Encore une journée de paperasse, presque paisible, seuls quelques papiers logistiques restaient encore à finir pour le Shireikan.
Encore deux et je pars manger.
Tels furent les mots qui traversèrent l'esprit du gradé, désireux d'en finir avec sa journée, mais surtout de laisser son corps et son cerveau se reposer.
Très calmement, Inja se leva, le regard stoïque légèrement happé par une fatigue, celle de ne rien vraiment faire, celle d'un labeur plus cérébral que physique, une pause était nécessaire et plus que ça, un verre de rhum. Ouvrant les portes de la petite commode disposée à l'arrière de son bureau, sur laquelle étaient entreposées diverses piles de papiers, le Kagai ouvrit en ouvrit la petite porte pour laisser apparaître une compartiment de bouteilles d'alcools et de verre de cristal desquels il se saisit sans plus attendre. Un premier verre, remplie de moitié, pour se donner du courage et réveiller ses papilles encore endormies.
La porte se mit à émettre un bruit court, puis un autre. Quelqu'un toquait.
"Entrez."
Les mots secs du Shireikan furent expéditifs, faisant raisonner sa voix grave à travers la pièce, juste avant que la porte s'ouvre, laissant apparaître un shinobi au visage en partie caché. Un des espions d'Inja, sûrement faire son rapport et apporter les nouvelles fraîches à propos de l'évolution de l'archipel.
"Ah c'est toi. Qu'y a t-il ?"
S'avançant de quelques pas, le ninja effectua une courte révérance avant de prendre la parole, révélant sa voix, celle d'un jeune homme d'une vingtaine d'années, un prodige qui avait rapidement été repéré par le cinquantenaire au début de son mandat, mais surtout, qui avait eu toute l'occasion de faire ses preuves, et ce, à de multiples reprises.
"Shireikan. Vous m'aviez confié de surveiller les côtes bien que ce ne soit pas mon travail de base, pour vous avertir de tout ce qui serait urgent... Un bateau arrive aux abords de la petite bourgade de Minami, au sud de l'île principale de Mizu."
Curieux, Inja ne s'attendait pas à un tel rapport. En effet, il était rare qu'un de ses espions lui rapporte une nouvelle à laquelle il n'était qu'officieusement affecté, la surveillance des côtes étant à l'opposé de l'assignation officielle du shinobi espion.
"Et bien ? Qu'est-ce qu'il a ce bateau ?"
Reprenant après qu'Inja lui en ait demandé davantage, l'homme plia le corps pour se mettre sur un genoux avant d'annoncer la nouvelle.
"Les voiles, Shireikan, ce sont celles du Kaizoku."
A ces mots, le cinquantenaire se figea sur place, restant ainsi pendant plusieurs secondes avant de finalement baisser la tête pour regarder sa main poser le verre du son bureau, tremblante, comme happée par une appréhension qu'il ne lui était pas donné de connaître.
Le Kaizoku.
"Très bien. Préviens les autres espions et le secrétariat que je m'absente durant quelques jours. Que personne ne s'approche de Minami et que les unités de surveillance sur place prennent congés... Vous pouvez disposer."
Le regard dur, Inja se rassit un instant, appuyant son dos de tout son poids sur le dossier, à la limite de faire basculer le siège. Une grande inspiration s'ensuivit, avant qu'il ne lâche un grognement long et puissant, libérant une partie de la haine qu'il était restée enfouie depuis des années. Depuis la dernière fois qu'il avait entendu parler du Kaizoku. Depuis... Qu'il avait quitté son île natale pour partir en quête d'exterminer l'intégralité de ce gang, celui qui avait, trente années plus tôt, lors d'un pillage, massacré des innocents et surtout, sa fiancée.
Voilà maintenant prêt d'une heure que le Shireikan marchait, parcourant les fourrées en coupant à travers la forêt pour éviter d'être reconnu sur l'un des routes menant à la bourgade de Minami.
Son corps avançait d'un pas rapide, vif même, alors que son esprit fonctionnait au ralenti, nostalgique, repensant aux nombreux annéees qu'il avait passé à écumer les mers et pays, rassasiant ses envies de meurtres et de vengeances, réduisant des groupes de bandits et organisation à néant, alors même que les assassins de sa fiancée courraient toujours. Une fois seulement, il était tombé face à l'un des groupes membres du Kaizoku. Et ce jour-ci, il avait tout simplement raté sa quête, s'évertuant à massacrer chacun des hommes présent sur place, plutôt que de chercher à s'informer sur la position du reste du gang à travers le continent. Inja s'en était toujours voulu... Mais aujourd'hui était un jour différent. Les assassins étaient là. Au sein même de l'archipel qu'ils avaient frappé trente ans plus tôt. De retour.
Que ces hommes soient les même que ceux qui avaient proféré le massacre, ou que ce soit simplement les hérités du mouvement, un nouvel héritage du gang qui sévissait des décennies avant, le guerre s'en foutait. Il voulait les faire payer. Mais cette fois-ci, il ne reproduirait pas la même erreur. Il réussirait à se contenir et ferait tout pour dénicher la racine du réseau de bandit. Puis le ferait brûler directement à la base.
Quelques centaines de mètres restaient encore à parcourir pour arriver à la porte du village qui lui était possible d'apercevoir. Au loin, les gardes semblaient avoir quitté leur poste, respectant les instructions données par le Shireikan le jour d'avant. Le jeune espion avait fait son travail et comme d'habitude, avec succès.
La cape de sa longue cape noire cachant en partie son visage, Inja avançait, s'approchant finalement de la route pour s'apprêter à rentrer dans le village.
Les hauteurs des habitations ayant été construites aux abords d'une crique, le Kagai pouvait d'ors et déjà avoir une vue s'ensemble des quelques navires à quai en contrebas, leurs voiles débordant des entre-deux visibles de toits des maisons. L'un des navires en portait une bien plus grande que les autres, plus proche du gris que du blanc, laissant paraître une vieillesse de tissu non négligeable, le vent faisant vibrer dans le ciel un logo noir et rouge qui fit augmenter le rythme cardiaque du cinquantenaire.
A mesure qu'il progressait, Inja pouvait de mieux en mieux reconnaître le sigle, au point qu'après quelques minutes, le certitude de la présence du Kaizoku ne soit plus à prouver. Ces pirates étaient à quai, le pont du navire vide, laissant présager que la plupart des malfrats avaient déjà atteint la ville.
Après un temps en mer, il n'était qu'un seul véritable endroit où les sous-fifres pouvaient s'être dirigé : La taverne.
La question à se poser était délicate. Était-il plus raisonnable d'aller directement au lieu dit, quitte à provoquer un bazar sans nom sur place face à des hommes alcoolisés, ou était-il plus simple de jouer l'audace et finalement s'aventurer directement sur le navire.
Le choix d'Inja aurait été plus simple il y a trente ans. Il se serait simplement empressé d'aller massacrer l'ensemble des gens présents à la taverne. Mais, il le savait, reproduire son erreur passée n'était pas envisageable. Contrôler sa haine était sa seule option.
Calmement, le Shireikan abandonna son bandeau de kirijin à la mer d'un geste, avant de monter sur le navire du Kaizoku.
Pour atteindre la racine en douceur, il lui faudrait s'infiltrer par la base visible et se faire recruter par le Kaizoku.
A peine quelques pas sur le ponton, avant que le bois vieilli se mette à émettre des craquements, laissant un indice de l'arrivée du Kagai sur le navire, alors que quelques matelots pouvaient encore se trouver à bord.
Sans parler, Inja continua son début d'expédition, arpentant durant un moment les lieux, avant de finalement décider d'emprunter les escaliers pour s'aventurer à l'intérieur de l'embarcation, à l'aveugle, alors qu'une faible bribe de lumière réussissait encore à se frayer un chemin jusqu'au bas des marches. Les torches étant éteintes, le Shireikan progressa pour arriver dans un couloir puant de moisissure, juste en face d'une nouvelle porte qui semblait renseigner l'entrée de la loge du capitaine. Autour de lui, des lits sommaires, affaires crasseuses et mal rangées ainsi que des morceaux restants de viande ornaient l'endroit.
De nouveau pas vers la cabine, avant qu'Inja ne pénètre, sans frapper, à l'intérieur de la loge.
Un grincement se fit entendre, alors qu'un homme se trouvait au bout de la pièce éclairée, le dos tourné, en direction du hublot de verre au travers duquel il était possible d'apercevoir le dessous de la mer.
Une voix criarde se mit à percer l'espace, probablement celle d'un homme très âgé qui se faisait déranger.
Qui me dérange ? Vous n'avez pas appris à frapper ?
Laissant un instant de silence, Inja s'approcha davantage avant de finalement prendre la parole, laissant à tour fuser sa voix, roque cette fois-ci, pour venir affronter le contraste sonore des deux hommes.
Quelqu'un que le Kaizoku intéresse.
Ces mots-dits, le vieil homme se tourna sur sa chaise, laissant apparaître un homme au visage vieillie par le temps, arborant de nombreuses cicatrices ainsi qu'un oeil gauche inexistant au dessus duquel rien n'avait utilisé pour le cacher, le faisant arborer un trou béant inspirant le dégoût.
Comment osez-vous vous présenter à moi comme ça ? Je ne vous connais pas et vous feriez mieux de vous en aller si vous tenez à la vie. Le Kaizoku n'existe plus depuis longtemps.
Des dires qui ne convinrent pas au Shireikan dont la seule envie profonde était de massacrer tout ceux qui étaient liés de près ou de loin à ce gang d'antan des mers. L'archipel n'avait pas eu à faire avec le Kaizoku depuis un très long moment, et un retour si soudain ne pouvait rien présager de bon pour Inja.
Comment ça, le Kaizoku n'est plus ? Cette même voile, je la connais depuis trente ans et personne ne peut me sortir une connerie pareille.
Presque choqué par les mots employés, le vieil homme ouvrit les yeux, piqué d'une curiosité particulière.
Depuis trente ans ? Je ne semble pourtant pas vous connaître. On a travaillé ensemble ?
A cet instant, le mission d'Inja commençait réellement. Rien ne devait griller la couverture de la véritable raison de la venue, mais il lui fallait trouver quelque chose de plausible à propos d'un groupement aussi vieux duquel il ne connaissait, au final, pas grand chose.
Vous avez régné sur les eaux de l'archipel. Je vous ai toujours admiré durant ma jeunesse. Mais jamais je n'aurais pensé vous retrouver, après autant d'années.
Se mettant à arborer un sourire, le vieil homme parut satisfait, complètement dupé par les mots doux employés par le Shireikan dont la simple prononciation lui avait retourné le coeur tant il n'aurait jamais pensé avoir à sortir un pareil mensonge. Tout était faux, pire encore, il ne résidait en lui qu'un envie grandissante de toute lâcher pour planter la lame de sa hache à l'intérieur du crâne du pirate.
Disons que c'est un heureux hasard alors. Le Kaizoku est bel et bien de retour. Moi et mes frères, nous avons suffisamment profité des pillages, nous sommes vieux et notre coeur était à un retour aux sources. Je t'annonce, cher admirateur, que nous repartons en mer. Tu es satisfait ?
A ces mots, Inja comprit qu'il avait réussit à toucher les informations qui l'importaient et que la deuxième partie du plan pouvait démarrer.
Je veux partir avec vous. J'ai assez attendu. Vous êtes des légendes.
Le sourire de l'homme ne put être plus grand qu'à cet instant. Son vieil égo, flatté par le cinquantenaire, lui sussura qu'il ne pouvait qu'accepter. Après tout, il était un pirate. Un homme qui était prêt à se sacrifier pour prendre la mer avec lui, ce n'était qu'un pantin de plus à utiliser pour se rendre riche.
Très bien. Attends le retour des hommes, ils sont à la taverne. Ensuite, tu nous suivras jusqu'au repère du Kaizoku où je te présentai à mes frères. C'est eux qui décideront de ton acceptation. Sens-toi prêt, ce ne sont pas des crêmes. Loin de là.
Un rire accompagna la fin de la phrase du vieille homme, se mettant à résonner dans la pièce.
Le temps fusait. Inja avait beau savoir dans quoi il s'était embarqué, il n'était pas possible pour lui de prévoir l'avenir que lui réservait cette quête folle, l'arrivée dans un monde de pirate qu'il ne maitrisait aucunement et dans lequel il n'avait aucun avenir. Tout ce qui comptait ? Les faires payer. Enfin, les duper, trouver celui qui était à l'origine de toute cette mascarade, celui qui avait brisé des vies entières selon pour s'enrichir, s'aidant du pillage et du viol pour assouvir ses ambitions de pouvoir et de maitrise des océans.
Proche du vieux capitaine du navire, Inja patientait sur le pont depuis déjà plus d'une heure, des minutes qui ne lui avaient pas parue si longues. Avec le temps, le cinquantenaire avait prit l'habitude d'attendre, d'être patient, de ne plus se précipiter sur la première cible qu'il devait tuer, mais bien de l'observer, d'attendre qu'elle l'amène au centre de l'essaim dangeureux, jusqu'à la reine.
Ils ne vont plus tarder, tu vas pouvoir faire connaissance avec la famille.
Sans bouger le corps d'un pet, Inja acquiesca lentement d'un hochement de tête, sans jamais trahir à quel point il était envieux de voir à quoi pouvaient bien ressembler ces hommes. Il avait besoin de confirmer les clichés qu'il s'était fait pour portrait au fond de son esprit depuis tant d'années, depuis la fin du long voyage de trente années qu'il avait entreprit sur le continent.
Je ne m'attends que du meilleur venant du Kaizoku.
A ces mots, le vieil sourit de nouveau à pleine dent, heureux de pouvoir compter parmi ses rangs un véritable fan de l'organisation de pirates qu'il avait prit une vie à mettre en place et à entretenir. Mais alors que son entrain montait en flèche, celui ne pu que bondir encore d'un cran maintenant qu'il pouvait apercevoir au loin ceux qu'il considérait comme ses frères, un groupe d'une dizaine de gaillards tous plus jeunes que lui, mais tout de même proche de l'âge d'Inja, aucun qui ne pourrait être qualifié de Jouvenceau d'une manière ou d'une autre.
Les voila ! HAHAH!
Des grands signes de main à leur encontre alors que la distance avec le navire s'amenuisait. Inja allait pouvoir le srencontrer, les observer... En apprendre plus sur ceux qui pouvaient être l'assassin de sa fiancée.
S'approchant de l'entrée du pont du navire, le vieil homme, sourire aux lèvres, se mit à écarter les bras en guise de bienvenue, alors même que les autres matelots arrivaient maintenant sur le navire, le rouge aux joues, bien enjoués par les plaisirs que la taverne avait pu leur offrir, sûrement même bien éméchés.
A cet instant, personne ne pouvait prédire ce qu'il se passerait après ça.
Ouais putain, y'a Edio qui s'est battu, du coup on s'est barré, mais on a bien profité.
Les mots de l'un des hommes furent suivit par de gras rires plus généraux venant de différentes voix, en coeur au bout, puis parsemées après ça.
Et bien mon frère. Je n'en attendais pas moins de vous.“
Ouais, mais du coup faut se barrer, y'a une roturière qui veut appeler la garde.
A ces mots, le vieil homme changea de visage, laissant paraître qu'il était à la fois prêt à prendre le large pour quitter l'endroit, mais aussi qu'à tout moment l'attaque pouvait être la meilleure des défenses. Une état d'esprit possible qui n'enjouait pas Inja, loin de là. S'il s'était infiltré parmi le Kaizoku, ces bandits de nombres d'années, il n'avait pas du tout prévu devoir affronter des gardes de sa propre archipel. Des gens qu'il connaissait, ceux même auxquels il avait donné l'ordre de ne pas surveiller l'endroit pendant son intervention. S'ils reprenaient du service pour régler le problème de la taverne, la couverture du Shireikan pourrait s'en trouver compromise.
Dans un état d'alcoolémie, mieux vaut ne pas provoquer la garde.
La voix rauque perçant l'horizon, Inja venait de caler un froid dans l'assistance, alors que les matelots arrivants remarquaient qu'ils ne le connaissaient pas le moindre du monde. Le plus grand d'entre-eux, le même qui avait prit la parole en premier, et qui paraissait être l'un des leaders du navire, tout comme le doyen, s'avança lentement en silence, avant de prendre la parole, interrogé.
Qui tu es toi ? Qu'est-ce que tu fais là ?“
Préférant ne pas laisser le ton monter, le vieil homme prit la parole à la place d'Inja, sans même lui laisser la possibilité de répondre de sa propre initiative.
C'est une nouvelle recrue. Un fan du Kaizoku depuis des années qui veut nous rejoindre pour faire régner la terreur sur l'archipel. HAHAH !
Si les paroles du vieil homme lui paraissaient assez précises et importantes pour justifier l'arrivée d'Inja dans la compagnie, le second leader ne paraissait lui pas convaincu, arborant un visage aux sourcils froncés qui ne pouvait rien présager de bon quant au futur du Shireikan.
Et toi tu l'acceptes comme ça ? Tu es fou ? On ne sait même pas qui il est.“
La voix montante au fil des mots, l'homme se fit rassurer par le vieil homme aussi rapidement, lui parlant de façon calme et plus autoritaire qu'auparavant.
C'est moi qui l'ai accepté. Tu es contre ça ? Tu veux peut-être l'affronter ?
A ces mots, l'interlocuteur énervé se fit à rire un instant, perdant son sérieux aussi rapidement qu'il était monté sur ses grands chevaux.
On fera ça oui ! Tous les nouveaux arrivants doivent passer par là de toute façon, non ?
Un instant de silence alors que l'assemblée entière se mettait à rire, à part Inja qui ne comprenait pas vraiment tout ce que ceci impliquait et pourquoi il devrait se battre contre l'un des hommes du navire.
Allez, partons d'ici. On réglera ça plus tard.
Ce mots-dits, l'assemblée bougea rapidement de position, tous les matelots partant dans un réflexe rapide à leurs postes respectifs, certains aux voiles, d'autres aux noeuds, tandis que les derniers descendaient les escaliers, sûrement pour préparer du matériel.
Il était temps de partir. Quitter le port et voguer au gré du vent. Voire peut-être même, rentrer au QG du Kaizoku, chose qu'Inja attendait plus que tout au monde. Il voulait en savoir plus sur le collectif et surtout, trouver les salauds qui avaient assassinés sa fiancée, trente ans plus tôt.
Voilà maintenant un moment que le navire avait quitté le port, plusieurs heures, assez de temps pour laisser les matelots prendre leurs aises, laissant le batiment se faire porter par le vent, alors que la destination finale était encore inconnue de la connaissance d'Inja.
Oui.
Le cinquantenaire ne savait ni où il était dans la mer, ni même vers quel endroit les membres du Kaizoku étaient en train de l'emmener, où ils allaient, ce qu'ils avaient prévu dans le futur.
Le regard dur perçant l'horizon, Inja restait stoïque, réfléchissant à la façon dont pourrait se finir l'épopée dans laquelle il venait de se lancer, alors même qu'il était partit sans prévenir personne, sans donner une seule raison valable de son absence, aucunes instructions, aucuns moyens d'action en cas de problèmes au village de Kirigakure no Satô. Evidemment, il avait toujours donné du pouvoir à certains des hommes proches de lui, leur laissant la possibilité de diriger en cas d'absence de sa part. Mais pourraient-ils vraiment prendre les choses en main en cas de nouvelle attaque ennemie ? Non, ça, ils ne le pourraient sûrement pas. Et pour cette raison, le Shireikan ne devrait pas rester en mer trop longtemps, juste ce qu'il faut, juste ce qu'il sera nécessaire pour trouver les salopards recherchés depuis tant d'années.
Alors qu'il était toujours dans ses pensées, le vieil homme s'approche de lui par derrière, venant sur ses flancs s'appuyer contre le rebord du bateau.
C'est maintenant que l'aventure commence gamin.
Il venait vraiment d'appeler Inja „gamin“, chose qu'il ne pouvait se permettre qu'en statut de doyen des lieux, et surtout, en tant que celui qui l'avait accepté parmi leurs rangs.
Quels sont les plans ? On va quelque part de précis ?
A ces mots, le Shireikan ne s'efforca pas de cacher l'appréhension qu'il avait du voyage. Il lui fallait un but, quelque chose à atteindre, une raison de naviguer. Ce à quoi le vieil homme ne voulu pas répondre, laissant le cinquantenaire baigner dans un flou qu'il ne pouvait pas dissimuler.
On se laisse aller. Tu le verras bien assez tôt.
Un moment de silence avant de reprendre.
Je m'appelle Daizo, et toi matelot ?
Dirigeant son regard en direction du vieil homme qui venait de se présenter, Inja répondit assez vite, sans même réfléchir, utilisant un nom aléatoire qui lui venait à l'esprit, dont la consonance ressemblait beaucoup à son véritable, sans même qu'il n'y prête attention.
Shinja. Kai Shinja. Est-ce vraiment important ?
Important ? Bien sûr, tu fais partit du navire maintenant, tu ne vas pas rester dans ton coin. Le Kaizoku est avant-tout une aventure de partage.
Daizo se retourna alors en direction du milieu du navire, avant de se mettre à crier dans la joie le nom de celui qui venait de renflouer ses rangs.
Hey les mecs ! Le nouveau s'appelle Shinja, ce soir, on fête ça.
La voix retentissante dans l'immensité des flots, chacun pu très distinctement entendre les mots proférés par le vieil homme, et surtout la déclaration qui l'accompagnait.
Ce soir, la fête commencerait. Des festivités pirates qui avaient toujours été réputés, le tout faisant partit d'une tradition Mizujin qu'il était de coutume de garder et de perpétrer. L'alcool, ce doux breuvage.
D'un hourra collectif, le navire se mit à trembler, nourrit par une ambition générale de faire vibrer le batiment, chacun y trouvait son compte, et tout le monde serait présent ce soir pour fêter l'heureux et rare évènements de l'arrivée d'un nouveau membre au sein du collectif du Kaizoku.
Mais alors que tout le monde parait enjoué, l'homme qui avait plus tôt émis des doutes sur le port s'avança à son tour, le sourire au lèvre, commençant à enlever sa chemise encrassée par des semaines de labeur, sûrement jamais lavée.
Shinja. Chez nous, il est de rituel qu'un combat précède la fête. J'espère que tu es prêt.
A l'entente de ces mots, Inja se retourna à son tour, observant l'homme qui se plaçait au milieu du pont du navire, le regard carnassier trahissant son envie pure de combativité et de sueur. Il jeta d'un geste son vêtement avant de saisir la lame qui se trouvait à sa ceinture, la faisant tournoyer de plusieurs gestes fluides et maitrisés.
Sans même un mot, le cinquantenaire releva le torse pour commencer à descendre les marches, l'approcher, tout en se préparant au potentiel combat qui allait commencer.
Et bien. Même pas un mot, le mec s'avance sans broncher pour battre. Sans demander plus d'explications. J'aime bien ça, tu as du cran.
Le regard puissant du Kagai de deux mètres fusa dans la direction de l'homme. Il savait qu'il ne lui faudrait pas utiliser la grande hache de combat attachée dans son dos, cachée par l'immense cape de noire dont il était habillé.
Sans même demander son reste, Daizo détacha le sein de sa ceinture, pour l'envoyer dans la direction d'Inja, dans l'espoir de la faire retomber à ses pieds pour qu'il la ramasse. Chose qui fut éludée alors que le Shireikan se mit à tourner sur lui même rapidement pour saisir le manche du sabre qui fusait dans sa direction.
Le mouvement surpris plus d'un matelot, dont certains ne se retinrent pas de lâcher de petits cris d'étonnements, sans non plus trop en faire. Juste assez pour rendre le mouvement impressionnant.
Hahah, le nouveau a des ressources. Allez, viens, attaque-moi.
L'entrain de l'adversaire qu'Inja se préparait à affronter semblait ne faire que grandir, comme s'il avait attendu ça toute sa vie, ou plutôt, que cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas eu à défier un nouveau, que son attente arrivait à son paroxysme.
Inja se mit à faire tourner son arme à son tour, alors qu'il s'approchait de son adversaire pour se positionner à une distance raisonnable de combat, juste assez pour pouvoir réagir sans trop de problèmes. Après tout, il n'était pas un expert du Kenjutsu, loin de là. Il fallait même dire qu'il n'était pas très bon et que les seules attaques qu'il pouvait se permettre d'executer étaient des similis des mouvements qu'il faisait naturellement avec sa hache de bataille.
Ne soit pas si pressé de combattre...
L'adversaire sentit qu'Inja aurait aimé avoir à mettre un nom à la fin de sa phrase, ce pourquoi il sourit davantage avant de se présenter, tout en accompagnant sa phrase d'un léger pas vers l'avant couplé d'un coup d'estoc facilement contrable.
Taizo, c'est mon nom.
A l'entente du prénom de son adversaire, le Shireikan comprit tout de suite la complicité entre lui et Daizo, ainsi qu'une ressemblance physique camouflée aux premiers abords par les rides du plus vieux des deux frères. Ils n'étaient pas que des amis, mais aussi des frères. Une véritable famille.
Peut-être était-ce là le secret du Kaizoku ? Un collectif dirigé par une famille de bandit ?
Sûrement oui, tout ceci paraissait logique pour le Kagai, mais il n'était pas temps de penser à ça.
D'un mouvement de côté, Inja esquiva le coup d'arme pour finalement s'approcher en assénant un coup de manche au niveau du torse de son adversaire, d'une rapidité qu'il était rare de voir parmi les matelots.
Un pas forcé en arrière, suivit d'une toux grasse. Taizo cracha ses poumons durant plusieurs secondes alors qu'il avait un genou à terre, reprenant son souffle et essayant d'encaisser le coup simple qu'il s'était prit, mais dont la vitesse l'avait, en plus de le surprendre, fait reculer de plusieurs mètres.
Un des matelots commença à s'approcher de lui pour l'aider, faisant à ce moment se lever la victime, qui s'empressa de faire reculer son coéquipier.
Laisse, laisse. Je vais m'en occuper.
Son sourire avait disparu. Taizo n'était plus là pour s'amuser, il n'avait un combat à mener et ferait tout pour ne pas se faire ridiculiser devant ses hommes, quitte à devoir blesser Inja pour montrer qu'il était plus fort que lui et n'allait pas perdre le combat.
Je peux y aller plus doucement si tu préfères.
Une pique venait d'être lancée de la part du Kagai, cinglante, à destination de celui qui venait de se relever, reprenant son sabre bien en main pour se préparer à l'attaquer.
Son regard avait abandonné toute envie de s'amuser, seul résidait maintenant une haine vengeresse, celle d'un pirate couroussé par un mauvais coup de manche sur le torse, un qui aurait pu lui être mortel s'il n'avait pas été asséné par ce côté de la lame.
D'un mouvement du corps, Taizo se mit à s'élancer en étendant le bras qui tenait sa lame dans la direction de la tête d'Inja.
Sans même demander son reste, le cinquantenaire réagit, faisant un pas de côté pour, d'une vitesse prodigieuse, asséner cette fois-ci un puissant coup dans les côtes de son adversaire, juste avant de le voir valser sur plusieurs mètres pour arriver au sol. Se tordant de douleur Taizo semblait quitter la réalité, alors que ses yeux ne lui faisaient plus voir que des tâches de couleurs, tant il n'avait pas été malmené de la sorte depuis un moment.
Arrêtez ça. Il n'est pas de coutume de finir blessé ou mort du combat. Il suffit.
La voix du doyen, Daizo, c'était elle qui venait de se mettre à résonner dans les environs, ordonnant aux deux combattants de s'arrêter, tout en affichant un regard déçu en direction de son frère. Aucune haine à l'égard d'Inja, l'homme savait ce qu'il pouvait arriver, son frère ayant toujours été excessif alors même qu'il n'avait jamais reçu aucune éducation militaire. Entre autres, c'était une des raisons pour lesquelles le Kaizoku avait disparu pendant tant d'années, la relève du collectif familiale n'était que peu efficace. Mais ça, Inja ne le saurait sûrement jamais.
Inja descendait les marches en direction de l'intérieur du navire, là où Daizo lui avait conseillé cinq minutes plus tôt de se rendre. Lentement, il progressait, découvrant une lumière tamisée prenant toute la pièce, changeant l'aspect général qu'il avait eu le loisir de découvrir plus tôt dans la journée, au port, lorsqu'il avait pénétré dans l'illégalité sur le navire.
Dorénavant, tout avait été rangé. Plus rien de trainait, plus de nourriture avariée, d'affaires sales, d'armes au sol. Non, les matelots avaient prit la journée pour tout remettre en ordre et transformer la pièce en une véritable salle de vie, une grande table au milieu sur laquelle des bougies accompagnaient de nombreux mets et bouteilles d'alcool.
D'ici, Inja pouvait distinguer l'étiquette de bons rhums qu'il avait l'habitude de goûter dans son bureau, lorsqu'il était tant pour lui de faire une pause face à la paperasse nombreux qui allait de paire avec sa fonction.
Les cris des matelots prenaient d'ors et déjà la pièce, alors même qu'ils n'avaient pas encore démarré, ils étaient heureux, bien content de pouvoir tout mettre en oeuvre pour démarrer une petite fête de célébration de son arrivée au sein du Kaizoku. Fête qu'il espérait qu'elle se passerait bien, sachant très bien ce qu'il s'était passé plus tôt dans la journée lors du combat.
Au fond de lui, le Kagai espérait que la petite session de combat ne lui desservirait pas et ne changerait pas la façon dont il était perçu par les membres, du moins, pas en négatif.
Mais alors qu'il faisait quelques pas pour s'approcher de la masse, tout le monde l'acclama en criant et riant, haussant leurs voix pour faire résonner un brouaha inévitable dans la salle.
L'un d'entre-eux s'approcha d'Inja en souriant tout en lui adressant la parole.
Le voilà ! Le guerrier ! Acclamez le !
Il fallut bien une vingtaine de secondes avant que tout le monde ne commence à se calmer et à s'asseoir, laissant la place du bout de la table au nouvel arrivant, de sorte à ce qu'il puisse voir tout le monde et d'ors et déjà se familiarisé avec les visages de chacun.
Il ne manquait plus que les deux frères pour démarrer le repas.
Il ne fallaut pas longtemps avant que la porte du bureau du capitaine ne retentisse violemment, laissant passer les deux leaders du navire, deux frères, sûrement de gros paliers dans l'histoire du clan. Taizo semblait cacher des bandages sous sa chemise crasseuse, indubitablement dues au combat qui avait eu lieu plus tôt, mais surtout cachant une ou plusieurs côtes endommagées par les coups féroces du gladiateur.
C'était sûr, l'assemblée avait été surprie, maintenant, les matelos l'accalamaient, fiers de compter parmi eux un membre prêt à combattre en cas de besoin.
S'avançant rapidement en direction de la tablée, Daizo demanda du silence à l'assistance, avant de se saisir d'une des bouteilles fermées se trouvant sur la table et de la lever de plusieurs dizaines de centimètres.
Mes amis, aujourd'hui, nous célébrons l'arrivée d'un nouveau membre avec qui nous irons loin. J'en suis certain.
Débouchant la bouteille avec dextérité et force, le vieil homme laissa se dégager un bouchon de champagne, avant qu'un amas de mousse alcoolisé ne vienne sortir de la bouteille pour aller rejoindre la table, se répandant rapidement alors que l'assemblée se remettait à crier, heureux que pouvoir finalement démarrer la fête.
Un toast à Shinja !
OUAAAIS.
Levant à son tour son verre, Inja imita les autres membres assis à la table, approchant son verre en attendant de se faire servir par Daizo qui balançait la bouteille de droite à gauche devant lui pour laisser couler le breuvage à l'intérieur de chacun des verres, sans jamais arrêter son mouvement.
Décidément, le Kagai n'aurait jamais cru avoir à vivre une pareille chose lorsqu'il s'était réveillé, encore moins en compagnie de certains des assassins qu'il recherchait depuis tant d'années. Son enquête démarrait pleinement, aujourd'hui, il était sacré comme un véritable membre du Kaizoku.
Collectif qu'il se ferait bientôt un plaisir de détruire.
Inja fixait l'horizon, une bouteille de Whisky à la main, réfléchissant tranquillement à ce qu'il venait de vivre. Ce fut pendant de longues heures de festivités à manger et à boire que la plupart des matelots s'étaient égosillés, certains déjà au sol, hors d'état de marcher, bien trop amochés par les événements.
Le sang du Shireikan vibrait à mesure que son coeur battait, il le ressentait, l'alcool lui faisait maintenant un effet qu'il ne pouvait négliger mais sur lequel il possédait encore un contrôle certain. Il savait maîtriser son corps, d'autant plus que les alcools forts étaient pour lui une routine qu'il avait adopté depuis son adolescence.
Quelques bruits de pas se firent entendre alors que Taizo avançait sur le pont du navire, s'approchant d'Inja en boitant légèrement, toujours blessé et gardant des sequelles physiques du combat qui avait eu lieu plus tôt.
S'accoudant aux côtés du colosse, celui-ci entama la discussion.
Je n'ai pas été assez reconnaissant envers toi.
Légèrement surpris, le Kagai restait stoïque, ne laissant rien paraître, avant d'user de sa voix rauque.
Reconnaissant ? Pourquoi ça ?
Un sourire aux lèvres, Taizo se devait d'être honnête.
Tu m'as bien latté tout à l'heure. Ca faisait longtemps que je me prenais pour un immortel. Mais je me rends compte aujourd'hui que ce n'est pas du tout le cas. Nous aurions pu être en plein abordage et toi, mon ennemi, je ne serais plus là aujourd'hui.
Il fallait avouer qu'Inja ne s'attendait pas à une pareille remise en question, bien trop rare chez les pirates, généralement imbus d'eux-mêmes et emplis d'un tempérament à l'épreuve de leur témérité.
Ecoute. J'ai combattu pendant des décennies sur le continent avant de revenir à Mizu no Kuni, mais ça, tu ne pouvais pas le savoir.
Laissant quelques secondes s'écouler, Taizo paru pensif, avant de se tourner complètement vers Inja, l'air grave et solennel.
L'entrainer ? Pourquoi cette demande ? D'où pouvait bien venir cette soudaine envie de devenir un grand combattant, de gagner la force de pouvoir se battre face à des adversaires plus forts que lui.
Que je t'entraine ?
Le Kaizoku reprend du service. Je ne peux pas me permettre d'être aussi faible alors même que mon frère me destine à reprendre les rênes du collectif.
La voilà, la véritable raison de la demande.
Le Kaizoku n'était plus qu'une simple organisation qui avait effrayé l'archipel des années plus tôt, non, aujourd'hui, leurs voiles avaient été aperçues à Mizu no Kuni et ceci n'avait rien d'une coïncidence, non. Les pillards se préparaient à reprendre les eaux, refaire régner la terreur et redevenir l'organisation d'antan.
Okay.
Tournant son regard en direction de la mer, Inja répondait sans plus d'entrain que ça, délaissant l'homme qui se trouvait sur son flanc.
Etonné, Taizo commença à sentir une certaine joir l'emplir.
Okay ? Alors... Tu vas m'entrainer ?
Oui, okay, tu veux quoi de plus ?
Lachant un rapide rire au nez du cinquantenaire, Taizo sentit qu'il devait préciser sa réaction, en expliquer le pourquoi du comment il paraissait aussi intrigué.
Je pensais que tu serais plus réticent, c'est tout. Mais, si t'es d'accord, c'est bon pour moi.
Ces mots-dits, Inja acquiesça de la tête avant relever le buste, ainsi que la main tenant la bouteille de whisky, juste avant d'en prendre une bonne gorgée.
Le crâne d'Inja semblait battre en permanence, lui laissant une impression quelqu'un lui avait déplacé le coeur durant la nuit pour le lui loger directement entre les tempes.
Bon dieu...
Des années, oui, cela faisait aussi longtemps que le cinquantenaire n'avait pas fini dans un état pareil, aussi traumatisé par les grammes d'alcool qui parcouraient maintenant ses veines et lui avaient fait faire des rêves aussi étranges qu'illogiques.
Assis à côté de Shireikan, l'un des matelots avait la tête dans un sceau, ses cheveux longs englobant l'objet de manière assez ridicule.
Hey, ça va ?
Pas de réponse.
OH ! T'es là ?
Dans un mouvement crispé de corps, l'homme en question se mit à bouger la tête, laissant échapper un bruit de déglutissement, avant de lever les yeux à sa droite, à l'opposé d'Inja, puis finalement une seconde fois, dans sa direction cette fois-ci.
Ouaaaaaah. Ma tête.
J'ai cru que t'étais mort.
A ces mots, le Shireikan s'appuya sur ses jambes de sorte à se lever du lit qui lui avait été attribué le jour précédent et à propos duquel il ne possédait pas le souvenir d'être venu s'y glisser.
Les escaliers non loin lui offraient une voie de sortie, bien qu'ils ne soient pas équipés d'une quelconque rampe...
Sérieusement, des pirates, rarement sobres, qui se retrouvaient obligés d'utiliser des marches sans possibilité d'accroche autre qu'une torche accroché au mur... Qui avait-il de plus dangeureux pour un navire ?
Montant les marches, Inja se fit aveugler par la lumière puissante du soleil, tapant sur ses iris alors qu’il soulevait la trappe située sur le haut des escaliers. Son crâne tambourinait en rythme, de façon rapide, à l’intérieur, lui laissant seulement quelques secondes de concentration à chaque réflexion. De façon simple, le Kagai ne pouvait pas se rendre compte de ce qu’il se passait, se rappelant seulement du nombre approximatif de verre qu’il avait pu encaisser la veille. Une dizaine ? Non, plutôt une centaine avant qu’il ne se mette à s’endormir sur place, ayant simplement eu le réflexe de se rapprocher du lit qui lui avait été désigné, pour s’y allonger.
Alors que les yeux d’Inja se faisaient maintenant de plus en plus à la lumière extérieure, celui-ci pu apercevoir une silhouette de dos sur sa droite, en train de regarder l’horizon, immobile.
Nous y sommes bientôt.
Hein ? Où ça ?
C’était sans même réfléchir que le Shireikan s’était empressé de répondre, envieux d’en savoir plus sur la phrase que Daizo venait de lui lancer. Il l’avait reconnu à la voix, ce ne pouvait être que lui, de même qu’en récupérant davantage encore la vue à mesure que les secondes passaient, son dos courbé devenait mieux perceptible encore.
Un sourire amusé sur le visage, le vieil homme se décida à laisser un instant de pause, avant de finalement reprendre pour compléter ses explications.
Eizoterazu. La Grotte Millénaire.
Eizofatae...
Tentant de répéter alors que l’alcool avait encore le dessus sur ses capacités motrices, Inja se ravisait, tournant simplement la tête dans la directement exacte où était figé le regard de Daizo, tout en ajustant sa distance de quelques pas.
Une grande ombre se mit à recouvrir le navire, laissant sombrer une partie du bâtiment d’abord, puis son intégralité.
La grotte millénaire ?
La tête maintenant levée en direction du ciel, le Kagai pu contempler l’immense montagne à l’intérieur de laquelle l’équipage rentrait, amenuisant les possibilités de voir à plus de deux mètres devant soi.
Toujours le sourire aux lèvres, Daizo se mit à lever le bras, une torche dans la main, avant de l’allumer d’un souffle, la laissant s’embraser d’un crachat de vitalité qui surprit le cinquantenaire.
Comment... Comment... a-t-il fait ça ?
La tête tournée en direction du vieil homme, le Kagai fut épris d’une sensation étrange alors même que venait d’observer le doyen de l’équipage user de ce qui semblait être une maîtrise du ninjutsu, tandis que de l’autre côté du bâtiment, certains membres criaient déjà de joie d’arriver dans un pareil endroit, des torches allumés entre leurs mains également.
Qu’est-ce donc que cet endroit ?
Un rapide rire au lèvres avant que Daizo ne se mette à lui répondre, empli d’une fierté à toute épreuve.
Cette endroit ?... Hahah ! Nous sommes arrivés à notre QG !
Ces mots-dits, les deux hommes se mirent à tourner la tête, pouvant maintenant observer des dizaines de balcons construits à partir de cordage, une espèce d’immense structure prenant place sur les murs de la grotte, agissant comme une fourmilière.
A l’intérieur de cette base secrète, ce ne fut pas quelques autres hommes que le cinquantenaire pu apercevoir, mais bel et bien plusieurs centaines de bandits, cachés de la surface depuis des décennies, profitant grassement des trésors et récompenses dues aux pillages d’antan.
Et alors que le navire se mettait maintenant à s’amarrer, Inja pu remarquer trois, non, cinq autres bâtiments accostés dans le port intérieur, prêts à partir à l’attaque du continent à tout moment… Un bon indice du nombre de matelots entrainés aux pillages s’apprêtant à attaquer Mizu no Kuni. A peine quelques semaines, ce fut le temps que le Kagai donnait au Kaizoku avant que celui-ci ne se mette à déferler piller les villages les moins protégés.
Shinja !
Interpellé, le Shireikan se retourna en direction de Taizo qui venait d’émerger de la soute du navire.
Oui ?
Tu vas pouvoir rencontrer nos autres frères. C’est une aubaine pour toi… Nous t’avons déjà accepté, mais je ne sais pas s’ils vont tous t’aimer. Il te faudra faire tes preuves lors des prochains pillages.
Acquiesçant de la tête, Inja n’en avait rien à dire. Tout ce qu’il espérait ? Découvrir rapidement qui étaient ses cibles et en finir rapidement, tout en profitant de réduire à néant le Kaizoku et leur menace sur l’archipel.
Inja attendait depuis un long moment, assis sur l’un des bancs sur port intérieur, attendant que la réunion des deux frères avec les autres chefs du Kaizoku se finisse enfin. Le temps était long, très long, semblant ne plus s’arrêter, tout en forçant le Shireikan à taper du pied, ne sachant pas ce qu’il adviendrait de lui après les concertations.
Mais après quelques minutes supplémentaires, la porte de la réunion se mit à s’ouvrir, laissant apparaître les deux frères du navire, ainsi que trois autres membres, presque aussi âgés que Daizo, un visage similaire.
C’était eux. Les derniers frères. Ils étaient cinq et semblaient former la tête de l’organisation.
Shinja. Tu seras dans mon équipage.
L’un des hommes se mit à s’adresser au Kagai, lui laissant entendre qu’un équilibre des effectifs au sien des navires était nécessaire.
Je m’appelle Keizo, un des six chefs du clan.
Six ?
Inja comprit rapidement qu’il manquait un des hommes, sûrement un homme absent en mer, ou alors… le chef suprême de l’organisation. PLusieurs possibilités étaient à émettre tant le cinquantenaire ne possédait que peu d’informations sur tout le collectif de pilleurs.
Très bien.
Sans contester, le Kagai accepta, faisant naître un sourire satisfait sur le visage de son nouveau capitaine.
Ce soir aura lieu le discours de départ de l’invasion.
De l’invasion ?
Un sentiment étrange se mit à parcourir le corps du Shireikan, lui qui pensait depuis le début que la Kaizoku se remettait en marche pour piller les villages alentours et semer la terreur. Mais… Une invasion ? Que comptaient-ils envahir ? Sûrement pas l’île principale étant donné la présence du village caché de la Brume. Une autre île ?
Non… Quand même pas…
Il n’y avait plus aucun doute pour le Kagai. La cible était la même île qui avait été saccagé trente ans plus tôt. Son île natale.