d'elle et redorer le blason par les mots, par les poings. Le clan de nos enfants des Bêtes, il avait toujours été et resterait à jamais sa priorité pour le remercier d'avoir été à l'origine de sa conception, de son apparition en ce monde. Et qu'importe les obstacles, ses chairs et son esprit pouvaient bien la faire tomber dans ces émotions trop factices, à son goût. Elle s'en délivrerait, avant même qu'elle ne puisse les laisser l'enliser, l'embourber.
« Tu aurais pu avoir plusieurs vies, après avoir enchainé de telles péripéties. Mais qui sommes-nous, à part leurs fruits? Aucun enfant ne devrait avoir à perdre ses parents ou son pays, si jeune. Ce vécu ne t'a pas tuée, mais il t'a forgée. Si je n'ai pas entendu parler de toi comme une criminelle, c'est que tu as certainement su rester dans le droit chemin. Et que tu as su trouver des personnes à ta hauteur, tantôt Shinobi tantôt Soldate, au lieu de finir par voler ton pain. »
Sans le moindre commentaire déplacé, Yasei Reikan l'observa s'abreuver.
Et se retint d'en faire de même, pour ne pas tergiverser.
Pour ne pas reculer, face à cette requête d'en savoir davantage sur le clan Yasei. Mais aussi sur elle, étrangement. Loin de s'être habituée à parler de sa propre personne au grand jour, à se surprendre à se faire des éloges ou des louanges sous les yeux d'autrui, Shiroitora* se confronta d'abord au vide qui grandissait en son sein. Car si l'on pouvait attendre de cette combattante qu'elle puisse se jeter des fleurs, à la vue de son palmarès sur le champ de bataille, force était de constater que son humilité savait toujours prendre le dessus pour mieux piétiner toutes les formes d'égocentrismes, typiques au genre humain, qui entendaient déformer ses traits et parfois, ses mots. Au milieu des Hommes, Yasei Reikan se voulait bien étrangère aux empreintes du narcissisme et de l'autolâtrie. À tel point qu'il lui fallut un bref instant, afin d'organiser ses idées et de ne pas autoriser les griffes de son amour-propre à la happer ni à l'étouffer. Comme son honneur lui hurlait de garder le dos droit et la tête haute, sa rigueur lui invectivait de ne pas céder à l'infatuation. De ne pas faire de concession, envers la suffisance qui pouvait la gagner pour la récompenser pour ses progrès rendus légions.
Car Medyūsa ne savait déjà que trop bien avec qui elle partageait cette table, à la frontière du Feu.
« La petite fille que j'ai été, que je suis encore quelque part aujourd'hui, elle a toujours rêvé de paix. De montrer aux Hommes qu'il est possible de s'entendre et de voir dans les tripes de l'autre sans les bousculer, sans les éventrer au grand jour. Nous nous battons, les uns contre les autres, depuis la nuit des temps. Moi, je n'ai de cesse de penser que cela trouvera bientôt une fin. Enfantée par le Désert, grandie par le Yuukan, j'ai d'abord voulu transmettre cette philosophie à ceux que j'avais laissé derrière moi, à l'âge de six ans. Ces métamorphes des dunes, de leurs vents, je me suis battue pour les ramener et construire notre nouveau berceau, aux côtés de la Cité Brumeuse. Désormais, j'aimerais aller au-delà du sang bestial qui a appris à se calmer dans mes veines. Je souhaiterais faire comprendre à l'humanité entière que la lutte et la violence ne sont pas les seules issues. Je voudrais aussi en découvrir davantage, sur nos origines. Sur qui nous avons été, avant de naître en ce siècle et ce monde. »
Ses pupilles, elles s'étaient rendues plus luisantes d'espoirs.
Plus fortes d'interrogations, envers cette femme.
« Tu dis avoir déserté l'Empire de Jade, parce que les enfants du Feu sont comme des bébés accrochés à leur mère la haine. Comment peux-tu être si sûre que ce pays ne regorge que de ces gens, aveuglés par la colère et la rancœur? N'y as-tu donc vu aucune lueur? »
Reikan semble être une femme curieuse afin de poser des questions sur le passé de Medyûsa. Cependant, ça ne dérangeait aucunement la Hebi d’en parler, après tout, il fallait bien passer par-là, un jour. En effet, depuis qu’elle sait que la Tigresse Blanche de la Brume a rallié une partie du clan Yasei à Kiri, la blonde avait envie d’apprendre à la connaître. De base, elle voulait aller à Mizu no Kuni pour partir à la recherche de sa sœur jumelle. De plus, elle avait pour objectif secondaire, de rencontrer celle qui est à la tête du clan des métamorphoses. Apparemment, le destin en a décidé autrement, en les faisant se rencontrer plus tôt que prévu et en dehors des terres de l’Archipel de l’Eau. Au moins, Med avait de quoi s’occuper avant de prendre son bateau en direction du pays de l’eau. La Black Mamba se met à lui répondre à ses questions, sous forme de mini-résumé de sa vie passé jusqu’à ce jour. Il était important pour Med de parler de son vécu que ce soit à Mizu, Kaminari et au Hi. Ainsi, la brune pourra se faire une image plutôt optimisée de la femme à la chevelure dorée. De toute façon, si elle est recherchée, c’est surtout pour avoir quitté une armée qu’un village et sans avoir commis de graves crimes de sang à l’encontre de ses anciennes affiliations. Généralement, ce n’était pas facile de raconter son passé à Mizu, mais avec le temps, l’ancienne Fukutaishô s’était renforcé mentalement sur ce sujet. Certes, ce n’est pas facile comme sujet, mais elle se sentait moins fragile afin d’en parler.
L’une de ses premières prises de parole semble remplie de compassion et de tristesse par rapport à la perte des parents de Medyûsa. Ensuite, elle semblait assez satisfaite que la blonde ait pu trouver divers foyers, au lieu de devenir une voleuse et avoir emprunté un mauvais chemin. Ainsi, comme l’a dit la brune, Med n’avait nulle réputation comme criminelle au sein du Yuukan et encore, la blonde n’est pas connue pour verser le sang inutilement et gratuitement, ni pour le plaisir, cela grâce à Hanae. Cependant, malgré son amour envers la rubiconde, la Hebi se sentait parfois mal à l’aise par rapport à cela, à cause de ce qu’elle est : une prédatrice. Or, la blondie n’est pas totalement aveuglé par la promesse faite à sa dulcinée. Elle n’hésitera pas à tuer si c’est pour défendre sa vie, celle d’un proche ou d’innocents. « J’ai eu, en effet, la chance de croiser des personnes envers qui je me suis attaché afin d’éviter de finir voleuse ou pire, tueuse en me laissant pousser par mes instincts bestiaux. Aujourd’hui, je vis pour toujours rester sur le droit chemin, autant que je le peux. » Dit-elle avec un léger sourire. D’ailleurs, l’ex-Kumojin avait pu parler de son passé à la Kirijin, mais il fallait aussi en faire l’inverse. Med voulait connaître, si possible, le passé de Reikan avant de débuter sur les origines de leur clan. Après tout, ce n’est pas tous les jours que la blonde croise un autre membre des métamorphoses et du coup, autant en profiter un peu. Medyûsa est, certes une Nukenin à présent, mais elle espérait se lier d’amitié avec la cheffe de son clan et qu’un jour, qu’elle puisse obtenir son aide, en cas de besoin.
Medyûsa écoute attentivement les mots de la brune, parlant de son passé et de son envie de paix entre bêtes et Homme. Une idéologie de paix, comme Yahiko et Hanae, mais avec un point de vue différent. Cela dit, ça restait tout de même intéressant. La Hebi pouvait clairement sentir dans les propos de sa cousine bestiale sont attachements profonds pour son clan et son envie de connaître davantage sur les origines des siens. Voilà, une femme bien intéressante, aux yeux de la Mamba. Elle vient donc à la base, de Kaze no Kuni avant de migrer vers Mizu no Kuni avec une première partie de sa famille avant d’y retourner plusieurs années plus tard pour rallier ceux de Taiyo à la Brume. Beaucoup de patience et de travail, que cela a dû demander avec le temps. En tout cas, elle pouvait être fière d’elle et puis, elle faisait une digne cheffe vu qu’elle continue de chercher les autres Yasei. Son envie de tous les retrouver l’a conduit jusqu’à Medyûsa. Une envie d’aider sa cousine féline dans sa quête, profitant de sa possibilité de voyager à présent. Observant la Tigresse Blanche, il semblerait que cette dernière n’a pas fini de parler. Ainsi, elle reste silencieuse et par simple politesse, elle la laisse continuer à prendre la parole, sans l’interrompre. Deux questions bien intéressantes de la part de la Yasei de la Brume. Medyûsa allait lui répondre avec sincérité et sans détour.
« Avant de répondre à tes questions, je vais revenir sur ce que tu as dit, par rapport à ton passé et tes objectifs. Tu es vécu bien des choses, toi aussi, différentes de moi, certes, mais tu as été séparé d’une partie de ta famille. Cela t’a poussé avec le temps, à vouloir ressembler tous nos pairs en un clan uni et soudé au sein de la Brume. C’est un projet intéressant et si tu le souhaites, je pourrais t’aider dans ta quête de recherche des nôtres à travers le Yuukan. Je dis ça, car j’ai la possibilité de voyager dans le monde, sans attache envers un village et des responsabilités. Et je pourrais en apprendre un peu plus sur nos origines à tous. Et ton idée de paix m’intéresse, à l’instar de Sendai Yahiko et Hanae, tu vises un monde de paix où tout peut se régler sans forcément s’entre-tuer, où Homme et Bête puissent coexister également. » Finit-elle là-dessus avant de marquer une légère pause, afin de boire une gorgée de sa boisson avant de reprendre la parole. « Pour ce qui est de Hi no Kuni, j’ai vécu une scène plutôt choquante et qui montre bien que les Hijins vivent avec leur haine et colère. Lors d’une mission afin d’aller aider une bourgade à la suite de l’attaque d’une bête enragée dans l’ouest du pays, on a été accompagné d’un paysan, un homme du nom de Nouma Izuki, qui avait tenté de tuer Yahiko à cause de cette attaque. Or, cet homme a tout perdu durant l’attaque de ce monstre, mais il a appris à apaiser sa colère. Arrivant dans son village, je me suis promis de l’aider à enterrer la famille, sa femme et sa fille. Or, des habitants mécontents ont voulu me repousser en me menaçant avec leur arme. J’ai tenté de dialoguer avec eux, mais ce fut un échec…au point qu’ils ont tué Izuki qui était l’un de leurs et cherchant juste à faire son deuil et à m’aider à soigner les blesser. » Dit-elle en soupirant, cette histoire résumée bien la mentalité des Hijins à ses yeux.
« Lorsque l’espoir apparaît dans Hi no Kuni, elle est aussitôt évincée et brisée à cause de leur haine et rancœur. Comprends-tu mon histoire Reikan ? Une lueur est vite engloutie par les ténèbres. Nouma Izuki a cherché à aider son prochain, à faire son deuil et prêt à aller de l’avant, il était la lueur Hijin avant d’être englouti par les ténèbres des autres qui sont aveuglées par leur haine et leur rancœur. Il en est de même pour Sendai Yahiko, il a été la lueur du Teikoku, prêt à apporter la paix et changer les mentalités pour rendre l’Empire plus glorieuse et admirable. Or, les ténèbres dans le cœur des Hijins ont masqué sa lueur. Aujourd’hui, on préfère partir afin d’éviter d’être dévoré comme l’a été, Nouma Izuki. À mes yeux, le Teikoku est un cas désespéré tant qu’ils ne changeront pas leur mentalité. Dès que Sakaze Tosen sera vaincu, le Teikoku deviendra le nouvel ennemi du monde Shinobi et peu importe vos liens avec eux. Enfin, de mon point de vue, espérant qu’un jour, ils changeront pour éviter bien des soucis. » Dit-elle à Reikan. « Cela dit, il existe, peut-être des cas à part, Inuzuka Ayuu l'a été et certains proches avec qui j'ai travaillé à l'hôpital ou à l'unité de recherche, mais bon, ils sont peu comparer à leur opposé.»
Du temps où le Scorpion noir détenait encore les rênes du clan Yasei, beaucoup des habitants ou des passants du Désert et de ses grains impétueux auraient pu se méprendre sur la nature, les valeurs et les convictions des enfants des Bêtes. Sous la main de la terreur, d'aucuns auraient pu croire qu'ils n'étaient finalement que des guerriers sauvages, cruels et indomptables, qui ne s'épuisaient que pour briller dans la lumière de leur seule gloire, comme avait voulu le faire avant de le payer au prix de sa vie feu Yasei Tadao et ses noires ambitions envoyées au bûcher de son propre poison. Car à cause d'elles et de ses lieutenants qui lui avaient porté une profonde et folle dévotion, certains auraient pu s'imaginer que les métamorphes méritaient bien de crever à petit feu dans la misère de la Capitale du Pays du Vent, épargnés par la lame mais dévorés par la déchéance et la honte. Pour tout ceci, le monde aurait pu aller plus loin et ne pas oublier le clan Yasei en le couvrant de vices qu'il n'enfantait et ne nourrissait même pas. Mais encore plus pour les siens, Yasei Reikan avait toujours refusé de condamner tout un peuple pour une poignée d'irrécupérables. Avait toujours été contre une analogie préétablie et présupposée, malgré tout le beau jeu que les apparences pouvaient parfois offrir au bras des circonstances. Selon elle, même la plus vaste mer des ténèbres pouvait cacher en son sein une lumière d'espoir, aussi infime et terrorisée pouvait-elle être.
Voilà pourquoi les mots qui sortaient des lèvres de sa consœur lui ôtèrent son sourire.
Parce qu'elles laissaient s'insinuer en elle un goût de défaite. Se frayer en elle une sensation de mal-être. Pourquoi diable s'il y avait eu une petite lueur, sur ces terres enténébrées et ravagées par le feu, l'un des siens n'avait pas pu la sauver et l'en écarter? Ses pensées se mélangèrent et la culpabilité pour un innocent s'y joigna, jusqu'à ce qu'elle n'entende la mention d'une Bête enragée. Une chose venue de l'Ouest, que Medyûsa appelait un monstre. Un instant, ses idées s'embrouillèrent plus encore et la poussèrent à se souvenir de Yasei Kasuga, malmené par sa malédiction à en répandre la frayeur et parti d'Ouest en Est sur le Continent pour aller trouver l'Archipel de l'Eau depuis les forêts du Pays du Bois. Un instant, elle se remémora le poids des horreurs et des traumatismes que les yeux du maudit lui avaient transmis. Si cette Bête dont parlait la déserteuse de l'Empire de jade n'était pas lui, elle ne lui demeurait pas si étrangère que cela et ne faisait qu'approfondir le puits de son incompréhension vis-à-vis des propos proférés à cette table. Toute son existence et bien encore aujourd'hui, Yasei Reikan se cachait d'œillères et s'obstinait à penser que les enfants des Bêtes étaient tous capables de grandes choses. Mais si des pépites naissent dans certaines familles, toutes ne sont pas un propice terreau pour leur floraison. Face à un tel constat chamboulé, Yasei Reikan prit le temps de fermer les yeux avant de les rouvrir sur le visage de sa cousine.
Et de lui répondre, à cœur ouvert.
« Je ne sais pas s'ils sont tous aussi gorgés de noirceur à l'intérieur de leurs cœurs. Faute d'avoir pu sauver cet homme, tu as tout de même eu la preuve qu'avancer de telles conclusions hâtives ne serait pas forcément la meilleure idée. Car lorsqu'un pays est gangréné par les affres et bouffé par le mal, il reste de ces gens qui peuvent encore y échapper ou en être sauvés. Moi, je crois qu'ils existent encore comme je crois qu'il y a toujours des métamorphes en perdition et en quête de réponses. Votre choix de fuir l'Empire d'émeraude et ses tumeurs, je le comprends et il vous appartient entièrement. Mais sur un champ de bataille, je n'affronte que les guerriers. Pas les agenouillés. »
Le verre vide, la féline se redressa de sa chaise et ramena sa capuche sur sa chevelure de jais.
« Je ne peux pas garantir ta sécurité, si tu ne souhaites pas rester à mes côtés pour le moment. Mais j'espère que ta route ne sera pas trop sinueuse avant d'arriver au berceau des métamorphes, à Kiri. Du moins... si tu entends toujours t'y rendre, à l'avenir. Bon courage, Yasei Medyûsa. »
Accueil
