« SABAKU KARA MYŌBOKUZAN ๑ KIRIGAKURE SHINKIRŌ NO MONOGATARI ♛ KETSUMEI » 砂漠から妙木山 ๑ 霧隠蜃気楼霧隠 ♛ 血盟 Du désert au Mont Myōboku ๑ Le Conte du Mirage de Kirigakure ♛ Pacte de Sang
Des gens, Xûen en avait perdu. Des amis lors de la libération du front Mizujin contre les bandits et autres déchets peu dignes de son attention ; à Kaze no Kuni ce fut sa famille et l’amour de sa vie. Seul, il n’avait presque rien mené à bien et cela, l’épeiste l’avait compris. C’est pourquoi, avant de revenir avec le message du Conseil de l’Eau pour les hautes-instances du village qu’il avait rejoint, il fit un détour. Dans la situation actuelle, c’était prendre un risque ; mais il était calculé et le Kazejin avait toute confiance en son peuple pour gérer les situations de crimes, par la voix ou le sang. Après tout, maintes fois la Cité de la Brume avait su rebondir et même innover par de nouveaux moyens vite copiés par ses voisins lointains.
Sa façon à lui de participer à l’effort d’une guerre qui planait au-dessus d’eux était de se renforcer ; et quel meilleur moyen que de s’accaparer l’un des légendaires pactes d’invocation. Ses formateurs lui avaient dispensé nombre de légendes et de conte mais un seul l’intéressait aujourd’hui. Celui de la Montagne Luxuriante et de ses habitants, féroces batraciens cachés dans un endroit qu’on disait impossible d’accès à moins d’en connaître la route secrète. Ce fut au cours de ses pérégrinations depuis son départ prématuré de Kaze no Kuni qu’il commença à amasser des informations et à chasser ces petits êtres parfois gluants et particulièrement rapides jusqu’à tomber sur 蝦蟇未開 ๑ Gamamikai dans le Pays du Feu. Ce crapaud minuscule était obsédé par le Bushidô et après une course poursuite et une violente discussion, ils finirent par tomber d’accord sur un échange de bons procédés.
Le Mirage lui apprendrait les rudiments de l’art samurai et en contrepartie, la bête l’emménerait chez lui. Bien sûr, Xûen était conscient du risque pris. S’il n’était pas jugé digne, les créatures ne le laisseraient jamais rentrer parmis les siens ; mais quel sacrifice était trop grand pour une cause qui le dépassait ?
La première étape était de trouver le passeur pour arriver jusqu’au Mont ; une vieille grenouille exilée dans l’archipel de l’Eau qui en était capable, ayant vu passer et trépasser bon nombre de prétendants. C’est avec son amphibien de poche enfermé dans un sac de jute suite à une véhémente discussion que le porteur de l’acier Tetsujin se fraya un chemin, assis dans sa barque et un kasa en paille orné de kanjis sur quelques fines lamelles de papiers pendantes.
Au loin apparaissait le sombre îlot, enrobé d’un large manteau brumeux. Un sourire se dessina sous la paille tressée.
« YOOOSSSH LIBFFERE-MOI FUEN! OU JDIS A LA VIEILLE DE TE GRAILLER ! »
Comme prévu, l'embarcation gracieusement offerte au port par l’un des pécheurs arriva à destination plutôt facilement. À force de diriger des navires de guerre dans ces eaux, il était presque naturel pour quelqu’un comme Xûen de se repérer et manœuvrer ici-bas. L’endroit était entouré de larges murailles naturelles faites de pierres mais rien d’insurmontable pour un shinobi, même de bas calibre. Accrochant sa barque près d’une crique il s’affaira à escalader en répandant un peu de chakra sur la plante de ses pieds. Une fois en haut, son regard mordoré jeta un dernier regard en contrebas puis avança vers le coeur de cet îlot. Le Mirage libéra alors Gamamikai de sa petite prison de toile et le posa devant lui avec la délicatesse d’un pilier de bar. Ce dernier sprinta alors hors de sa vue et le natif du désert haussa simplement les épaules, remettant en place son kasa du bout de son index, toujours enroulé dans sa large cape noir et or.
Après une dizaine de minutes à marcher, le petit batracien revint et grimpa sur son épaule sans un mot, détournant le regard et fronçant ce qui lui servirait sûrement de sourcils s’il était plus humanoïde.
Il ne fallut pas longtemps au ninja pour arriver au cœur de cet endroit réputé pour l’organisation de combats. Un endroit de débauche où l’argent coulait à flot pour parier sur tel ou tel individu à la poursuite de renommée et d’adrénaline. Le samurai avait connu ces coutumes dans son pays d’origine et il ne se voyait pas remettre le couvert ici.
La personne recherchée ne devait pas être loin suite aux dires de son petit collègue couleur nénuphar et sans surprise, Xûen se dirigea vers la plus grande des arènes située au centre, où deux videurs semblaient faire le tri entre ivrognes et plèbe lambda capable de dépenser ses ryôs.
Quelques pièces suffirent à lui ouvrir un passage et il chercha dès lors qu’il foula le seuil une personne humaine aux traits ou apparats qui la trahirait. Bien sûr qu’une grenouille énorme n’allait pas s’incruster dans la populace ; il était donc logique qu’elle soit camouflée sous les traits d’un humain.
Après une quinzaine de minutes, Xûen s’assit donc loin de la fange et attrapa par la peau du coup le petit crapaud pour le mettre devant son visage.
« ‘Mikai-kun. » « Yo, débrouille-toi. Je suis un prisonnier politique, aucune chance que j’aide l’ennemi contre la fameuse nation batra.. » La pichenette de Xûen frappa dans sa babine salée à l’eau de mer, l’interrompant. « Gamamikai. » Le compagnon de l’Etoile du Matin cracha un peu d’eau que le samurai évita. « Si tu continues comme ça, tu ne seras jamais digne du Bushidô. Pas de sabre, pas de respect des tiens.. » Son petit sourire narquois illustrait bien le point sensible touché. « Là-bas, dans l’arrière-salle. C’est là que Obaa fait ses affaires. »
D’un bond, l’épéiste était déjà debout et parcourut la salle tant bien que mal entre les alcoolisés, les gueux et autres engeances fana de ce genre d’affrontements, sans regarder qui combattait alors.
Poussant les rideaux marqués des symboles de fortune et autres liés à l’argent, il découvrit derrière eux une opulente personne âgée, presque cachée derrière des piles de pièces qui ne semblaient pas très stables.
« Ohayô, Gamasenjin-donô. Vous savez ce que je viens faire ici, ne perdons pas de temps. »
« Kappapapapapa. Et c’est cet avorton qui t’a dit de venir ici ? Nous ne faisons plus signer les humains depuis longtemps. Le dernier en date s’est retourné contre nous ; aucune chance que nous fassions la même erreur deux fois. »
Xûen haussa un sourcil en direction de Gamamikai qui sembla presque honteux, bondissant d’un appui sur ses pattes arrière entre deux bourrelets de la vieille dame qui lui caressa le crâne avec tant de force que ses orbites furent tirés vers l’arrière, ce qui sembla lui plaire autant que le blesser. D’un pas, il s’approcha et déposa sur la table son Daishô, ses shurikens, ses kunaïs ainsi que tout le matériel ninja à sa disposition. Ceci fait, il ôta aussi son large manteau laissant à la vue de la vieille dame sa tenue centenaire transmise par le Butai.
« Je ne puis me résoudre à tourner les talons si facilement. De ce que m’a raconté l’avorton, comme vous l’appelez, vous n’êtes qu’un passeur. La décision doit venir du Sennin. Je suis Xûen, disciple de Benkei et je dépose les armes en signe de bonne foi. Menez-moi aux vôtres de la façon qui vous plaira. Un refus ne m’arrêtera pas et je n’aurais de cesse que d’arriver au Mont Myōboku ; facilitez-moi la tâche. »
La mâchoire crispée, il tint le regard de son interlocutrice qui semblait le jauger et ce fût la première à lâcher ce duel d’intentions pour parcourir sa tenue et elle s’arrêta un instant sur ses boucles d’oreilles. Celles-là même récupérées lors de la rébellion contre le Premier Cercle sur la tête qui avait servie à toucher la prime de son senseï et paternel de substitution.
« Comme bon te semble, le vieux s’occupera bien de t’expliquer lui-même la situation. Tu as été prévenu fils du Vent. » Elle haussa les épaules et attrapa le paquetage de l’épéiste qu’elle enfourna dans un sac qui semblait ne pouvoir contenir que son wakizashi.
Ceci fait, le petit groupe des trois individus quittèrent cette maison célébrant la violence pour un avenir incertain. Le village quitté dans un silence pesant intercoupé par quelques croassements craintifs de la petite grenouille se demandant quel serait le résultat de l’aventure, ils arrivèrent bientôt à un puits dans lequel la vieille dame plongea sans dire quoi que ce soit.
Les bras croisés, il attendit donc ainsi cinq, dix puis quinze minutes sans aucun signe. Le shinobi finit par s’assoir dos au trou rempli d’eau et médita sous le regard de son petit compagnon. La suite allait être une épreuve dont il comptait bien sortir vainqueur, avec ou sans sabres.
Ici, pas d’excès de confiance mais seulement un shinobi rôdé aux épreuves. Qu’avait-il à perdre, après tout, si ce n’était la vie ? Il se réincarnerait si la religion de son maître était exacte ou un autre enfant du Désert ou de l’Eau prendrait sa place pour accomplir ses desseins.
Combien de temps passèrent avant l’événement qui allait suivre? Xûen n’en savait rien, perdu dans les méandres d’une méditation où il voyait passer devant ses yeux les cadavres ; ceux de ses ennemis, tranchés de part en part. Celui de sa bien-aimée, le sang à la commissure de ses lèvres, encore si belle. Le corps de Benkei décapité, accroché par les mains et les pieds à l’aide de clou contre la large croix en bois aux côtés des autres. Mais cela ne l’empêchait en rien d’atteindre une plénitude toute relative, jusqu’à ce que…
Une large main faite d’eau vint à l'étreindre. Bien sûr, il aurait pu se défendre de telle offensive mais il n’en fit rien, laissant la dextre d’eau enrouler ses phalanges avec virulence pour le plonger à son tour dans l’orifice aqueux. Après cela, il sembla à Xûen avoir été piétiné par un troupeau de buffles en rut. Décoiffé et encore mouillé, il ôta de prime abord le haut de sa tenue, affichant un buste tatoué et couvert de stigmates pour la sécher. Mais il fut arrêter dans son entreprise par ce qui l’entourait. Les sandales dans une petite mare d’eau, ses yeux ambrés se posèrent sur le décor l’entourant.
C’était époustouflant pour un voyageur de sa trempe de visualiser tel endroit. La verdure semblait gouverner ce petit coin oublié de tous, les habitations taillées comme pour respecter cette nature souveraine. Même la forêt de Hi no Kuni ou celle d’Hayashi ne pouvait se targuer de telle diversité, autant sur la faune que la flore. Encore ébahi, il reprit vite ses esprits, attacha le haut de sa tenue autour de sa taille et sortit de la mare à la recherche des aborigènes.
Bientôt, deux crapauds sortirent de derrière de larges statues qui leur ressemblaient étrangement, le derme dégoulinant de ce qui semblait être du poison. Ils croisèrent leurs lames devant lui sans dire un mot, et l’un des deux, borgne, indiqua un sentier montant dans une montagne couverte de plantes exotiques qui finissait devant un temple dont on pouvait voir le toit, même à cette distance.
L’acier se décroisa et le manieur du vent pût enfin commencer son ascension, arpentant le chemin que des pieds batraciens et humains avaient foulés, des siècles avant lui. Sur la route, il croisa d’autres batraciens de toutes tailles, occupés à manger des plats semblant typiques composés de vers et autres joyeusetés, d’autres jouant au shogî ou s’entraînant.
Non loin, il sentit une présence qui semblait le suivre pour s’assurer qu’aucun acte malsain n’était commis. Le sabreur évita donc de fumer au risque que cela fut interdit et continua d’un pas décidé jusqu’à arriver devant la bâtisse. Non loin, un énorme monument aux traits d’amphibien dépassait de la cime des arbres.
Sans attendre, il pénétra le lieu empli par la pénombre et trouva ses affaires au milieu de la pièce, éclairé par un halo venant d’une tuile déplacée dans la toiture. Comprenant que là était sa place, il avança donc. Dans un silence mortifère, ce fut le bruit de raclement contre la pierre qui annonça son interlocuteur. Deux yeux aussi dorés que les siens aux pupilles en croix l’observait. Immenses, situés à des mètres en hauteur.
« Es-tu stupide ou fou pour n’avoir pas écouté les dires de Gamasenjin, gaijin ? Ta présence est de trop et nous ne tolérons ni les conflits extérieurs ici et encore moins d’y envoyer à la mort nos jeunes et nos guerriers. Si tu ne quittes pas l’endroit, tu finiras en statue de pierre, comme avertissement. »
Un rictus se dessina sur les fines lèvres de Xûen, s’accroupissant pour ramasser sa lame et la rattacher à la place qui lui était dûe.
« Avez-vous seulement écouté les miens ? Je suis ici en qualité d’Homme et non de shinobi. Loin de moi l’idée de ramener quiconque ici ou de partager ce que j’ai été amené à découvrir. Mais tout aussi loin la possibilité que je reparte d’ici sans avoir signé le Ketsumei, Sennin-san. » Il s’entailla le pouce de son wakizashi sans qu’on puisse en discerner la sortie de fourreau et laissa les gouttes tomber au sol. « Votre prix sera le mien, mais je repartirais en apposant ce sang sur votre sceau ou je ne repartirais pas. » Ses yeux brûlants de détermination, il ne quitta pas ceux du suzerain qui semblait amusé de tant d’assurance. Des portes semblèrent s’ouvrir, et la fumée de son calumet s’envola vers le trou lumineux, dessinant des formes de petits têtards.
Trois batraciens de la taille du trône, avoisinant donc les cinq mètres de haut. Ils se ressemblaient tous trois à l’identique, différentiables uniquement aux couleurs de leurs dermes et leurs armements. L’un portait une fourche à deux têtes, l’autre un katana et le troisième une large chaîne ponctionnée de makibishis géants.
Il ne fallait pas être devin pour deviner ce qui allait suivre. « Testons donc ton immense détermination, bipède. Si tu survis au Sanjûsô, peut-être t’écouterais-je. Peut-être. »
Les deux doigts du chef batracien claquèrent et les trois bêtes disparurent. De prime abord on aurait pu croire que dans un espace relativement clos, trois monstres pareils auraient eu du mal à se déplacer mais il n’en fut rien.
Visiblement habitués à travailler en équipe, ils coordonnaient déjà leur première offensive. Dans l’interstice, Xûen avait déjà fait les mûdras nécessaires à l’apparition de trois répliques de lui-même. Tous s’étaient déjà dirigés vers les attaquants lames sorties, s’envolant dans les airs de bonds calculés pour aller entrechoquer le fer contre celui des grenouilles belliqueuses. l’un d’eux fut défait par le manieur à la chaîne mais les deux autres tinrent bon. Le vrai épéiste alla donc à la rencontre de celui qui avait défait un de ses jumeaux, dégainant dans un mouvement véloce la réelle Brise-Glace qui entailla son œil, cible toute trouvée. Bien qu’il toucha, il ne put esquiver les maillons qui faisait presque chacun sa taille dans un espace si réduit et fut projeté contre un mur.
La poussière soulevée se dissipa bientôt tandis qu’en sortait le Kirijin, enrobé dans l’oeil d’un cyclone qu’il avait lui-même créé pour absorber le choc. Dans ses yeux brûlait la volonté d’un feu qui n’était étranger à personne dans ce temple millénaire, et le poli Xûen avait laissé place à celui défendant son honneur depuis tant d’années ; un homme d’épée qui avait baigné dans sang et viscère pour accomplir un destin encore inconnu sur ses débouchées finales.
Les trois Xûen atterrirent alors tous dos à dos, encerclés par les crapauds. Ici, ces derniers ne pouvaient s’évaporer en nuage de fumée pour rentrer être soigné. Comme pour le Kazejin, chaque blessure mortelle serait éliminatoire dans ce plan de l’existence. Analysant les dommages encaissés, le crapaud désormais borgne comme le Mirage repartirent de plus belle. Trois lames de vent immenses partirent des épées pour être dirigées vers les géants qui s’unirent dans un même jutsu Suiton pour annihiler l’offensive grâce à une barrière d’eau sous haute-pression de laquelle sortir trois créatures à leurs images, leurs armes aqueuses visant les petits humains qui mimèrent la défense utilisée en escouade.
Mais à leur différence, chacun coupa en deux les batraciens aqueux, laissant l’eau s’ajouter à celle créée qui élevait le niveau jusqu’à leurs genoux malgré l’amplitude de la salle.
« Le nabot est fort. Mais pas assez. » À écouter leurs voix, elles semblaient très proche de celle de son ami récent qui l'avait conduit ici plus ou moins volontairement.
Xûen avait beau être un combattant émérite au panel divers et varié, affronter trois ennemis de son propre calibre avec pour objectif de tuer dans chacun de leurs coups était un challenge dans lequel il ne pouvait se jeter à corps perdu sans quelques sacrifices. Et celui imposé fut de taille. Le corps couvert d’hématomes, les organes remués par divers chocs et son enveloppe extérieure couverte de meurtrissures d’où le sang s’échappait par afflux irrégulier au fil de ses mouvements, il se tenait là-même où il avait récupéré son arme avant le début du combat, baigné dans la lumière d’un astre luminaire qui avait toujours été suspendu là, au-dessus de lui. Mais dans cet instant précis, il semblait le réconforter par des langues chaleureuses, comme autrefois la main gondolée de Benkei après un affrontement rigoureux.
Du côté ennemi, il y avait aussi des séquelles, compensées par leur nombre et leurs capacités respectives. Au moins en avait-il appris plus sur ces batraciens. L’un était capable de l’empoisonner au toucher, l’autre était un maître dans le Bukijutsu et le troisième un utilisateur de Ninjutsu pourvu de deux affinités.
Il lui restait encore des cartes, mais elles étaient meurtrières et pour lui, il n’était aucunement nécessaire de mettre à mort ceux-là même que l'Étoile du Matin voulait comme alliés. Restait que s’il devait choisir entre la mort et prendre une vie, le choix avait toujours été vite fait. Clôturant ses paupières une fois son souffle repris, il rengaina donc et fléchit ses appuis, face à la ligne que formait la formation batracienne. De Xûen exhala alors une intention meurtrière qui sembla se matérialiser autour de lui par le Vent, ce même allié de toujours ; balayant la pièce par vague d’une chaleur désertique.
Quand le cliquetis de la lame sortie se fit entendre, ce n’était point l’un d’eux qui l’arrêta mais bien la masse énorme du Sennin, sorti de son siège à une vitesse qui n’enviait rien à celle du Mirage malgré son poids gargantuesque. C’est son index sur le bout de sa garde qui empêcha son offensive.
« Nous en avons vu assez de tes capacités. Le plus dur reste à faire, suis-moi. »
soupira-t-il. Le trio derrière lui se relâcha alors, se mettant à discuter entre eux du combat, les deux autres chambrant celui délesté de son œil. Aucun ne semblait hostile, même s’ils l’ignorait pour repartir d’où ils étaient venus.
Le géant reprit la direction de son trône qui pivota pour laisser une énorme entrée d’où s’échappait le soleil, qu’il emprunta sans attendre le Kazejin en piteux état.
Une fois qu’il l’eût rattrapé et que leurs pas les eurent menés à la statue qu’il avait vu plutôt, le titan batracien s’arrêta devant elle et se recueillit dans un silence mortuaire, et pour cause. Il connaissait ce genre de monuments. Après le mutisme qui dura plusieurs minutes, le Sennin se mit à parler sur un ton las et triste.
« Il y a longtemps, alors même que je n’étais pas encore un têtard et que tes ancêtres était bien loin de la découverte du chakra, nous existions. À cette époque, certaines races du règne animal plus évoluées, comme nous et les Serpents, nous faisions la guerre. Ce cercle de violence a perduré, jusqu’à que certains d’entre nous rencontrent des humains aux dons époustouflants. Les liens amicaux aidant, cette même guerre a gagné en ampleur dans les deux camps ; ajoutant sur l’échiquier de nouveaux joueurs. »
Xûen continua d’écouter l’air solennel, les yeux perdus dans la liste infinissable de noms qui comportait batraciens comme humains. Sa voix semblait bien moins forte, venue de l'intérieur de lui.
« Bien des années plus tard, quand j’ai accédé au rôle que je joue aujourd’hui, animé par les braises du courroux alimenté par la perte des miens, j’ai guerroyé jusqu’à temps que je devienne celui que je suis. Et j’ai alors compris que la paix et la pérennité de ma race était plus importantes que les vieilles rancunes et les péchés de nos ancêtres, comme ceux de nos ennemis. Ne te méprends pas, nous restons de fiers guerriers et je défie quiconque d’attaquer ce lieu. Mais notre désolidarisation des conflits actuels n’est pas sans raison. »
Il tira alors une grosse inspiration sur sa pipe et du haut de la montagne qu’il incarnait, planta ses yeux dans les tréfonds de son âme.
« Toi, Shinkirô no Xûen, peux-tu jurer devant ce mausolée et ceux tombés pour que cette paix s’installe ? Peux-tu t’engager à ne pas alimenter la gangrène qui corrompt le Yûkan ? Je peux lire en toi, car j’ai été comme toi. J’ai été ce combattant hors-pair pensant à coup de lames rendre valables les sacrifices fait dans un but honorable. Es-tu éveillé à la réalité de ce monde ? Es-tu capable de devenir le 妙木山立ち番 ๑ Myōbokuzan no Tachiban, gardien du Mont ? » Sa question et son histoire soulevait bien plus que la signature d’un pacte. Elle engageait l’homme d’honneur en lui à s’engager dans une voie bien particulière, loin des sentiers habituels. Celle d’un poids sur les épaules, un fardeau centenaire.
Ce n’est qu’au bout de quelques minutes à contempler les noms inscrits ici que le Mirage se décida à répondre, sur un ton qui ne laissait aucun doute et une voix gutturale et claire, dont la détermination exhalait à chaque mot prononcé, avec l’éloquence qu’on lui connaissait.
« Soka. Bien que j’ai un immense respect pour votre point de vue, le mien diverge, en quelque sorte. J’ai été élevé par des moines itinérants dans les mêmes valeurs que vous venez de m’exposer. Et elles ont guidées mes pas jusqu’ici ainsi que ma lame d’aussi loin que je me souvienne. Je crois au Dharma. Toute vie entraîne la souffrance jusqu’à arriver au Noble Chemin Octuple. Mais je ne peux rester extérieur à ce conflit ; votre vision mérite d’être expliquée, divulguée dans le Yûkan ; que chaque homme qui brandit la lame dans un but malsain soit rétribué et éduqué de la façon qui y sied le mien. Le sang coulera autant qu’il le fasse dans un intérêt plus grand qu’arroser la terre. »
Il ne connaissait aucun de ces patronymes, mais les siens auraient eus leurs places ici.
« Parfois, je voudrais sauver le monde, parfois le voir brûler. Comme tout autre, je suis le fruit d’une dualité millénaire. Mais à la différence du commun du mortel, j’essaie de m’illustrer hors des trois poisons. Je vous demande seulement de m’accorder votre confiance. Jamais je n’enverrais les vôtres périr pour une cause injuste ou infondée ; mais le monde shinobi et les citoyens de tous les continents ont besoin de vous ; de moi. C’est vaniteux de le présenter comme ça, de penser que je peux tout changer seul. Mais avec vous, avec les miens, je ne le serais pas. Soyez acteurs à mes côtés et non spectateurs. Vous avez entendus comme moi les ravages des Fanatiques, ceux des libérés de Wasure et de l’Homme au Chapeau. Aucune force ne doit être négligée pour faire pencher la Balance et rétablir l’équilibre. »
Il dégaina ensuite l’épée sous l’oeil interrogatif du crapaud géant, malgré qu’elle soit brisée. Un goût amer dans la bouche à cette vue, il continua.
« Moi, Shinkirô no Xûen, je jure devant ce mausolée de sectionner la partie gangrenée du corps spirituelle du Yûkan. Je vois le Monde comme il est vraiment. Je défendrais ce Mont comme je défends ma patrie. »
À ces mots, l’amphibien afficha un petit rictus qui découvrit ses dents et fit tomber de sa poche un large parchemin, vierge de toute nomination. Avec le sang d’une de ses blessures, il y a grava en Kanji son appellation puis signa la relique avec une profonde fierté et ne put retenir un large sourire dirigé à la créature.
« Je suis 蝦蟇仙人 ๑ Gamasennin, mais tu peux me nommer Maître ; te voici ici comme chez toi. La vie est un test perpétuel et ce n’est pas une exception en ce qui nous concerne. Montre-toi digne, Gardien. »
Et il s’en alla, comme si de rien était, visiblement satisfait d’avoir rétabli le contact avec l’être Humain malgré ses dires passés. Au loin, il vit accourir son petit compagnon pourvu d’un haori aux mêmes couleurs que le sien. Arrivé à portée, ce dernier sauta sur son épaule encore douleureuse.
« YO ! Quelle classe, genre le chemin octuple des dix-huit vérités tout ça, j’ai rien pigé mais le vieux a l’air d’avoir été séduit. On fait quoi maintenant ? » Un large sourire entailla son faciès.
« On rentre à Kirigakure no Satô, partenaire. »
SABAKU KARA MYŌBOKUZAN ๑ KIRIGAKURE SHINKIRŌ NO MONOGATARI ♛ KETSUMEI