Quand la nomination de Shuuhei avait eu lieu, bon nombre de Kumojins furent émus et heureux de voir quelqu'un d'intègre, enfin, à la tête du village. Nué l'était particulièrement également, mais pour des raisons purement égoïstes. Lors qu'il avait demandé à sa mère, alors seulement âge de quinze ans, d'avoir l’autorisation de faire graver sur sa peau l'animal protecteur de son enfance, auprès d'un spécialiste bien entendu, elle lui avait répondu d'un Quand ton cousin sera Raikage, tu pourras faire ce que tu veux ! de mauvaise augure pour ses plans d'avenir, tout du moins esthétiques.
Il avait pesté, rien y avait fait, il avait menacé de fuguer, et de se trouver une famille aimante, avec une mère conciliante, rien n'y avait fait. Il avait même tenter de trouver des tatoueurs clandestins qui accepteraient de le faire à un prix assurément exorbitant, mais ils déclinèrent tous l'offre. Connaissaient-ils la légendaire réputation de sa matriarche ? En tout les cas, le résultat fut une victoire pour l'autorité parentale.
- Shuuhei ... Avait-il fait ce jour là, en touchant brièvement son cœur de la main, son cousin lui prouvant que l'on pouvait toujours compter sur un Metaru, même quand celui-ci n'était pas au courant des tenants et aboutissants ... Tu réalises mes rêves, domo arigato. Puis il était passé devant sa mère en dansant ce pas chaloupé de la victoire, celle qui prend son temps avant de frapper au moment ou l'on s'y attends le moins. Celle de tout enfant sur ses parents.Je vais voir le Raikage-sama ! lança-t-il fortement.
Tout avait été prévu, pour réaliser le dragon qui avait occupé ses rêves la nuit, et permit de vaincre ses craintes dans tous les moments, gardien de son paisible sommeil. Il avait convaincu Sayo de l'aider à obtenir un plan, pour ce symbole crucial, il lui fallait le meilleur. Elle lui avait alors revelé que les tatouages étaient réalisés à base d'encre, non sans lui dire à quel point ça faisait mauvais genre, et l'idée n'avait pas tardé à germer chez lui. Si c'était de l'encre, les meilleurs étaient encore les Suzuri pour l'aiguillé dans le domaine. Cette fois encore, Sayo lui obtint la solution, puisque son cousin était très en vue de devenir le futur Kage, il n'avait qu'à aller lui demander un sauf conduit.
Chose faite après quelques formulaires remplis, et une petite conversation avec son cousin. Il n'y voyait aucun problème, au contraire, un Metaru avait besoin des services des Suzuris ? Cela redorerait peut-être le blason du clan auprès de ses derniers. Il ne demanda pas plus de précisions sur la nature de l'aider, et Nué s'en fût tout aussi vite vers le domaine du clan de l'encre. Il avait une vision bien précise de sa demande, ayant vu un dessin dans son enfance, qui lui avait donné l'envie d'affronter les foudres sa mère quelques années plus tard.
Dessin original:
[シンボル]
C'est un nué un peu penaud, mais pourvu de son charmant sourire tapageur, qui se présenta à la porte de la demeure Suzuri a Kumo. L'après midi commençait à peine, et il profitait de son congé à la raffinerie, afin de prouver son passage à l'age de raison, plus ou moins. Toc Toc Toc. Pas de réponse, mais la porte n'étant pas verrouillé, il ouvrit le lourd battant avec ses deux bras, et pénétra la demeure.
A l'intérieur, tout semblait silencieux, vide, sans vie. A l'inverse de la demeure de son clan, ou de sa propre maison. Il ne croisa personne jusqu'à ce qu'il arrive à l'entrée de la maison principal, au détours d'un petit jardin.
- hajimémash'té ... fit une voix dans son dos, fielleuse, comme s'il avait sentit que le pauvre Nué était du clan métallique rien qu'à l'odeur. Que fait un Metaru sur le domaine de Suzuris ? Voix gonflée à l'excès de suffisance et de supériorité, peut-être même dédaigneuse. Son trouble s'accentuant, Nué présent le document que le Raikage lui a fait passer, réclamant audience avec un membre officiel du clan. L'autre en face semblait assez jeune malgré qu'il soit le plus âgé des deux, et il siffla entre ses dents quand il répondit : Vous croyez vraiment pouvoir nous abuser avec ça ? Il prit le papier entre ses doigt, et le déchira devant ses yeux. De surprise, Nué en lâcha le dessin qu'il avait joyeusement préparé pour cette occasion. " Nous sommes les pointures du domaine de l'encre et de la calligraphie ... Ce faux ne vaut même pas le temps qu'il m'a prit à le déchirer, monsieur le shinobi ... " Commença-t-il avant d’apercevoir le dessin du Metaru trônant au sol, et de rire en le ramassant avant de commenter. - Ah ça, pour les signatures passe encore ... Mais pour les dessins ... Ah ah ah ah.
Dessin de Nué:
Quelques secondes plus tard, accroupie dans le chemin de terre battue qui bordait la résidence, Nué se fustigeais d'avoir encore une fois jouer de malchance dans un monologue coloré. Il portait les deux bouts de papiers déchirés dans une main, par dessus le grand dessin qui lui avait coûte un part d'honneur. Il était piètre dessinateur et le savait, mais à ce point ? Ses parents lui avaient donc mentit depuis son enfance, quand il disait adoré ses chefs d’œuvres ... Invraisemblable !
Une présence dans son dos se fit remarquer en lui tapotant l'épaule, tandis qu'il se mettait une claque sur le front, désemparé.
- Toi aussi tu le trouves nul je suis sûr... mon dessin ... fit-il, avec cette tête désespérée de celui qui n'arrivera jamais à rien en arts visuels.
C’était un nouvel après-midi d’été chaud et accablant qui s’annonçait. À l’approche de celui-ci, il s’était préparé en allant chercher quelques bouquins à la grande bibliothèque du village majoritairement tenue par des membres de son clan. Comme le certifiait son teint pâle, le jeune Suzuri ne supportait pas les rayons étouffants du soleil en ces fortes chaleurs, et, bien que sa cape verte sous laquelle il était tout de noir vêtu le tienne au frais, il n’avait pas effectué le chemin du retour sans une goutte de transpiration sur le front.
Et, alors qu’il remontait le chemin de terre battue couverte de cailloux et de quelques grosses pierres qui montait jusqu’au domaine Suzuri, le garçon fut étonné d’y trouver quelqu’un. Un homme, ou peut-être pas tout à fait homme, justement, s’était accroupi en plein milieu du chemin, faisant face au grand portail traditionnel et entrée du lieu.
Même si l’inconnu était de dos, Kyoshi pu affirmer qu’il ne s’agissait pas d’un utilisateur d’encre au premier regard. Un corps bien trop développé et visible, une peau bien trop foncée et exposée, et puis ces cheveux…
Ils étaient cachés sous un bandana d’un cruel mauvais goût, d’un blond décoloré qui leur donnait une couleur blanche ; une teinte capillaire qui n’était pas sans lui rappeler celle du Nidaime Raikage qu’il avait eu l’honneur de rencontrer quelques jours auparavant. Si les choses n’avaient pas vraiment pris la tournure souhaitée ce jour-là, tout à l’inverse de ses aînés, l’enfant n’en avait que plus d’estime et d’adoration pour le Metaru envers qui il nourrissait inconsciemment la relation la plus proche de celle qu’il avait avec son père.
« E… excusez-moi, t… tout va bien ? »
Sa voix était douce, hésitante. Plus que qui il était, le jeune genin se demandait ce que le jeune homme faisait là, ainsi accroupi. Pleurait-il ? S’était-il perdu ? Blessé ? Plutôt timide, aborder des inconnus de la sorte n’était vraiment pas dans sa nature, mais là, il n’avait tout simplement pas le choix. Il ne pouvait tout de même pas le contourner en l’ignorant.
Il avait retiré sa main de l’épaule qu’il avait atteinte sans même avoir besoin de se baisser et s’était éloigné d’un ou deux pas en découvrant le visage du Shinobi. Un visage peut être encore plus marqué par le travail et l’effort que son corps qui n’avait pas laissé le petit brun de marbre, sans pour autant lui faire peur ou l’inquiéter. Celui-ci lui montrait un dessin auquel le Suzuri jetait un coup d’œil par-dessus son épaule ; ses sourcils se froncèrent. D’un, il lui fallut finalement plusieurs coups d’œil pour deviner la créature qui y était représentée.
Le dessinateur avait sûrement remarqué son air confus et ignominieux puisqu’il semblait vraiment touché, voire même vexé par sa réaction. D’ordinaire, il aurait simplement balancé crument la triste vérité à ce garçon comme l’un de ses aînés venait de le faire sans scrupule, mais depuis quelques temps, la négativité écrasante qui le suivait partout après les derniers évènements qui lui avaient enlevés son père et chef semblait lentement s’éteindre.
« Euh… non… enfin, pas vraiment… enfin… »
Remarquant l’air désespéré de ce dernier, il avait répondu d’un équivalent gêné. Rougissant, il avait même fait tomber les deux livres qu’il tenait d’une main contre son buste. Il s’agissait de livres « animaliers », l’un sur l’anatomie des mammifères et l’autre sur les créatures mythologiques. Il avait pris l’un sur les ordres de ses aînés, ceux-ci trouvaient qu’il passait trop de temps à en apprendre sur les plantes et à en oublier sur les bêtes ; bêtes qui sont le fondement même de leur capacité à manipuler l’encre. L’autre, il l’avait pris pour son plaisir personnel ; il reste un enfant, après tout.
« Oh, euh… Désolé… »
Il s’était immédiatement agenouillé pour ramasser ses bouquins après s’être excusé. Se grattant l’arrière de la tête, il se pencha au niveau du jeune homme pour récupérer le second livre qui s’était ouvert. Sur la page qu’il avait devant lui figurait une illustration de dragon au corps serpentin ainsi qu’un descriptif qui l’interpella. Avant de poser sa main dessus, il reporta ses yeux sur le côté vers le visage de son interlocuteur qu’il avait fui jusque-là.
« Si je peux me permettre… Est-ce que ce dessin a quelque chose à voir avec votre présence ici, chez… nous ? »
En plus d’estimer qu’il n’était pas perdu, le jeune garçon le prenait pour plus vieux qu’il ne l’était réellement à cause de son corps marqué d’histoire. Ses prunelles se reposaient sur le bout de papier qu’il tenait entre ses mains usitées, il remarqua alors curieusement les bouts de papier déchirés dissimulés dessous.
Il avait fait comme à son habitude, on ne dérogeait pas avec une règle de son fonctionnement basique. Pas plus que l'on ne pouvait négocier avec ses démons intérieurs, qu'importât la puissance de son âme. Pas plus que la porte des enfers ne négociait avec les défunts la destination du voyage. Ainsi, ne se retournant même pas, accablé de doute et d'un chagrin profond qui touchait à son rapport avec la création, il avait alpagué un jeune homme, auquel il rendait facilement deux têtes, une vingtaine de kilos, et quelques années. Ouah, quel exemple pour les jeunes tu fais Nué, incroyable ! Un vrai modèle de calme, de réserve et de contrôle. D'un autre côté, les Metaru n'étaient pas connus pour leur qualités en matière de parcimonie, mais bien pour se caractère explosif que l'on se devait d'adopter dans une forge.
Frapper du marteau demandait une précision et une puissance, qui forçait souvent les artisans à se construire une musculature sèche mais imposante, afin de développer un maximum de force, en un temps réduit. Un peu comme une explosion, qui se contracte et s'étire en un millième de seconde, pour venir lécher les corps et les bâtiments, sans préavis. Lui aussi, sans prévenir, changea du tout au tout en apercevant le jeune ninja. Déjà, il portait les vêtements sombre du clan, en plus d'être frêle, et tenait des livres devant la résidence des Suzuri. Elementaire mon cher Nué, il en faisait partie sûrement. En plus, notre héros en devenir semblait tenir particulièrement à son image d'un ninja expérimenté et un forgeron accomplit, surtout devant les plus jeunes. Ils étaient l'avenir qu'ils devaient forger à partir des métaux de la veille, et le feu du lendemain.
- Pas la peine de mentir, je sais bien qu'il est atroce ... Il souffla sur le côté en tendant les bras pour assurer son équilibre précaire, et se donna un peu d'élan en se balançant d'avant en arrière.
Il reprit contenance, un peu de sérieux et ramassa quelques brins de dignité qui restait amassées dans l’herbe autours de lui, enlevant la poussière qui s'étaient un peu trop attachées à sa tunique de forgeron. Tout en lui clamait le Metaru, et se muscles ainsi que ses cicatrices se détendirent quand il se hissa sur ses pieds et se mit debout, consécutivement à la chute des livres de Kyoshi. Il se crût fautif : Peut-être que son apparence l'avait effrayé ? Peut-être s'était-il relevé bien trop vite, et l'avait menacé inconsciemment ? Il fallait dire que son clan pouvait se traîner une réputation, avec ses psychopathes en puissance qui y évoluait. Il devait redoubler d'effort et de gentillesse pour montrer une meilleur image du clan majeur de Kumo. " Oh ... pardon" glissa-t-il dans un murmure , tendant le bras pour aider le jeune homme, s'arrêtant en constatant son efficacité - il était un ninja après tout lui lui aussi, et en se rappelant que parfois son aide n'était pas appréciable, ni appréciée.
Néanmoins, ce ne fut pas la raison principale de sa prudence, lui qui d'ordinaire fonçait tête baissé, non, la vraie raison était sa surprise de découvrir en tout point le dessin qu'il lui fallait, représentant le même dragon que celui de son enfance, sous une forme différente. Combien de chance avait-il de tomber sur ce dessin, aujourd'hui, devant la demeure de l’illustre clan Suzuri ? Il ne pouvait pas croire à une coïncidence, pas ce jour-ci, pas quand son rêve menaçait de tomber en éclat de verre brisés, négligemment jeté sur le sol de Kumo no Kuni.
Il prit la main de Kyoshi entre la sienne, comme une poignée de main de deux hommes proches -n'y avait-il pas quelque chose de proche entre deux jeunes hommes descendant d'un clan illustre, qui aimaient tout deux les créatures mythologique ? Et la secoua plusieurs fois, en essayant d'être doux !
- Oh ... Toi aussi tu aimes les dragons ? C'est lequel ton préféré ? -Moi c'est le dragon céleste, je l'adore, c'est le plus fort ! T'es un Suzuri non ? T'as déjà dessiné un dragon ? Dis ... Dessine moi un dragon s'il te plait ! enchaîna-t-il comme on martèle le fer, tandis que son rougeoiement éclaire encore la forge de son éclat monochrome.
Je m’appelle Nué fit-il finalement en tendant le pouce avec un air confiant, celui là semblait différent de l'autre, plus ouvert et bienveillant à son encontre, ainsi eut-il vite fait de l'adopter et de prendre ses aises avec lui. Et j'ai une autorisation du Raikage-sama pour m'entretenir avec l'un d'entre vous ! Il montra cette fois-ci le lambeaux du message de son cousin, encore coincés dans ses mains.
Il s'inclina devant son jeune camarade, et lui demanda avec une grande espérance dans la voix : S'il te plait, c'est une requête personnelle mais elle est très importante pour moi ! Puis il releva la tête et son regard pour le poser sur le Shinobi esthète de Kumo. Peut-être qu'il allait le jeter négligemment comme l'autre, comme un morceau de parchemin arraché et roulé en boule ?
Peut-être cette rencontre était-elle déjà écrite, sur les grands rouleaux de la destinée ?
Ce dessin semblait importer aux yeux du Metaru ; son désespoir n’avait pas l’air faussé, ni infondé. Il fixait lui aussi ce dragon dont la pigmentation s’était estompée avec le temps sur cette page jaunâtre que le Suzuri avait dans la main. Ce dernier avait remarqué la disparation de son air innocemment désolé provoqué par sa maladresse pour porter son regard ainsi que sa tête et peut-être même un bout de son âme sur ce même dragon.
Rabattant les pages l’une contre l’autre pour refermer le livre d’une main, il plaqua à nouveau celui-ci contre son thorax. Il s’était relevé pour prendre quelques centimètres, bien qu’il soit encore à plusieurs têtes de son interlocuteur qui lui prit alors la main pour la serrer et, ensuite, la secouer doucement. Une poignée de main qui, bien qu’adoucie, fut forcée. Au même instant, d’ailleurs, maintenant qu’ils étaient tous les deux face à face, le jeune garçon pista le plus âgé d’un nouvel élément : sa tenue. Une tenue particulière puisqu’elle était en grande partie faite de métal ; cet ultime fait, additionné aux autres et à cette poigne ne laissait plus grande place au doute quant au nom de famille du garçon.
Des questions s’enchaînèrent au milieu d’autres paroles, le tout vite expédié, les mots envoyés l’un après l’autre dans une rapidité constante. Entre cette rapidité et celle avec laquelle Nué s’était permis d’accélérer le contact – un peu à la manière de jeunes enfants autour d’un jeu ; Kyoshi ne suivait plus. Son visage timide rougissant alors que son bras ondulait toujours, il profita du souffle de son interlocuteur avant qu’il ne se présente pour récupérer sa main. Nué… Celui-ci tenta de paraître le plus doux et sympathique possible en lui expliquant la raison de sa venue sur le domaine de sa famille.
« Oh… je vois… » Comprenait-il.
Étant donné les relations actuelles entre les deux clans ; la position dans laquelle il avait trouvé le garçon, cette autorisation déchirée : il comprit tout. Il pensa définitivement au chef du plus grand clan du village à l’heure actuelle : Metaru Shûuhei. Tout s’emboîte. Cette même pensée arracha un presque sourire au genin qui arbore pourtant constamment une triste mine, avant que l’amère réalité n’efface celui-ci. Si son clan était majoritairement en froid avec la famille de forgerons et de métallurgistes, ce n’était pas le cas du jeune Suzuri Kyoshi qui ne comprenait pas tellement comment une telle hostilité avait pu se mettre en place dans son entourage ; peut-être était-il encore un peu trop innocent.
« S… Suzuri Kyoshi. Je veux bien te… vous aider, mais nous ne pouvons pas rester ici. »
Si Nué s’était décidé à adopter une approche bien amicale avec lui, il était toujours un peu gêné, ne sachant pas comment l’aborder étant donné qu’il ne peut se fier qu’à son physique qui lui paraît pour le moins intimidant et puis parce qu’il n’est pas habitué à côtoyer des gens étrangers à son clan tout simplement. Ce qui était sûr en revanche, c’est qu’il était dans l’incapacité de lui refuser son aide ; il avait une autorisation du Raikage et demandé aussi poliment et gentiment que possible. Le souci, c’était si l’un des siens le trouvait en train d’aider un Metaru… Rester sur le chemin n’était donc certainement pas une bonne idée.
« Suis-moi… S’il… te plaît. »
Sur cette simple demande, il se retourna pour revenir sur ses pas et descendre le chemin qui montait à la résidence ; il avait évidemment compris que l’emmener à l’intérieur du domaine était impossible. Bien sûr, il n’oubliait pas qu’il s’agissait encore d’un « inconnu » ; il ne comptait pas trop s’éloigner seul avec lui, juste ce qu’il fallait. Il avait alors retrouvé une certaine timidité, incapable de prononcer un mot en marchant. Il attendit qu’ils arrivent en bas du chemin, où se trouvait sur le côté un petit coin d’herbe pourvu d’un arbre et d’un banc, pour lui poser une question dont la réponse ne lui semblait pas évidente – et ce malgré toute son analyse.
« Au fait… tu as quel âge ? »
Il parlait poliment et respectueusement, comme toujours, mais le tutoyait tout de même. Il ne s’imaginait pas que la réponse puisse changer grand-chose, mais ça l’intriguait, simplement. S’asseyant sur le banc en laissant de la place pour le jeune homme, il sortit à la fois son rouleau avec encrier intégré et son pinceau ; le tout sur ses genoux et ses livres délicatement posés à ses pieds.
« Hm… Je crois que je n’ai pas vraiment de préféré… Les dragons ailés sont magnifiques aussi, mais c’est vrai que si on leur enlève leurs ailes ils ne peuvent plus voler… »
Il réfléchissait à ce qu’il allait dessiner en tapotant doucement son menton du bout de son pinceau, les yeux rivés au ciel depuis lequel le soleil tapait fort ; heureusement que cet arbre faisait de l’ombre. Et, même si ça lui paraissait tout à fait légitime à lui, il se demandait ce qu’un Metaru allait bien pouvoir faire d’un dessin de dragon.
« Et, euh… Pourquoi est-ce que tu veux un dessin ? »
Il avait dit que c’était personnel, la question pouvait donc être indiscrète, auquel cas il n’aurait aucun mal à se taire et à s’exécuter, mais il était tout de même curieux de savoir. Au final, il lui avait posé presque autant de questions, à un rythme plus soutenu.
Dernière édition par Suzuri Kyoshi le Sam 2 Déc 2017 - 15:52, édité 1 fois
Ce n'était qu'un petit garçon c'est vrais, mais Nué se sentait de lui remettre une partie de son histoire, et de ses rêves, via ce dessin qui finirait graver sur sa peau, comme un symbole prouvant de ses engagements. Rien ne lui importait plus que d'avoir un étendard, un symbole auquel tous pourraient se raccrocher quand l'espoir serait mit à mal, et la justice bafoué. Parce que Nué était ce genre d'idiot idéaliste, on sentait qu'il n'y avait pas de pièges sous ses propositions, et ni de tâches secrètes sur ses idéaux. Sa gentillesse était naturel, venant de l’intérieur, son cœur comme un reflet du soleil. Et le soleil prend toujours le temps de saluer tout le monde non ? C'était ainsi qu'il naviguait bon gré, mal gré, sur les rives des histoires, des bagarres, des espoirs. La nuit était pleine de diversité, et d'une biodiversité que peu soupçonnaient, pour ne jamais y avoir mit les pieds.
Kyoshi faisait partis de ceux là, mais il pêchait plus par jeunesse que faiblesse, ou préjugé. On sentait une réflexion intense chez cet enfant à peine plus haut que trois pommes, quelque chose de profond et de grave, pas comme une sévérité née de l’orgueil d'une certitude, celle d'être meilleur que tous les autres. Il laissa le tutoiement s'installer tranquillement, sans relever la bafouille, et le Suzuri l'entraîna à l'écart de la demeure, encore hantée par de terribles souvenirs ; Il fut autant reconnaissant que surpris de voir le jeune homme le mener ailleurs, sans doute dans un lieu qui avait sa préférence pour ce genre de travaux ?
Nué savait qu'il aimait toujours se perdre en hauteur pour réfléchir à des solutions, et leur problèmes. Le Suzuri semblait affectionner la tranquillité d'un banc, et la dignité d'un arbre séculaire. Peut-être l'arbre veillait-il sur lui et lui donnait des idées, muse sans jamais avoir revendiqué son inspiration, existant simplement, heureux de pouvoir faire ce qu'il sait de mieux. J'ai dix sept ans et quelques... et toi ? répondit-il les mains dans les poches, se posant au pied du banc pour lui laisser l'espace de travailler. Kyoshi était maintenant plus intéressé par ses crayons, que les reliefs de son visage, ce qui le mit beaucoup plus à l'aise.
Il sourit à la phrase du jeune homme. Lui qui aimait toujours les phrases qui couvraient plusieurs sens, dans son intelligence toute pratique, avait bien saisit les multiples facettes que lui dressait le jeune homme dans sa phrases. Il l'aimait bien.
- Ne t'en fais pas, les dragons volent comme les oiseaux migrent dans le sud ... Il lui souri en plissant les yeux ... Le dragon celeste est trop fort, personne ne pourra lui arracher la moindre écaille ! Cela pouvait sembler enfantin, surement que ça l'était et beaucoup plus que ce qu'un enfant comme Kyoshi n'aurait jamais osé. Petite piqûre de rappel d'un ninjas plus expérimenté ; Tu n'es encore qu'un enfant, amuse toi et fais tes erreurs, c'est le moment.
- Et bien tu vois, j'aimerais le faire graver sur ma peau ... Il se gratta l'arrière du crâne, un sourire niais sur le visage ... Pour ça aussi, je pensais que vote clan pourrait aider, vu qu'il n'y a pas meilleur pour manier l'encre que vous bien sûr ! fit-il en s'excusant presque de n'avoir pas sous entendu derechef qu'ils n'avaient pas d'égal. Il se souvenait malgré toute la bienveillance de Kyoshi, du comportement de son cousin à son égard.
Cela pouvait paraître bête, mais il se sentait offensé, comme si on avait insulté son clan, plus que lui même. Il posa innocemment la question : Dis moi, comment ça se passe ta formation ? Ils ne t'embêtent pas trop avec des devoirs inutiles et ils te laissent t'amuser ? Peut-être l'ambiance dans la demeure donnait ce genre de fruit, une fois la souche infestée, on ne pouvait plus y faire grand chose ; On pousse dans un environnement, et rare sont les individus capable de le dépasser. En tout cas merci encore. Il hocha la tête, ne lui proposant : Je te paye un petit remontant, ou quelques pâtisseries pour te remercier ? Il avait l'air enjoué de sa propre proposition, sans doute qu'il se rappelait que sa sœur adorait les friandises, et était toujours heureuse d'en partager avec lui.
Toutes les œuvres ont leurs défauts, leurs penchants. Le beau et le moche, ce ne sont que des labels que l’on s’impose, que l’on subjectivise. À la manière d’un yin et d’un yang, tout moche a du beau et tout beau a du moche ; l’un est substitut de l’autre, comme l’amour et la haine ou la douleur et la peine. Une peine qu’il avait ressentie à l’égard de son interlocuteur, à la vue de son visage forgé.
« Oh… J’ai douze ans… »
Le Metaru était fatidiquement plus vieux que lui, mais tout de même moins qu’il ne se l’imaginait. Malgré la place que Kyoshi lui avait faite, celui-ci lui laissait plus d’espace qu’il n’en avait besoin pour dessiner, mais peut-être juste assez pour qu’il se sente à son aise. Ce n’était plus un enfant, mais pas encore un adulte non plus, et il comprenait pourtant toute la complexité du jeune garçon. Ayant choisi de se mettre à sa hauteur, il écoutait et répondait doucement, veillant toujours à son bien. Il souriait. Un sourire aussi sincère que les cicatrices de son visage, aussi vérace que le bout de tissu rustre qui couvrait sa tête ; un sourire bienveillant.
Nué semblait aussi s’intéresser étrangement aux dires du garçon. Là où certains n’y verraient que des banalités insensées sorties de la bouche d’un môme un peu trop « tête dans la lune », lui, y voyait bien plus. Il n’avait pourtant fait que répondre à sa question dans toute son innocence et sa fantaisie, et pourtant… Il avait dit quelque chose de bien plus grand, bien plus profond qu’on ne pourrait se l’imaginer. Le beau, on est libre de l’aimer, de l’abîmer, de le renier, mais surtout de le voir où on veut.
À son tour, il l’avait écouté tout en brossant son papier. Bien qu’enfantins, ses propos étaient porteurs de tout autant de sens. Enfin… Jusqu’à ce qu’il exprime à nouveau son admiration pour ce dragon céleste comme n’importe quel enfant vanterait son idole ; n’importe lequel sauf lui. Cette perspective étira ses lèvres en un léger rictus, un léger rire qui avait plus l’aspect d’un soupir, s’en dégagea. Il ne s’en moquait pas, loin de là, mais la situation avait de quoi être tristement amusante…
Puis, sans préavis, ses mains s’arrêtèrent de dessiner. Ses yeux écarquillés se posèrent sur son interlocuteur alors que le livre qui lui servait de support sur ses genoux remontait entre ses mains vers ses joues rougeoyantes pour les cacher.
La panique. Il aurait pu lui dire dès le début… Ses pieds qui touchaient à peine le sol de leur pointe lorsqu’il était ainsi assis sur ce banc se touchèrent terre alors qu’il se dressait prestement en avant. Il se calma cependant bien rapidement en comprenant la situation. Il changea de position pour s’asseoir en tailleur sur le banc, cognant doucement et volontairement sa tête contre le dossier au passage.
Mais tout de même… Son jeune âge ne l’empêche pas de penser à ce qu’il en sera si une telle chose se fait, et il ne peut s’empêcher de rougir en imaginant son œuvre sur le corps de quelqu’un. Vu comme ça, ça le gêne, oui, mais il n’en dit rien. Ses sourcils se froncent alors qu’il évoque son clan.
« Les miens t’ont refusé leur aide… C’est ça ? C’est pour ça que tu avais l’air si déçu tout à l’heure ? »
Il n’était pas entré en contact visuel avec son interlocuteur, préférant porter son regard sur son œuvre inachevée sur ses genoux. Il y avait quelque chose dans sa voix d’enfant, quelque chose de triste ; un certain ressentiment, une certaine déception. Il souffla avant de reprendre son dessin. L’éclat de ses yeux bleutés avait changé, envolé, il avait fané. Il ne s’excusait pas pour les agissements des siens ; il ne le ferait pas. Son aide, il la lui avait proposée plus par innocence que par bienveillance. C’est vrai, contrairement au Metaru, il n’a rien de spécialement bienveillant – à l’instar de son clan. Il a été éduqué en son sein, alors maintenant, ce n’est plus qu’une question de temps. Le temps qu’il mûrisse, qu’il se rende compte des choses et qu’il se range définitivement de son côté.
« Tout va bien… »
Ses mots étaient maintenant transparents, faux. Ils l’étaient car les véritables étaient lourds, bien trop lourds pour qu’il puisse les sortir à ce moment-là. La vérité était bien entendu très loin d’un « tout va bien », mais le poids des mots lui nouait les lèvres. S’amuser… C’était un mot bien futile aux yeux des siens. Une réputation comme celle des Suzuri se travaille ; dans l’excellence, il n’y pas de place pour l’amusement. Il en était triste, depuis toujours, comme ils l’avaient tous été à son âge. Mais quelque tristesse ne vaut-t-elle pas toute la gloire qui l’attend plus tard, au jeune genin de douze ans ?
« Je ne veux rien… Merci. »
Son attitude avait changé. Froide, car triste. Triste, car il redoutait un peu tout. Le dessin qu’il était sur le point d’achever avait tous les traits de la magnificence du clan Suzuri, et Kyoshi était assez intelligent pour savoir que certains de ses aînés perdraient la tête de savoir l’art qu’ils lui ont transmis sur la peau d’un Metaru. Son esprit si jeune était tiraillé entre ces deux feux, et il n’arrêtait pourtant pas son entreprise. Parce qu’il ne pouvait pas, parce qu’il ne voulait pas.
Cruelle paradoxe humain, bêtes erreurs du quotidien, amalgamé dans leur refrain, il en ont oublié leur chagrin. Vieille comptine que lui chantait sa grand mère Metaru, la seule femme qu'il ait jamais vraiment aimé du fond du cœur sans jamais la craindre un tant soit peu. Dommage qu'il doive en parler au passé à présent, et ne se rappeler d'elle et de ses conseils anti-rétrogrades, humanistes, et toujours justes. Alors quand il rencontrait quelqu'un qui lui rappelait son enfance, et ses moments passés à ramasser des fruits et des plantes dans la montagne, apprenant à vivre de son environnement, ou riant aux éclats quand elle le chatouillait ... Il se rappelait cette comptine.
Celle des hommes, et de tout ce qui faisait leur beauté, leur bêtise, leur grandeur et leur décadence.
Douze ans, et déjà aussi vieux dans sa tête, avec ce regard d'un bleu océan ; Vous jugeant, sans trop de contrainte protocolaire, comme si la société le mettait en l'air, seulement voilà, Suzuri de nom, disait une condition qui ne permettait pas trop d'omission. Il fallait savoir jouer avec la beauté du verbe, la beauté du geste, et la dureté de la geste. Rien qui n'aille ne vaille, de fil en aiguille il se prit de passion, pour ce jeune garçon. Qui était-il sous ses dessous d'ébène, ses traits délicats et amène ? Peut-être devait-il se méfier, après tout, certains ont la dent dure dans la bêtise. Et ne rate jamais une occasion de rabaisser leur prochain, donnant des être prostré incapable de communiqué.
C'est nous qui créons les taiseux, les excentriques, les gens malsains, les démons et les dragons, les chimères et le destin.
- Pourquoi pas ? Fit-il en posant sa main sur le banc, se relevant et dominant son vis à vis de toute sa hauteur, qui s'était arrêté de dessiner de stupeur. Te pense-tu meilleure, ou moins bon que les autres de ton clan Kyoshi ? Il voulait savoir, car lui reconnaissant en cet enfant les qualités d'un très grand Shinobi. D'un très grand Suzuri aussi, tel qu'on les lui avait décrit, instruit et possédant ce pendant pour la sagesse, qui donnait tout un poids à leur observations. Tu sais, t'es le seul à bien vouloir m'aider, et je te fais confiance.
Il lui souri, nul animosité, nul doute, nul crainte. Il ne pouvait que réussir, Nué pensait que s'il s'était croisé ce jour là, dans cette ruelle devant chez lui ; C'était que le destin en voulait ainsi, et qu'il serait bien vain de vouloir lutter. Il y'a des concepts avec lesquelles il ne faut pas jouer, et surtout ne jamais douter ; Car si nous créons le destin, c'est que nous le subissons.
- Tu devines juste l'ami ! M'enfin je suppose que si je suis ici avec toi, c'est que le clan Suzuri a finalement bien décidé d'accepter de m'aider ... Il fit un clin d'oeil complice à son vis à vis, lui montrant par la même ou il voulait en venir. Ce petit manquait cruellement de confiance en lui, apparement. En tout cas avait il encore cette candeur enfantin, que l'on pouvait prendre pour de la faiblesse, et que Nué voulait encouragé pour qu'elle grandisse en une plante majestueuse. C'était ça la beauté de créer, construire et animer. C'était ça aussi d'être jardinier. Il cueillit les fleurs grises de son inconscient, pêchant les poissons bleus de son âme dans le charbon de son iris.
Il comprenait un peu sa position, finalement. Si proches, et pourtant si éloignés de sa propre famille, ça pouvait faire mal.
- Allez me ment pas va ! Tu dessines très bien. Il montra le dessin du doigt. Mais je vois bien que ce n'est pas ça qui te donne le frisson, cette petite étincelle que l'on utilise tous ... Oui, puisque lui aussi était un créateur, bien que ses créations n'aient pour but que des buts très terre à terre, il disait 'nous'. Il pouvait bien faire des bijoux, mais ce n'était pas de l'art, ce n'était qu'une simple transformation de ses dons et de son métier, lui permettant d'adapter la beauté des couleurs, avec celle des materiau.
La création pure et totale, celle qu'il faisait ce petit là, c'était autre chose. Et pourtant il ne sentait pas cette puissante aura qui vous enveloppe quand vous créez quelque chose de vos dix doigts, quelque chose que vous aimez par dessus tout. Il aimait les dragons, la myhtologie et les rêves ; Et pourtant ce n'était pas ça qui faisait jaillir de son cœur les flammes de son firmament.
- Si tu ne peux pas m'aider pour la gravure, j'insiste au moins pour t'en devoir une pour le dessins.
Ne restait plus que le choix. Qui ne lui appartenait pas ; Donner ou retenir, s'exposer ou bien mourir. Après tout, la solitude de l'artiste n'était-elle pas une petite mort en soit ?
Il ne se résignait pas. Non, malgré le refroidissement de l’atmosphère alors qu’un nuage couvrait le soleil et privait le monde de sa chaleur un moment, Nué dégageait toujours cette aura chaleureuse générée par son innocente bonté d’esprit. Les Suzuri s’en mordraient les doigts. Mais pas celui-là. Non, sur ce coup-là, le jeune enfant était bien différent des siens. La rencontre qu’il avait faite aujourd’hui en était un gage ; une étrange coïncidence aux traits de destin.
Un destin sur lequel Kyoshi s’interrogeait pourtant encore, bien sceptique à l’idée de rendre un tel service à un « inconnu » ; il doutait. Un destin aux allures d’erreur. Une grossière erreur ; voilà ce qu’en penseraient ses proches. On en avait sévèrement puni pour moins que ça, et l’âge n’en excusait rien. Pourtant, il était incapable d’exprimer un quelconque refus. Se relevant, Nué prit le pas sur le trop-plein de pensées du petit brun qui avait relevé son pinceau sur le coup ; il faut dire qu’une telle carrure s’imposait facilement sur son petit corps chétif. Celle-ci le surplombait pleinement, le couvrant d’une ombre plus large encore que ce que le vieil arbre pouvait lui offrir.
Et voilà que celui-là revenait avec toute sa bonté, sa bienveillance et son étrange considération pour cet enfant. Cet enfant qui, lui, s’estimait bien trop peu pour se penser méritant d’une telle attention. Un manque d’estime de soi qui était la conséquence directe de son éducation. Sans s’en rendre compte, ou alors l’ignorant volontairement comme ils en étaient parfaitement capables, les Suzuri élevaient leurs enfants de la sorte. Durs, froids, cassants, et ce peu importe l’âge ; depuis toujours, ça faisait de bons ninjas, alors dans une famille aussi conservatrice que la leur, un éventuel changement était catégoriquement inenvisageable. Les Suzuri, ces artistes aux cœurs de pierre…
« … »
Il ne savait que répondre, alors le mieux, c’était de ne pas répondre. L’adolescent avait l’air de vraiment compter sur lui, de lui faire confiance. Il souriait, serein, sans aucun doute, tout à l’inverse de son cadet… Ce sourire, cette sérénité, cette impression de bienveillance ; tout ça rendait les choses monstrueusement difficiles au jeune garçon. Un véritable dilemme l’accablait ; un dilemme qui n’avait pas lieu d’être. Alors que d’autres enfants n’auraient pas hésité à apporter gentiment et naïvement leur aide à quelqu’un d’aussi aimable, lui, hésitait. Ces enfants, s’ils avaient mal agi, se feraient par la suite punir ; et la différence était là toute entière : lui, contrairement à eux, pensait déjà aux répercussions de ses actes.
Sa mine triste au possible sur son teint hâve contrastait parfaitement avec le sourire radieux de Nué, comme les deux faces d’une pleine lune : celle éclairée par les rayons du soleil, libre et lumineuse ; et l’autre, effacée dans l’obscurité d’un vide interstellaire. Pourtant, celle-là aussi, dans l’ombre, aimerait pénétrer la lumière et s’en gorger ; c’est bien ce qui se passait, mais, alors que l’éclairée l’y invite, elle doute. Par peur, par déterminisme, elle se demande si sa place n’est pas justement dans l’ombre. Si, une fois dans la lumière, son ombre qui constitue malheureusement son foyer, voudra encore d’elle. Parce que son ombre, d’un côté, pour l’avoir accueillie tout ce temps, c’était devenu sa lumière.
« Ou-oui… »
Il avait baissé la tête timidement au clin d’œil ; honteux, gêné. Il avait honte, il avait gêne, parce qu’en lui, il doutait encore. Sympathique, aimable, trop, presque adorable même, mais était-ce vraiment sincère ? Il y avait de quoi se poser la question, même à tort. Vraiment, il l’avait choisi lui… Ou plutôt, il s’était reporté sur lui, peut-être son dernier espoir… Pourquoi ? Pour s’en lier, amicalement, affectueusement ? Ses doux yeux et son visage délicat animé de toutes ses mimiques enfantines l’attendrissaient tant que ça ? Il essaya de lui trouver des raisons, mais… Mais… Non. Ça lui semblait si faux, et pourtant… Pourtant, il avait tellement envie d’y croire. Croire que la bonté et l’intérêt qu’il lui portait n’étaient pas joués, qu’il n’agissait pas dans son seul intérêt, tentant de profiter de son jeune âge pour le mener en bateau. Si c’était le cas, il cachait très bien son jeu, tout de même…
Et puis, alors qu’il donnait les derniers coups de pinceau apathiquement…
« Mais je vois bien que ce n’est pas ça qui te donne le frisson, cette petite étincelle que l’on utilise tous… »
Il avait vu, oui. À travers ce dessin qui avait tous les traits de son clan. La coutume, elle voulait que le dessin le plus parfait soit celui des Suzuri. Alors, pour appuyer cette théorie, il fallait qu’ils dessinent tous de la même façon. D’où l’extrême rigidité de ses professeurs à ce sujet… Il avait vu sa peine à travers ce dessin. Plus que voir, il l’avait plutôt sentie, en tant que créateur lui aussi, d’une certaine façon. Kyoshi écarquilla les yeux en levant la tête pour se focaliser sur ceux du Metaru. Sa respiration s’accélérait au même rythme que les battements de son cœur. Comment… Sans se permettre de lire à travers ses mensonges maladroits, il avait lu dans son dessin.
Ses paroles faisaient grand sens aux oreilles du garçon qui se figea un instant, sans même cligner des yeux. Les connexions s’embranchaient : cet optimisme maladif, il n’était pas joué, il avait totalement lieu d’être. Les Metaru et les Suzuri ; les deux familles se ressemblaient sûrement bien plus qu’elles ne le pensaient. Son œuvre avait beau ne pas dégager cette aura propre à chaque artiste, cette véritable étincelle artistique, ses traits n’en restaient pas moins exquis, parfaitement parfaits, et c’était peut-être ça le soucis… Il l’avait, en quelque sorte, compris.
« M… Merci… »
Les poings serrés, il s’était levé en sautant presque du banc, rouleau déployé et tombant de sa petite poigne. À la fois triste et terriblement désolé, il levait la tête pour lui faire face, se tenant tout de même à distance excessive de celui-ci. Non, parce que même s’il le voulait, il ne pouvait pas rester si proche de lui. Cette boule dans sa gorge, elle était là pour lui rappeler que ce moment-là, il ne l’avait pas choisi. Il déglutit en levant deux doigts de sa main libre en l’air.
« Et… Pardon… »
Alors qu’il s’en mordait les lèvres, son signe liquéfia l’encre présent sur le rouleau et le parfait dragon serpentin dès lors déformé glissa le long de celui-ci pour terminer son vol dans l’herbe. Il déglutit, encore, ses yeux gardant péniblement et tristement leur appui sur lui.
« Tu... Tu peux pas comprendre, mais… Mais je suis désolé. »
L’enfant en était profondément désolé, maintenant qu’il était sûr de la sincérité de cet aimable jeune homme et que celui-ci avait en quelque sorte gagné sa confiance par sa sympathie sans égal, d’avoir tant douté de lui. Ce dessin comptait énormément pour lui, il le sentait sans savoir à quel point, mais son esprit s’était joué de lui, et le garçon, si seul, n’était pas assez courageux pour affronter les foudres qui menaçaient de s’abattre sur lui. Il pensait bien plus à son clan qu’à lui-même…
« Je… Je crois pas pouvoir… »
Déstabilisé, il ne doutait plus du Metaru, mais de lui-même. Le regard fuyant, une nouvelle fois, il se demandait pourquoi il s’intéressait tant à lui, refusant de le laisser tomber alors que lui n’avait pas hésité à le douter, à s’en méfier. Ramassant ses livres nerveusement, il posa à nouveau sa main sur cette page. Une nouvelle fois, ce majestueux dragon céleste montrait le bout de sa queue écaillée, comme pour lui rappeler pourquoi il avait choisi cet ouvrage ; lui. Décidément… le sort s’acharne…
carnet d’ébène, stylet d'opale, réunis ensemble dans une même toile ; Un cadre bucolique, une chanson magnifique, deux adolescent au regard complètement différent. On devient ce que l'on fait de nous, jusqu'à ce que l'on cherche par sois même la voie qui nous corresponde ; Les valeurs qui nous font lever le poing ; Les combats qui méritent la peine d'être menés ; Comme une épée que l'on forgerait sur le lit de braise de la mortalité, qui ploierait au gré des épreuves, dans la main du destin. Nué craignait le temps, comme d'autre craignent les monstre dans la nuit, ou les malfrats dans les parcs, dans les squares, tard le soir. Kyoshi craignait sa punition, et Nué craignait de ne jamais pouvoir profiter de la vie ; Cette idée fixe, quasi obsessionnelle, le poussait à toujours vouloir aller plus vite, toujours vouloir aller plus haut ? On avait oublié de lui dire que l'oiseaux qui volent trop haut dans le ciel finissent toujours par en dégringolé ; Se brûlant les ailes sous les coups cruels de l'astre d'été.
- T'es pas franchement du genre à te confier pas vrais ? Pour quelqu'un de timide, c'était tout à fait normal d'avoir peur d'une personnalité comme la sienne ; En plus qu'il ne savait pas vraiment comment doser ses actes et ses paroles, qu'il ne trouvait jamais le bon mot qui frappait juste pour exprimer ses idées, et que ses idées n'étaient jamais que des traits fusant sur le cahier d'ébène, raturant et encornant sa devanture ; Tombait alors comme les feuilles d'automne le vernis de ses certitudes, celui qui vous pouvait autant protéger, qu'isoler de l'extérieur. Nué ne se rendait pas compte que sa chaleur et ses ondées, comme le soleils et ses rayons, pouvait autant englober qu'aveugler, rassurer que détruire. Et ce pouvoir, toute ses concepts qui lui passaient au dessus et lui donnait l'ascendance ; Cela mettait les gens mal à l'aise.
Au moins continuait il son chef d'oeuvre, qui se formait devant les yeux ébahit du Metaru, qui n'en perdait pas une miette de voir voler ses mains sur le papiers, semblables à deux hirondelles, qui volaient bas dans le ciel malgré l'été qui éclairait haut et fort le carré d'herbes qu'ils occupaient. Nué ne savait même plus depuis combien de temps il était là, comme pris dans la bulle de son vis à vis, qui lui laissait de l'espace et l’accueillait dans son univers en baissant les yeux. Toute cette attitude cachait quelque chose mais Nué aurait bien été incapable de deviner le fin mot de son histoire ; Il laissait la curiosité mal placée pour les individus plus haut placés dans la hiérarchie de Kumo no Kuni.
Ce qu'il pouvait être timoré ! Même Nué qui ne semblait jamais à son aise, l'était moins que lui en sa présence ; A croire qu'il avait un problème avec son fasciés, cela commençait à prendre la forme de nuages dans le ciel bleu de l'après midi. Il ne pouvait pas oublié la tâche d'encre sur le tissus blanc de ses intentions ; Même quand on est bon on échappe pas au moindre défaut, et celui de celui là était de s'offusquer pour cette raison. Heureusement, Kyoshi lui avait redonné bon espoir pour la suite, lui prouvant qu'avec un epu de volonté ...
« Et… Pardon… »
Il s'était levé en faisant tomber quelques pinceaux, l'air décidé mais contrit, il ne savait pas bien trop, les mystères du masque humain étant trop obscurs pour que sa lumière s'y baigne ; Il fallait qu'une autre entité, celle là même qui appartenait à ses sombres intentions, lui dicte la voie à suivre d’habitude ; Dès l'ors il avait prit l'habitude de ne plus jamais ouvrir les yeux dans les ténèbres, aveugle, lui laissant la par belle de ténèbres. En voyant ce visage presque courroucé, Nué se raidit, prêt à tout, un ennemis, une menace ? Que se passait-il dans la tête de ce curieux jeune homme, capable de capturer la beauté du monde sur un vieux parchemin de papier ? Démontrant alors ce que le monde clamait déjà ; Les mots ont autant de pouvoir que les armes.
- Un problème ... ? Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que le gamin venait de mordre dans son pouce comme pour invoquer une créature venu de l'ether, il dégaina un Kunai que son Ninjutsu forma en quelques instants dans sa main, se retournant de toute part tout en s'éloignant de Kyoshi, pour qu'ils ne forment pas une cible facile tout deux ; Etant le plus impressionnant, il attirerait d'autant plus les dangers et autres tentatives plus définitives. Ce n'était pas parce qu'il ne voyait rien qu'il ne se passait rien, le Genjutsu de l'entrainement, notamment, ne lui avait laissé qu'un goût amer en bouche, et des remord à n'en plus finir, s'ils y étaient prit ...
Seulement, ce ne fut qu'un dragon d'encre qui s'envola dans le ciel bleu des Nuages.
- Mais .. Mais ... Mais ... Il s'était imaginer ce magnifique dragon, qui avait pris forme devant ses yeux, prendre les airs sur les courants de sa musculature noueuse ; Feu et veines de chaires, mythologie et mortalité ; Un talisman pour toute les épreuves passées et qui restaient à venir ... Pourquoi t'as fais ça ?! Il avait le teint rouge, mais ce n'était pas de la colère dans la prunelle de sa clairière intérieure, une pure forme totale d'incompréhension pour ses gens. Tout simplement.
Crée pour détruire, détruire pour créer ? La spirale infernal de ceux qui doutent de tout, mais surtout d'eux même. Premier symptôme, déchiré ce bout de papier ou se trouvait quelques mots griffonnés. Il attrapa la manche large du Suzuri, son regard se durcit car son cerveau tournant dans les méandres de cette situation tragique, n'arrivait pas à trouver les raisons de cet acte. L'incompréhension mène souvent à la colère. Un chemin qu'il évita en posant ses questions accusatrices : Pour... Pourquoi vous faites ça hein dites moi ? On n'est pas assez bien pour vous ?On ne compte pas car on est des "abrutis" de forgeron ? Vous nous méprisez ?! Il prenait l'enfant à témoin, alors qu'il aurait bien été incapable de lui répondre de toutes manières, il ne devait pas en savoir grand chose. Il se baissa, ses genoux craquant de sa brusquerie. C'est sa ? Je ne peux pas comprendre je suis qu'un baka...Baka... Confiéer ainsi ses rêves de gosse, à des inconnus. Mauvaise idée.
- Je voulais juste pouvoir représenter le protecteur du villages des Nuages, celui là même qui est venu me visiter en rêve un soir, alors que l'on habitait encore que dans les montagnes perdus dans le centre du pays... Il avait sentit comme un appel, une connexion. Il se lamentait, car à présent elle semblait aussi perdu que le dessin de son compatriote. Noyé dans l'herbe et piété par les bêtes sauvages, camouflé dans des peaux d'hommes. C'est quelque chose que je ne sais pas faire, dessiner ! Il avouait enfin ses lacunes, même s'il les avait demontré peut être cela veillerait quelque chose en son vis à vis. Un émotion. Tu n'as qu'à me demander ce que tu veux en retour ! Il venait de s'agenouiller ? Vraiment, devant un enfant de douze ans ? Le dragon, j'ai toujours cru que c'était ma grand mère ... Son ange gardien. Sa tête contre le sol, seul sa fierté l'empêchait de pleurer d'une rage nouvelle pour lui ; Prenant racine dans sa détresse, celle de ne pouvait montrer fièrement tout ce qu'elle lui avait légué, et à quel point il en était fier.
Ce dragon, tenu entre ses mains ; ses fins doigts en caressant la page, il posa longuement son jugement dessus. En avait-il vraiment pris possession par sa propre volonté, ou alors... Oui, une fois de plus, son déterminisme digne d’un androïde lui jouait des tours. Une fois de plus, il s’était voilé la face pour rendre son apprentissage moins pénible ; une sombre illusion familiale. Ce majestueux dragon jadis peint par ses ancêtres sur cette ancienne toile dont l’accès était plus gardé que la boîte de Pandore, il le voulait ; il l’aurait. Mais il n’était pas le seul à vouloir son dragon, non ; celui qui le voulait le plus même, c’était cet autre garçon ; celui aux cheveux longs.
Comprendre n’arrange pas tout ; à quoi sert dont la compréhension d’une chose sur laquelle nous n’avons aucun contrôle ? À ce niveau-là, la confession ne pouvait pas être salvatrice de ses martyrs.
Deux âmes, deux perceptions ; le verre à moitié plein pour Nué, à moitié vide pour Kyoshi. Un conte fait de légendes et de mythologie pour l’un, une triste réalité faite d’exigences et d’honneur pour l’autre. Aux grands esprits échappés de son art, ce dernier ternissait son existence. De ses mouvements de main fluides et aériens, il dessinait comme lui forgeait le fer ; avec autant d’aisance, de souplesse, et une certaine violence aussi, plus subtile. Mais là n’était plus la question, car, d’un geste fatidique, il avait détruit toute son entreprise.
Il le regardait ainsi s’agiter sans bouger d’un pouce, usant de son habilité à créer et modeler le métal pour s’armer d’un battement d’ailes de libellule ; une manœuvre dangereuse, mais rien de très étonnant ; après tout, n’était-ce pas celle-ci que l’on appelait « le dragon des insectes » ? Puis, lorsque le comique de la scène fut estompé et que le Metaru compris enfin le but de sa manœuvre, il suscita une vive réaction. Quelque chose de plus rouge et vif encore que ce que ses aînés avaient pu lui montrer au cours de sa courte vie.
Un rouge d’une colère qu’il s’efforçait encore de contenir, mais surtout d’incompréhension. Une incompréhension manifestée par cette masse de questions, d’oppression, à laquelle le jeune enfant qui avait cédé à ses tourments était absolument incapable de répondre. Ses yeux s’ouvrirent grand. Son interlocuteur s’exclamait, empoignait sa manche, et le surplombait de tout son poids et de toute sa voix. Le jeune garçon le fixait sans un battement de cils, l’air stoïque, mais bientôt hostile. Il entendait toujours sa détresse, lui-même en était affecté, mais n’osait pas y répondre.
« Un tatouage n’est pas un caprice acceptable pour combler son manque d’esthétisme. C’est une forme d’art sensée qui se mérite. Ton ineptie n’est pas un gage acceptable. » Dit-il en parcourant les différents piercings que le Metaru portait aux oreilles des yeux, sans le moindre froissement de cils, presque comme une citation qu’il avait apprise sur le bout des doigts sans en connaître le sens ; ces mots, ils constituaient une arme qu’il avait tenté d’user en sa défense.
De cheveux blancs et purs, il devait se sentir insulté par l’attitude froissante du plus jeune. On lui avait fait un premier refus, et il était assez obstiné pour refuser ce second. Peut-être en profitait-il un peu lâchement, des possibles faiblesses de son jeune égal. Peut-être le touchait-il plus par son manque de considération. En tout cas, sa détresse sonnait toujours aussi vraie. Mais lui, il restait là, immobile sans rien dire. Que dire, quand tout ce qui sortait de sa bouche était tout ce qu’il avait toujours pensé tout bas, en se sachant interdit d’en parler à qui que ce soit.
Et, si Nué n’hésitait pas à se libérer, Kyoshi se sentait toujours aussi courroucé. Les mots de celui-ci oppressaient son esprit dont il avait laissé le contrôle à ses géniteurs. Il s’abaissait, se livrait tout entier sur les méandres de son cœur en un talion ; un poids qu’il chargeait sur les épaules de l’enfant qui n’en était pas vraiment responsable.
« M… Merci mais… Je ne veux rien. Désolé. »
Malgré sa volonté, son jeune âge ne lui permettait plus de tenir ce faciès stoïque et de sang-froid propre aux membres de son clan alors qu’il se prenait de tristesse et de compassion pour le jeune homme. Se délivrant de la poigne de son aîné, il se retourna subitement pour s’en défendre. Il baissa la tête, ses mèches noires cachant une nouvelle fois son front rougissant, alors que lui s’était baissé puis agenouillé à ses pieds : il l’implorait. C’était contraignant… Gênant… Il n’était pas du tout préparé à une telle éventualité. Que dire ? Que faire ? L’indifférence allait s’éteindre…
« Le dragon, j'ai toujours cru que c'était ma grand-mère… »
Figé. Ces mots résonnaient dans son esprit sur une note âcre, alors qu’au firmament de ses pupilles se déposaient des bribes de souvenirs lointains. Sa grand-mère à lui, la première personne à l’avoir accueilli à la lumière du monde. Ce jour de printemps-là, c’était la première et dernière fois qu’il la voyait, juste avant qu’elle ne se retrouve chassée par son propre fils et que son âme peinée ne vacille aux côtés de son éternel amour. Cette femme-là, c’était sûrement celle qui l’avait et l’aimera à jamais le plus au monde. Peut-être elle aussi veillait sur son petit-fils depuis les cieux. Peut-être, avec un peu de chance, ne l’avait-elle pas oublié et lui avait-elle pardonné son innocence ; parce que même si elle n’avait plus toute sa tête, il lui restait encore tout son cœur.
Ce courant froid croupissait sur ses épaules, alors qu’il se rappelait la chaleur lointaine de ses bras. Tout ça semblait si loin maintenant, et il s’en rapprochait pourtant si vite. Nué, volant trop haut, n’avait pas eu peur de brûler ; et lui, dans toute sa peur et sa crainte de s’envoler, s’était aussi brûlé. Qu’ils l’aient crainte ou pas, la brûlure du feu dragonnier les avait atteints tous les deux ; dans leurs cœurs, dans leurs âmes. Prenant une longue inspiration, il fixait longuement ce soleil cuisant avant de se retourner doucement.
« Nué-kun… Tu le veux vraiment ce dragon hein ? Et si… On allait le chercher… ? »
Son visage attristé et accablé s’étira en un véritable sourire entre ses joues rougies sur lesquelles avaient coulé quelques larmes. Enfin, les yeux encore mouillés, il se comporta comme il le devait : comme un enfant, heureux d’en inviter un autre au jeu. Un jeu d’enfant, un jeu de mains, pas de vilain, badin, loin du chagrin d’une réalité désolante. Et comme pour oublier l’image offensante d’un Nué face contre terre, l’oppressant, l’accablant de question accusatrices, sa cape se retourna à nouveau et il commença à marcher avec son livre dans les bras, ses yeux reflétant l’orbe de l’été, sans vraiment savoir où le vent les mènerait.
Mais pas seulement. Car, malheureusement, si ce changement drastique d’attitude laissait envisager une joyeuse fin au conte qu’ils écrivaient de leur plume, il n’était pas dénué d’intention. L’intention de le sauver, de se sauver lui-même ; car après tout, même et surtout les Suzuri surveillent leurs portes.
- Dis Nué-Kun, c'est ou l'endroit le plus sûre au monde ? - Sur les genoux de mamie, bien sûr !
Une idée, une tâche d'encre sur une toile blanche, un concept, un ligne épurée sur un carnet, une oeuvre d'art, un dragônnet perdu dans les nuages, à la recherche de ses maîtres autant qu'eux suivant sa trace. Il avait de l'allure et de la prestance, autant que ses deux là qui marchaient côté à côte, dans une dynamique qui n'avait pas bouger d'un pouce, si ce n'est que l’initiative, le cœur même du moteur, se trouvait maintenant entre les mains de Kyoshi qui les guidaient à travers les rues, passant devant des squares ou Nué lui proposait toujours de s'arrêter pour essayer telle ou telle infrastructures, prétextant que le boulot était de lui, et qu'il devait assurer le service après vente ; Bien souvent un cœur généreux se cache derrière les simple d'esprit, qui ne comprennent rien à la complexité de la vie.
- En plus t'as l'air de bien aimer m'aider, alors j'en profite une peu ! Il lui envoya ce sourire en forme de soleil, qui illuminait sa face jusque ses pommettes comme si l'été resterait là jusqu'à ce qu'il soit triste, ou plus facilement, qu'il ne soit plus de ce monde. Un être intemporel, à mi chemin entre son passé et son destin, comme ce garçon que l'on avait fait mûrir trop vite, dans un corps encore d'enfant. Il y'avait des tourniquets, des balançoires et de quoi faire les petits chevaux, et bien d'autres choses à faire, quand on allait dans les parcs du Nuage ; Shuuhei avait à cœur que la jeunesse se fassent avec tous les moyens nécessaire, pour tenir les enfants en alerte, et prompt au changement fréquent de Kumo. Shuuhei avait été la tête pensante, et cette fois-ci, Nué et quelques autres les artisans de cette démarche.
Il le fit se promener plus que de chercher le voyant s'amuser , mais leur pas pourchassant ceux de la créature, ils retombèrent bien vite sur une demeure aux tons austères, et qui ne payait de mine que par le nombre de ses stylos servant à la calligraphie qu'il contenait. Bric à brac de bâtons gris, myriades aux tons pastels, des centaines de papiers différents ; Et pourtant effrayer par un simple grand enfant comme lui, un peu différent par son histoire et ses marques laissées sur sa peau, mais fondamentalement sain d'esprit ; Et c'était rare par chez lui, vous pouvez me croire. Surtout dans les montagnes par derrière Kumo, qui contenaient autant de fer que de pierres ponces compte Iwa.
- Tu crois qu'il est chez toi ? Quelque part, dans sa rêverie innocente, cela lui semblait le meilleur endroit pour la création, d'attendre son tendre créateur. Une recherche artistique, véritable mise en abîme d'une recherche de soi, quand on sait que l'art du tatouage représente sur la peau les concepts qui régissent la vie d'une personne depuis ses origines même ; Certains étant persuadé que l'on savait tout à la naissance, avant que le Kami de l'oubli ne viennent déposé sur vos lèvres le frais baiser de l’évanescence. Pour avoir attrait à tout découvrit, il vaut mieux ne rien connaitre.
Et en matière d'animation d'encre, et de leur règles obscures, il était un novice des plus pataud.
- On devrait peut-être abandonner tu sais, tu le retrouveras en rentrant plus tard ... qui sait ? Il lui tira la manche pour le forcer à se tourner vers lui en souriant : Tu sais il faut vraiment que tu me dises comment on peut faire entrer tout ça dans la peau de quelqu'un, ça doit être amusant ! Encore une fois, simplicité rimait avec bonheur, car le bonheur n'est qu'un état dans lequel on se plonge, et non un état tyran qui vous immerge. Bienvenue dans les Nuages personnels de Nué, et ses amis imaginaires.
Un jour puissiez-vous en rencontrer une, celle qui occupe à la fois celle du Roi et de la reine, voilant complètement le jeu de notre ninja en toute occasion. Il y'avait toujours d'elle, en lui, une curiosité qu'elle lui avait instillé dès leur premières rencontres. Qu'est-ce que cachait le feu de ses lucarnes au mirage d'acier ? Sa démarche s'élargissait de plus en plus en prenant de l'âge, la curiosité étant un monstre insatiable qui continue encore et toujours de creuser au plus profond de vous pour savoir ce qu'il s'y passe.
- Et puis j'ai passé un super moment, tu n'es pas obligé d'y aller ... Il lui fit un signe du pouce pour l'encourager à se détendre, et il savait exactement quoi faire pour ça : Si tu veux je t'emmène au café littéraire de Yuan ! Il claqua des doigts et frappa un poing contre sa main libre, après s'être prit le menton quelque instinct entre le pouce et l'index.
Tout une gestuelle, un truc identitaire qui ne le faisait pas passer pour monsieur tout le monde, on avait beau dire et faire, le genre d'astres dans les nuages comme lui, ne doivent pas se compter sur plus des doigts d'une même main. "Comme ça tu pourras y passer de temps en temps, on se verra là bas ... Tu vas voir, tu vas adorer ! Il y'a plein de livres partout, des rayonnages de tous les côtés ! Du sol au plafond ... Et tu peux les consulter gratuitement en te commandant un thé, je suis sûr que tu retrouverai plus de passion dans ton art ... " Commençait-il comme si ses conseils pouvaient être entendus par un illustre membre du clan Suzuri, qui le dépassait en tout les points sur ce genre d'art.
- Enfin je ne voulais pas dire que ...Enfin, si tu veux on trouvera forcément de quoi remplacer les fournitures que tu as gâchées pour moi ! Dernier essai de l’appâter avec des vérités pas très franches ? Qu'il s'en sente proche n'était pas déjà une excuse suffisante ?
Ainsi, à travers les nuages, à travers les âges, ils l’avaient cherché. De parc en parc, de square en square, de balançoires en tourniquets, bacs à sable, toboggans et autres structures ludiques infantiles. Si Kyoshi était une sorte d’adulte prématuré dans son corps trop jeune, Nué était un grand enfant. Bâtisseur de ces jeux qui apportaient tant de gaieté aux petits kumojins, il s’en armait comme prétexte pour encourager son cadet à s’y essayer. Après tout, peut-être que Nué avait eu quelques occasions de se prêter à ces jeux amusants plus tôt dans son enfance, chose qui n’était pas le cas de l’encore très jeune Suzuri.
Ainsi, traîné par cette joie de vivre maladive du Metaru, il s’était timidement rapproché de tout ça. Mais surtout, il s’était rapproché de lui-même, de sa vraie nature : celle d’un enfant, encore une fois. Si l’emballement, les rires et les larmes de joie viendraient peut-être plus tard, il n’était du moins pas mécontent de s’être ainsi échappé un moment de son train de vie mélancolique. Il exprimait donc sa joie par quelques gestes plus vifs que d’habitude, et même quelques rares sourires. Jusqu’à ce qu’ils pénètrent une vieille enseigne que Kyoshi connaissait bien et que…
« Tu crois qu’il est chez toi ? »
Chez lui… Abandonner… Abandonner ?! Déjà… Il s’était donc déjà lassé de son manque d’enthousiasme et de la mollesse de son corps qui cachait bien sa ferveur d’esprit ? Toute cette insistance avec laquelle il s’accrochait à lui malgré son pauvre intérêt pour la vie, pour les nuages et les dragons, il l’abandonnait donc aussi ? Le retour à la réalité imminent était si claquant…
Pourtant, il l’attrapa tout de suite après. Alors que les yeux attristés du jeune enfant qui s’en voulait déjà d’avoir accepté de se lier à cet autre garçon par le jeu se plongeaient de force dans les siens, il le sentit, il l’entendit. Non, il ne s’était pas lassé. Il lui portait toujours autant d’intérêt malgré sa difficulté. Il n’avait pas non plus lâché sa prise, il n’était pas encore prêt à le faire, à le laisser retomber se noyer dans les sombres méandres de sa réalité.
« Euh… bah… c’est assez compliqué. Il faut beaucoup de concentration, et surtout que la personne tatouée le veuille… Enfin, ça dépend… Mais c’est important. » Répondit-il, un peu gêné par la question tellement la complexité inattendue d’une telle chose était difficile à expliquer, mais quelque part rassuré que l’intérêt de Nué pour lui ne ce soit pas éteint brusquement.
Amusant, pas tant que ça non. Mais Nué avait toujours ce sourire rassurant, celui qui ne vous quitte pas, même après son départ. Et, malgré la fin de leur rencontre qui sonnait alors que Kyoshi se demandait bien comment ils avaient pu atterrir là, le Metaru trouva après dure réflexion un moyen de retarder l’échéance, un moyen de contourner le destin du triste enfant une fois de plus.
« Vrai-vraiment… ? Je… Je veux dire… Tu… Tu veux vraiment encore passer du temps… Avec… Moi… ? »
Son air aussi timide qu’étonné en disait long. La gestuelle de Nué avait quelque chose de tout à elle, comme l’ongle qui s’approcha de la joue de Kyoshi pour quelque gratouille. Il se sentait à la fois un peu gêné, et puis… Comment ? Apprécié, mais sans orgueil, si ça peut être un sentiment… Décrire ce qu’il ressentait était presque impossible, dans le sens où c’était singulier, presque nouveau. Jamais il n’avait eu de véritable ami… Ou du moins, jamais quelqu’un ne s’était vraiment autant intéressé à lui sans une quelconque contrepartie. Pas même sa mère, et, même s’il l’aurait voulu, pas même son père.
Alors qu’il lui décrivait la destination rêvée de leur voyage à travers la Cité des Nuages, le garçon baissait encore un peu la tête, frottant ses deux index l’un contre l’autre, la pâleur de son faciès à nouveau teintée de rouge.
« Je… Nué-kun… Cet endroit… Il a l’air génial. Je serais ravi d’y aller avec toi. »
Il relevait la tête vers lui, les joues toujours un peu rouges, mais s’efforçant d’un sourire. Il l’avait d’ailleurs interrompu, juste quand il lui donna son conseil. Effectivement, qui était-il donc pour lui donner ainsi des conseils ? Un Metaru, un artiste lui-même, peut-être… Le Suzuri avait aussi ignoré la remarque d’après, puisqu’il s’était déjà décidé à le suivre. Le soleil brillait toujours dans la lueur de ses orbes, alors pourquoi pas ?
Ainsi, quittant l’enseigne dans laquelle Nué n’aurait de toute façon rien pu lui payer de la qualité de ses outils usuels, ils reprirent leur chasse au dragon. Sans que le Metaru s’en doute, Kyoshi en avait déjà préparé la capture. Entre ses bras tenus, le livre vaisseau de leur rencontre destinée et le rouleau qui capturera la vérité.
« Dis… Nué… Elle te man… »
La marche s’était presque arrêtée, le garçon pourtant bien plus petit que son interlocuteur venait de toucher un point sensible. Gêné par sa propre curiosité, il se rattrapa lui aussi.
« Tu… Tu dois connaître Kinzoku, non ? » Lui demanda-t-il finalement calmement.
Voilà un sujet qui devrait détendre l’atmosphère, lui parler de son coéquipier. Quoi que… Pourvu qu’on arrive vite.
- C'est un symbole fort un tatouage, je comprends que ça demande de l'engagement ... Au final, c'était encore pire pour l'artiste qui s'y essayait, car l'importance de cet art ancestrale dans le cœur de celui qui le demande, ne donner aucune chance à l'erreur. Déjà, de par sa nature même, indélébile et incorrigible, il demandait une précision et une sûreté dont il aurait bien été incapable selon lui. Que Kyoshi lui laisse entendre qu'il était versé dans cet art, ou bien qu'il connaissait les personnes qui pouvaient en transmettre le savoir, l’impressionnait. Si cela ne pouvait pas que le temps était un animal capricieux et sauvage, mordant sans distinction ni aucun jugement, il ne s’appelait plus Nué Metaru. "En tout cas j'aimerai bien que tu me montre un jour, je suis tellement ignorant de ce genre de sujet ..." Reconnaître ses faiblesses devant plus jeune que soit demandait du courage, comme si une sorte de bataille des générations se jouait, et que l'on ne devait montrer aucune faille les uns aux autres.
- Si jamais tu décide de vouloir de moi comme de ta première toile, hésite pas.
Il refusait d'entrer dans son jeu là, préférant la carte d'une solide union face au véritable ennemi de tous : Le temps. Le temps qui passe et qui érode tout, qui casse tout et qui détruit même les plus grand édifices, sacrifiés sur l'autel de la temporalité.
- Toujours mon gars, je vois ce qui aurait changé depuis le début de l'après midi, t'as toujours une sacrée ganache et une super compagnie pour toi ! Qu'il lui fit avec son pouce relevé, ses yeux clos et son sourire d'ange. Il se demandait bien ce qui poussait le jeune homme sur cette pente, ce qui le poussait à toujours penser que le mal était là en chacun de nous, n'attendant qu'une occasion pour sortir de ses gons et frapper à la porte de nos sentiments.
Ce petit semblait avoir connu, et toujours traversé son enfer personnel. Il ne voulait pas le juger la dessus, ni lui imposer sa vision de la vie, et de toute la lumière qu'elle pouvait détenir quand on savait regarder. Parfois les choses ne sont qu'une histoire de perspectives, il suffit de savoir repousser la pollution qui nous empêchait de voir les choses en face. Il existait bon nombreux d'invisible, que l'on pouvait voir, si l'on ne prenait garde aux sombres silhouette de la nuit, dans le coin de notre regards. Souffrance, douleur, idées ... Pourquoi n'auraient-il pas un monde dédié ? Bien à eux, ou ils pourraient se retrouver.
Ils débarquèrent dans le petit salon de thé, autant animé que pouvait l'être un café littéraire, ou l'on pouvait entendre les mouches voler, et les page se tourner au rythme de cuillère sur les tasse de café. Une ambiance sereine, qui avait toujours époustouflée l’artisan, habitué de la clameur d'une forge, ou encore les cliquetis de la bataille. Il avait toujours adoré cette bulle de sérénité qui planait là, voletant au gré des idées qui fusent.
On eut dit les pages de l'histoire qui se tournaient devant ses yeux, lui montrant une chose qu'il ne pouvait qu'entre apprivoisée. "Salut Nué ! Tu es venu avec un copain ? Je vous sers quoi mes choupinous ?" Que lui dit un type à lunette aux traits fins et à l'air délicat. C'était le père adoptif de Nara Sayo, et c'était par ce moyen là qu'il avait découvert le bar à encre. Une vraie aubaine pour le Suzuris, ici il n'y avait que de la qualité, à tout les rayonnages. Ils ressortirent les bras chargés de paquets, ayant de quoi tenir quelques mois selon forgeron, surement beaucoup moins celons l'illustrateur.
- Ma grand mère ? Lui disait-il sur le chemin pour la demeure de son ami Suzuri, ça lui faisait bizarre de penser comme ça, en lui souriant tranquillement. Il avait dépassé le stade de la douleur perverse qui vous vrille coeur, et vous broie la poitrine à la moindre pensée de la personne aimée. "Tous les jours. Comme tous les gens que j'aime si je devais les perdre un jour ..." Mais ... Mais quelles sont ses façons de concerner ainsi son auditoire comme s'il faisait partie du nombre ? "Toi même, tu dois avoir tes propres fantômes qui te suivent non ?" Manière de demandé l'appareil à son camarade, comme l'on creuse avec un foret.
Vous ne vous connaissiez pas, et pourtant tu aurais combattus pour le protéger, et tu aurais très probablement gagné.
Comme si c'était le déclic, la relation s'engagea sur un nouveau chemin, une pente plus proche que celle de simple connaissances ; Ils se parlaient de leur plaisir et de leur douleur, des gens proches et éloignés.
- Mon cousin ?! Oui, je l'ai déjà rencontré plusieurs fois ... Qu'il dit en s'arrêtant près du banc qu'ils avaient déjà rencontré plus haut dans leur aventures. Un bien belle boucle, qui avait commencé ici, et ne finirait point ; Nué faisait partie de ses être indélébiles, qui étaient difficile à effacer d'une vie, une fois qu'elle avait été choisie.
- Tu devrais faire attention à toi, avec lui ... Pourquoi cette question d'ailleurs ?
Nué, curieux personnage que voilà donc. Aussi curieux que le petit Suzuri, si ce n’est même beaucoup plus. Il travaillait pourtant à la forge, non ? N’étaient-ils pas censés être de pauvres forgerons écervelés comme on le lui répétait si souvent au sein du clan ? Comment un pauvre forgeron écervelé pouvait-il manifester tant d’intérêt pour notre protagoniste et son art ? Peut-être au final n’était-il pas si pauvre, et peut-être pas si écervelé…
Enfin, peut-être pas tant que ça non plus. Kyoshi avait drôlement de mal, il avait tellement de mal à se mettre dans la tête qu’on pouvait vouloir s’intéresser à lui, le choisir lui plutôt que quelqu’un d’autre, voire même vouloir le revoir… En plus d’être presque trop bienveillant, Nué se diminuait maintenant devant lui. À ce niveau-là, c’était presque irréel… C’est peut-être ça, ce type devait être complètement attardé. Un débile profond qui n’avait rien d’autre à faire de sa journée que de venir embêter un Suzuri, par jalousie ou simple bêtise, parce que c’était les « intellos » du village.
Mais débile ou pas, le jeune garçon ne pouvait s’empêcher de le regarder avec les yeux écarquillés et le faciès illuminé devant son pouce levé et son grand sourire d’idiot. Un autre Metaru, un autre idiot, mais pas le même genre que Kinzoku. Ses sourires à celui-là, ils étaient plus flippants qu’autre chose. Celui de Nué, lui, il irradiait tout ce qu’il touchait, comme la chaleur des rayons du soleil qui lui caressent la peau dans la torpeur des petits matins des beaux jours.
Nué, malgré tout ce qu’il en pensait et ce qu’il en doutait, c’était un concentré de bonté. Et la bonté, pour les Suzuri, c’est soit une mascarade soit une bêtise ; personne dans le monde n’étant assez reconnaissant de la vie qui leur a été offerte pour être bon de nature. Alors il était bête ; c’est ce que le jeune garçon en déduit d’abord, mais ça ne semblait pour l’instant pas le déranger le moins du monde. Enfin, jusqu’à ce qu’il l’amène à ce fameux café.
Contrairement à ce qu’il en aurait pensé, il n’y eut pas beaucoup de « déjà lu » ou de « inintéressant ». Finalement, il était reparti avec une petite pile ; enfin, de quoi tenir un ou deux jours tout au plus pour Kyoshi. Mais, ce qu’il se demandait surtout, c’était comment Nué connaissait un endroit pareil, que lui-même ne connaissait pas ? Idiot, pas idiot… Mais qu’est-tu donc, Nué-kun ?
Puis, sur le chemin du retour, alors que l’enfant semblait bien pensif, son aîné qu’il appelait d’ailleurs étrangement « Nué-kun » – comme s’il se mettait à son niveau, pour mieux l’inciter au jeu qu’ils avaient initié – se mit à lui retourner la question qu’il avait pourtant tenté d’évincer de leur conversation. Tous les gens qu’il aime, hein ? Pourquoi adressait-il alors ce regard au garçon ? Le plus petit baissa la tête, se cachant comme à son habitude sous ses mèches tombantes dès qu’une situation le met mal à l’aise… Et le malaise, sans même prévenir, il était là.
« Toi même, tu dois avoir tes propres fantômes qui te suivent non ? »
Kyoshi baissa encore plus la tête, ralentissant le pas. Il n’avait jamais vraiment connu ses grand-parents, partis beaucoup trop tôt, alors il aurait pu lui en parler, à cet inconnu… Mais la mort de Shinobi… C’était encore douloureux, trop douloureux. Et puis… Vu la façon dont il était parti en héros, il devrait déjà savoir… Le faciès inquiété et attristé de l’enfant s’effaça alors, partiellement.
Cet inconnu, oui mais pas totalement… C’est étrange ce fait là, de se sentir proche de quelqu’un que l’on n’a jamais vu, juste parce qu’on est proche de quelqu’un de proche de cette personne. La proximité, dans la douleur et le plaisir, comme la rencontre destinée de deux étrangers, c’est tout un procédé. Nué conseilla au garçon de se méfier de son cousin, Kyoshi déglutit.
« Ah… Euh… Oui, je me disais bien… »
Quelque chose de triste dans ses yeux, comme une lueur de déception. Il continuait de parler en marchant, même si la joie ne se lisait plus sur son visage alors qu’il parlait de son équipier. La relation qu’il avait avec lui était malheureusement assez complexe. Manque de communication… Gros manque de confiance aussi… Il ne l’avait rencontré qu’une seule fois et n’était vraiment pas rassuré à l’idée de devoir partir en mission avec lui dans quelques jours.
« C’est… mon coéquipier. On est affecté à la même équipe et nous partons bientôt en mission. »
L’idée ne l’emballait pas tellement, mais c’était bien parce que c’était Nué qu’il osait le montrer. Enfin, de toute façon, c’est pas comme s’il avait le choix.
Finalement, ils étaient revenus sur leurs pas. Peut-être les attendaient-il là tout ce temps, au point de départ de leur rencontre, le dragon. Peut-être que Nué l’avait oublié, mais pas Kyoshi...
Posant ses livres sur le banc, il soupira puis sortit un nouveau parchemin de sa large manche. Ce qu’il s’apprêtait à faire, c’était fichtrement risqué, mais c’était aussi fichtrement mérité. Ce Nué, il lui avait aujourd’hui montré tellement de choses, des choses banales pour certains, rares pour lui.
Ce Nué, il était rare. Peut-être encore plus que le dragon, même.
« Tu sais… Nué… Je connaissais pas tous ces endroits… Merci. »
Il déroulait son parchemin en empoignant l’extrémité d’une main verticalement, laissant le reste du rouleau se dérouler seul jusqu’au sol. Mais le plus impressionnant ne fut pas plus le geste en lui-même que le résultat de celui-ci. Sur le rouleau vertical pourtant vierge après sa première utilisation était peint d’une encre noire et de traits délicats le mythique dragon céleste ; il brillait là, comme créé par l’avènement du destin à leur rencontre, au bout des doigts du garçon.
« Je… Je ne peux pas encore tatouer… » Il baissa la tête une seconde, avant de la relever pour jeter un regard confiant au Metaru. « Mais… Ce qu’il y a de bien avec l’encre, c’est qu’il suffit de bien vouloir l’imaginer pour faire tout ce qu’on veut. »
Une incantation plus tard, le dragon s’extirpa du papier et la créature d’encre se mit à tournoyer dans les airs, virevoltant en orbite autour de son catalyseur ; celui qui, par ses dires et ses faits, arrivait aujourd’hui à extirper le jeune enfant de sa morne existence.
« Comme je te l’ai dit, il suffit de le vouloir. »
Sur ces mots, la céleste créature au corps serpentin vint s’enrouler autour du bras façonné qui l’accueillait, parcourant les courants d’une musculature noueuse sur laquelle elle venait se poser.
« Je ne sais pas à quel point tu le veux, mais tant que tu le voudras… » Il marqua une pause avant de prononcer le reste de ses mots tout bas, comme à lui-même. « Et puis… Tant qu’il pourra se nourrir de mon chakra… Il restera sur toi… »
Il était terriblement sincère. Sans trop en faire, bien sûr, pas de grand sourire, de larme à l’œil ou quoi que ce soit à l’extérieur ; mais il sentait son cœur se réchauffer, sa réserve s’estomper, il ne se reconnaissait plus. Il espérait en tout cas que, même si éphémère, cette marque qu’il avait laissé de son encre sur sa peau scellerait leur entente.
« Je suis désolé que tu n’aies pas eu l’aide que tu espérais. Je vais y aller… On se reverra… J’espère. »
Il récupéra ses livres et son rouleau à nouveau vierge avant d’adresser un signe discret de la main à Nué et de lui tourner le dos pour prendre la montée qui menait au domaine. Une boule à la gorge, quelque chose qui tendait à le changer en ce garçon, quelque chose qui l’émerveillait tout autant qu’il l’attristait et l’apeurait. Il prenait en quelque sorte la fuite, un peu comme toujours, retournant se terrer dans l’ombre oppressante des siens. Là où il se cachait des tempêtes et des dragons qui éveillaient en lui des sentiments qu’il n’avait que trop peu exploré.
Et… dans la précipitation de la fuite d’une exploration trop effrayante, il était parti si vite qu’il avait oublié son livre sur les donjons et les dragons.
Curieuse petite chose qui se laissait convaincre, avait le visage de l'onigiri, et le parfum de la brioche chaude, que l'on sortait du four le matin ; Craquant et croustillant, il avait du répondant malgré ses bafouilles, on sentait derrière ses grands yeux délavés, qu'il avait une intelligente perçante, qui ne s'exprimait pas, que par pure politesse. C'était ce qui avait séduit en premier lieu Nué, que sous cette gentillesse pointe un intérêt, même si parfois il était hautain, il n'avait cessé de l'écouter, de s’intéresser, et de lui rendre service finalement. Quoi de plus normale que de rendre la pareille pour le Metaru, qui savait toujours être juste, à défaut d'être malin et sagace en toutes choses ? Chacun ses qualités, voilà ce qu'il voulait dire, en lui parlant d'égal à égal, voir même parfois en tant qu'inférieur ... Et bien, aurait-il pu critiquer une ligne de force couchée sur le papier, alors qu'il lui ne connaissait que les points de soudure que l'on effectuait en réparation sur ses constructions ?
Il avait une force en lui, que le Metaru ne possédait pas, qu'il la cultive et pousse dans la bonne direction, n'était pas qu'un désir égoïste en soi, mais aussi nécessaire pour le village qu'il servait avec foi depuis plus d'une année déjà. On ne lui confiait rien de trop important, mais il était patient, et son heure viendrait, il en avait l'intime conviction. La roue finit toujours par tourner parait-il, il faut juste savoir guetter dans quel direction elle s'en va, et suivre le cours de la marche.
- Alors ne t'en fais pas trop, il est sans doute le plus vicieux de tout mes cousins, mais ça reste un Metaru tu sais, il te lâchera pas à moins que tu l'ais bien cherché ... Il ria en se tenant la tête, lui il pensait impossible que ce jeune homme si sympathique puisse s'attirer les foudres d'un quelconque Kumojin, il lui faisait l'impression d'être une petite peluche, que l'on avait envie de serrer fort contre soi dans la solitude. Il devait franchement arrêter la pâtisserie, ça le rendait un peu trop choupinet. Et puis même, rassurer un jeune homme comme lui, c'était aussi un instinct que lui dictait sa fraterie, qui malgré les heurtes et les pleures, avait toujours sû se relever d'un salutaire soutient pour lui.
Rien qu'en se rappellant le comportement des Suzuri, Nué craignait surtout que Kyoshi ne soit pas vraiment choyer au quotidien, on avait coutume de dire que le monde était dur, et qu'il fallait en préparer les jeunes le plus tôt possible ; Oui, mais à quel prix ? Il se sentait d'humeur généreuse, comme toujours, et distribué un peu de son affection au jeune homme ne le dérangeait pas, après tout n'était-il pas tous membre de la même patrie ? Et du même village, faisant le même métier ? Cela les rapprochait automatiquement, surtout qu'il se complétait bien sur le plan spirituel, en faisant deux personnes proches au premier regard. C'était aussi simple que cela, de toucher quelqu'un ; Il fallait juste y mettre un peu du siens, un peu du tiens, et l'on obtenait de nouvelles couleur sur le nuancier.
- Je suis persuadé que ça va venir, tu es très ingénieux Kyoshi-chan ! Il te suffit de le vouloir j'en suis certains ... Qu'il se répétait, car finalement, c'était dans une répétition constante de soi-même, que l'on trouvait la perfection du geste, et de la technique. C'était aussi un peu ça, tenter d'atteindre l'absolu dans l'art ? Le talent n'a d'importance que s'il est travaillé, de longues heures durant, comme une armure sur l'établis du forgeron. - Je sais depuis toujours que ce jour viendrait, n'hésite pas Kyoshi-chan ... Je suis prêt ! Qu'il fit en resserrant son bandana, comme s'il allait faire quelque chose de physique, alors que tout le travail venait de l'autre partie, qui malaxait à présent son énergie en faisant danser ses mains blanches, sur son tissu noir. Nué lui, ferma un œil mais garda l'autre entrouvert, ne sachant pas se décider s'il voulait assister au spectacle, ou si cela devait se jouer à guichet fermé. Il vit le dragon prendre son envol pour pénétrer sa peau dans un *SCHPLOK* qu'il ne sût dire rassurant ou bien son contraire.
Il avait réussit, il l'avait dans la peau.
- Tu as dépassé toutes mes espérances, j'espère pouvoir te rendre la pareille un jour, Kyoshi-chan ! Qu'il lui fit avec un sourire, laissant le feu follet s'envoler et danser fébrilement jusqu'à son foyer. Il lui donnait l'impression d'une jeune pousse de bambou ainsi, incassable et pourtant, ployant comme s'il était né de la dernier pluie. Fasciné par le dragon qui se mouvait en même temps que ses muscles, parfaitement incrusté et majestueux sur son biceps, il ne vit qu'au dernier moment le livre qui trônait là, comme si le maître du jeu, avait décidé de lui jeter un sort ; Ils étaient destinés à se revoir alors.
Chacun sa route, chacun son chemin, et pourtant un seul et même destin.