La mission est une réussite, et selon son idée de base, Hanae aurait dû repartir aussitôt pour Urahi. Néanmoins, la présence d’Aditya l’a fait hésiter instantanément. Il est un homme intéressant, de qui n’émane aucune sensation lubrique ou déplacée à l’égard des femmes, ni de personne. Apprendre à mieux le connaître, ne serait-ce que pour son lien avec la belle féline brune, est déjà une envie de la Sendai, mais sa personnalité est un plus non négligeable. Une personne comme Hanae ne peut pas réprimer son envie de vouloir en savoir plus sur lui. Avec Tsuna et Yahiko, il entre dans le cercle très fermé des mâles ayant réussi à acquérir un début de confiance de la part de la rubiconde.
Si cela n’avait été que pour le Kirijin, néanmoins, la sauvage aurait sans doute quitté les lieux malgré tout, ses objectifs à Hi no kuni ne pouvant pas tant attendre. C’est la vision de la fabuleuse jeune femme aux cheveux de feu, qui a évolué, depuis la jeune fille adorable, pour devenir une femme superbe, sous tous ses aspects, qui l’a convaincue de passer un peu plus de temps au pays du bois. Les deux se sont reconnues sans réelles difficultés, leurs chevelures flamboyantes n’étant pas si communes dans le Yuukan, et dans l’esprit de l’ex Kumojine, cela a représenté un véritable choc. L’intervention du Saint-Père les a empêchées de se parler sérieusement, mais rien ne privera la jeune femme de prendre sa jumelle dans ses bras. C’est aussi pour cette raison qu’elle a demandé à Aimi de la rejoindre, sans la présence d’Aditya ni de Teruyo, pour discuter de choses personnelles… Celles qui ont été couchées sur le papier, et d’autres.
Au détour de quelques arbres, aux abords de la cité Lumière, la soldate de l’Empire est assise sur un muret, recouvert de quelque mousse, dans une clairière magnifique, à peine éclairée par quelques rayons perçant au travers des minces feuillages des arbres surplombant – et de beaucoup – la taille d’Hanae. La Chiwa ne tardera pas à venir, et si sa jumelle veut faire bonne figure et ne pas simplement tomber en larmes dans ses bras, il lui faudra contenir toutes ses émotions, ce qu’elle tente de faire en l’attendant. Lorsque la silhouette de la beauté Iwajine se dessine au loin, le cœur de la Teikokujine fait un bond. Une seule journée de leurs deux vies aura suffit à créer ce lien indéfinissable, et pourtant extrêmement puissant. Hanae tente de placer quelques mots, de manière détendue…
« Aimi, tu bien.. tu à l’air bien… Tu as l’air d’aller bien… »
Elle rougit, gênée de ne pas réussir à trouver de mots. Cela fait si longtemps, et quand bien même elle n’a jamais oublié sa jumelle, l’époque où elles jouaient dans ce petit bassin d’eau naturel est bel et bien révolu. De nombreuses choses se sont passées depuis, et il est certain que la demoiselle qui lui fait face pourra tout entendre, sans retenue aucune, de la part d’Hanae. Le contraire est sans aucun doute vrai aussi.
Le passé d’un individu était le début des esquisses de la vie de celui-ci, c’était le commencement. Au fur et à mesure qu’on se rapprochait du présent, les traits de ce dessin avançaient en fonction des choix pris, des chemins choisis. Ceux de la rousse avaient débuté à Tsumago aux côtés de ses parents, où elle avait eu une enfance plus que douce et heureuse. Loin de tout le mal qui pouvait être fait sur le Yuukan, ses géniteurs l’avaient protégés avec toutes les forces qu’ils le pouvaient. Mais la vie filait et les décisions de la Chiwa avaient sûrement changé le dessin qu’avaient envisagé ses défunts parents. Durant l’alignement des traits, une boule d’énergie écarlate s’était mis en travers de son chemin et avait marqué éternellement ce bout de papier qu’était sa vie.
Un lien indestructible s’était créé entre les deux jeunes filles, se considérant même comme des jumelles. Ces enfants, qui naissaient ensemble et qui avaient vécu dans le ventre de leur mère étaient liés mystiquement. S’en était de même pour Hanae et Aimi qui avaient eu un vrai coup de foudre fraternel, si on pouvait le dire ainsi. Les dix années loin de l’une de l’autre avaient été longues, et même si chacune avait fait son train de vie, les esquisses de chacun semblaient finir par se rejoindre une nouvelle fois, à Hayashi. Les retrouvailles bien qu'écourtées par le Suzuri, avaient été bouleversantes pour la rousse qui n’avait cessé de penser à sa jumelle. Celle-ci lui avait alors donné rendez-vous dans une petite clairière colorée grâce au printemps. Une sorte de stress s’était installé dans son ventre, elle ne savait pas pourquoi, mais entre l’excitation et le moment où elles allaient enfin se retrouver, cette petite boule s’était installée.
Lorsqu’elle aperçut cette silhouette familière et ces mèches rubis, son cœur bondit dans sa cage thoracique. Elle sourit doucement avant de se diriger vers celle qu’elle avait toujours aimé, en dépit de la distance qui les avait séparée. Lorsqu’elle s’approcha de la Sendai, elle ne put contenir ses émotions et fondit dans ses bras, littéralement. Fermant fortement les yeux, pour profiter de son agréable parfum et de sa proximité, elle resta là quelques secondes qui semblaient interminables. Reculant légèrement, Aimi posa ses mains sur ses joues et se rapprocha pour lui déposer un surprenant et innocent baiser. C’était une manière de lui dire bonjour, après toute cette absence et la joie qu’elle ressentait en cet instant.
Un sourire se dessina sur ses lèvres, alors que son regard se remplissait d’eau. Elle hocha de la tête à sa question, tandis qu’elle ne savait pas quoi dire et que sa gorge était nouée.
« Je ne peux qu’aller bien maintenant que tu es là, jumelle... »
L’Iwajin attrapa la main de la rubiconde afin de s’installer de nouveau sur le muret qui offrait un paysage très agréable.
« Depuis notre échange postal, j’ai attendu ce moment encore plus intensément. Tellement de choses se sont passées, je ne sais pas par quoi commencer… Peut-être par le commencement ? Tu sais que tu peux tout me dire, je sais que tu as vécu des choses difficiles, mais maintenant, je suis là, avec toi pour éponger toute ta souffrance. »
Elle serra ses doigts autour de sa dextre, comme pour appuyer sa promesse et laissa Hanae le temps qu’il lui fallait pour se remettre de ses émotions et lui répondre.
La vie est composée de bons et de mauvais moments. La rencontre d’Aimi et Hanae entre dans la catégorie des bons, tandis que les deux années de la rubiconde, passées dans un sous-terrain lugubre à se faire torturer afin de devenir une parfaite petite esclave pour dieu sait quel riche détraqué, entre dans l’autre catégorie. Ce que la jeune femme ressent comme un bon moment, également, c’est ce doux baiser qu’elle reçoit de sa jumelle, bien que totalement inattendu. Après avoir observé l’Iwajine travers l’allée entourée d’arbres, sentant son cœur s’emballer par ces simples retrouvailles – véritables cette fois-ci – cette dernière est venue l’enlacer, avant de simplement l’embrasser. Pas de la façon dont la Sendai aurait pu le faire avec Medyûsa, malgré tout l’amour que les deux flamboyantes se portent, l’une à l’autre, mais un baiser innocent, pur, et sans arrières pensées.
Tout en sachant cela, la Teikokujine ne peut s’empêcher de rougir, sans repousser ni blâmer la Chiwa après coup. A aucun moment l’écarlate n’a eu le sentiment de mal agir en se laissant faire, mais elle n’en reste pas moins surprise. Les mots qui suivent lui font chaud au cœur, et son bien sûr réciproques. Son sourire suffit à le faire comprendre à l’Eiseinin, qui commence donc la discussion tant attendue. Il y a tant de sujets à aborder, mais si peu de temps… La Kazejine écoute, et fronce un peu les sourcils en repensant aux lettres échangées. Plus de mauvaises nouvelles que de bonnes ont été distillées, tant d’un côté que de l’autre, et revenir dessus est un peu – voire beaucoup – gênant, pour ne pas dire totalement intimidant.
« Bien sûr, les lettres… J’ai dit beaucoup de choses, qui m’ont déjà été difficiles à annoncer par ce biais, mais le dire de vive voix l’est encore plus… »
Elle se remémore ses larmes, en couchant ses mots sur le papier, en repensant à ce qu’elle a vécu. Les terribles sévices subis ne sont pas bons à se rappeler, mais elle ne les oubliera jamais, alors autant se débarrasser de cela une fois pour toutes.
« Lorsque nous nous sommes séparées, il y a dix ans, mes parents et moi-même avons continuer nos errances… En tant que peuple nomade, les Yasei qui m’ont adoptée m’ont permis de voir beaucoup de paysages, des choses fabuleuses, avant que je ne te rencontre, mais aussi après. »
Son teint s’assombrit, avant de parler de sa grande erreur de jeunesse, qui a eu des répercussions tragiques pour elle et son entourage.
« Deux ans après notre rencontre, je me baladais une fois encore loin du groupe… Et je me suis perdue. Les métamorphes m’auraient sans doute retrouvée aisément, si cet… homme ne m’avait pas trouvée avant. J’ai perdu connaissance sans ne rien comprendre, et à mon réveil, le cauchemar a commencé. »
Elle serre ses bras contre son corps, des images de cette période lui revenant à l’esprit. Des séances de torture, des coups de fouet, des coups de poing et de pied, et pire encore…
« Pendant près de deux ans, j’ai été frappée, encore et encore, jour après jour, sans jamais comprendre pourquoi, à l’époque. Je n’étais qu’une enfant innocente, trop couvée par mes parents, qui me suis retrouvée dans une situation insoutenable. Alors que je commençais à abandonner l’idée de retrouver ma liberté, un soir, un être ignoble est venu dans ma cellule. Je pensais qu’il allait me frapper, et j’ai simplement fermé les yeux en attendant que ça passe… »
Les larmes montent à ses yeux, ses poings se serrent tellement qu’elle en saigne, au niveau de ses bras. Les tremblements s’immiscent également, et, le souffle saccadé, elle finit son monologue.
« Il m’a arraché mes habits, et m’a volé la seule chose qui me restait dans cet endroit lugubre : mon innocence. »
Le sang perlant le long de ses bras, l’ex Kumojine sourit tout en ayant des larmes coulant à flot…
« Quelques jours après cela, il a voulu recommencer… C’est à ce moment que j’ai réussi à utiliser mon chakra. Il était le premier homme que j’abattais, et jusqu’à maintenant, le seul. Si c’était à refaire, je le ferais le premier soir bien sûr… Et suite à ça, je me suis échappée avant d’être secourue par des ninjas de Kaminari… »
Le cœur de la rubiconde est comme libéré d’un poids. Plus jamais elle n’aura à parler de cette histoire dégradante à sa jumelle. Pourtant, les larmes ne cessent de couler…
Les retrouvailles étaient telles que la rousse ne put s’empêcher de lui offrir une étreinte et un bisou plus qu’innocent et fraternel. Elle se surprenait elle-même, autant que devait l’être Hanae mais ne regrettait pas son choix. Dix ans, dix années à continuer de vivre, en sachant pas où était celle qui remplissait son cœur, celle qui aurait pu partager son sang aussi. Tellement de choses s’étaient passées, des difficiles, des belles aussi et il était maintenant temps pour les deux rubis, de pouvoir enfin partager leur passé. Les lettres… Il était vrai qu’elles n’avaient pas été très joyeuses dans le fond, même si pouvoir écrire avec le rubis avait très réconfortant, ce qu’elle y avait appris le fut moins. Pourtant, elle était là, maintenant pour sa jumelle. Aimi hocha de la tête silencieusement, se disant bien qu’elle allait devoir s’ouvrir sur des cicatrices encore présentes. Les Yasei semblaient être un peuple très intéressant, si la Teikokujin en gardait de bons souvenirs, elle aimerait bien pouvoir les rencontrer un jour. La suite des événements fit perdre l’éclat si intense dans les pupilles d’Hanae, elle comprenait alors.
L’Eiseinin fut témoin de la déchéance de sa précieuse jumelle, ses propres poings se serraient sous la vision difficile qui se portait devant elle. En écoutant ses propos, la jeune femme ferma les yeux et encaissa difficilement ce qui lui était arrivé. En les réouvrant, elle put constater les écoulements carmin sur la peau de la Sendai. La tristesse envahit la kunoichi qui ne put contenir elle aussi ses larmes en écoutant ce témoignage traumatisant. Comment pouvait-on vivre après avoir vécu autant de malheur ? Comment un humain pouvait être capable de commettre des abominations pareilles ? Arracher la vie de quelqu’un, c’était un acte qu’Aimi s’était toujours refusée de commettre. Pourtant, elle l’avait fait à Tetsu et Hanae n’avait pas eu d’autres choix que de se protéger ainsi. Alors elle avait bien fait, c’était tout ce qu’il méritait.
La doucereuse malaxa du chakra médical dans ses deux mains, avant de les poser sur ses poings, très délicatement et de les enlever de ses bras. Ses paumes sur posèrent sur les entailles faites par ses ongles, faisant disparaître ses cicatrices petit à petit. Enfin, elle enlaça puissamment la rubiconde dans ses bras.
« Je n’ai pas les mots Hanae, je suis tellement horrifiée et désolée par ce qu’il t’est arrivé, et en colère. Plus jamais on ne te fera du mal, je te le promets. Je suis là, et je te soutiendrai toujours, si tu as besoin de te confier, je t’écouterai, si tu as besoin de te défouler, je serai ton mur. Et si je dois te venger, je le ferai... »
Si Aimi ne voulait pas le montrer à sa jumelle, elle était très furieuse. C'était inacceptable, ce qui lui était arrivé et tous méritaient un châtiment à la hauteur des crimes commis. Son arrivée à Kaminari était sûrement ce qui sauva la rousse, loin de ses bourreaux et prises en charge de la meilleure des manières, l'espérait-elle.
« Raconte-moi comment ton arrivée à Kumo, essayons de laisser les horreurs derrière et d’avancer vers le présent qui nous a réunie. »
La Chiwa ne voulait plus la voir pleurer, elle tenta d'essuyer ses larmes, la gardant dans ses bras pour lui assurer la sécurité et le réconfort dont elle avait besoin.
Les mots d’Hanae ne sont pas évidents à prononcer, ils contiennent des informations dont elle n’a parlé qu’à une minuscule poignée de personnes, et même six années plus tard, cela lui inflige de terribles souffrances, rien que de se remémorer ces scènes. Que l’on soit homme ou femme, voir sa plus profonde intimité balayée et son innocente brisée, n’est en aucun cas un fait qui peut devenir anodin, peu importe le temps qui passe. Pour la Sendai, qui a découvert des choses d’adultes de la pire des manières, à un âge où elle était encore loin de penser à ces actes, consentis ou non, cela a été la pire des tortures. En fait, pendant de longs moments après tout cela, elle a même songé à mettre fin à ses tourments en abandonnant son enveloppe charnelle. En résumé : se donner la mort.
Les talents médicaux d’Aimi sont mis en œuvre pour s’occuper des blessures que la rubiconde vient de s’infliger, en enfonçant ses propres ongles, profondément dans sa chair. Cela soulage la Teikokujine, qui apprécie ce premier geste, et encore plus le second, à savoir l’étreinte chaleureuse de sa jumelle. Laissant ses souvenirs retourner à leur place, loin de sa vision présente, elle se rend alors compte du genre de douleur que cela peut infliger à l’Iwajine en face d’elle. Si l’on infligeait pareil supplice à son amie adorée, Hanae pourrait détruire un pays entier sous le coup de la colère, ou mourir en cours de route. Les paroles de la Chiwa génèrent une certaine chaleur dans le cœur de la Kazejine. En dix ans, elle a décidément acquis une énorme sagesse… Bien qu’elle ne soit pas la seule dans ce cas. De véritables jumelles, jusqu’au bout.
« Si je croise ces personnes de nouveau, je ne sais pas si j’aurais la force de leur offrir une justice équitable… »
Tuer n’est pas une action commune pour la manipulatrice du chakra pur, cependant, les démons de son passé, et ceux de son futur, pourraient bien la changer, nul ne peut le prédire avec certitude. La suite logique vient alors des lèvres de la native du village aux tournesols. Son … passage à Kumo.
« Pendant plusieurs semaines, je n’ai pas été en mesure de parler à quiconque, ou presque. Aucun homme ne parvenait à me faire parler, et … j’étais même terrifiée par moment. Les femmes, je leur parlais à peine. »
Ce moment a été douloureux, pour la rougeoyante, et son esprit tournait en rond…
« J’ai à peine mangé pendant les premiers mois, mais il y a eu cette Jônin, qui m’a beaucoup aidé. Un jour, elle m’a demandé si je voulais voir l’extérieur, quitter cette chambre, et j’ai accepté. C’est là que j’ai rencontré… un homme… sans personne à mes côtés pour me protéger. »
La rencontre avec Tsunayoshi a été un véritable déclic pour elle.
« Sawada Tsunayoshi… Un adulte, de ceux qui me faisaient peur… Il a tout de suite senti ma crainte, et n’a rien tenté qui aurait pu m’effrayer. Au début, je voulais juste repartir, mais… je l’ai écouté. Il a rapidement compris pourquoi il me faisait peur, mais il a su me faire parler… Son histoire était terrible, et je me suis retrouvé dans ses mots. En fait, je pense qu’il a été le premier à qui j’ai confié le drame que j’ai subi. »
Le premier, et un être de grande confiance. Où est-il, désormais ? Toujours à Kumo ? Ou a-t-il repris son voyage ?
« Nous nous sommes ensuite séparés, et j’ai commencé à reprendre goût à la vie, petit à petit… Me faisant une place, devenant une véritable Kunoichi capable de tenir tête aux plus forts des ninjas de mon village. »
Nul besoin de raconter les cinq années où la rubiconde a passé son temps à s’entrainer, pour que son talent inné devienne une véritable arme. Pour que son corps soit un sanctuaire que seules les personnes autorisées peuvent approcher, toucher, étreindre… ou plus encore, pour certaines.
« J’aimerais que tu me parles un peu de toi, jumelle… Comment s’est passée ta vie après notre rencontre ? Et pourquoi avoir choisi la voie de la médecine ? »
Elle lui adresse un gracieux sourire, plein de l’amour qu’elle lui porte, attendant d’écouter son histoire. Les bons, comme les mauvais moments…
Le passé houleux de sa jumelle allait hanter longtemps la jeune femme qui se voyait marquée par les sévices qu’elle avait subies. Même si elle n’avait pas été la victime, Hanae était comme une sœur pour elle et de ce fait, elle ressentait une colère et une peine non-négligeable. Ses poings étaient serrés contre ses jambes avant de se desserrer et de constater que sa tendre Sendai s’était infligé douleur et saignement sur sa propre peau. De son âme de médecin, elle n’hésita pas une seconde à faire apparaître du chakra médical de ses mains et soulager les entailles faites par ses ongles. Un triste sourire se dessina sur le visage de la doucereuse qui essayer de réconforter Hanae au mieux. Mais que faire de plus quand on a subi pareils crimes ? Est-ce qu’elle comprenait la colère de la Chiwa ?
« Une justice équitable serait sûrement trop douce pour eux… Et c’est moi qui dis ça... »
Ses sourcils se froncèrent : elle n’aimait pas tuer ou ôter la vie, mais dans cette situation, pouvait-on faire autrement ? Kumo… L’écarlate devrait les remercier pour avoir autant pris soin de sa jumelle, grâce à eux, elle avait pu mener une meilleure vie et elle leur en était reconnaissante. Elle hocha de la tête en l’écoutant se confier sur ses terreurs et la difficulté d’adaptation qu’elle avait eue à son arrivée. Comment lui en vouloir ? La kunoichi se demandait même comment elle avait fait pour rester en vie. Mais elle le comprit rapidement après : des personnes, bonnes, lui étaient venues en aide. La native de Kaze mentionna un certaine Tsunayoshi, le premier à gagner sa confiance malgré les cicatrices qui la hantait : elle devrait le remercier un jour pour cela. Le rubis glissa ses mains sur ses épaules et les frottait doucement comme pour la soutenir dans cette confession.
« Remercie cet homme de ma part un jour, qu’il t’ait aidé. Dire que je n’ai pas pu être là pour toi... »
Cette femme était d’un courage exemplaire. Elle avait réussi à redresser la barre presque brisée de sa vie et à avancer et peu importe les bâtons qu’on lui mettait sur son chemin. Parler d’elle ? Heureusement, elle n’avait pas vécu pareilles horreurs alors lui raconter sa vie plus tranquille était un peu gênant. Bien sûr, elle avait ses propres peines et pertes, mais… Enfin, il ne fallait pas comparer, simplement se confier.
« J’ai choisi de devenir médecin quand ma mère est décédée.... »
Une moue bien triste apparut sur le visage de l’Eiseinin, elle haussa des épaules comme pour essayer de faire comprendre que c’était le passé, mais il était difficile de ne pas voir la lueur dans ses pupilles rougeoyantes qui ne pouvaient oublier ce passage de sa vie.
« J’ai rencontré un jeune homme shinobi, qui m’a motivé à trouver un rôle à jouer dans ma vie. Je voulais devenir kunoichi et je ne voulais plus que des personnes autour de moi meurent, alors l’évidence s’est présentée. J’ai quitté Tsumago avec mon père qui a ouvert sa boutique à Iwa et je suis entrée à l’académie même s’il n’était pas enjoué à cela. Puis après, j’ai commencé à aider à l’hôpital jusqu’à m’y faire une place plus prononcée. À force de travailler et de me battre, j’ai réussi à gagner le respect de tous. Puis il y a eu l’attaque à Iwa, orchestrée par le lieutenant de l’Homme au Chapeau et... »
La lumière qui se reflétait sur sa peau claire disparut et une ombre recouvrit la jeune femme.
« Je venais tout juste de me réconcilier avec lui, tu sais… Cela n’a pas toujours été facile entre nous et j’étais exécrable, insupportable même… Et on me l’a arraché… Il est parti rejoindre ma mère à son tour, me laissant dans un malheur que je n’aurais pas imaginé. Il m’a fallu du temps pour m’en remettre… Puis il y a eu Tetsu… J’ai ôté des vies… j’ai eu une jambe brisée… Mais je suis toujours là, j’endure, je persévère parce que je garde en tête mon objectif : sauver le monde du malheur et du sang, sauver des vies, protéger les personnes qui me sont chères. Voilà... »
La Chiwa ne savait pas quoi dire de plus… C’était un peu ce à quoi, sa vie se résumait. Elle n’avait pas mentionné Musashi parce que son cœur ne s’en était pas encore remis. Une chose était certaine : raconter tout cela à la Sendai lui faisait grandement du bien. Aimi remerciait le destin de l’avoir à nouveau déposée sur sa route.
Les premiers mots d’Aimi surprennent Hanae. Néanmoins, elle arrive assez aisément à imaginer ce qu’elle peut ressentir. Si l’on s’en prenait à la Chiwa, la Sendai serait hors d’elle, et laisserait sans doute de côté ses idéaux pacifiques le temps de faire un carnage. Elle n’a jamais douté que, derrière son idéologie pacifique, il y a toujours eu une part de haine qu’elle a toujours tenté de refouler, et celle-ci pourrait bien ressurgir dans le pire des moments, dans le futur. Plus les choses avanceront, moins elle aura de facilité à rester forte et fière comme elle l’est si souvent. Faire éprouver de la colère à sa jumelle de cœur, même si ce n’est pas à son égard, ne plait pas à la rubiconde, mais elle préfère que l’Iwajine sache tout, même le plus sombre.
« Si je recroise sa route, je le remercierai sans fautes… »
Cela fait un certain temps, sans doute depuis son départ de Kumo, que la rougeoyante n’a pas revu Tsuna. La jeune femme espère qu’il se porte bien, malgré la tournure récente des événements, comme notamment la « fin du monde » qui se profile. Profitant des gestes réconfortants et des soins de son amie d’enfance, Hanae écoute à son tour le récit de sa copie conforme. Et ce récit commence douloureusement, par une peine qui ne fait pas partie de celles qu’a pu vivre la Kazejine – fort heureusement.
Du fait de sa grande abnégation, la Lieutenante de l’Empire aurait eu bien plus grand peine à perdre sa mère, et elle peut de ce fait ressentir la tristesse d’Aimi. D’un geste naturel, elle vient doucement saisir la main de la Tsuchijine pour tenter de la réconforter, de la soutenir dans cette douloureuse histoire qu’elle raconte : la sienne. Le passage sur sa rencontre avec cet homme, et son arrivée à Iwa, ainsi que la découverte de ses idéaux, fait chaud au cœur d’Hanae, qui aime savoir qu’elle ne s’est pas laissée abattre. Mais la suite est… moins plaisante. La façon dont la rubiconde conte ces événements est assez atroce, et le cœur de la Sendai se comprime dans sa poitrine.
« C’est affreux… Cela me donne encore plus envie de mettre fin aux agissements de cet homme. J’ignore encore le but se cachant derrière ses actes, mais rien ne justifie de prendre autant de vies sans défenses. »
Un point titille également la Kazejine, qui ne dira rien sur le sujet. Elle n’est pas en colère ni déçue par Aimi, concernant le fait qu’elle ait dû prendre des vies, car si elle en est venue à cela, c’était probablement pour protéger la sienne et celles de ses alliés, mais la Teikokujine déteste ce monde qui force des personnes fondamentalement bonnes à commettre l’irréparable.
« Un jour… je ferai en sorte que plus personne n’ait besoin de tuer. Si les gens bons tuent, c’est pour se protéger des gens mauvais qui le font. Il faut s’attaquer à la base du problème, et j’ai… hum, c’est embarrassant de le dire ainsi, mais je protège une idéologie de ma conception. J’invite ceux qui aspirent à la même chose à la suivre : Yokuheiwa. Le principe est simple, il suffit de toujours œuvrer pour la paix. Rien d’autre. Mais tu n’es pas obligée de suivre cette idéologie pour le faire, bien sûr. »
Rougissant du fait de sa demande plutôt étrange, la jeune femme détourne légèrement le visage. Jusqu’ici, Tsuna, Yahiko et Medyûsa ont accepté de la suivre, mais à terme, beaucoup le feront, car il est plus simple de calculer la bonne volonté des personnes par leur acceptation d’une demande si simple, que de jauger leurs agissements.
« Cela mis à part, je suis désolée pour tes parents. J’aimerais te dire que tu as enfin retrouvé une famille à laquelle te rattacher, mais nous sommes si éloignées l’une de l’autre. Toi à Tsuchi, moi à Hi… Je suppose que tu possèdes des amis chers, à Iwa, tout de même ? Une personne telle que toi doit être aimée et attirer la sympathie de beaucoup de monde, je ne m’inquiète pas pour cela. »
Elle lui adresse un sourire tendre, plein d’amour, et n’attend pas spécialement de réponse, tant elle a déjà sa petite idée.
Dans le monde parfait d’Aimi, il n’y avait aucune douleur, aucun crime, le moins de vie perdue possible : après tout, elle ne pouvait pas empêcher un humain de s’éteindre un jour et c’était la vie qui était faite ainsi. Mais pour le reste, si elle pouvait l’empêcher elle le ferait. La suite du partage de leur histoire mutuelle avait des hauts et des bas, mais une fois de plus, c’était la tristesse qui remportait la partie. Pourquoi ? Pourquoi avait-il fallu qu’elle naisse dans un monde pareil ? Est-ce qu’un jour les choses changeraient ? Pouvait-on réellement changer les Hommes ? La réponse à ses questions n’étaient pas évidentes mais elle craignait la connaître... Le Chapelier attisait l’incompréhension et l’injustice : pourquoi faisait-il cela ?
« Quand mon père est mort, j’ai ressenti une colère et une haine que je n’avais jamais ressenti avant. Je n’ai pas aimé cette personne désirant voir mourir cette Homme. Pourtant, il fait du mal autour de lui et pourtant, j’aimerais comprendre ce qui le pousse à engendrer toute cette discorde... »
La douce baissa les yeux, elle n’aimait pas ressentir ce désir de découvrir ses motivations les plus sombres ou les plus nobles. En fait, elle avait peur de finir par comprendre pourquoi il avait agi ainsi. La Chiwa n’était pas fière de ses actes à Tetsu, elle ne pensait même pas que ses propres techniques engendreraient autant de chaos et elle ne pourrait jamais l’oublier. L’idéologie dont parlait sa jumelle était intrigante et semblait se calquer sur les principes de la kunoichi. L’Eiseinin hocha de la tête alors, et garda la main de sa Hanae dans la sienne.
« Yokuheiwa… ça rime avec Iwa et Chiwa... »
Un petit sourire se dessina sur les lèvres de la jeune femme.
« Je suis mes propres principes, mais les tiens se reflètent dans les miens alors j’espère que nous arriverons à cette paix un jour. »
La kunoichi suivrait toujours la Sendai, elle croyait en elle et en ses souhaits. Oeuvrer pour quelque chose de bon était épanouissant, mais c’était aussi difficile. En écoutant la manipulatrice du chakra pur, la doucereuse tira sa main contre elle et ferma les yeux.
« Peu importe la distance qui nous sépare, tu seras toujours ma famille. J’ai aussi une famille à Iwa, je donnerai ma vie pour eux, tu sais : mes amis, mes patients, mes camarades d’arme. J’ai aussi rencontré l’amour, mais il semble repartir aussi vite qu’il te frappe… Alors c’est peut-être mieux de ne pas le laisser nous atteindre… Enfin, je ne veux pas en parler plus… Dis-moi, j’ai cru comprendre que tu avais rencontré la bonne personne ? Parle-moi d’elle, est-ce que tu as ta famille toi aussi ? Tes amis ? »
Passer à une touche plus joyeuse détendait les épaules de la rougeoyante qui n'aimait pas parler des faits douloureux et tristes. Même s'ils faisaient partie intégrante de leur vie, Aimi avait envie de goûter à la légèreté, l'insouciance, simplement discuter sans être accompagnée de larmes.
Imaginer Aimi sombrer dans la haine et l’envie de vengeance fait frissonner Hanae, qui a toujours souhaité et souhaitera toujours le meilleur pour sa jumelle. Dans son esprit, il n’y a pas de place pour le malheur dans la vie de la Chiwa, mais cette dernière n’a pas été épargnée, loin de là. Au final, que peut faire la Sendai pour cette amie si chère à son cœur, si ce n’est tenter d’être aussi présente que la distance le permet ? Venir vivre à Iwa lui semble difficile, du fait de ses liens au sein de l’Empire, et l’inverse est assez identique.
« Je pense que… toi comme moi, nous savons ce qui peut pousser les gens à embrasser le côté du « mal ». La différence entre eux et nous, c’est que nous préférons trouver une solution pacifique aux maux qui nous frappent. »
Il est d’ailleurs très ironique de constater que ces personnes qui ont mal tourné font subir des douleurs telles que celles qu’ils ont subies à ceux qui ne sont en rien responsables. La Kazejine pourrait agir de la même façon, se venger de ce qu’elle a subi par le passé, sans prendre en compte ceux qui ne lui ont rien fait, pourtant elle est bien là, à vivre chaque journée qui s’enchaîne en tentant d’instaurer une paix qui convienne à tous, en ôtant un minimum de vies. Celles qu’elle aura à prendre seront celles des personnes irrécupérables. Jusqu’ici, la rougeoyante n’a pas eu à le faire, fort heureusement, et son seul meurtre était sous le coup de la légitime défense. Qui sait combien de fois elle aurait été abusée sans cela ?
Le lien fait par Aimi quant au nom de l’idéologie d’Hanae la fait sourire. Elle n’avait pas réalisé ce rapprochement, et du certaine manière, cela peut aussi vouloir dire qu’au-delà de la paix, ce que souhaite protéger l’ancienne Chûnin est aussi sa jumelle, et par extension, les personnes qu’elle aime. Il faudrait être sans cœur pour ne pas vouloir le faire, de toutes façons. Même si la Chiwa ne se réfère pas à l’idéologie mentionnée par son amie d’enfance, elle suit la même voie, alors peu importe au final.
Le récit de l’Eiseinin sur sa vie à Iwa, et la « famille » qu’elle y possède, fait d’abord sourire la Teikokujine, qui se sent ensuite désolée pour l’amour qu’elle a perdu, ainsi que son fatalisme à ce sujet. Savoir qu’elle possède bon nombre de personnes à chérir et qui la chérissent la rassure, bien évidemment.
« Il ne faut pas être fataliste, je suis persuadée que tu trouveras quelqu’un digne de toi, et qui saura te rendre heureuse. »
Laissant la parenthèse des amours de la Jônin de côté, la Sendai réfléchit un instant, avant d’embrayer :
« La bonne personne… Oui, je l’ai trouvée, et dire qu’elle était mon élève, à l’origine. Elle me comble de bonheur, et j’aurais du mal à affronter la pression que j’affronte depuis quelques temps, sans elle. Pour ce qui est de ma famille, j’ai rencontré un cousin, à Kumo. Un dénommé Yahiko, qui n’a certes aucun lien de sang avec moi, mais qui possède les mêmes… origines, disons. Enfin, un Sendai, quoi. »
Sa famille… Il est difficile pour elle de définir ce qu’elle est, n’ayant jamais connu ses parents biologiques. Aucune personne qu’elle pourrait croiser ne partage son sang, pas même Aimi, ou Reikan, ni Yahiko. Mais cela importe peu, car elle a ses vrais et seuls parents, quelque part dans le Yuukan, ceux qui l’ont élevée et protégée.
« J’ai pu reprendre contact avec une autre… sœur, qui vit à Kiri, elle faisait partie de la meute de Yasei qui m’a recueillie, et je tiens beaucoup à elle. »
Le nombre de personnes de confiances d’Hanae est assez faible, en y regardant de plus près, si bien qu’elle a pu en faire le tour en quelques instants, auprès de cette jumelle finalement retrouvée.
« Si tout se passe bien, nous serons amenées à nous revoir, dans un futur proche. Je compte bien prendre de l’importance au sein de l’Empire, et faire changer les mentalités. La Coalition est une bonne chose pour y arriver, mais une fois l’ennemi commun vaincu, je ne veux pas que le monde retourne à ses précédents pêchés. Les guerres doivent cesser, et je me bats chaque jour pour avoir la force de les arrêter moi-même. Ma force ne se limite pas à mes poings, mes paroles pourront convaincre les gens, j’en suis persuadée. »
Après avoir parlé à cœur ouvert, à une confidente qui peut tout savoir de ses desseins, la rubiconde reprend son souffle. Les personnes de confiance sont plus faciles à convaincre que les étrangers, mais elle sait qu’elle y parviendra. Après tout, chaque village, chaque pays, obéit souvent à un seul homme. Voilà la personne qu’il faut convaincre pour rallier des milliers à sa cause.
Et si elle cédait à la haine ? Si un jour, Aimi touchait tellement le fond et la peine qu’elle ne pourrait en sortir ? La lumière qui éblouissait son esprit si pur était aussi puissante qu’elle pourrait faiblir aussi facilement. La Chiwa en avait peur et elle comptait sur ceux qu’elle aimait pour ne pas tomber aussi bas. La douce hocha de la tête face à ses sages paroles.
« J’ai peur d’un jour de ne plus différencier le mal du bien, je ne veux pas céder, mais ce monde est parfois tellement injuste... »
Sa voix chancelait à la fin de sa phrase, elle ne voulait pas pleurer et se montrer faible, mais son cœur exprimait sa détresse face à ses tourments. Ses lèvres rosées s’étirèrent dans un triste sourire, comme pour rassurer sa jumelle. Son idéologie devait toucher tout le monde, non pas une rue, un quartier, un village, un pays, mais bien le Yuukan entier. Et la kunoichi à la chevelure flamboyante resterait fidèle à ce principe. Faire partie d’un groupe reviendrait à la renfermer dans une bulle, mais l’Eiseinin voyait plus haut, plus loin. Ce nom était gravé dans son esprit et la paix recherchée elle, devait être ressentie de tous.
Heureusement pour elle, tout comme Hanae, elles avaient des personnes à protéger et cela l’encourageait à se battre. Être fataliste, ça, elle l’était. Une légère esquisse caressa le visage de la doucereuse qui haussa des épaules. Ce n’était pas ce qu’elle recherchait en priorité, mais peut-être qu’elle touchera au bonheur un jour. La Chiwa eut les pupilles scintillant d’émotion en écoutant sa jumelle parler de celle qu’elle aimait. Savoir qu’elle était si heureuse lui faisait très plaisir. Le sang coulant dans leur veine n’était peut-être pas le même, mais ce Yahiko, cette Kirijin, c’était la famille et n’était-ce pas le plus important ?
« Chérie avec toute ta force ta famille, peu importe la contrée dans laquelle elle vient, c’est ce que je fais. En parlant de Kiri… j’écris souvent à un habitant vivant à Mizu, un Urumi. Qui l’aurait cru… La vie nous réserve des surprises parfois. »
Les deux femmes écarlate étaient d’accord quant à l’utilité de la coalition pour arranger les relations. Elles ne souhaitaient pas s’arrêter à cette réunification visant l’Homme au Chapeau et comptaient bien continuer après. Après tout, une paix durable se devait d’être entretenue non ?
« Si tu crois en tes paroles et que tu les partages avec autant de conviction que ce que tu me dis, alors tu y arriveras. Compte sur moi pour en faire de même de mon côté, je vais essayer de profiter de mon rôle au sein du village pour partager mes valeurs. Coalition ou pas, le sang et la désolation doit cesser. Je suis contente de voir qu’on a cela en commun. »
Une de ses mains vint attraper la mèche rebelle de la Sendai qui s’était écartée de son oreille afin de l’y replacer. Elle lui sourit tendrement avant de la prendre dans son bras et de l’y serrer très fort.
« Si j’étais égoïste, je te garderais pour moi et t’emmènerais à Iwa… Tu es celle qui se rapproche le plus de ce que je me fais de ma famille, en tant que jumelle, tu appartiens à mon passé, mon présent et mon futur Hanae. Cette vie entre tes mains, prend en soin et bats-toi et n’abandonne jamais. »
Le monde est injuste. Ces mots résonnent dans la tête d’Hanae, comme une poésie, triste poésie et pourtant poésie si vraie. Le monde est injuste, et cela, la Sendai l’a découvert à ses douze ans, en étant arrachée à son foyer – si aléatoire celui-ci soit-il – avant qu’on ne lui arrache directement son innocence, son enfance, sa joie de vivre. Le monde est injuste, et cela même à plus grande échelle, lorsque l’on voit les guerres qui défigurent l’environnement, les personnes, qui brisent des familles et des êtres humains, qui font naître cette haine, qui devient un cycle dès lors qu’une personne la transmet à une autre. Finalement, tout revient au même exemple : l’Homme au Chapeau attise la haine depuis maintenant une année, et sans doute que cette haine lui est venue d’une autre personne, qui l’a héritée d’une autre avant lui. Vaincre l’hôte de Gobi ne résoudra rien, ce n’est que le premier pas vers la fin du cycle de haine.
Une idée germe alors dans l’esprit de la jeune femme : faut-il tuer le chapelier, au risque que l’un de ses proches ne ressente de la haine pour le reste du monde, et prenne la relève de plus belle ? Cette discussion avec Aimi est encore plus intéressante que prévu, et au-delà de la joie de simplement pouvoir lui parler et rattraper le temps perdu, cet échange sur le bien et le mal fait penser à la Kazejine que le point final de l’histoire se trouve peut-être dans la façon d’agir. Ne plus tuer, mais emprisonner, est probablement la situation la plus idéale, mais est-ce la plus simple ? Vaincre cet homme s’avère une tâche plus qu’ardue, mais le faire sans le tuer… eh bien, il existe une solution, en fait. Un sceau de la conception de la rubiconde, qui le priverait de son chakra.
Hanae accueille avec un sourire le sage conseil de la Chiwa, et tourne la tête, intriguée, lorsque l’Iwajine mentionne un autre Kirijin. Un… Urumi ? Elle n’en a jamais entendu parler, mais n’est pas non plus une experte en peuples Mizujins pour pouvoir tout en savoir.
« Je ne compte pas m’arrêter, quand j’ai une idée en tête, je me bats pour elle jusqu’à y parvenir. »
Ou à mourir, si la tâche est trop ardue. Cependant, à aucun moment jusqu’ici la jeune femme n’a imaginé perdre la vie dans son entreprise dangereuse. Peut-être que sa force est trop grande pour cela, ou sa confiance en elle ? Les gestes d’Aimi la surprennent un instant, et ses mots la font sourire. Elle laisse passer son bras dans son dos pour la serrer également, avant de répondre simplement :
« Il y a un an, ou deux, peut-être, j’aurais accepté sans réfléchir. Mais il est évident que ce choix ne m’appartient plus. Et d’un autre côté, que tu te trouves à Iwa et Reikan à Kiri me paraît une bonne chose. Je peux au moins être sûre que deux des trois grands villages sont dotés de personnes de confiance, qui œuvrent pour le bien. »
Hors de question de faire aveuglément confiance à ces villages, cependant, car leurs dirigeants, elle ne les connait pas.
« Un jour, nous pourrons nous éloigner de tout ça… Quand la paix sera omniprésente, nous n’aurons plus besoin d’agir. Les ninjas ne seront plus nécessaires, ou en tout cas bien moins qu’aujourd’hui. Les médecins auront moins de travail, également, et d’autres buts naîtront dans nos vies. »
Les fantaisies utopiques ne sont pas si fréquentes dans l’esprit de l’adoptée du désert, pourtant elle pense sincèrement que ce jour arrivera. S’il ne vient pas, cela voudra dire qu’elle a échoué, ou pire, qu’elle est morte en essayant. Il est forcément exclu qu’elle pense de la sorte.
Quand est-ce que le monde avait commencé à perdre de sa lumière ? Est-ce que les hommes étaient responsables de ce fait ? Les shinobis ? Ou les villages ? Les massacres, les crimes, les génocides étaient là bien avant que l’Homme au Chapeau ne pointe le bout de son nez. À y réfléchir, c’était lui qui avait libéré les prisonniers de Wasure pour que le Yuukan sache ce que les Daimyo avaient fait. Mais en ouvrant les yeux au monde, il lui faisait aussi courir un risque, car certains enfermés étaient dangereux et peu enclins à la paix. Aimi avait eu la chance d’avoir une belle enfance, à l’écart de ce monde dont ses parents voulaient la protéger. Par moments, elle se disait qu’elle aurait mieux fait de laisser tomber cet aspect-là de la vie. Mais qui pourrait protéger les innocents si elle avait fait ce choix ? Est-ce que de là-haut, ses géniteurs comprenaient sa décision ?
Sachant que l’Homme au Chapeau possédait des dons très impressionnants, pouvait-on simplement l’enfermer ? Ou sa vie était-elle vouée à vivre ou mourir ? Peu importe ce qu’il avait pu faire, ôter une vie restait un vrai dilemme pour la kunoichi de la Roche et si cela devait arriver, ce serait parce qu'il n’y aurait aucune autre solution. Aussi têtue qu’elle, Aimi ne pouvait qu’être fière de la Sendai, déterminée et n’abandonnant jamais : c’était ce qu’elle souhaitait entendre. Hanae était un modèle de force que l’Eiseinin n’oubliera pas de sitôt. Bien au contraire, elle comptait bien utiliser cela comme un tremplin à sa détermination. Bien évidemment, la Chiwa comprenait les paroles de la Teikokujin et elle ne comptait pas la forcer à venir avec elle. Puis plus elles étaient éparpillées et plus leurs voix pourraient faire écho.
L’idée de s’éloigner était alléchante, elle sourit avec nostalgie repensant à Tsumago et à leur souvenir. L’espoir de vivre cette paix devra traverser les générations. Si elles n’y arriveraient pas, leur enfant, leur prochain le ferait et ainsi de suite : il ne fallait pas abandonner.
« Tu sais quoi, si on y arrive, j’aimerais que tu m’emmènes à Kaze. Pour voir ce sable dont on a autant parlé, de ces cactus piquants, de cette chaleur étouffante : je veux le découvrir avec toi. »
Parce qu’elle n'oubliera jamais ce rêve d’enfance et qu’elle comptait bien le mener à terme. Ses lèvres vinrent se poser sur son front avant de poser sa main sur le sommet et de frotter ses cheveux écarlate.
« Cela ne me fait pas plaisir, mais je pense qu’il est temps que nous rejoignons nos camarades. Après tout, le Yuukan n’attend que nous... »
Retourner dans la dure réalité était difficile. Mais n'était-ce pas ce pourquoi elles vivaient ?
La discussion a été instructive, et passer du temps avec sa jumelle est un moment qu’elle apprécie énormément. Même si la discussion a commencé sur une note plutôt peu joyeuse, au final Hanae a pu rattraper le temps perdu, et elle sait désormais qu’Aimi se porte bien, même si elle n’est pas à ses côtés tous les jours pour lui assurer au quotidien. Elles se reverront, après cette mission, c’est certain, et cette seule idée suffit à emplir le cœur de la Sendai d’une joie inépuisable.
« Je ne pense pas que la chaleur du désert plaise à ta douce peau, mais si tel est ton souhait, alors nous irons ensemble, je te le promets ! »
Dit-elle tandis qu’elle prend une dernière fois la Chiwa dans ses bras. Le devoir les appelle, il n’y a plus le temps pour ces deux sosies de discuter et de passer du bon temps. L’apprentissage du Kinjutsu est une condition nécessaire à la victoire finale contre le chapelier, et chacun des shinobi présent à Hikari aujourd’hui a pour devoir de l’apprendre pour ensuite le transmettre à ses camarades, dans leurs villages et villes respectifs. Finalement, accepter cette mission est aussi une bonne façon pour la rubiconde de montrer aux Hijins que, toute étrangère soit-elle, elle peut leur apporter énormément. « On n’a rien sans rien », et donner sans rien demander en retour est la meilleure des preuves de bonne foi.
« La prochaine fois que l’on se retrouve, nous prendrons le temps de parler plus… Mais tu as raison, cette technique interdite est la raison de notre présence ici. »
Pas de raisons de se laisser aller aux larmes, les deux femmes seront encore ensemble quelques jours, et ce n’est pas rien. Même suite à cela, leurs retrouvailles ne seront que plus belles, la prochaine fois, en espérant qu’aucun événement ne vienne les séparer à jamais. Ce détail inquiète Hanae, mais elle fait confiance à Aimi pour ne pas laisser quoi que ce soit la faire trépasser. Elle est aussi forte que belle, et cela signifie que rien ne peut l’atteindre, si ce n’est peut-être l’ennemi public numéro un lui-même…