- « C’est un plaisir de vous revoir, Shuu-sama ! »

- « Réciproque mes p’tits gars ! »

J’eus un rire alors que j’étais entouré d’une dizaine de petits Metaru qui avaient vite fait de s’agglutiner autour de moi une fois qu’ils m’avaient vu passer la porte principale de la demeure clanique. Revoir ces petites bouilles me faisait plaisir. C’était rafraichissant, clairement. Quelques-uns avaient réussi à me faire trébucher en sautant sur moi sans aucune retenue, mais pouvais-je vraiment leur en vouloir ? L’ambiance semblait bonne et ce seul indice me faisait comprendre que Reiko faisait de l’excellent travail en tant que chef de clan. J’avais définitivement bien fait de la choisir pour reprendre toutes mes charges. Mes derniers doutes la concernant se dissipèrent instantanément et même mieux… Définitivement.

Je n’avais plus aucun remord à m’occuper de mon cas.

Ce n’est qu’après une bonne heure que les enfants décidèrent de me laisser tranquille pour aller jouer. Un petit moment de répit qui me permit enfin d’aller voir mes parents et d’échanger longuement avec ces derniers. Ma mère était surtout rayonnante. Voir sa Reiko au toit de Kumo l’inondait de joie et d’un bonheur immense. On pouvait clairement dire qu’elle avait mis au monde des enfants exceptionnels puisque ses deux premiers avaient fini raikage. Mon père était égal à lui-même : Peu prolixe, taciturne, réservé. Mais avec un éclat dans les yeux qui ne mentait pas. Il était lui aussi fier de ce qu’était devenu sa fille ; même s’il ne l’exprimerait sans doute jamais de vive voix. Comme d'habitude.

Le soleil était déjà couché lorsque je pris congés de mes parents pour me diriger vers mes quartiers qui étaient toujours entretenus malgré mon absence. En entrant dans ma chambre, j’eus l’image de Nora qui faisait le ménage avec le sourire aux lèvres. Cependant, je fis vite de l’ordre dans mes esprits avant d’aller prendre un bon bain, non sans un soupir amusé. L’ex-moniale avait décidé de rester dans le petit village côtier dans lequel nous étions pour s’occuper des enfants démunis qui y étaient en attendant mon retour. Ce choix était pour le mieux. C’était peut-être paradoxal vu que Kumo était la ville la plus sûre de Kaminari, mais je la savais plus en sécurité là où elle était actuellement.

Après un bon bain et un repas copieux que m’avait apporté une jeune Metaru, je décidai de faire le tour de la gigantesque demeure de notre clan. Certainement la plus grande de tout Kumo. On pouvait pas faire plus bling-bling qu’un Metaru et nous étions à peu de choses près le clan le plus riche de Kumo pour ne pas dire de tout le Yuukan. Utiliser le kinton pour créer des ryos n’était pas chose difficile, mais le clan avait toujours fait en sorte de ne pas perturber l’économie mondiale. Je me perdis ainsi dans mes pensées, jusqu’à arriver vers un endroit plus ou moins désert qui faisait parfois office d’entrainement. D’ailleurs, sous le clair de la lune, une personne semblait s’exercer à fond, toute seule.

Personne que je me mis à observer silencieusement en m’accoudant à un arbre, non loin de la scène.

- « Eh bien, eh bien… »

Les mudras qu’elle avait effectués trahirent ses intentions. Quand bien même ils avaient été exécuté vite fait, j’avais eu le temps de les voir, de sourire, de concentrer légèrement mon chakra sous mes pieds et d’esquiver tranquillement les petits projectiles qui m’auraient planté si jamais j’avais rien fait. La scène aurait été assez surréaliste pour un civil, mais la jeune femme avait eu sans doute eu le temps de me voir m’échapper du champ d’action de sa technique les mains dans les poches et le sourire aux lèvres. Presque les doigts dans le nez dirons-nous. Un peu snob sur le coup, mais pas de quoi impressionner non plus. Sa technique avait été dans la moyenne. Rien de très puissant.

- « Mes excuses. Je passais par là et je t’ai vu t’entrainer. Pure coïncidence en vérité. »

J’eus un petit rire avant de me diriger, non pas vers elle, mais vers lesdits projectiles qu’elle avait soufflé avec force, précision et maestria. J’en ramassai un avant de l’observer sous toutes ses coutures, tout sourire, avant de constater qu’il s’agissait bien d’une Metaru. De sang, tout du moins. De toute façon, son comportement le prouvait bel et bien. Il n’y avait pas plus belliqueux que les Metaru à Kumo et s’inscrivait dans la lignée de la nouvelle génération qui prenait le pouvoir tant à l’intérieur du clan que sur la scène kumojin et même l’échiquier international. De bon augure pour la pérennité du clan. Il y avait du talent de la force et cela ne pouvait que me ravir. L’avenir promettait.

- « Tu peux me considérer comme un simple vagabond qui se promène un peu partout dans le coin. Continue ton entrainement sans t’occuper de moi, je te pris… »

Je jetai le bris de métal pour me retourner vers elle, toujours avec un sourire doux aux lèvres. C’est à ce moment-là que je remarquai sa joliesse. Ou plutôt son physique agréable à l’œil. Elle était plus bonne que mignonne d’ailleurs. Et assez athlétique aussi. Une Reiko bis ? Probable. Beaucoup ne le savaient peut-être pas, mais j’avais cette faculté à cerner rapidement les gens à un seul coup d’œil. On ne devenait pas chef de clan puis kage sans un minimum de savoir-faire en matière de psychologie. Et puis, c’était également ce qui m’avait valu la réputation d’être le meilleur forgeron du monde et celui de l’histoire entière des Metaru. Un coup d’œil à une personne me suffisait à lui construire une arme lui convenant.

- « Je ne tarderai pas à m’en aller de toute façon. Sois tranquille. »

Et sur ces mots, je sortis un paquet de clopes de l’intérieur de mon kimono noir –surmonté d’un haori floqué des armoiries des Metaru-, histoire de m’en griller une vite fait.

- « Reiko était comme ça quand elle avait pas encore de responsabilités… Que de souvenirs ! »

C’est presqu’avec tout le sérieux du monde que je venais de lui cracher cette impression. En mettant de côté le physique, ce fait m’apparaissait comme évident au niveau mental : Ces deux meufs étaient des pestes. Si Reiko avait fini par se canaliser et ce d’autant plus qu’elle représentait et dirigeait Kumo, celle qui me faisait face semblait être encore dans sa période rebelle. Si on peut dire ça comme ça. Pas besoin de beaucoup réfléchir pour le comprendre. Son regard trahissait également une envie qui semblait la tirailler de l’intérieur : Tester ma force et dépasser ainsi ses limites. Ces jeunes alors… Tellement prévisibles ! Elle plus que les autres d’ailleurs, si bien que j’eus un sourire presque paternel avant de lever une paluche pour la passer sur sa tête que je tapotai comme si j’avais affaire à une sale gosse.

- « Pas d’quoi s’énerver, sinon ! C’est qu’une clope après tout… Et puis, comment les enfants appellent ça déjà ? Un baiser indirect hein… T’es bien une Metaru toi ! Audacieuse comme jamais ! »

Retour à l’envoyeur. En banalisant son acte et en la prenant pour une gamine, je venais surement de la titiller davantage ou même de retourner son propre jeu contre elle. Elle était tombée sur la mauvaise personne à provoquer, d’autant plus que contrairement à ma frangine qui partait vite au quart-le-tour, j’aimais mieux me foutre de la gueule des gens qui me cherchaient ; ce qui était le cas pour la gamine. Mes vieux m’avaient vite fait touché un mot sur elle. Une Metaru sortie de nulle part… J’avais eu une grimace en l’apprenant parce que j’avais instinctivement pensé qu’il s’agissait d’un enfant d’une de mes nombreuses maitresses un peu partout dans le pays, mais l’âge de la petite m’avait rassuré. Impossible qu’il s’agisse de la mienne. Par contre, sa face me faisait carrément penser à l’un de nos cousins lointains…

- « C’est fou ce que tu me fais penser à Asano… La même bouille à peu de choses près… »

J’avais repris un air sérieux en passant ma paluche sur l’une de ses joues, de façon légère et fluette comme si j’étudiais de près ses traits. Et force était de constater qu’elle me faisait vraiment penser à ce vieux con. Mais bien vite, je retirai ma main de son visage avant de fouiller une nouvelle fois mon kimono pour ressortir mon paquet de clopes et m’en griller une nouvelle fois. « Enfin, j’dois me tromper. Et ce n’est pas comme si c’était mes affaires. Le chef de clan est le mieux placé pour gérer ça. » Autrement dit la raikage actuelle. Et peut-être qu’elle menait déjà des investigations dans ce sens. Probable. Pour ne pas me faire chiper ma cigarette une deuxième fois, je finis par me retourner et même m’éloigner d’elle, lentement. La première taffe m’arracha un soupir de plaisir, avant que je ne stoppe finalement ma progression.

- « Partir comme ça serait con, putain… »

Une nouvelle fois, je me retournai de sorte à faire face à la gamine.

- « J’veux bien voir c’que tu vaux et j’suis sûr que c’est réciproque, non ? »

Très vite, j’enchainai quelques mudras avant qu’une dizaine de senbons de foudre ne fusent vers la jeune.

Rien de bien méchant on s’entend, mais de quoi ouvrir les hostilités.

- « J’crois pas une seule seconde à ton baratin ! »

Et là, j’avais commencé à me bidonner comme un bossu. Le rire était assez fort pour être entendu dans une bonne partie de la demeure. Du reste, c’était la première fois depuis bien longtemps que quelqu’un ne m’avait pas arraché un rire pareil. Depuis ma mésaventure à Hi no Kuni en vérité. Oui, depuis ce fameux jour où j’avais perdu ce qui faisait de moi il y a encore un an l’homme le plus puissant de Kumo. Si la gamine avait donc un mérite, c’était donc ce fait : M’amuser grandement avec son petit mensonge digne d’une vraie gosse ! Si elle pensait qu’elle pouvait facilement m’entuber, elle se foutait le doigt dans l’œil et ce jusqu’au coude ! Sérieux, fallait quand même l’faire après son petit numéro avec ma clope, tout à l’heure. Tout ça pour dire que c’était même pas crédible et qu’il n’y avait qu’à voir comment je me tenais le bide, presque plié en deux, en train de me marrer comme un con !

Et ça dura une bonne minute, oui. Une longue et bonne minute !

- « Putain… Pardon… Ça fait tellement longtemps que j’ai pas rigolé de la sorte ! Et ça fait du bien bordel ! »

Sur ces dires, j’avais fini par me redresser avant d’essuyer un coin de l’œil pour me débarrasser vite fait de quelques larmes. C’était à ce point, oui. Parce qu’on pouvait pas faire plus drôle que ça ! Comme l’un de mes nombreux gorilles l’diraient « On apprend pas à mentir à un vieux Metaru », quelque chose comme ça. Oui oui, mes gorilles s’essayaient parfois à l’humour… Même si c’était naze et que ça avait tendance à bien me gonfler en vérité. Mais pour le coup, il n’y avait pas plus vrai qu’un tel proverbe, si on peut le considérer comme ça. Mon souffle reprit et le calme revenu, mes yeux glissèrent inévitablement sur le corps de la gamine… Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle était définitivement une Metaru : Des boobs, mais surtout un gros cul qui appelait à la luxure… D’quoi faire bander n’importe quel Kumojin… Sauf que si elle était réellement une pâle copie de Reiko, j’imaginais pas les râteaux…

- « Écoute, si j’ai sous-entendu que tu ressemblais à ma petite sœur, c’est que je te déteste pas du tout. Tu te fais des idées toute seule, là. Et puis, ce genre de tours, ça prend pas avec moi, petite. Que tu veuilles partir parce que ça ne t’intéresse pas ou parce que tu as peur de te prendre une dérouillée, pourquoi pas, mais de là à inventer des excuses… Putain… »

Sur ces mots, je me remis à fumer sans avoir bougé d’un iota. Là, je venais à la fois de rétablir la vérité tout en la titillant un peu. Les personnes de sa trempe avaient toujours une petite fierté, surtout quand on les traitait à demi-mot de froussards. Je savais pas trop si ça allait porter ses fruits sur le coup, mais au moins, j’avais essayé. De toute façon, il était plus ou moins de coutume que les Metaru se fracassent parfois la gueule… Avant d’aller taper sur les autres. Ou de construire des armes après, comme si de rien était. Ma génération avait peut-être atténué le côté barbare et guerrier qui caractérisait notre clan, mais le sang des Metaru était ce qu’il était : Pacifique ou pas, on finissait toujours par être salement violents quand il s’agissait de baston. Je ne faisais pas vraiment exception en vérité. Mon flegme était parfois un leurre et mes mains étaient couvertes de sang. Un peu trop d’ailleurs.

Pas de quoi m’arracher des remords ceci dit.

C’était la voie d’un ninja. Celle que j’avais choisi d’embrasser comme beaucoup d’autres.

- « Je reste encore ici pendant une demi-heure, si jamais tu changes d’avis. »

Et tranquillement, je continuais de profiter de ma clope.

Si l’arme semblait tranchante, la manière avec laquelle elle l’avait projeté vers moi rendait l’attaque plutôt faible. En vérité, je pouvais même rester immobile et placer un bras pour contrer l’attaque –tout en m’essuyant une blessure plus ou moins profonde- certes, mais je n’avais pas envie. En plus, agir de la sorte reviendrait à faire preuve de foutaises, ce qui ne serait pas pour arranger les choses, déjà qu’elle me voyait comme le diable en personne. J’imaginais même pas ce qui se passerait si je décidais de lui claquer son boule ou de lui peloter ses boobz digne d’une future Itagami en puissance. Tel que je voyais la gosse, elle criserait très certainement et déploierait tout son arsenal pour me faire la peau. Une perspective plutôt amusante, mais puisque nous étions toujours dans le domaine, mieux valait éviter.

- « Bon… »

Je crachai alors le mégot de la cigarette qu’elle avait eu le mérite de « faucher » -elle avait décidément un gros problème avec les clopes cette fille-, avant de déployer mon chakra dans mes pieds pour effectuer une esquive toute simple. Juste un bond en arrière, tout simple. Assez pour éviter la portée de son kusarigama en tout cas. D’ailleurs, c’était une arme plutôt originale. Je n’en avais pas forgé depuis longtemps, plutôt occupé à créer des armes classiques comme des kunais, shurikens et autres senbons du temps de ma superbe. Nostalgie quand tu nous tiens…En plein combat et bras ballants, j’eus même un sourire, avant de me faire la réflexion, un bref instant, que cette gamine avait peut-être un potentiel inexploité en termes de forge. Quant à savoir si elle serait intéressée, c’était une autre paire de manche.

Enfin… On verrait plus tard, si elle m’envoyait pas bouler direct après le combat, ce qui était l’issue la plus probable…

Je finis par hausser mes épaules en vidant mon esprit et fis sortir quelques kunais de l’intérieur de mes poches que je projetai vers la gamine. Cette attaque n’en était pas une en vérité puisque je me servais de l’équipement de base de tout shinobi qui se respecte, surtout pour un Metaru. Néanmoins, je ne m’arrêtai pas là puisque j’inondai une nouvelle fois mes pieds de mon chakra pour foncer vers elle d’une seule et grande impulsion. La charge était on n’peut plus banale et elle le verrait certainement venir comme n’importe quel shinobi de son calibre. Néanmoins, je serai mes poings pendant mon offensive avant de décocher une violente pluie de coups de poings une fois dans son périmètre. Attaques qu’elle avait intérêt à esquiver si elle ne voulait pas finir blessée ou même désarmée si elle tenait à son arme…

- « Holala ! C’est pas bien de me flatter comme ça ! »

J’eus un sourire sincère et les joues presque rouges. J’étais sensible aux compliments qui flattaient pleinement ma virilité et mon égo. Qu’elles soient vraies ou fausses, la jeune femme avait touché une corde sensible qui me rendait plus que joyeux. Oh, soyons clairs ! Elle n’était pas une potentielle cible, même si elle était mon type. Gueule d’effrontée, poitrine fournie, cul à en damner un saint… Autant dire qu’elle avait la totale. Ceci étant dit, elle était toute jeune et faisait partie de ma famille. Itagami avait été l’exception qui confirmait la règle. Et puis, des circonstances très spéciales expliquaient le pourquoi de notre relation. La gamine en face de moi ne risquait pas vraiment grand-chose à ce niveau-là.

Oui, pas grand-chose. Ce qui ne voulait pas dire rien du tout…

Parce que j’avais aussitôt plaqué mon corps au sien, avant d’entourer sa taille de mon bras et de foutre l’une de mes paluches de libre sur l’une de ses fesses que j’avais agrippé. Pas aussi fermement qu’elle cependant, d’autant plus que la zone saisie ne se prêtait pas à la violence. Et quel boule ! Définitivement, elle était bien foutue la petite. Le gars qui la choperait serait grave chanceux, même s’il aurait fort à faire avec son caractère à la Reiko. D’ailleurs, j’étais prêt à parier qu’elle me cracherait à la figure que j’étais un gros porc et qu’elle me détesterait encore plus, mais il fallait dire que j’étais ce qu’on appelait un adepte de la loi de Talion : Œil pour œil. Dent pour dent. Rapport à sa provoc’ de tout à l’heure.

Jouer à son propre jeu et le retourner contre elle était bien plus divertissant…

- « Je dois avouer que t’es autant balèze que bien foutue. Espiègle aussi… Entre tes provocations et le fait que tu aies compris que j’pouvais pas y aller à fond… Je dois avouer que tu m’épates ! Je t’aime bien ! J’aurai fait de toi un monstre si j’avais toujours mon kinton, mais je suppose que ça attendra que je le récupère… C’qui prendra plus bien longtemps d’ailleurs… »

Bien entendu, ma main avait été complètement baladeuse sur la miche que j’avais chopé, histoire de la titiller encore plus, sans compter que mon sourire était toujours aussi étincelant. Si j’avais fini par m’offusquer par son dédain de tout à l’heure, j’aurai pu activer mon armure raiton et ce d’autant plus que le métal était un bon conducteur (malheureusement pour nous), mais je n’avais rien fait de cela. L’idée avait été d’avoir une vue globale sur son niveau et je devais avouer que je n’étais pas du tout déçu. Elle était une Metaru, une vraie et elle avait clairement de l’avenir devant elle. Aussi avais-je fini par dégager mon poing et par lui lâcher le cul tout en me décollant de son corps qui avait été compressé par mes muscles saillants.

- « Je t’offre un verre pour mieux faire connaissance ? J’ai ramené de bonnes bouteilles avec moi de mon voyage, héhé ! »

Je suppose qu’elle allait refuser et se casser pour de bon, mais au moins j’aurai essayé.

- « Je sais pas ce que t’entends par vie perso. Du coup, je ferai mon curieux et libre à toi de répondre ou de partir. Et si t’es uniquement là que pour le kinton, c’est normal que ma sale gueule de vioque t’intéresse pas, hahaha ! »

J’eus un sourire. Et dire qu’elle acceptait mon invitation ! J’aurai bien cru qu’elle me cracherait tout son venin dessus, mais non. A croire qu’elle était quelque peu différente de Reiko. Elle était plus ou moins une peste comme ma sœur, mais elle savait faire preuve de maitrise et de malice. En gros, elle était moins coincée même si j’étais prêt à parier qu’elle avait pas dû kiffer qu’un vieux dégueulasse lui chope le cul comme je l’avais fait. Comment s’empêcher de jouer à son jeu quand elle faisait sa provocante ? Ça avait été plus fort que moi. Œil pour œil, dent pour dent. Toujours !

Là-dessus, je lui fis signe de me suivre d’un petit signe de la main avant de me retourner pour quitter les lieux, tranquillement. Une autre clope fut de rigueur. Oui parce que j’étais fan de la cigarette. Il m’arrivait d’empester le tabac, mais rien de bien méchant. De toute façon, je profitais à fond avant que l’ex-moniale ne revienne et telle que je la connaissais, j’étais plus que sûr qu’elle s’impatienterait et débarquerait à la cité des nuages. L’idée plutôt que de me faire soupir m’amusa carrément. Ça prouverait encore une fois son amour pour moi et rien ne pourrait me faire plus plaisir !

Bien qu’honnêtement, je la pensais plus en sécurité à l’extérieur du village vu les attaques qu’on pouvait essuyer.

- « Alors, elle te plait la vie à Kumo ? Comment tu te sens chez les tiens, si on peut le dire ainsi ? »

J’avais posé la question comme ça, pour faire causette, mais je connaissais plus ou moins la réponse. Mis à part le fait qu’elle me surprenait quelques fois, ce que j’avouais volontiers (comme l’acceptation de ma petite invit’ pour l’exemple le plus frais), je cernais plus ou moins le caractère de la bête. Elle était vraiment marrante et je l’appréciais bien. J’aurai bien aimé avoir une petite sœur supplémentaire qui ne partait pas au quart-le-tour à son image. On se serait surement bien marré comme la tripotée de gamins Metaru qui nous dépassa au pas de course et en riant. Une image qui faisait plaisir.

- « D’ailleurs, tu comptes définitivement t’installer ici ? »

Sur cette question, nous arrivâmes enfin devant mes gigantesques appartements. Privilège d’ex-kage et d’ex-chef de clan. Je fis coulisser la porte avant d’y entrer non sans lui avoir fait signe de me suivre encore sans crainte. Le faste de la pièce qui me servait à recevoir mes invités était éblouissant. Tout le contraire de ma gueule qui faisait plus clochard qu’autre chose. Sur une table collée à un mur se trouvait une multitude de bouteilles de saké. Elles venaient d’un peu partout. Je m’approchai de mes biens, chopai une bouteille qui venait tout droit d’Iwa avant de la balancer vers la gosse.

Des souvenirs de mon voyage diplomatique au pays de la terre !

- « Un grand cru d’iwa. Dis m’en des nouvelles ! »

Et là-dessus, je récupérai pour ma part une bouteille locale et deux petites coupes avant de venir m’installer près d’une table basse, sur des poufs.

- « Fais comme chez toi ! »

Que lui avais-je dis en posant une coupe devant elle au cas où elle ne buvait pas au goulot.

- « A la tienne plutôt. Même si tu ne te sens pas des nôtres, je suis ravi moi que tu sois une Metaru. Ne serait-ce que de sang. »

Coupole de saké ? Au diable ! J’avais finalement levé mon verre avant de me mettre à boire au goulot, sans gêne, comme si de rien était ! J’étais de toute façon chez moi et la gamine devait être pleine de préjugés à mon égard, donc il n’y avait pas de raison que je fasse « le beau ». De manière générale, c’était les meufs qui avaient le souci de l’esthétisme et de l’élégance à outrance. Pour ma part, je m’en fichais carrément ; sans compter qu’elle n’était pas du tout une proie à foutre dans mon pieu. Oh, elle était bien foutue, pile comme je les kiffais et elle avait ce petit air impertinent qui donnait envie de lui faire des choses sales ; mais elle était de mon sang et ça changeait tout. J’ne m’étais pas gêné par le passé avec Itagami, certes, mais les conditions de la formation de notre couple étaient spéciales.

- « Il est effectivement bien, mais c’est clair que c’est pas le meilleur saké qui soit. Goûte un jour ceux qui viennent de Teitetsu. De pures merveilles faites dans les règles de l’art… »

Rien qu’en y parlant, j’avais presqu’un sourire débile et les joues rouges qui allaient avec, comme si j’étais ivre, sauf que ce n’était bien évidemment pas le cas. Je rêvais juste d’une bouteille de cette région-là. Les artisans qui faisaient le saké là-bas étaient assez réputés dans tout le pays et dans quelques nations aux alentours. Je me remis alors à boire à grandes gorgées, avant d’avoir un soupir de plaisir. Ce moment me rappelait mon voyage à Iwa et surtout ma rencontre avec Akimoto. Ce dernier était porté disparu aux dernières nouvelles et les rumeurs allaient bon train là-dessus. D’aucuns pensaient qu’il avait finalement été tué par l’homme au chapeau, mais si ça s’trouvait, le loustic profitait d’une retraite bien méritée à Iwa. Enfin… Là, personne ne pouvait savoir. Du moins, pas moi.

- « D’ailleurs, je suis surpris que tu ne m’aies pas demandé de gouter le saké que je t’ai passé en premier… C’est pourtant de coutume quand on ne connait pas personnellement l’individu qui nous invite, non ? »

Yamiko n’avait bien évidemment aucune raison de penser que je pourrais lui vouloir du mal de quelconque façon que ce soit, mais je m’étais attendu à ce qu’elle soit méfiante à ce niveau-là. Après tout, j’aurai pu glisser un truc douteux dans la bouteille et l’avoir à ma merci, non ? Les invitations à boire étaient-elles l’un de ses points faibles ? L’ancien moi n’aurait pas hésité à l’exploiter à fond en tout cas. L’ancien moi hein… Il paraissait bien loin et si proche à la fois que j’eus un rire, avant de recommencer à boire. Puis, lorsque je fus –déjà- à la moitié de la bouteille, je la reposai sur la table, avant de prendre un air on ne peut plus soucieux, pour ne pas dire sérieux. Une chose me turlupinait dans ses déclarations. Je captais plus ou moins ses approches, mais je me demandais si elle savait tout de Kumo.

- « Dire que ta vie ici te fait rêver serait mentir, mais tu n’as pour l’instant pas l’intention de partir hein ? Ce qui signifie que tu ne fermes pas la porte à un départ, en fait… Maaah… C’est normal d’un point de vue, sachant que tu n’as pas vécue ici et que le clan ne t’a pas élevé. Par contre, si tu te barres en ayant eu un grade intermédiaire ou élevé dans notre hiérarchie, tu risques d’être taxée de désertion. Est-ce que tu es sûre de vouloir et pouvoir gérer ça, si jamais ? »

Et sur le coup, ce n’était pas le membre de son clan qui la questionnait…

Mais bien le traqueur de déserteur par excellence.

- « Supposons que ce soit le cas… »

J’aurai pu lui répondre honnêtement, mais elle m’avait titillé, et Dieu seul sait que j’aimais ce genre de petits jeux qu’elle instillait entre nous deux. Même si elle me détestait cordialement, j’aimais bien cette petite ! On n’avait clairement pas le temps de s’ennuyer avec elle et c’était ce qui faisait le sel de ma soirée. Je pouvais la remercier volontiers de m’amuser autant, même si je n’avais pas cette fois-ci rigolé comme une baleine. Non, là, j’avais juste un sourire enjoué, presque moqueur sur les bords, histoire de retourner son petit tour contre elle-même et voir jusqu’où allait son flegme…

- « Supposons que je te trouve indigne de moi. De mes convenances. Alors ? Il se passe quoi ? »

Sur cette question, je ne me gênai absolument pas pour prendre une autre gorgée au goulot. Je pouvais finir plusieurs bouteilles dans le genre sans être complètement saoul, ayant une bonne descente. D’ailleurs, si un concours se profilait, la gamine risquait de perdre sèchement. Ceci étant dit, sa manière tempérée de s’enfiler ce saké prouvait qu’elle savait se contrôler et faire gaffe à ne pas se laisser aller. Réflexe de sécurité ? Ça en avait tout l’air. Dire qu’elle prenait son temps d’apprécier et savourer le breuvage était plus que faux sachant qu’elle-même le trouvait moyennement bon.

- « Tu vas exploser de colère et tout casser dans mes quartiers ? Ou bien t’en aller en me boudant à l’avenir ? Je suis curieux de savoir ce que tu vas faire maintenant… »

C’était plus fendard comme ça. Remettre en questions ses perpétuelles provocations n’était pas intéressant et j’étais maintenant curieux de voir ce qu’elle allait faire. Exploser réellement ? Botter en touche et se barrer ? Ou bien continuer à verser dans la provocation ? Je voulais voir jusqu’où allait le culot de la gosse qui semblait ne pas avoir du tout froid aux yeux. Tout de même, intérieurement, je saluais la maitrise de ses émotions. Il y avait moyen qu’elle ait un grand avenir dépendamment de ce qu’elle voulait faire plus tard. Pis, je ne voulais pas trop pousser la discussion sur une éventuelle désertion de sa part.

Pas encore…

- « Eh bien… Disons qu’il est trop tôt pour me faire une opinion sur toi en général. On ne se connait depuis qu’une heure après tout… »

On pouvait décrypter plusieurs sous-entendus au sein de ma phrase, mais c’était en tout cas avec un air taquin que je lui avais répondu aussitôt. Ceci étant dit, je l’aimais déjà, cette gamine. Culottée, opportuniste… Elle avait les crocs acérés d’une sauvage qui savait ce qu’elle voulait et qui connaissait le chemin à emprunter pour atteindre ses objectifs. Je devais avouer ne pas détester ce genre de personnes. En fait, mis à part exception notable (Mes pensées s’attardèrent un bref instant sur une certaine doctoresse), j’appréciais ces gens qui assumaient leurs défauts et qui pouvaient parfois même les tourner en force. Ils étaient bien plus vivants que ces personnes lisses qui faisaient en sorte d’être complètement droites et sans aucune imperfection. De gros hypocrites, véritablement…

- « Et puis, qui suis-je moi, pour juger certaines personnes indignes de ma présence ? Je ne suis pas prétentieux à ce point. C’est ce que tu penses de moi, d’ailleurs ? »

Maintenant que j’étais sûr qu’elle n’était pas impulsive façon Reiko, je n’avais plus vraiment d’intérêt à la taquiner comme je le faisais ; même si bien sûr, retourner son propre jeu contre elle était toujours marrant. La gamine devait avoir compris de son côté que je n’étais pas non plus un sanguin de nature. Il était généralement compliqué de m’énerver complètement et il fallait vraiment l’faire pour réussir à me faire sortir de mes gonds. Dans la plupart des cas, c’était pas bon signe pour les personnes en face, sauf si on s’appelait « l’homme au chapeau ». A la pensée de cet enfoiré qui avait hanté mes nuits durant les premiers mois de la perte de mon kinton, je me mis à boire sans aucune modération, comme un gros ivrogne. C’est ainsi que je vidai ma première bouteille. Et elle ne fut pas la seule…

***

- « C’est toujours pareil avec ces jeunes ! Aucun respect pour les ainés ! Comment est-ce que t’veux que j’résiste à une meuf qui met son gros pétard en valeur dans des tenues moulantes ?! Toutes des salopes ! Hic ! »

Je fracassai mon énième bouteille de saké presque vide sur la table basse devant moi, l’air presque colérique et les joues complètement cramoisies. Cela faisait maintenant deux ou trois bonnes heures que Yamiko s’essuyait un homme plus qu’éméché maintenant. Il n’y avait qu’à voir les nombreuses bouteilles vides éparpillées un peu partout autour de moi pour comprendre que j’avais un peu trop forcé sur le saké. J’avais parlé de tout et de rien avec la jeune femme et le sujet était maintenant consacré à l’une de mes plus grandes faiblesses, si ce n’était ma plus grande faiblesse carrément : Les gros culs ! Et là, je me plaignais faussement des jeunes filles qui mettaient en valeur leurs courbes à travers des vêtements extravagants façon péripatéticienne. Et le sujet était tellement large pour moi que je m’y perdais totalement.

- « J’suis sûr que tu dois être également d’ce genre-là, hic ! A foutre des mini-jupes et à remuer l'popotin pour appâter tes proies ! Vous les femmes, vous êtes des succubes ! L'démon incarné moi j'vous dis, hic ! »

Sur cette phrase, cul-sec, encore, avant de jeter la bouteille vide un peu plus loin.

- « Allez, va m'chercher une autre bouteille, gros boule ! Sers à quequ'chose ! »

Lorsque je me suis réveillé, elle n’était plus là. Envolée. Disparue. Normal en même temps. Ma tête était lourde comme une pastèque et mes yeux bouffis trahissaient mon état un peu lamentable et surtout mon manque de repos. Je redressai mon torse avant de diriger mon regard encore flou vers le cadran de la pièce. Bientôt quatre heure du matin quand même, mine de rien.

Une brise fraiche s’engouffra avec force dans la pièce et me fit frissonner. Vu qu’elle avait laissé la porte coulissante ouverte, le coin ne puait pas l’alcool au moins. Une bonne chose. Par contre, j’eus un terrible frisson qui me poussa à lever mon cul de mon siège pour aller fermer la porte principale de mes appartements, histoire de ne pas crever de froid. Les nuits étaient particulièrement fraîches malgré la saison actuelle. Et puis, sans métal, difficile de se protéger convenablement…

Lorsque je me retournai vers l’intérieur de ma maison, tout était sens dessus dessous. J’avais vraiment abusé du saké moi. Il était rare que j’en vienne à me lâcher autant, mais pas le temps de regretter. J’avais pas du tout cette foi, surtout pas à cette heure de la nuit. Je m’avançai alors vers les cadavres des bouteilles vides dans le but de les ranger et de mettre un peu d’ordre, mais en me penchant vers la première, je faillis tomber à la renverse, me rattrapant in-extrémis à un meuble salvateur pas très loin.

Je me redressai alors, soupir aux lèvres, avant de hausser mes épaules en me disant que ça pouvait attendre à mon réveil, puis je m’avançai tant bien que mal vers ma chambre, non sans enjamber quelques bouteilles çà et là. Et une fois à bon port, je me laissai tomber comme une masse sur mon futon avant de sombrer immédiatement comme une masse. Une soirée et une rencontre pas si mal que ça, finalement.