« old friends, new foes  »

Lors des travaux de construction du palais de la Brume, lieu de culte voué à unifier une cité qui en avait bien besoin, son ami de longue date et désormais supérieur hiérarchique avait choisi de lui poser un ultimatum qui avait éveillé la curiosité du Torrent, en sommant son aide pour une tâche qu'il n'avait pas détaillé plus. Cela lui avait suffi et il considéra donc sa proposition avec le respect dû à ce genre de missive, prenant la route alors que le soleil était déjà bien haut dans le ciel vers le lieu de travail de l'ancien Amiral.

Samehada entre les omoplates, abritée par son linceul à la vue du commun des mortels qui pouvaient toutefois observer son manche couleur terre et le crâne sculpté servant de pommeau, il traversait nonchalemment les rues bondées de civils et de marchands pour constater les demandes du blond qui se faisait plus mystérieux qu'à l'accoutumée. Voulait-il changer leur lien maintenant que le pouvoir était sur ses épaules ? En était-il fini des soirées à discuter et de l'alcool partagé ? À cause de son absence dans la région et des moments passés au loin, peut être que Sosuke s'était désolidarisé de son ami de toujours, que Hanzô avait connu quand il était dans une tranche d'âge lui semblant bien lointaine.

Bientôt l'édifice dont l'extérieur était, sauf une partie de la toiture, terminé fut à vue. Le Sabreur nouvellement élu portant le numéro Six dans une numérologie associée aux épées et non à la puissance pu poser les yeux sur la tour d'ivoire du Mizukage, sa première œuvre majeure dans le pays de l'Eau depuis son intronisation.

Sans se faire attendre, il avança donc jusqu'aux marches qu'il grimpa trois par trois sans vraiment se fatiguer de cet exercice, ses larges membres inférieurs avalant le bitume avec véhémence. Il laissa vadrouiller ses mirettes cyan sur le bâtiment qu'il avait aidé à construire, satisfait du résultat puis avança à taton dans les couloirs sobres pour arriver au deuxième étage où l'homme avait élu sa résidence et son bureau, lieu du rendez-vous. Le Torrent pouvait sentir venant d'en bas les bonnes odeurs des plats cuisinés pour restaurer les shinobis et après un rapide coup d'oeil au tableau des missions, il parvenut à l'endroit visé.

Ses phalanges frappèrent le bois et sans se faire prier il pénétra l'espace privé du Mizukage, le jaugeant avec déférence mais familiarité comme il en avait coutume jadis.

« Ça a visiblement bien avancé, comme tu le présageais. J'ai l'impression de me répéter, mais que puis-je pour toi, Sôsuke ? Tu ne m'aurais pas convoqué seul à seul sans une bonne raison. »

« old friends, new foes  »

Le Mizukage semblait déjà bien animé quand il parvenut face à lui avec ses demandes et son questionnement tout à fait justifié. Sôsuke ne s'embarassa pas de bienséances ou de manières abracabrantes, faisant dans le concis et le concret comme il en avait l'habitude. Visiblement son nouveau rôle n'avait pas changé le Déshérité de ses habitudes et manières, ce qui fit plaisir au Kaguya qui lui sourit quand leurs regards se croisèrent.

« Allons-y. » Samehada s'attendait visiblement à des frivolités et du sang puisqu'elle frémit à entendre le supérieur de Hanzô l'inviter à sortir de la bâtisse pour se rendre où vivait précedemment l'interlocuteur, s'attendant peut être à une épreuve. La cadence fut soutenue, comme on peut l'imaginer de deux Jônins en quête d'un objectif commun et il ne fallut pas longtemps pour qu'ils sortent du village et se retrouvent hors des murailles pour rejoindre les contrées boueuses qui entouraient la citadelle brumeuse. Dans son élément, le chien fou et sa dulcinée emboîtait le pas de celui qui connaissait le terrain au moins aussi bien que lui.


Après un temps qui sembla passer assez rapidement, le duo s'approcha d'une des plus grandes villes de la région, à l'intérieur de laquelle se trouvait la résidence du nouvellement élu Daimyio, Aô. Ne l'aillant que brèvement rencontré lors de ses quelques allers et venues chez l'ancien porteur du titre, il ne sinquiéta pas de son sort actuel, trop curieux de voir dans quoi le blond allait l'attirer cette fois.

Sous ses yeux, il pouvait maintenant loin de l'orée de la forêt constater le lieu de résidence d'un Amiral qui n'était point fier. Pourtant il n'avait aucune honte à avoir et ne fut point jugé par son compère qui avait croupi dans des endroits bien plus pittoresques pour des laps de temps parfois élevés.

« Il ? Sympa la bicoque. » Un sourire un tantinet moqueur, le maître du Suiton ne semblait pas se réserver ses petites moqueries, comptant sur le lien entre eux plus que sur la hierarchie pour dialoguer avec son pair.

Suivant toujours ils arrivèrent à l'entrée de la bâtisse à laquelle Sôsuke frappa sans attendre d'être invité, comme Hanzô l'avait fait à son bureau. Une voix retentit, menaçant son vieil ami de mettre ses tripes au jour. Arquant le sourcil, son épée gigotait déjà en l'invitant à la dégainer d'un râle gras.

« Samehada et moi sommes à ton service. Qui c'est qui crèche là-dedans, exactement. » Il ne lui faudrait pas longtemps pour exécuter des mudras ou se saisir de Peau de Requin pour arracher la chair d'un quelconque fauteur de troubles. Pourtant, il lui semblait que son acolyte semblait aussi sérieux que mystérieux.

« old friends, new foes  »

Le blond jouait de ses interrogations en le gardant dans le noir, tandis qu'ils pénétraient dans le récipient de ces savants bruissements qu'il avait du mal à estimer. Tout ce qu'il put savoir grâce à sa Légendaire, c'est que le résident était d'une certaine présence chakratique, assez pour ne pas pâlir à la comparaison de Sôsuke qui se défendait honorablement sur ce point.

À l'intérieur, aucune place pour l'ameublement ou la décoration. Tout était brut de décoffrage, comme si l'endroit n'avait pas été -malgré le prestige de sa localisation et la grandeur de la construction- pensé pour abriter des âmes humaines, ou très spartiate. À y réfléchir, la Bête Bâtarde aurait très bien pu élire résidence dans tel trou et s'y plaire, au moins pour un temps. Le silence régnant à nouveau, c'est le moment que le Mizukage choisit pour raconter à son partenaire une histoire de son passé, une qu'il n'avait jamais entendu de sa part. Pas qu'il était avare de ces dernières, mais celle-ci sonnait comme un avant-goût, une première pour un spectacle qui allait démarrer.

« T'encaisses bien son départ prématuré ? Je te savais proche de lui. » Il ne donna pas beaucoup de temps au Kirijin pour répondre, la sentimentalité n'ayant pas une place prépondérante vis-à-vis de ce qui les attendait tout les deux. Et les sonorités particulières venaient de se reproduire, poussant le Kaguya à affûter un peu plus ses sens et son ouïe pour entendre le métal cliqueter et des griffes s'enfoncer dans le plancher.

« On dirait qu'on va avoir de l’exercice. Tu sais satisfaire le Squale, Sôsuke. » Il se fendit d'un rictus empli de contentement, rendant dur à dire s'il parlait de lui-même ou de Peau de Requin qui frétillait dans son linceul de bandes en tissu clair.

« Hajimemashite Hyôga. Je vais m'adjoindre à votre querelle, si tu n'y vois pas d'inconvénients. » Éclairé par les torches, un animal de grande envergure semblait s'apprêter à rugir, doué de parole et de raison comme eux. Un pelage blanc arctique, des crocs à en déchiqueter un enfant d'une simple pression de la gueule. Le frisson du combat, était-ce ça qui parcourait son échine ?

Doucement, il tira de son dos la Légendaire pour la tenir d'une main devant lui, parallèle au sol, tandis que les crocs au bout de cette dernière semblait happer l'air, enfermés dans sa muselière fragile. « Quand vous voulez, camarades. » Sa nuque craqua d'un bruit sourd.

« old friends, new foes  »

Sôsuke préfera se défiler à la question, ce qui en soit servit de réponse à Hanzô qui comprenait les sentiments de son compère au vue de son lien avec l'ancien Daimyiô. S'il voulait en parler, il s'ouvrirait de lui-même. L'Ombre savait son proche ami capable d'écoute, même si le moment semblait peu opportun pour une conversation introspective.

Puis il vint à libérer l'ennemi au pelage incolore, le métal frappant le métal en provoquant le bruit si commun des chaînes brisées, ce même bruit qui évoquait au Torrent son anamnèse troublée, cette période doucereuse où il avait rencontré Sôsuke, alors aux prises avec une existence qui ne voulait que le rabaisser, toujours plus bas. Le rugissement eut l'effet d'une tape sur l'épaule, d'un signal de départ, allégorie du 'hajime' sur un tatami.

Sans montrer un quelconque vacillement devant la provocation gutturale, seule Samehada répliqua d'un crissement synchronisé avec celui de l'ursidé. Bien que maritime, elle semblait émoustillée par le monstre à la mâchoire saillante.

Pendant les centaines de secondes qui suivirent le détachement de la bête au mur, le duo qui avait déjà combattu ensemble tenu assez facilement, bien que leurs enveloppes charnelles furent mises à l'épreuve tant un coup de ces énormes pattes pouvait être fatal. Il ne recourut qu'à son épée et non au Ninjutsu, touchant à quelques endroits Hyôga dont le pelage se teintait d'un peu de carmin, signe des touches effectuées. Rien de bien handicapant, mais toutefois une preuve de la vaillance du Jônin.

Presque revenus à leurs positions initiales, prêt à se lâcher encore un peu plus, comme un prédateur qui estime les compétences d'une proie et joue avec elle avant de mordre, il fut toutefois retenu par la main de Sôsuke, et ses mots. « Bien. » C'était son droit, alors il se figea. Le Squale sembla déçu, et ronchonna presque, ses écailles qui avaient goûté à ce sang si particulier avide d'y replonger.

Cela ne plaisait visiblement pas au grizzly qui s'éleva de toute son ampleur avant de charger pour peut être empaler le Déshérité via les crocs posés dans sa gueule. Le Torrent ne semblait pas transpirer ou s'inquiéter pour le sort du Yuki qu'il avait déjà vu en plus mauvaise posture.

Ce ne fut pas le Hyôton ou le Kenjutsu du blond qui stoppa sa course, mais une phrase. Une simple phrase, qui mit en déroute la masse de muscle. Visiblement, l'ourson, le Kage et feu Kira partagaient tout trois un lien bien particulier, assez pour ébranler la colère dans laquelle il était.

Il assistait au spectable, accoudé sur le manche de son arme, sans un mot ni un bruit. Engrangeant les informations qu'il pouvait de cet échange. L'ours lui rappelait par ses traits et ses aptitudes son propre vassal, Hakujamaru. Et vu la tournure des événements, il devina ce qui allait suivre en voyant la bête revenir avec un énorme rouleau scellé de kanjis.

Sans en saisir les tenants et aboutissants, il savait ce qu'il restait à faire. Le manieur de Peau de Requin vint à côté mais à distance raisonnable et tendit devant Sôsuke sa lame, dont une écaille au niveau de sa taille venait à s’agrandir pour qu'il pique son doigt dessus. Son sang allait être nécessaire. Dans son mutisme, il restait témoin et non acteur de cette scène qui l'intriguait. 'ça veut dire' ? Le seigneur Naragasa était-il le dépositaire de ce pacte ? Cela faisait de lui un hypothétique ninja. Remuant les choses dans son crâne, il avait beaucoup de questions et peu de réponses.