Une violente bataille faisait rage dans l’enceinte de la forteresse Nakamura. Le cliquetis des armes et les cris guerriers assourdissants résonnaient dans la vieille bâtisse. Au milieu des corps inertes des soldats du seigneur de guerre, Seishirô toisait un adversaire agenouillé devant lui. L’affrontement venait tout juste de s’achever et les deux hommes étaient exténués. Mais malgré cela, notre épéiste regorgeait d’énergie, comme porté par une force mystérieuse qui le maintenait encore debout.

La pointe de son nodachi était à présent dirigée contre le cou du perdant, prêt à lui trancher la tête. Jubilant à l’idée de prendre la vie de son opposant, notre protagoniste se mit à trembler et un frisson lui parcourut le corps. Inconsciemment, il murmura :

« Vengeance… Vengeance… »

Face à lui, son interlocuteur ne réagissait pas et se contentait de le fixer dans le blanc des yeux, un rictus sournois figé sur les lèvres. A croire qu’il s’était résolu à perdre ce combat et que mourir lui était égal. Seishirô serra les doigts autour du manche de son sabre et leva le bras, prêt à asséner un coup mortel à l’homme juste devant lui.

« Meurs ! »

Le bras s’abaissa violemment et la lame traversa le corps tout entier du défait. Mais celui-ci ne s’écroula pas. Le tranchant du métal l’avait à peine effleuré, comme s’il venait de frapper un mirage. Stupéfait, l’épéiste s’acharna à plusieurs reprises mais sans succès. Il tenta de hurler de colère mais aucun son ne sortit de sa bouche. Le décor tout autour de lui commença à s’assombrir et, tandis que l’homme se redressait sur ses deux jambes en riant, des ombres les encerclèrent.

« Tu as perdu, Seishirô ! déclara le fantôme d’une voix caverneuse. »

Peu à peu, l’apparence de ce dernier évolua. Autrefois humain, il se métamorphosa en une créature imposante vêtue d'une armure de samouraï. Derrière son casque, la lueur de ses yeux vira au jaune, et un liquide sombre semblable à du sang se mit à couler le long de ses bras.

« Que… Que se passe-t-il ?! s’exclama Seishirô en reculant, apeuré par cette entité.
- Tous tes amis sont morts ! Tous sans exception ! »

A ces mots, des hurlements envahirent l’espace. Des cris de douleur déchirants et des implorations. Seishirô lâcha son nodachi et tenta de s’exprimer, en vain. Il tourna la tête et vit l’horreur. Des silhouettes familières se battaient à quelques mètres de lui contre une horde de créatures terrifiantes. Tous tombaient sous les coups, les uns après les autres. Le sang se répandait sur le sol à mesure que les corps mutilés s’effondraient. Cette scène était effroyable, insoutenable. L’épéiste chercha un moyen de secourir ses compagnons d’armes mais une force inconnue l’immobilisait. L’oni s’approcha de lui, désormais en possession d’un kanabo ensanglanté dans la main droite.

« Tu n’as rien pu faire pour les sauver commença-t-il en lui assénant un violent coup de tête, le repoussant de quelques centimètres. Tu t’es enfui comme un vaurien, préférant préserver ta misérable vie au lieu d’affronter ton destin !
- C’est faux ! C’est faux !! s’époumona le samouraï en se redressant.
- Tu aurais dû mourir avec les autres ! Tu n’es rien de plus qu’un lâche ! »

La créature balaya alors les jambes de l’épéiste à l’aide de son imposante massue, qui tomba à la renverse et s’écroula dos sur le sol. Désormais à la merci de cette chose, Seishirô fixa le kanabo recouvert de pointes métalliques. Sa fin était proche, impossible de faire machine arrière.

« Tu vas mourir aujourd’hui… poursuivit l’oni d’une voix sadique. Je vais te tuer, tout comme j’ai tué Mugetsu il y a six ans ! »

Sur ces mots, le bras du démon se leva, brandissant le kanabo au-dessus de sa tête, et dirigea l’extrémité ensanglantée au niveau du ventre de l’épéiste. Celui-ci fixait l’arme, impuissant.

Allait-il mourir ?

Était-ce la fin ?