[invisible_edit]➜ Printemps de l'An 200, Quelque part à Hayashi no Kuni, en début d'après-midi
La route avait été plus que longue depuis les montagnes enneigées du Tetsu no Kuni. La petite troupe de métamorphes s'était affairée à rejoindre le territoire du Bois Ancestral, après avoir côtoyé les apprentis du Bushido. Selon les ragôts, Hayashi no Kuni était un pays aussi reposant que dangereux, et aussi sublime que repoussant. Il était aussi périlleux pour l'homme que la civilisation l'était pour les bêtes les plus sauvages. Cette singularité avait attiré la famille de la jeune Reikan, qui cherchait à se ressourcer et à s'approvisionner auprès de la nature, après le torride voyage que ses membres avaient enduré. Même si l'impétuosité de l'air glacé des monts de fer avait manqué de glacer leur détermination, cette branche du clan Yasei ne semblait jamais se laisser abattre. Une telle quête de découverte avait été davantage menaçante ces dernières heures, car la plus jeune du clan n'était pas dans son meilleur jour. Affaiblie par cette marche sans fin, elle s'était tout de même lancé dans une chasse risquée pour essayer de subvenir aux besoins de ses congénères. La tâche s'était avérée plus que rude, puisque l'ourse à laquelle la féline avait fait face ne l'avait pas raté. Vaincue, elle avait été criblée au ventre après une lutte acharnée. Cela avait laissé porte ouverte au glaive du froid, qui n'avait pas hésité à la transpercer en plein dans les entrailles, assez profondément pour l'affaiblir jusqu'à l'os. Ainsi, aussi émerveillée avait-elle pu être face aux aurores boréales que lui avait offert cette immensité poudreuse, elle s'était rangée du côté de ses victimes.
Un arrêt s'était alors imposé à la frontière pour le trio. Ce dernier regroupait Reikan, mais aussi ses deux parents, que tout opposait. S'agissant de son père, plus connu sous le nom de Yasei Ragna, il était un homme barbu et bien bâti, dépassant sans aucun doute les deux mètres. S'agissant de sa mère, Yasei Shizuka, ses traits harmonieux et son regard d'or témoignaient du fait qu'elle était une femme d'âge mur, aussi douce que responsable. Et si la crinière primitive et noirâtre de Ragna tranchait avec la chevelure brillante et rousse de sa femme, celle de sa fille, elle, était un témoin de son héritage génétique atypique. Tous les trois étaient vêtus de cuirs de bête, de fourrures mais aussi de tissus raffinés.
Alors que les dernières lueurs du jour pointaient déjà le bout de leur nez sur l'arborescence monstrueuse du territoire, Ragna se redressa en emportant sa fille sur son dos. Sa blessure n'était pas mortelle, mais il lui fallait être soignée au plus vite pour ne prendre aucun risque. Elle s'était abandonnée aux bras de l'inconscience, pour mieux se préserver des conditions climatiques éprouvantes qu'avait imposé leur passage au Tetsu no Kuni.
« Il est temps d'y aller, Shizuka. Il nous faut trouver un endroit sec où Rei pourra recouvrir ses forces, avant que le soleil ne nous quitte. — Oui, tu as raison. »
La neige tombante s'était transformée en pluie, et cela rendit inquiet son père de famille. Hâtif, le duo d'adultes reprit la marche par un pas décidé, en s'engouffrant dans la forêt pour se réfugier du froid mordant. Plus ils s'enfonçaient dans ce labyrinthe naturel, plus la luminosité se faisait rare. Seule une armée d'arbres, de plantes et de petits animaux s'offrait à eux. La végétation était d'une densité à couper le souffle, diversifiée au point que même le plus grand des herboristes aurait très certainement fait une crise de foie. Sur la route, aucune embûche ne vint ralentir les ascendants de la tigresse blanche. Et quand bien même il y en avait eu, même les bêtes les plus féroces n'auraient pas pu faire le poids contre la vraie nature de Ragna et Shizuka, qui étaient prêts à tout pour défendre leur progéniture.
Dans ce cadre forestier gargantuesque, il était presque interdit de rêver à trouver une auberge ou un refuge de bonne augure. Ce pays était connu pour ses innombrables mystères, fondus dans une masse de rumeurs toutes aussi improbables les unes que les autres. Mais... l'énigme de ces terres était à la merci du couple. Rien n'allait empêcher la paire de nomades qu'ils étaient à trouver un endroit à l'abri de l'humidité pour passer la nuit. D'ailleurs, le jour laissa sa place à cette dernière, jusqu'à engouffrer la totalité de la forêt dans la pénombre totale. Nulle lune n'accompagnait les âmes sœurs et la prunelle de leurs yeux en ce soir de recherches intensives, pour trouver un repos bien mérité. Finalement, ce fut la dextérité du sixième sens shinobi des deux parents, qui les mena à une clairière d'où émanait une lumière douteuse. Et pour cause, en foulant les premières herbes de cette plaine, le couple découvrit la présence de diverses lanternes à huile. Un village? Au milieu d'une forêt aussi vaste? Impossible... Si ébahi que son âme sœur, Ragna s'empressa de ressortir des griffes arboricoles, pour se présenter sur le terrain nu. La présence du colosse qu'il était et celle de la rousse ne purent qu'alerter les villageois, qui rôdaient autour des habitations en ce début de soirée.
An 200, village d'Ensō 円相, Hayashi no Kuni, début de soirée.
Aditya délia ses paumes du sceau de la prière, ouvrant de nouveau ses prunelles sur une petite statuette de bronze, disposée l’intérieur d’un renfort de bois qui faisait office de terrasse à l’une des bâtisses du village. Un air mélancolique s’installait sur son visage alors qu’il retraçait du bout des doigts le nom gravé dans la pierre au sein du poitrail de l’idole. Il se délecta quelques instants de l’harmonieux panorama de la forêt Hayashijine dont la verdoyante chlorophylle rendait une impression de vie intense dans chaque recoin de ce monde sylvestre. Avec une infinie délicatesse, la pulpe doigts se referma sur l’embout cramoisi d’un encens, rompant le supposé contact avec les morts. Son regard se posa l’espace d’un instant sur les divers monticules de bois qui s’étaient échoués en face de chaque maisonnée, dont l’épicentre noirci traduisait la présence d’un feu passé. Ils avaient terminé ce rite funéraire il y a quelques jours de cela, néanmoins… ils n’arrivaient pas à effacer ces bûchers de ce triste tableau que peignait l’ensemble du village. Le dos d’Aditya se reposa sur l’un des murs porteurs à l’extérieur de la bâtisse, faisant face à une balustrade qui donnait vue sur l’entrée du village.
Au cours de ses nombreux voyages à travers le monde, il avait pu voir à quel point la pauvreté et la tristesse s’étaient emparé du cœur des hommes, qu’ils soient citoyens ou membre des ordres shinobis. Les temps troublés avant l’apparition des villages cachés avaient gravé dans leur vie l’instabilité, la peur et la souffrance. Mais malgré tout – et à son grand étonnement – Aditya avait également été témoin de la ferveur avec laquelle ils pouvaient rechercher l’amour et le bonheur, dans cette insouciance qui les berçaient, exempté des pensées morbides au sujet de ce qui les attendaient tous une fois que la vieillesse se serait emparée de leurs corps. Et cela l’avait laissé dans une incompréhension totale. Depuis le jour où il ouvrit pour la première fois les yeux sur cette terre, le cœur des hommes était resté pour lui un mystère. Il n’avait connu ni pauvreté ni conflits dans son village caché par les hautes forêts qui recouvraient Hayashi no Kuni : même si leurs revenus étaient maigres en comparaison de ceux des grandes cités, leur système basé sur l’échange et l’oisiveté avait permis au village, d’à peine une trentaine d’habitants, de prospérer. Aucun étranger n’avait jamais pu trouver son emplacement et bafouer l’accalmie qui résonnait en chaque objet, chaque âme qui vivait au sein de ses murs. Alors lorsqu’il revint enfin parmi les siens, la paix calme seulement troublée par les voix des enfants et la terre riche sous leurs pieds étaient pour lui profondément rassurantes.
Et désormais… il ressentait pour la première fois cette tristesse qui vrillait sa poitrine en ces périodes de deuil à l’aube hivernale. Ses prunelles, empreinte d’une fatigue sans faille, roulèrent sur les courbes froides de la statuette. Il délaissa un souffle proche du rire, tandis que son crâne se reposait sur les lames de bois à son tour, scrutant les lumières chaleureuses du soleil qui traversaient le filtre mouvementé des branches d’arbres.
« Tout ça va paraître bien moins animé sans toi. », murmura-t-il dans un soupir.
Néanmoins, ce doux moment de quiétude ne dura pas, puisque l’appel empreint de panique d’un villageois le fit sortir de son repos. Aditya se releva derechef, son regard dardant l’entrée du village. Ses yeux s’écarquillèrent l’espace d’un instant, bien trop surpris pour réagir. Comment… ?
Des inconnus venaient de pénétrer la clairière dans laquelle ils avaient élu domicile il y a plusieurs dizaines d’années de cela, pour la première fois depuis la création du village d’Ensō.
Au début, tous furent bouleversés par l’alerte. Affolés, même. Et si la surprise d’Aditya s’évanouit au fur et à mesure qu’il rejoignit le centre de l’esplanade, celle des autres villageois demeurait intacte. Mais il ne pouvait pas leur en vouloir, eux qui n’avaient jamais rien connu d’autre que le spectacle stupéfiant que pouvaient offrir les forêts d’Hayashi. Ils n’avaient jamais côtoyé d’autre âme que celles des villageois, qu’ils connaissaient pour la plupart depuis leur naissance. Aditya partit à leur rencontre en premier, décelant chez ses pairs une crainte certaine face à des choses qui dépassaient leur connaissance.
Au fur et à mesure qu’il s’approcha, il distingua la silhouette longiligne d’une femme, dont les cheveux roux happaient la lumière incandescente des torches éclairent l'entrée, ainsi qu'une crinière d’ébène appartenant à une jeune femme qui, endormie, étaient soutenue sur le dos du seul homme que comptait ce groupuscule. Avec cette stature imposante qu’il arborait, nul doute que ses compagnons ne pouvaient qu’être apeurés par l’inconnu.
Et pour peu, Aditya n'eut même pas à lui adresser la parole pour voir qu’aucun d’entre eux n'était pas natif du Pays du Bois, ni des contrées environnantes. Les vêtements de l’homme n'avaient ni l'air d'être faits pour la guerre, ni pour les arts ninjas ; il était affublé comme un monarque, avec les dizaines de bijoux qui recouvraient son corps, discrètement dissimulés sous l’épaisse couche de fourrure animale qui couvrait ses épaules. Le blond en avait d’ores et déjà en avait déjà déduit deux choses, alors que ses pas le menaient en face à face avec le trio. La première, qu'ils venaient très certainement de contrées où les intempéries faisaient rages ; étant donné l'aspect de leurs vêtements taillés pour résister aux plus grands froids, ils devaient les avoir portés assez de temps pour que le tissu soit détendu signifiait qu’ils n’en disposaient pas de rechange – ou tout du moins, qui ne servaient pas les mêmes desseins. Entre autres, ils ne s'étaient pas changés depuis leur départ, bien que ses vêtements eussent visiblement enduré plusieurs lavages, ce qui signifiait que leur ancienne destination ne pouvait être qu’un désert de glace. Or… il n’y en avait qu’un seul qui répondait à cette description : Tetsu no Kuni.
Sa seconde déduction fut qu’ils venaient vraisemblablement d'une lignée aisée, si ce n'est royale. Il était bien loin d'être étranger aux symboles des magatamas qui ornaient les boucles de la rousse et décoraient les cheveux de la jeune femme endormie. Quant à l'ambre bleue qui se reflétaient à travers eux, il était tout sauf de mauvaise qualité – les mines d'Iwa lui auront au moins apprit cela. Il avait donc affaire à un groupe d’étrangers richement vêtus, qui ne s'était pas encore fait dépouiller malgré la route qu’ils avaient parcouru. De cela découla une troisième conclusion ; ils savaient se battre, ou a minima, se défendre ; les chances d’être exempté de tout attaque sur ce chemin tempêtueux étaient proches de zéro. Il adressa un regard suspicieux à l’homme avant de s’exprimer d’une voix claire, ses pas s’ancrant dans la terre humide, à la lisière de l’entrée du village.
« Les contrées du Pays du Fer ne sont pas des plus accueillantes ces temps-ci pour les voyageurs. », glissa-t-il comme une constatation lorsque son regard s’échoua sur le visage de la jeune femme endormie. Il prit cependant un ton bien plus sec lorsqu’il s’adressa aux adultes. « Qu’est-ce que des voyageurs tels que vous recherchent en foulant ainsi nos terres ? Je doute que ce soit en quête d'une quelconque richesse, les pierres dans lesquelles ont été forgées vos boucles en font déjà l’étalage, et nul doute qu’elles vous auraient fait profiter de plus d’une nuit en auberge sur le chemin. »
Si aucune menace ne retranscrivait ses paroles, et qu’aucun de ses gestes ne soit source d’une quelconque brutalité, sa voix étaient néanmoins empreinte d’une méfiance sans pareille, attisée par les réminiscences funéraires qui hantaient encore les esprits de chacun des villageois. Bien qu’il n’ait que son corps pour lui servir d’arme, il n’hésiterait pas à défendre ce havre de paix si la situation l’exigeait. Son regard roula sur l’inconsciente alors qu’il remarquait quelques marques sanguines qui s’étaient répandues sur ses membres.
« Mais je suppose que c’est avant tout d’un médecin dont vous avez besoin, si le sang qui tâche son visage est bien le sien. »
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Dernière édition par Aditya le Lun 30 Sep 2019 - 18:15, édité 1 fois
[invisible_edit]Sous cette pénible pluie estivale, le couple de changeformes trempé jusqu'à l'os s'enferma dans un profond silence, nuancé par les remarques indiscrètes du blondinet. Quand bien même pouvait-il être méfiant de plein droit, Aditya était en train de s'adresser à un colosse qui comptait bien faire passer le bien-être des siens avant tout, incluant son entêtement défiant. En réponse à son inhospitalité, Ragna lui adressa un regard polaire, si menaçant qu'il semblait être à deux doigts de lui faire payer son trop-plein d'assurance. Si je n'avais pas mon enfant sur le dos, crois-moi, petit... Pendant cette courte mais intense altercation visuelle, un éclair vint s'abattre de plein fouet derrière l'une des montagnes bordant la vallée. Le tonnerre, annonciateur de la colère du Lion de l'Atlas, s'éparpilla dans l'atmosphère, laissant un écho tonitruant perforer les tympans de tout un chacun.
Malgré ce phénomène, le fauve têtu et intransigeant ne broncha pas face à l'attroupement. Bien que dépourvu d'armes apparentes, sa seule silhouette suffisait à terrasser les villageois les plus téméraires. Et l'expression rigide qui trônait sur son faciès n'arrangeait en rien la situation, lui qui ne daigna même pas laisser un mot sortir de sa bouche, confus par la réaction rébarbative des habitants. Shizuka, elle, s'avança devant son mari pour faire face à Aditya et ses pairs. Quelques mèches de ses longs cheveux étincelants s'étaient abandonnées sur ses tempes. Ses boucles d'oreilles d'éther subirent le vent. Tout ceci offrit une allure tout à fait inoffensive, et presque conciliatrice, à la métamorphe. La rousse enfila ainsi la veste de porte-parole de la petite famille pour mettre toutes les chances de son côté, ainsi que les gants de la douceur pour dérober la confiance de son interlocuteur. Les traits de son visage restèrent détendus, mais une pointe d'inquiétude peu perceptible bousculait cette harmonie perturbante. Elle avait beau avoir confiance en la robustesse de sa fille, nul n'était immunisé contre l'éventuelle mauvaise tournure d'une blessure mal soignée.
« Je crois bien que nous avons été pris de court par les intempéries. Rassurez-vous, si nous sommes en quête de quelque chose, c'est seulement de découverte et de liberté. »
La douce mère féline marqua un court temps de pause, pensant à la référence du jeune blond quant aux bijoux traditionnels que le trio arborait. S'il s'en imaginait qu'un tel héritage était le fruit d'une royauté infondée et illégitime, salie par le sang des plus pauvres, il était loin du compte. Mais sur le coup, elle ne pouvait lui reprocher son ignorance. Tout à fait confiante, elle se retint pourtant d'esquisser un sourire, aussi faible pouvait-il être, s'autorisant seulement le fait de persévérer dans sa réponse.
« Nous cherchions simplement un abri pour la nuit au cœur de la forêt. Moi et mon mari étions loin d'imaginer que cette dernière cachait en son sein un village tel que le vôtre. Toutefois... vous n'avez pas tort. Notre fille a besoin de prendre congé de ce train de vie éprouvant. Auriez-vous l'amabilité de nous recevoir le temps que je puisse la soigner et qu'elle recouvre ses forces? »
Dernière édition par Yasei Reikan le Dim 20 Juin 2021 - 1:45, édité 7 fois
Aditya rendit le regard hostile du colosse avec autant de ferveur qui pouvait animer son cœur en l’instant présent, et ce bien malgré l’explosion électrique qui retentit dans l’orée de la forêt. La foudre devait très certainement avoir été attirée par une arme laissée à la dérobée, mais qui n’enlevait en rien le poids des tensions qui s’accumulait entre les deux étrangers. Son regard dévia l’espace d’une seconde sur la rousse qui s’avançait entre eux, où chacun de ses gestes semblait emplis d’un profond sentiment de paix ; elle était visiblement la plus rationnelle, pour comprendre ainsi la crainte qui habitait les deux hommes à l’idée de devoir défendre ce qui étaient si cher à leurs cœurs. Les pupilles céruléennes d’Aditya perdirent de leur méfiance quelques instants en entendant cette voix claire retentir après la fougue du tonnerre, appuyant d’autant plus son inoffensivité. L’enfant des bois avait toujours eu bien plus de faciliter à converser avec une diplomate.
Ses yeux bifurquèrent sur la silhouette de la jeune femme endormie lorsqu’il perçu cette pointe d’inquiétude qui s’échouait sur ses lèvres. Et alors qu’il écoutait avec attention le discours de cette mère de famille, il ne pu que constater la franchise de ses propos. Sa fille ne semblait en aucun cas feindre ses blessures, ce qui signifiait qu’ils n’avaient jamais eu aucune intention de s’en prendre au village intentionnellement. Et bien qu'Ensō s’était forgé une réputation de village dissimulé à la vue de tous parmi ses habitants, Aditya ne pouvait se fourvoyer à ce sujet. Il était évident qu’un jour ou l’autre, un étranger finirait par fouler ces terres, qu’il ait été envoyé par le hasard ou par une féroce volonté.
Le blond délaissa un soupir résigné, et relevant son regard vers le colosse, il tâcha de répondre à la demande de la rousse avec un timbre de voix des plus posés.
« Navré. Je suppose que vous êtes bien placés pour comprendre que le monde ne porte pas que des gens aux intentions bonnes, aussi me devais-je d’être méfiant à votre encontre… D’autant plus que vous êtes les premiers étrangers à découvrir notre village. Ne leur en voulez pas pour leurs regards effarés, ils n’ont jamais rien connu d’autre que les arbres verdoyants qui ont bâtis leurs demeures. », glissa-t-il alors qu’il leur tournait le dos afin de rejoindre la place principale, ses pas lents mais assurés.
Alors qu’il se confrontait aux regards désapprobateurs de certains habitants, il invita leurs visiteurs à le rejoindre ; ces derniers pouvant aisément remarquer l’odeur d’encens qui se répandait comme une fumée ardente entre les habitations depuis quelques jours, ainsi que les tas de bois carbonisés Une main se posa sur son bras, à la fois inquiète et réconfortante.
« Aditya… Tu es sûr de ce que tu fais ? »
Il étudia les traits de celle qui, plus que tout autre villageois, s’était chargé de l’éduquer du mieux possible dès l’instant où il avait été déposé à l’entrée du village alors à peine âgé de quelques semaines, sans père ni mère pour le guider à chaque épreuve que la vie aurait imposé à son chemin. Ses cheveux d’encre encadraient son visage de mèches élégantes et légères, bien qu’il demeure marqué par une profonde inquiétude. Cela le rassura, en un sens, de voir la tristesse qui l’animait en ces derniers jours, pleinement dédiés à la réalisation des rites mortuaires d’Ensō quitter ses traits, ne serait-ce que l’espace d’un instant. Le regard d’Aditya s’adoucit, tandis que ses doigts virent apporter une étreinte brève, mais rassurante à cette paume inquiète. Il hocha la tête, à sa question posée à demi-mots, sa voix se faisant bien plus douce à son adresse.
« Ne t’en fais pas. Leurs pas les ont menés par hasard à notre village. », il étudia avec attention sa réaction avant de poursuivre. « Leur enfant est blessée. Pense-tu que la doyenne et toi pourraient assister sa mère à ses soins ? »
Il vit à quel point son regard se teinta de compassion lorsqu'il évoqua les blessures essuyées par la jeune femme. Elle lui rendit son étreinte avant d'observer le trio qui s'approchait de la place centrale, et plus particulièrement l'enfant échouée sur le dos de son père. Un éclair de détermination parcouru ses prunelles sylvestres alors qu'elle s'adressait de nouveau à Aditya.
« Bien sûr. C'est la moindre des choses que l'on puisse faire pour eux., dit-elle alors qu'elle ramenait sa paume le long de son corps. Une fois de plus, la gentillesse qui teintait son âme ne lui avait pas fait défaut. — Merci. »
Il la vit se dérober à son regard alors qu'elle s'avançait vers le trio, en dégageant cette aura si apaisante qui saurait sans nul doute assurer ces parents de ses bonnes intentions. Elle échangea quelques mots avec eux avant de les guider à l'intérieur de sa demeure, dépassant la modeste terrasse où Aditya s'était délecté du silence quelques minutes plus tôt.
« Tu es vraiment irresponsable. »
Aditya ne fut pas étonné d’entendre une réplique acerbe sortir de la bouche du chef du village – bien qu’il n’en porte pas le titre officiel, chaque villageois lui accordait un respect tel que ses paroles étaient, le plus souvent, considérées comme mots d’ordre. Visiblement, les critiques quant à son comportement n’avaient su trouver de repos que lors de ces quelques jours de commémoration morbide. Néanmoins, il devrait se plier à sa décision, cette fois-ci, que cela blesse son ego ou non. Il le vit adresser un regard plein d’amertume et d’hostilité à l’encontre des inconnus qui pénétraient dans l’une de leurs bâtisses. Le blond ne manqua pas de le reprendre à ce sujet.
« Ces gens ont besoin d’aide, Asatarō. Tu devrais le comprendre mieux que quiconque. »
Il vit son regard se teinter de cette dureté habituelle à chaque fois qu’il croisait la route du blond, ou que son regard se posait sur lui. Néanmoins, Aditya ne perdit pas de sa contenance ; il n’était que trop bien habitué à ce comportement.
« Si quoi que ce soit arrive au village, sache que tu en subira les conséquences. »
Les deux hommes échangèrent un regard lourd de sous-entendu avant qu’il ne daigne lui adresser une réponse, longuement réfléchie afin de ne pas attiser les flammes de l’indécence dont faisait preuve son vis-à-vis.
« Comme tu voudras. Si tu n’as plus besoin de moi, je te laisse à tes occupations. », glissa-t-il plus par politesse que poussé par une quelconque sollicitude à son égard, avant de détourner les talons, décidé à apporter son aide aux étrangers.
#4e6e66 Femme inconnue | Village d’Ensō
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Dernière édition par Aditya le Lun 30 Sep 2019 - 18:17, édité 2 fois
[invisible_edit]Un sourire balayé d'inquiétude peignit la mère Yasei, truandant l'atmosphère dominé par la méfiance. Et si malgré tout, la lumière que Shizuka était s'entourait d'obscurité monstrueuse par l'ombre de son compagnon, les prémices de ce séjour pacifiste étaient déjà posées entre le trio et celui qui les avait accueilli. Je ne pensais pas que telles rumeurs sur le Hayashi no Kuni pouvaient finalement s'avérer vraies. Mais nous n'en attendions pas moins d'un tel territoire dominé par le chakra, pas vrai... Ragna? La rouquine, aux airs élégant et mature, tourna le minois vers le colosse brun qu'était son bien-aimé, afin de lui transmettre sa confiance. Cet échange de regard parvint visiblement à persuader Ragna, qui, malgré son physique qui en imposait et son caractère borné qui allait avec, ne pouvait rien faire contre tant de bienveillance et de sérénité. Ta gentillesse te perdra, ma femme... Mais soit, tant qu'ils tiennent leur parole, je tiendrai en laisse ma colère.
En ce début de soirée, il était temps pour les changeurs de peau de concrétiser cette halte imputée à leur odyssée, en suivant les pas du blond. Sous la pluie, les regards prédateurs caressaient l'architecture singulière des bâtisses villageoises, sans accorder l'once d'attention à leurs propriétaires, qui eux, les dévisageaient. La lumière de leurs pupilles défiait la réalité, tant leur intensité était prononcée ; l'une s'alliant à la verdure de l'environnement et l'autre côtoyant de près l'incandescence même de l'or, c'était à se demander de quoi étaient faits les yeux de celle qui les avait fermé. Enfin, ils se présentèrent à l'entrée d'une maison de bois spacieuse et traditionnelle. Je comprends mieux pourquoi ils redoutent autant ceux du monde extérieur. Dans cette bulle de paix, ils ont tout ce qu'il faut.
« Mon nom est Kannon. Je vous en prie, ne vous gênez pas parce que vous êtes trempés. Le bois de cette maison saura vous en éponger. Installez-vous dans le salon arrière pour plus de tranquillité. — Merci de votre accueil. Yasei Shizuka, Ragna et Reikan sont nos noms. — Enchantée. »
Shizuka baissa légèrement le menton en affichant un sourire réconforté, sans se cacher de Ragna. Et d'une impulsion du pied, elle monta sur les planches de cette terrasse afin de traverser la demeure et rejoindre ce qui allait être leur nid durant les prochains jours. Aussitôt entrée, la changeforme maternelle balaya la pièce de son regard émeraude, avant de se défaire de l'énorme peau de bête qui protégeait ses épaules. Quant à Ragna, après avoir suivi sa compagne de près, il jeta un œil méfiant à la structure intérieure, avant de zieuter le terrain s'offrant à eux à travers le belvédère arrière ouvert. Soudain, son expression passa de la méfiance à la surprise, bien que réfrénée.
« Au vu de vos vêtements, j'imagine que vous êtes loin d'être habitués à avoir un toit au-dessus de la tête. J'espère qu'avec cette terrasse, vos esprits pourront continuer à s'évader même en restant à l'abri de cette pluie. »
D'une moue respectueuse, la femme d'accalmie pencha la tête vers l'avant, faisant ainsi preuve de droiture et de bonne foi envers les métamorphes. L'espace d'un instant, le colosse baissa sa garde face à la persuasion de leur hôte, tout comme il posa un genou à terre pour mettre sa fille dans les bras du futon en coton, au centre de la pièce. Par réflexe, le dos de son épaisse dextre fut déposé contre le front de Reikan, avant de redescendre jusqu'à la sienne. J'ai eu beau l'avoir protégé de la pluie, la fièvre persiste et ses membres sont glacés. Le Lion d'Atlas remonta ses yeux teintés d'inquiétude dans ceux de sa chère et tendre, alors que celle-ci avait remonté ses manches. Munie d'une trousse de soins, la rouquine se pencha vers sa fille pour prendre son pouls et s'imprégner de ses blessures.
« Je peux peut-être vous aider à la soigner, j'ai quelques connaissances en herbes médicinales, si vous le souhaitez. — Très bien, ça me sera utile pour la suite. Mais maintenant... »
Maintenant? La femme brune, dont le visage n'avait jusqu'à lors été malmené que par la quiétude, fit l'erreur de déposer son regard sur la malheureuse. Le ventre de Reikan était déformé par de multiples entailles profondes, qui remplaçaient ce qui aurait dû être un nombril. Face à cette scène effarante, la villageoise garda tout de même son calme pour ne pas partager sa crainte aux parents, qui avaient d'ailleurs l'air... assez sereins, même à la vue de telles blessures. Impossible... Comment a-t-elle pu survivre jusqu'ici avec de pareilles brèches dans l'abdomen? Ravaler sa salive pour mieux faire passer son angoisse fut sa seule réaction. Jusqu'à ce que Shizuka ne daigne sortir aucun scalpel chirurgical, et se contente de placer ses deux paumes au-dessus des plaies béantes de l'inconsciente. Que fait-elle? Il n'y a pas de temps à...
Quelques secondes de concentration suffirent à Shizuka pour amasser son chakra dans ses mains et parvenir à l'extérioriser. Une sphère de lumière, douce et chatoyante, se déploya entre ses doigts, soulignant les traits du visage de la mère marqué par l'apaisement de pouvoir enfin soigner son enfant. Le halo se réduisit rapidement, gagnant en éclat ce qu'il perdait en ampleur, avant de se répandre sur les déchirures abdominales. Aux yeux de l'hôte, la lumière verte et irréelle émanant de la poigne de la nomade paraissait chaude, intense et vibrante. Serait-elle en train de guérir ses blessures, à l'aide de son chakra? J'ai toujours pensé que cela relevait... de l'impossible. À tel point qu'elle semblait avoir absorbé tout l'intérêt de la villageoise, qui fut presque bousculée par l'arrivée incongrue de celui qui se faisait appeler Asatarō.
« Que se passe-t-il? Kannon, comment oses-tu accueillir ces étrangers en ta demeure? N'as-tu donc rien ap-... »
Les pupilles de cet homme, marquées par toute son animosité, fut immédiatement happé par la lueur étincelante émanant des doigts de la féline, coupant court avec l'environnement qui était assombri par l'épais manteau cotonneux du ciel. Aussi bien fascinée qu'effrayé par ce phénomène, il ne put terminer sa phrase, incapable de trouver les mots. Quelle est donc cette clarté de jade qui danse en ses mains? Par suite, plusieurs voisins s'étaient permis d'entrer dans la demeure de la brune, sur les pas de leur chef. Tous furent ébahis par ce spectacle, sous l’œil accusateur de Ragna, qui, assis à côté des deux femmes de sa vie, surveillait de loin quiconque voulait oser s'approcher avec de mauvaises intentions. Un attroupement de villageois s'était presque formé dans le hall principal du gîte pour assister aux soins, qui dépassaient l'entendement aux yeux de la plupart d'entre eux. Tous furent absorbés, dans quelques inspirations improvisées et chuchotements discrets, par la régénération des blessures de la jeune brune, sous la magie du chakra de Shizuka. Asatarō fut le premier à détourner les yeux, adressant un regard vengeur à ses confrères qui semblaient intéressés par ce phénomène. Tsh, ce maudit Aditya. Il a laissé la peste pénétrer nos murs. Sous la colère, et face à l'insistance du regard doré du patriarche métamorphe, l’exécré quitta la pièce en poussant quelques uns de ses pairs pour mieux fuir.
La seule à avoir eu le courage de s'approcher du trio fut Kannon, qui, d'une main douce, déroba de l'un de ses tiroirs intégrés au mur, une poignée d'herbes médicinales choisies avec soin. La lumière verte entre les doigts de la rouquine dansait sur le miroir des yeux de Kannon, qui n'en revenait toujours pas. Je n'avais jamais vu une telle prouesse, auparavant. Les plaies ont l'air de se refermer d'elles-mêmes, et à ce rythme... cette petite sera rétablie en un rien de temps. La villageoise courba le dos afin de s'asseoir en seiza. Et sans rien dire, s'activa à soutenir les deux parents dans cette épreuve. Demain matin, ces profondes lésions ne seront plus qu'un lointain souvenir.
***
Froid et humide. Voilà les pensées que l'inconscient de Shiroitora se répétait en boucle, une fois plongée dans les ténèbres de la narcose. Le ciel rosé du matin parvint à sortir de sa torpeur nocturne, forçant au réveil les êtres vivant de jour et obligeant au sommeil ceux vivant de nuit. Reikan n'avait pas fait de rêve cette nuit-là, si ce n'était que l'aperçu d'une lueur, semblable à une luciole et qui ne se laissait jamais attraper par la jolie brune. Les effluves boisés et fumés, d'un encens lointain, titillèrent son odorat et vinrent finalement l'extirper de son inconscience profonde. Mais le retour à la réalité fut plus rude que prévu. Son souffle demeurait court et un filet de sueur brûlante coulait le long de sa tempe, effrayant contrepoint au frisson glacé l'ayant tirée de sa léthargie. Elle sentit à peine la fraîcheur du linge humide que pressait une femme brune sur son front, et le verre d'eau qu'approchait un homme doté d'une longue chevelure blonde à ses lèvres. Muette, Reikan ouvrit les paupières pour dévoiler l'éther de ses pupilles, dont la profondeur rivalisait avec celles de ses parents. Et elle se laissa guider face à ces deux inconnus, dans un cadre lui étant totalement étranger... un village.
« Où suis-je? »
Dernière édition par Yasei Reikan le Dim 20 Juin 2021 - 2:05, édité 15 fois
Les bras croisés et adossé à l’une des poutres principales qui maintenaient la bâtisse, Aditya dardait un regard mêlé de suspicion et de compassion à leurs invités. Il se refusait à s’approcher de la blessée, afin de laisser toute l’intimité nécessaire à cette famille qui n’avait pour seule intention que celle de panser les plaies de leur enfant meurtrie. Mais alors qu’il couvait Kannon d’un regard protecteur, quelque chose attira son attention ; une aura verte et limpide, dont les éclats lumineux s’échappaient sur chaque objet métallique que comptaient la pièce. Un murmure de surprise se répandit dans les rangs des villageois qui avaient pénétré la pièce afin d’étancher cette soif de curiosité, animée par la venue d’étrangers dans leur paisible village. Un air estomaqué prit place sur les traits fins du blond alors qu’il était à même de reconnaître la prouesse que démontrait la mère de famille. S’il avait eu l’occasion d’être témoin de choses similaires lors de ses voyages au sein de pays régis par les lois shinobis, la médecine ninja et l’usage du chakra curatif demeurait pour lui le plus grand des mystères.
Il échangea un regard avec sa mère d’adoption, dont les prunelles d’encre retranscrivaient tout l’étonnement qui s’était éprit d’elle à cette vu mystique. Bien qu’il ait parfois évoqué le sujet avec elle lorsqu’elle le lui avait demandé, il n’avait jamais été dans de tels détails. Aditya hocha brièvement la tête, afin de la rassurer sur un tel pouvoir, qui pourrait presque être qualifié de divin dans une contrée aussi ignorante. Mais l’arrivée inopinée d’Asatarō – la dernière personne qu’il aurait pensé pouvoir être intéressé par ce qu’il se déroulait dans cette maisonnée, bien que son faible pour Kannon soit loin d’être passé sous silence aux yeux du blond – fit naître les traits de l’agacement sur son visage. Il lui adressa un regard éprit de cette méfiance naturelle qui l’habitait à son encontre, et lorsqu’il remarqua que le colosse nomade du nom de Ragna lui avait offert une réaction similaire, cette exaspération laissa place à un sourire satisfait. Je vois que le caractère atypique d’Asatarō ne les laisse pas moins de marbre.
Tel un gardien silencieux, Aditya demeurait en retrait tandis que les villageois désertaient les lieux peu à peu, laissant enfin respirer ces visiteurs bienveillants. Il put alors pleinement contempler les myriades de lueurs émeraudes qui s’échappaient de ses doigts fins, en usant de cette mystique puissance qu’était le chakra afin de refermer chaque blessure qui parsemait le corps de son enfant. Et en un sens… Il trouvait cela fascinant. Leur médecine traditionnelle, dont Kannon était garante, était bien loin de procurer de tels effets. Jusqu’où peuvent bien s’étendre les possibilités du chakra ? L’ombre du regret s’installa sur ses traits, l’espace d’une seconde, à la pensée de leurs morts. Mais le regard rassurant de sa mère adoptive chassa ses pensées les plus noires, et l’incita à s’approcher et à apporter son aide à sa façon.
[…]
« On dirait qu’elle se réveille. Aditya, tu voudrais bien aller me chercher un peu d’eau fraîche ? Elle aura sûrement soif une fois remise de toutes ces émotions. »
Relevant son regard du manuterge qui trônait sur le front de l’endormie, le jeune homme adressa un hochement de tête léger à son encontre. Ses pas calmes résonnèrent sur le plancher jusqu’à son retour, à la seule différence que cette fois-ci, il tenait une cruche en terre cuite entre ses paumes, ainsi qu’un plus petit récipient s’apparentant à un verre. Alors qu’elle remontait les manches de son haori d’une main, Kannon retira le linge blanc et tâcha de l’immerger dans le bassin d’eau froide trônant à ses côtés. Doucement, et avec méticulosité, elle le pressa entre ses doigts fins. Ainsi dépourvu de tout liquide superflu, l’adulte vint éponger le visage et la nuque de cette tigresse en sommeil afin d’éviter que toute fièvre ne vienne empoisonner son organisme qui avait, à cette heure, grand besoin d’accalmie. Quelques grognements annoncèrent la fin de la torpeur qui assaillait l’inconnue, laissant un soupir de soulagement frôler les lèvres de la femme. Ne t’en fais pas, tu es en sécurité ici.
D’un geste entretenu par l’habitude, Aditya laissa s’écouler une portion d’eau fraiche au sein du verre alors que ses pupilles pétillantes d’intérêt, dirigée vers l’ébène, tranchaient avec l’indifférence de son expression. Quant à Kannon, elle, elle fut alertée par quelques chocs et bruits divers à l’entrées qui ne pouvaient qu’être gage du retour du duo de nomades. Elle s’éclipsa en laissant glisser une paume aimante sur l’épaule de son fils, une caresse qu’il gratifia d’un regard accueillant.
« Où suis-je ? »
Pour la première fois, les pupilles azur et myosotis se dévoilèrent l’une à l’autre. Devant l’air intriguée qu’affichait l’inconnue, Aditya glissa l’une de ses paumes sous sa nuque afin de la surélever, tandis que de l’autre main, il approchait la petite tasse en bois de ses lèvres. D’une voix taciturne, il répondit à ses interrogations.
« Dans le village d’Ensō. Au sein du Pays du Bois. »
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Dernière édition par Aditya le Lun 30 Sep 2019 - 18:22, édité 2 fois
[invisible_edit]Les iris de la jolie brune s'alignèrent après plusieurs secondes, comme si elle venait de retrouver la lucidité perdue durant son sommeil. Plusieurs points furent d'ailleurs la cible de son regard perçant, cette dernière essayant tant bien que mal de décrypter le nouvel environnement qui l'entourait ; planches du plafond, noren posant frontière entre intérieur et extérieur, lampes de papier... Jusqu'à ce que ses oreilles perçoivent les dires du blondinet à ses côtés. Bien que toujours allongée, ses yeux tombèrent droit dans ceux de cet inconnu, qui était en train de glisser ses doigts sous sa nuque. Qui est-ce? Un village... au Hayashi no Kuni? Mais je croyais que... Son attention fut détournée par la tasse de bois proposée à ses lèvres déshydratées, qu'elle s'obligea à ne pas refuser, tant sa gorge était nouée par la sécheresse et le goût ferreux du sang. Quelques gorgées eurent vite suffit à la débarrasser de toutes ces mauvaises impressions, alors que les souvenirs de ces derniers jours lui revenaient en tête. [invisible_edit]
Si la féline se servit de sa sénestre contre le plancher sec de la pièce pour essayer de s'asseoir, sa dextre vint directement trouver refuge contre l'une de ses tempes. Où sont-ils? Et puis, cet ours... Très vite, les fins doigts de sa main droite s'empressèrent de se blottir contre son propre buste, pour ne découvrir que des bandages sous lesquels aucune douleur ne gisait. Bon sang. Mon audace me perdra, un jour ou l'autre... L'inquiétude dans son regard s'envola aussitôt, dès l'instant où toutes ces informations furent correctement assimilées et empilées dans son esprit. Une fois assise en tailleur sur son futon, Reikan planta ses pupilles éthérées dans celles d'Aditya pour la toute première fois ; une fixette courte mais marquante, sur celui qui, sans qu'elle ne le sache encore à cet instant précis, deviendrait l'un de ses plus précieux piliers. Ses iris glissèrent lentement sur ses longs cheveux longs blonds, qui pour le coup, étaient loin d'être anodins pour un homme. Il est... Loin d'avoir extériorisé l'once d'une quelconque gêne vis-à-vis de cet échange de regards, la changeforme maintint sa position pour finalement se racler la gorge.
« Merci d'avoir veillé sur moi jusqu'à présent. Mon nom est... Yasei Reikan. »
Bien que dénuée de ses dorures et ses artifices depuis son repos forcé, la féline n'avait jamais quitté ses boucles d'oreilles acérées et ce qui semblait être une dague particulièrement brillante, accrochée à un collier en tissu ; objet susceptible d'attirer l’œil par sa forme bestiale et le jeu de lueurs improbables qui en émanait. Après avoir délivré son nom et ses remerciements, la nomade esquissa un premier sourire en fermant les paupières, pleine de bienveillance et de bonté à l'égard du blondinet ; à vrai dire, c'était le genre de sourire qui prenait aux tripes et que nul ne pouvait oublier. Un rictus teinté d'innocence et d'espoir, qui donnait envie d'aller de l'avant, peu importe ce qui pouvait advenir. Cette porte ouverte vers un avenir radieux se referma à l'instant où Reikan rouvrit les yeux et bifurqua le regard vers le fin noren qui la séparait du dehors, derrière lequel venait de se dessiner une ombre imposante qu'elle pouvait reconnaître entre toutes. L'expression de son minois fut peu à peu sublimée par un sentiment alliant espérance et fierté, trouvant son paroxysme où Ragna leva d'un bras épais le voile obstruant le passage à la terrasse extérieure.
De sa haute stature et de son étonnante carrure, surplombées par les peaux de bêtes agglutinées contre ses épaules, le père de famille fit son retour auprès de sa fille et de celui qui avait veillé à son chevet. Et bien que ce dernier avait su tenir tête au Lion d'Atlas quelques heures auparavant, il fallait dire que la vue de Ragna ne pouvait qu'évoquer un émoi de grandeur et de robustesse. Réveillée et déjà assise? Décidément, cette gamine. Ses pas, lourds mais assurés, croisèrent la résistance du bois de la pièce, aussitôt suivis de ceux de sa compagne, plus habiles et légers.
« Tu es de retour parmi nous, Rei. Ça tombe bien, nous venons de ramener le repas. »
Tout aussi souriants que leur progéniture, les deux métamorphes s’avancèrent pour scruter l'état de l’alitée qui persistait à ne plus l'être. D'un geste ample, la main de Ragna vint trouver refuge dans la chevelure de sa fille, alors que Shizuka constatait que les bandages demeuraient d'un blanc rassurant. Leurs traits s'apaisèrent alors, transgressant de plus belle la beauté de leur bestialité bien trop endormie ; sur le coup, il était difficile de croire que malgré leur prestance et leur façon de se comporter, de telles personnes pouvaient se transformer en de féroces bêtes sauvages. Mais une telle bulle rassurante fut rapidement agressée par un cri de joie extérieur, suivi de soupirs subjugués ; un cri effarant, assez intriguant pour forcer ceux qui traînaient dans la bâtisse et ses alentours à accélérer le pas. Les deux parents échangèrent un regard à la fois complice et confiant, avant que Ragna n'extirpe Reikan du sol pour l'aider à se relever et à se déplacer. Après avoir lancé un regard à Aditya, dépouillé de toute trace d'animosité, il se dirigea vers le couloir en vue de rejoindre l'extérieur, où la pluie n'était désormais plus qu'un lointain souvenir et où gisait le corps d'un grand élan, source de nourriture assez impressionnante pour les habitants de ce petit village.
Dernière édition par Yasei Reikan le Dim 20 Juin 2021 - 2:09, édité 6 fois
Sa paume d’Aditya se mouva avec solicitude jusqu’au centre de ses omoplates, tâchant de l’aider du mieux qu’il le put à se redresser sans craindre qu'elle n'ouvre de nouveaux ses blessures, bien qu'elles dussent désormais reposer sous le joug de l’irréel. Dans le cas contraire, la fine couche d’onguent que sa mère adoptive avait déposé sous les bandages qui couvraient sa poitrine tâcherait de les prévenir, même si les faits et gestes de la dénommée Shizuka aient sans nul doute effacés toute trace des maux qui avaient parcouru son corps.
Au-delà des brins d’or qui entouraient son visage, il pouvait remarquer les discrètes taches de rousseur qui parsemaient les pommettes de l'inconnue, retraçant le contour de son nez fin jusqu’aux magatamas qui paraient ses oreilles de leurs dorures, seuls vestiges des ornements lui ayant été retirés pour faciliter ses soins. L'espace d'un instant, il vit la terreur s'éprendre d'elle, faisant écho à ses doigts se refermant sur le tissu qui recouvrait son torse – et pourtant, ce sentiment ne fut que passager, se refusant à réclamer le contrôle de ses traits au profit de la sincère reconnaissance qui s'y installait. Son regard revint se loger au cœur des ambres dansantes de l’inconnue, teintés d’une ombrageuse couleur myosotis tranchant avec l’azur franc de ses propres prunelles. Ses paupières se plissèrent, brièvement, avant que l'éclat d'une voix nouvelle n’emplisse les lieux de ses ondes chatoyantes : un écho auquel il répondit, en refrénant l'ombre d'un sourire serein.
« Aditya. »
Le son de ses paroles s'évanouit dans l'innocence du sourire qui illuminait le visage de la brune, tandis qu'il omettait de répondre à ses remerciements ; il s'agissait d'une seconde nature de venir en aide à ceux qui en réclamaient le besoin, tant pour lui que Kannon. Bien qu'à sa différence, le blond ne l'accordait qu'à ceux pensant la mériter.
Sa poigne se referma avec délicatesse sur le verre d'eau désormais asséché, l'écartant du chemin de la jeune femme. Son attention glissa l'espace d'un instant sur la dague maintenue autour de son cou avant qu'une ombre imposante ne la recouvre, trahissant la présence d'une silhouette autre que les leurs ; celle de Ragna, le chef de leur « meute », si tant est que l’on puisse nommer leur groupuscule ainsi. Son regard vint le saluer avec la même indifférence qui imprégnait chacun de ses gestes et paroles, bien que présentement, l'éclat amusé qui s'était éveillé au sein de ses iris lors de son échange avec Reikan semblait avoir disparu. Derrière son imposante stature, il lui sembla discerner les mèches rousses de sa compagne, dont les mots s'adressèrent directement à sa progéniture.
« Tu es enfin de retour parmi nous, Rei. Ça tombe bien, nous venons de ramener le repas. »
Bientôt, tous deux furent agenouillés à ses côtés, forçant l'adolescent à se redresser à son tour, le tissu ocre de sa toge légèrement usé par le temps trouvant une compagnie rassurante auprès de l'un des murs porteurs. Ses bras revinrent se croiser sur son torse, bien qu'il ne demeurât qu'à une enjambée de la jeune femme, afin de laisser tout le loisir à ses proches de s'enquérir de son état, par pur respect et courtoisie. D'une œillade, il avisa l'extérieur de leur bâtisse, cherchant la silhouette de sa mère adoptive éclipsée au réveil de sa patiente. Un fin sourire vint peindre ses lèvres lorsqu'il la vit, traversant l'allée secondaire, ses mains portant avec fiertés quelques plantes et fleurs médicinales.
Pour autant, ce ne fut que lorsque l'expression de Kannon fit écho aux paroles de Shizuka qu'il ne comprit véritablement leur sens : il vit les traits du visage de sa mère se muer sous le joug d'une franche surprise, rapidement suivie d'une mélancolie si bien dissimulée que peu d'habitants à l'exception d'Aditya sauraient le défricher de sa compassion naturelle. Le repas ? Ne me dites pas que... Des hurlements se mêlèrent aux bruissements de la forêt, poussant son attention à se retrancher sur les deux adultes de la pièce : Ragna lui adressait un regard dénué de sa colère passée, et semblait faire abstraction des cris qui avaient percé le silence. Ses sourcils se froncèrent au rythme de ses pas rejoignant les battements de ce capharnaüm, le guidant jusqu'à la place principale du village où trônait désormais la carcasse d'un élan majestueux.
Lentement, et avec résignation, Aditya rejoignit l'animal, dont le flanc percé par des morsures trahissait les marques d'un affrontement avec d'autres habitants de la forêt, qui ne partageaient certainement rien de commun avec ceux du village ; il s'agissait d'un cycle naturel, poussant les bêtes à s'entre-tuer les unes les autres – ou tout du moins, ce fut ce qu'il lui semblât, à ce moment précis. A en juger par ses bois érodés par le temps, il devait certainement s'agir d'un adulte en pleine fleur de l'âge, ce qui laissait supposer bien des choses en ce qui concernait l'animal ayant pu le vaincre. Pour autant, il ne passa pas plus de temps à s'en enquérir, préférant accorder une œillade à l'enfant qui ne cessait de pleurer, vraisemblablement choquée par un tel spectacle. Il s'agissait d'Unmei, un garçon encore beaucoup trop jeune pour assister les plus vieux à la chasse lorsque celle-ci se trouvait nécessaire à leur survie ; après tout, il ne venait que de fêter son sixième été, quelques jours avant le début des odes mortuaires.
D'ordinaire, leur peuple évitait autant que possible d'en venir à tuer un habitant de la Forêt Millénaire... mais lorsque le froid et l'insomnie attentait à la santé des plus affaiblis, Ensō n'avait pas d'autre choix pour perpétuer le bien être des âmes qui le peuplaient.
D'un geste du menton, Aditya invita l'enfant à s'approcher de lui, une étape bien difficile pour celui dont les jambes flageolaient à la vue de l'élan. Pourtant, il finit par se tenir près de lui, atteignant à peine la hauteur de sa hanche lorsqu'il se redressa. Et tandis que son regard perçant maintenant celui du chérubin, ses pleurs se firent de moins en moins présents, apaisés par la présence de son aîné avec lequel il passait le plus clair de son temps libre, lorsque sa mère cessait de lui inculquer les savoirs qu'ils détenaient sur la forêt qui les entouraient.
« Vois-tu les marques sur son flanc ? », intima-t-il à son attention. Devant le hochement de tête de l'enfant, il poursuivit. « Ce sont des morsures animales, signifiant qu'il s'est battu contre plus fort que lui et y a perdu la vie, comme cela devrait naturellement se produire sans notre présence. Ne te sens pas triste à l'idée que le monde s'écoule tel qu'il devrait le faire ; même dans la mort, il trouvera une utilité à nos yeux et à ceux de la forêt, comme elle l'a toujours fait. », sa main vint se glisser sur la joue d'Unmei au travers de ses boucles brunes, un geste se voulant être réconfortant alors qu'il était ainsi frappé par l'irrémédiabilité des choses.
Il vit l'enfant sécher ses pleurs et entourer sa cuisse de ses petits poings, tentant de trouver la chaleur d'une embrassade pour calmer les pensées moroses s'insinuant dans son esprit. Et à cela, Aditya y répondit avec une certaine compassion, caressant ses cheveux puis son dos afin de le rassurer du mieux qu'il le put. Le temps viendra où il devra accepter les règles érigeant ce monde, mais pour l'heure, le blond tâcherait de le laisser s'abandonner à son ignorance autant de temps qu'il le pourrait afin qu'il profite de son innocence le plus longtemps possible. Du coin de l’œil, il crut apercevoir l'air intransigeant d'Asatarō s'échouer sur leurs deux silhouettes.
Et tandis que Kannon observait la scène, à quelques mètres de l'entrée du village, son attention y fut attirée indéniablement, comme poussée par une présence illusoire ; une présence qu'elle ne semblait pas avoir remarqué jusqu'alors, mais qui semblait avoir été à ses côtés depuis le retour des deux métamorphes. Ses talons firent volte-face, laissant ses prunelles noires d'encre darder la silhouette d'un homme à la chevelure de feu. Il ne lui semblait jamais avoir vu les traits de son visage, bien qu'ils partagent une singulière similitude avec les trois âmes hébergées plus tôt dans la soirée. Aux lueurs des flammes inhibant les torches du sentier, ses iris abandonnèrent la surprise qu'ils avaient couvé jusqu'ici, laissant sa voix prendre le relais de sa stupeur.
« Qui êtes-vous ? »
Peu à peu, à l'entente de la voix de sa mère, le regard d'Aditya s'échoua sur l'inconnu à son tour, tiraillé par les rémanences de crainte qu'il pouvait sentir danser dans le cœur de ses compagnons.
Pour la seconde fois, les terres d’Ensō venaient d’être foulées par les pas d’un étranger.
Réminiscences sylvestres ft. Yasei Reikan & Aditya
La voix surprise et empreinte d'une crainte bien légitime de la villageoise avait sonné le clairon de l'alerte. Les quelques autochtones présents sur les lieux s'étaient retournés vers lui. Il eut la sensation d'être un intrus, foulant de ses pieds d'impie un territoire sacré - ce qui était peut-être vrai, au final, au vu de l'allure des habitants des lieux. Au moins aussi atypiques que leurs bâtisses qui semblaient jaillir des arbres, ceux-ci ne ressemblaient en rien aux paysans qu'il croisait habituellement lors de ses escales. Leurs accoutrements, leurs coiffes, étaient très caractéristiques. Bien plus que ne le serait jamais un hanten rapiécé de commerçant du grand continent.
Pourtant, son flair - grossièrement dit - ne l'avait pas trompé. Il ne s'était pas égaré tant que ça, puisqu'il pouvait apercevoir les silhouettes des siens, mêlées au groupe d'indigènes, et débarrassés de leurs lourdes capes de fourrure. Sans doute s'étaient-ils installés. Ce simple fait suffit à conforter le grand roux, malgré les oeillades insistantes dont il était la cible.
Bien insouciant, il s'avança donc, en laissant son bô reposer contre l'un des montants de l'arche qu'il venait d'emprunter, pour s'avancer jusqu'à ce qui semblait être un repas qui n'attendait plus que lui. C'est avec son habituel sourire rayonnant qu'il s'adressa à la dame qui l'avait « reçu », sans pour autant s'arrêter, comme s'il était déjà chez lui.
« Je suis avec eux, dit-il en désignant ses parents d'un geste de la main.J'ai juste pris un peu de retard, et cette forêt... elle ne m'a pas aidé à les rattraper. »
Du coin de l'oeil, Kaname perçut le regard interrogateur de sa mère. Pour y répondre, il se contenta de se défaire de ses lourds gants et de son manteau de peau. Ses poings rougis - même bleuis par endroits - et les quelques traces rouges discrètes qui tâchaient sa tunique firent office d'écho à ses songes. Tout faisait sens, au final. Ils s'étaient séparés au moment où Reikan avait été blessée par l'ours qu'elle avait pris en chasse. Ta fougue te perdra, mon fils, s'était-elle dit. Pourtant, sa voix ne se fit pas messagère des remontrances qui se bousculaient au bout de sa langue. Elle savait qu'il y avait quelqu'un d'autre qui s'en chargerait, peut-être trop sévèrement - et ainsi, elle ne souhaitait pas accabler son fils aîné plus que de raison.
Cette personne ne se fit pas prier.
« Tu n'aurais pas dû quitter le groupe, Kaname. Essaierais-tu de te faire tuer ?siffla Ragna, dont le calme n'était que façade, annonciateur d'une tempête qu'il se garderait bien de faire tonner en ce village paisible perdu dans les bois. - Je suis vivant, commença Kaname, avant de se raviser.»
Comme d'habitude, il se contenterait d'écouter, de tempérer ses ardeurs. C'était ainsi depuis toujours, et malgré l'âge, il ne jugeait pas bon de sérieusement s'opposer à son paternel. Sa colère était légitime, et même s'il l'infantilisait, il ne pouvait vraiment s'en étonner. Son insouciance jouait en sa défaveur. À défaut d'entrer dans le moule que son père lui avait prédestiné, il se contenta de faire semblant, une fois de plus.
À l'exaspération toute relative se succéda le soulagement, instillé par la vue de sa soeur cadette dans les bras de son père, consciente et vivante. Ce poids que l'on ôtait de ses épaules lui fit l'effet d'un élan rafraîchissant, bien plus agréable que celui de la bise froide et mordante qu'il avait affrontée pour faire face à son assaillant quelques jours plus tôt, sur un coup de tête.
Précautionneusement, il s'agenouilla ensuite, près de l'élan mort qui reposait sur le flanc, en plein milieu de l'attroupement. Il devina d'ailleurs, sans faire preuve d'une fulgurance exceptionnelle, que la bête était à l'origine d'un certain malaise, à la vue de ce petit garçon qui s'était réfugié dans les jupons de son aîné. Sa lourde dextre longea l'ultime blessure, creusée à même le pacifique herbivore, mue d'une compassion presque religieuse. Nous te ferons honneur, se dit-il alors, les yeux plongés dans ceux sans vie de l'animal fatalement vaincu.
« Si vous avez besoin d'aide pour le transporter dans un lieu plus adéquat, vous pouvez compter sur moi, lâcha-t-il, sur le ton de la proposition bienséante.»
Pourtant, il ne comptait pas laisser la majestueuse bête traîner à même la terre, d'autant plus qu'elle causait l'émoi des plus jeunes pousses qui semblaient tout ignorer de l'éternelle loi du plus fort, qui régissait leur monde depuis la nuit des temps. Dans la mort, elle méritait tous les égards, et ne saurait être négligée et gâchée. Son trépas permettrait aux vivants de perdurer, comme le voulait le cycle de la vie.
[invisible_edit]Si la surprise avait été au rendez-vous pour la plupart – ou plutôt, la totalité – des villageois, la Tigresse blanche s'était contentée de satisfaire son allégeance à un stoïcisme des plus purs. Debout sur la terrasse de bois, qui dominait en reine à l'entrée de la demeure de Kannon, Reikan ne participa que par sa silencieuse présence à la découverte des dépouilles animales, futurs repas pour la famille de métamorphes et pour les plus courageux de ces oubliés de la forêt. Malgré tout, l'arrivée tardive de Kaname lui permit de rester accrochée à la réalité, de laquelle la féline avait été happée de force il y a de cela à peine quelques heures. La Fille du Vent voulut laisser s'égarer un sourire sur ses lèvres à l'égard de son cher frère, mais rien n'y faisait ; la plaie de son abdomen, pourtant refermée, bouffait encore une bonne partie de son énergie en criant ardemment sa souffrance à l'intérieur de sa chair, au creux même d'une cage thoracique encore traumatisée. Une douleur qui lui rappelait sans cesse depuis son réveil son impuissance face au joug compétitif de la nature. La jeune fille n'avait été qu'inefficace ; une inefficacité qu'elle ne pouvait surtout pas se pardonner en tant qu'enfant des bêtes, et encore moins en tant que Fille du Lion.
***
Cette nuit fit retomber un sombre voile de soie sur la voûte céleste, si bien que le petit village d'Ensō détenait désormais la chance de se révéler sous une nouvelle nuit aux yeux de ses visiteurs. Des âmes passagères d'ailleurs bien généreuses, qui s'étaient résignés à ne pas rechigner au partage d'une nourriture presque luxueuse pour les Hommes pour mieux s'intégrer à ceux qui leur avaient tendu la main. Yasei Ragna, aussi fier pouvait-il être, ne pouvait que s'estimer reconnaissant envers celui qui avait permis à sa fille de se reposer sous leur toit. Sur ce qui ressemblait à une place centrale, toute proche de leur gîte de repos, un feu commun était entretenu par différents individus, et ce afin d'assurer la cuisson contenue de la viande réservée au menu. Si de timides discussions avaient su se frayer un chemin entre de simples civils et des métamorphes aguerris au cœur du Pays du Bois, de chaleureux rires commençaient déjà à éclore, au grand dam d'un seul homme parmi tous qui appréciaient enfin cette visite inopinée. Asatarō, et avec lui sa peur viscérale de l'inconnu, n'avaient qu'à mieux se tenir.[invisible_edit]
De tous, Reikan et son père furent les seuls à ne pas se remplir hâtivement la panse, et ce sans même s'être passés le moindre mot. C'était comme si les deux-là attendaient la venue de quelque chose de bien plus important encore qu'un tel repas. Comme s'ils préservaient leurs corps d'une fatalité encore à venir. Alors que le Lion de l'Atlas grognait sa fierté et ses mérites aux côtés des hommes du village, une bière à la main, la jolie brune congédiée de ses parures d'or traditionnelles s'évertuait à ne pas se mêler à la troupe, qui se délectait de la viande sublimée par le brasero. Assise à la terrasse de Kannon avec un seul de ses genoux plié contre le buste, la bestiale avait même atteint un état d'ataraxie partielle, si bien que son regard éthéré ne fit que se promener sur les silhouettes mouvantes et le jeu de lumière dansant qui les animait. Même le ventre vide, la métamorphe parvenait à s'accorder un moment de calme et de paix intérieure. Était-ce donc cette mystérieuse forêt qui lui donnait la force de ne pas troquer une telle accalmie contre une éventuelle fébrilité d'esprit ou de corps?
Dernière édition par Yasei Reikan le Dim 20 Juin 2021 - 2:11, édité 6 fois
Du coin de l’oeil, Aditya avisa la silhouette de sa mère adoptive revenir au sein du groupuscule, comme suivant les pas de la silhouette de l’inconnu qui venait de se présenter sous les traits d’un membre de cette fratrie que le destin avait placé sur la route de l’existence de tous ces villageois. L’enfant du soleil n’était pas étranger, lui on plus, à l’aspect irrémédiable d’un tel événement. Pendant des années, avant même l’apparition de ce gouffre gargantuesque au cœur de la Forêt Millénaire, jamais Ensō n’avait été foulée par la présence d’autrui. Mais en ce jour, teinté de l’arche du changement, il semblait que cette époque devenait révolue ; pour le meilleur pour pour le pire. Aussi, il laissa sa voix rompre le silence pour s’adresser dénommé « Kaname » – s’il devait en juger les paroles du patriarche – tandis que sa paume quittait les cheveux de l’enfant.
« Merci., glissa-t-il en s’agenouillant à son tour. Nous n’avons pas l’habitude de chasser les animaux de la forêt en dehors des rudes périodes de l’année. Les plus jeunes n’y sont pas encore habitués. »
Ses mains se placèrent auprès du flanc de l’animal tandis qu’il avisa Asatarō d’un regard, l’air de sous-entendre fortement de s’approcher pour les aider à soulever la bête. Une requête à laquelle il sembla accéder non sans l’ombre d’un soupir et d’une œillade belliqueuse à cette famille d’étranger.
[…]
Plusieurs minutes plus tard, quand la silhouette de l’adulte s’était empressée de les quitter pour échapper à la compagnie de ceux qu’ils considérait comme une plaie béante au fragile équilibre de leur village, le blond laissait courir son regard sur la plaie de l’animal, ne sachant réellement comment découper ses chairs s’ils devaient prendre en compte les plaies béantes qui avaient, sensiblement, préparé leur travail. Alors, tandis qu’il remontait habilement la seule manche de son sari pour qu’elle ne devienne pas rapidement trempée de sang animal, Aditya laissa sa voix guider les connaissances.
« Je ne vous en voudrais pas si vous excérez son comportement. Il n’a jamais vraiment su comment se comporter avec respect envers ceux qu’ils considère comme des menaces à son égo. », déclara-t-il sur un ton tranchant. « J’ai cru comprendre que vous étiez le frère de Reikan ? », glissa-t-il avec un coup d’œil dans sa direction.
[…]
Bien plus tard, lorsque l'égide de la lune s'était frayé un chemin dans la voûte stellaire et que la fraîcheur et l'humidité de la nuit avaient apaisé les esprits de chacun, les lueurs chaleureuses d'un feu de camp se laissaient aller à illuminer la place de ce village redevenu paisible, loin de la stupeur qui les avaient tous animés plus tôt. Les silhouettes enfantines couraient à nouveau à travers les troncs qui entouraient les bâtisses, en veillant à ne pas écraser les plantations ramenées à la vie par le retour du printemps. Plus encore, Aditya pouvait observer l'attroupement de tous ses membres auprès des flammes, heureux de pouvoir déguster leurs repas avec le plus grand nombre. Si certains pouvaient se montrer timides, ou renfermer, c'était avant tout l'harmonie qui prônait dans l'air de cette Forêt Millénaire qui protégeait toutes et tous des confins du monde.
Alors, tandis que ses doigts se refermaient sur le bois forgé d'une louche baignant dans le plus large récipient qu'un membre du village avait pu dénicher, Aditya se laissa aller à un sourire apaisé, en redécouvrant la vie et la merveille de tant de naturel. Cela avait toujours été ainsi, dans ces terres qui l'avaient vu grandir, loin du malheur des grandes nations. Il avait pu être témoin de la cruauté du monde, et de tant de nouveautés qui berçaient les détours des Roches ou des Nuages.
Néanmoins, lorsque la silhouette de Kaname revint hanter l'angle de son regard, le blond ne tarda pas à remplir le contenu d'un bol de bois verdâtre de ce ragoût concocté par bon nombre d'entre eux, seule façon d'apporter au plus grand monde les bienfaits d'une telle quantité de viande. Et, avec tout le naturel du monde, il la tendit au fils du Lion, l'air avenant.
« Il doit y avoir de la viande séchée non loin de là auprès des flammes, si c'est ce que tu préfères. »
Il attendit qu'il s'en empare, ou non, pour remplir un second exemplaire pour son propre compte. La femme rousse semblait déjà s'être rassasiée, s'il en jugeait le récipient vide à ses pieds, assise non loin de là sur un tronc mué en assise, près de son compagnon.
Non loin de là, les pas souples de Kannon venaient paver le sol frais de la terre, rejoignant le flanc de la tigresse blanche qui avait préféré s'adonner à un moment de solitude, l'esprit certainement empêtré par tant de pensées que le jour n'avait apporté de souvenirs. Pour autant, elle ne manqua pas de s'asseoir auprès d'elle, avisant les couleurs bleutés dont la nuit abreuvait la forêt. Au loin, l'on pouvait même remarqué la présence de cervidés, bien loin d'être épris de la peur de l'homme. Si ce village avait appris à vivre en communion avec la nature, ne revêtant les habits de chasseurs que lorsque l'hiver pointait le bout de son nez, les bêtes semblaient l'avoir compris, elles aussi.
Réminiscences sylvestres ft. Yasei Reikan & Aditya
La bête avait été transportée à l'abri des regards, là où sa carcasse sans vie serait ultimement convertie en ressources pour ceux qui lui survécurent. De sa propre besace, le grand roux avait tiré son couteau à dépecer plus qu'ouvragé, au vu de sa lame raccourcie qui témoignait des nombreux aiguisages qu'il avait subis. Tandis que le blondin étudiait la plaie, visiblement incertain vis à vis de la marche à suivre, le colosse fit la première incision. Au vu de ce qu'il faisait, il comptait simplement désolidariser les muscles de l'ossature, en les gardant les plus intègres que possible.
« Je ne lui en veux pas, soyez sans crainte. Aussi insouciant que je puisse être, je peux comprendre et respecter les remous qui l'agitent; surtout en considérant que je suis l'une des gouttes les ayant provoqués, glissa Kaname, avec un franc sourire.Et oui, je suis son aîné - mais d'âge seulement ! Vous devinerez sans mal qu'elle est d'ores et déjà plus posée et plus sage que son grand frère, conclut-il en s'autorisant un petit rire amusé.»
Pourtant, s'il en riait, le grand gaillard n'en pensait pas moins. Un léger soupir lui échappa, tandis que son attention se recentrait sur la carcasse de la bête qu'ils s'affairaient à dépecer.
···
En retrait, Kaname observait les habitants de cet étrange hameaux niché dans les bois - littéralement -, réunis autour d'un feu et d'un bon repas. Il s'était délesté des épaisses couches de fourrures qui lui avaient tenu chaud lors de sa traversée des terres du Fer, vêtu de sa tunique légère sans manches et d'un simple pantalon de toile pour profiter des courants d'air frais, mais cléments, qui se frayaient un passage dans la forêt qui les entourait. À l'odeur chaleureuse du ragoût se mêlèrent les mille et uns parfums sylvestres qu'il aimait tant, et qui lui avaient bien manqué lors de sa virée dans les tundras gelées et mortes que les siens venaient de quitter.
Malgré ce cadre idéal, sa mine se fit pensive. Ses ambres passaient de son père à sa soeur, qu'il ne voyait point profiter du repas - et pour quelqu'un d'aussi simple que lui, il s'agissait là de drôles de manières, surtout lorsqu'il remarquait que sa mère en avait d'ores et déjà décousu avec sa propre ration. Sa main épousa les formes de sa large mâchoire, glissant le long de ses traits un poil fatigués, tandis qu'il repoussait à plus tard sa réflexion. Son ventre hurlait à la mort, et s'agitait tant qu'il suspectât que l'on puisse voir sa tunique s'agiter; un problème bien actuel, qu'il se fit une priorité de régler.
Le prévenant jeune homme qui l'avait aidé à tirer tous les bienfaits du corps de la majestueuse bête lui tendit son bol, sans qu'il n'ait même à le lui demander, ce qui tira au grand roux un petit sourire en coin. Il l'accepta sans rechigner, mais attendit que son compagnon se serve avant même de se lancer dans ses goinfreries innommables.
« Merci, j'irai me servir plus tard, répondit-il de prime abord au jeune homme. En vérité, il attendrait que les autres en profitent, et se contenterait de récupérer d'éventuels restes - il avait beau voyager, il était bien bâti, et s'était vite rendu compte que la viande était une denrée ponctuelle en ces terres; ce sur quoi il embraya, justement.Votre rapport à la nourriture est plutôt spécial, par ici. J'ai déjà vu des hameaux de Kaze économiser la viande, mais c'était surtout vis à vis de sa rareté: or ici, la nature est verdoyante et plus vivace que nulle part ailleurs. C'est intriguant. »
Aucune forme de jugement ne transparut dans sa voix, et c'était loin d'être surprenant. Il était purement et simplement curieux, piqué dans son intérêt. Son propre rapport à la vie des bêtes était certes spécial, mais il ne s'était jamais interdit de chasser pour subsister, tant qu'il ne gâchait rien. L'aspect de son couteau, précédemment révélé au blond, en témoignait d'ailleurs.
« D'ailleurs, comment vous appelez-vous ? Et comment s'appelle cet endroit ?questionna-t-il, en tirant de l'intérieur de sa tunique un petit cahier et une mine de charbon. Cette petite habitude de tout capturer entre les pages parcheminées de ses multiples journaux remontait décidément à loin.»
[invisible_edit]Si ses pas n'étaient pas tant de velours que ceux d'un prédateur aiguisé par la chasse, cette femme d'âge mûr aux cheveux aussi charbonneux que les siens ne possédait pourtant pas la crainte d'une proie. Lentement, doucement, ses pupilles céruléennes furent arrachées à cet harmonieux paysage où même les cerfs aux bois les plus frêles et abîmés ne ressentaient la peur ; car dès son arrivée, cette fameuse Kannon voulut faire sienne l'attention de la chère Tigresse blanche. Du coin de l'œil, la féline analysa en toute discrétion les vêtements, cette posture, les expressions jusqu'au moindre rictus de cette villageoise qui avait aidé à panser ses plaies, restaurer son souffle après son échec cuisant dans une neige glaciale. Contrairement à ce stupide homme, la maîtresse de cette maison avait fait preuve de générosité et d'empathie, à l'égard d'une adolescente guettée par les ombres de la mort. Yasei Reikan plissa les paupières à sa vue, comme si elle souhaitait exercer un tel regard méticuleux en vue de dénicher le détail le plus curieux qui imprégnait l'apparence de son vis-à-vis ; hélas, cette créature aux intentions et au comportement gorgés de bienveillance ne lui laissait que peu d'opportunités, tant dans sa gestuelle que sa langue, pour soulever un quelconque vice.
Si bien que la méfiance de l'enfant des Bêtes manqua de s'envoler, l'espace d'un instant.
La métamorphe aux éphélides, à la veille de son existence de combattante pour la Brume, baissa les yeux pour les autoriser à caresser les ramures au-devant. Ils jonglèrent entre feuilles mortes, brindilles et écharpes de lichen, afin de mieux rechercher ses mots à la question de son hôte, reine de l'altruisme. Puis, une parenthèse de cils de jais vint clore ses paupières, la plonger dans le noir ; avant de s'ouvrir de plus belle pour porter un nouveau regard sur le monde où les monts enneigés trônaient en maîtres sur le Yuukan. Même au grand loin, Reikan pouvait les apercevoir, eux et leur jugement de grandeur, au-delà de ces arbres résineux. Après telle réflexion, elle répondit à Kannon tout en se redressant légèrement, prête à se relever sur ses jambes éprouvées par l'alitement.
Et pour cause, sa dextre s'était élevée vers son cœur, où se battaient sangs et bandages.
« Ce serait mentir que de dire que tout va mal, vous ne croyez pas? Merci d'avoir fait en sorte que je puisse me remettre de ça plus vite que prévu. »
Reikan leva le rideau de marbre qui rôdait sur son minois, offrant son sourire à Kannon. Nul doute qu'à ce moment-là, la féline était à mille lieues d'imaginer à quel point ses remerciements pouvaient être sincères à l'égard de celle qui avait élevé son plus grand soutien en devenir comme son fils, à l'ombre de ses origines claniques. Mais lorsqu'elle aperçut son paternel se relever du feu, ses traits perdirent en sérénité. Sans mot, sans geste distinctif, elle avait compris que l'heure de la lutte avait sonné pour elle, remuant la folle habitude du combat, de l'effort. Maladie ou blessure, pas un seul n'était en mesure d'empêcher les ahans de Reikan de se réaliser, sous l'impulsion de Ragna. Elle s'appuya sur le chêne du banc et se releva, après avoir salué avec respect Kannon en courbant un peu l'échine.
« Pourvu que cela soit efficace, contre ce qui m'attend. »
Ses pas dévalèrent la neige qui bordait la terrasse de cette bâtisse, pour rejoindre ceux du Lion de l'Atlas dont le déplacement avait su à lui seul faire taire toute sa horde, à la fin du repas. Sous les yeux de jade de Shizuka, devant la posture inquiète de Kaname, la Yasei prit place face à celui que nulne voulait combattre, ni froisser. Tant d'heures qu'elle aurait pu livrer à l'entraînement restaient déjà perdues, toutefois, notre féline ne pouvait se soustraire à cette épreuve sempiternelle. Comme tous les autres jours depuis son plus jeune âge, il lui fallait éprouver ses capacités encore fragiles contre la rudesse de son géniteur, pour les rendre plus robustes, plus vaillantes. Au creux même de l'adversité, c'était là où l'Héroïne de l'Eau avait grandi.
Mais aussi là où elle avait choisi de dresser les pavés de son avenir, pour le rendre plus radieux.