Cela faisait plus d’un mois que tu avais découvert une capacité étrange mais ô combien tu appréciais : celle de pouvoir se transformer en chat. Une capacité dont tu n’avais la moindre connaissance de l’existence, ni en toi, ni dans le monde jusque-là. Le traumatisme d’être tombée dans un trou sombre sans aucun espoir de survie avait éveillé le pouvoir qui semblait sommeiller en toi.
Cela faisait plus d’un mois que tu tentais, quotidiennement, de te transformer mais vainement. Depuis le jour de ta première transformation, plus jamais tu n’avais réussi à retrouver cette forme mi-humaine, mi-chat que tu avais arboré. Une forme qui t’avait permis de voir dans le noir mais aussi de percevoir ton environnement différemment. Si au début, tu avais eu peur, tu avais cependant fini par apprécier être dans cet état hybride qui t’avait procuré des capacités et des sensations nouvelles. D’abord très déstabilisantes, très vite tu t’en étais accommodée allant jusqu’à y puiser un plaisir certain.
Aujourd’hui, tu aimerais bien retrouver cette sensation exquise d’être différente mais malgré les efforts que tu déployais pour, rien ne se passait.
Accroupie au pied d’un arbre arborant la couleur de l'automne, à l’abri des regards, tu te morfondais, les bras entourant tes jambées repliées. Tu te demandais où pouvait bien être cet homme que tu avais rencontré ce jour-là. Celui qui t’avait sorti du trou du désespoir et qui était aujourd’hui la seule personne à être au courant de ta capacité enfouie. Tu pourrais lui demander de l’aide, des conseils pour ta transformation mais il n’était plus à Kumo. Il n’était après tout qu’un simple étranger qui avait croisé ton chemin au hasard.
« - Raaaahhhhhhh !! » Commences-tu à rager toute seule à cause de ton incapacité, cherchant à s’arracher les cheveux.
Soudain, un chien te rejoint derrière l’arbre. Tout en remuant la queue, la bête te fixait d’un regard dénué d’agressivité. L’animal qui appartenait à un garçon de ton clan se montrait très amical mais, en retour, tu lui jettes un regard empli d’animosité avant de lui jeter un caillou que tu avais ramassé discrètement.
« - Dégage ! Fais-tu avec rage. »
Alors que le chien fuyait, tu te relèves tout en ramassant plusieurs cailloux que tu balances entièrement en direction de l’animal en fuite mais les projectiles atteignent un homme que tu avais remarqué que trop tard …
Cela faisait des années maintenant que la ville de Shitaderu connaissait une véritable expansion, s’affichant clairement comme l’avenir du pays. D’incroyables changements s’étaient imposés avec le temps et l’ingéniosité de certains. De brillants esprits, des intellectuels avides de connaissance, des artistes forgerons mettant leur don à disposition du bien commun. C’était toute une communauté qui se mobilisait pour tirer la ville vers le haut et cela portait admirablement bien ses fruits. A tel point que Goro, fort d’une curiosité insatiable, et lasse d’avoir trop voyagé et désabusé de ce qu’il avait trouvé au fil de ses périples, avait fini par mettre les pieds dans la région nuageuse. En observation, comme à son habitude. Même si le destin avait souvent voulu qu’il sorte de son observation pour être confronté à la cruauté et l’inégalité de ce monde. Ici, il coulait des jours tranquilles depuis plusieurs semaines déjà. Pas un havre de paix, la ville avait son lot de saloperies, mais force était de constater qu’il se sentait à son aise, presque apaisé.
Il s’était quelque peu intéressé à l’art de la forge, notamment de par sa capacité spéciale permettant de chauffer les matériaux sans user de moyens technologiques. Sans jamais oser se lancer, il observait souvent les maîtres forgerons en plein effort, songeant à y chercher du travail en tant qu'apprenti ou en mettant ses flammes à disposition. Pouvait-il réellement se résoudre à une vie si tranquille ? Loin de tous problèmes, une vie presque rangée. Cela faisait quelques temps qu’il n’avait pas ressenti le besoin de laisser s’exprimer son pouvoir, de foutre le feu. Des pulsions autrefois plus violentes, aujourd’hui apaisée par l’environnement dans lequel il évoluait. Longtemps utilisé pour appliquer sa propre justice, le feu ardent brûlant en lui ne s’était pas manifesté depuis son arrivée à Shitaderu. Lui qui pouvait exploser à tout moment durant les prémices de son apprentissage, était parvenu avec l’expérience à le contrôler. Il arrivait seulement encore qu’il lui échappe lors d’accès de colère trop intense, ou d’un effort trop conséquent le poussant dans ses retranchements.
Cette crainte d’un dérapage était ce qui le maintenait éloigné d’une vie normale depuis sa plus jeune enfance. Il devait encore apprendre à perfectionner son don, et anticiper les éventuels dommages qu’il pouvait causer. Jamais évident de se forger seul, mais ce choix ne lui appartenait pas. Personne ne possédait les mêmes facultés que lui à sa connaissance et il se méfiait trop des autres pour chercher à l’aveugle un maître, un être doté du même pouvoir destructeur. Aujourd’hui était une journée radieuse, la chaleur du soleil caressait agréablement la peau du colosse, accueillant à bras ouvert ces températures élevées. Il détestait la pluie, le froid ou encore la neige. Il détestait ces coins du Yuukan figé dans la glace, emprisonné du froid et de tempêtes neigeuses. Il les fuyait. Il rêvait un jour de se rendre à Suna, véritable coin de paradis pour un Assimilateur Katon. Probablement le pays où il finirait ses vieux jours, en ermite dans le désert, bercé par les rayons d’un soleil brûlant. Cette perspective en tête, il fut tiré de ses songes par un cri provenant d’un arbre non loin de sa position.
L’arbre n’était pas vivant, du moins pas de la façon dont on pouvait se l’imaginer. A moins d’avoir été transposé dans un autre monde irréel, il n’était pas pourvu de la parole. Intrigué de la source originelle de ce cri de frustration balancé à la face du monde, il se rapprocha tranquillement. Un chien semblait déjà sur les lieux, et une jeune fille. L’animal se montrait amical, semblant vouloir s’amuser ou de l’affection, mais ce n’était pas au goût de l’humaine au teint hâlé. Visiblement irritée, elle chassa le cabot de la pire des façons, en joignant l’agressivité physique à un ton très désagréable et blessant. Le tableau chagrina le colosse incendiaire, attristé devant un tel comportement. Les projectiles n’avaient pourtant pas touché la bestiole, mais ricoché sur le torse du Rokkaku, qui ne broncha pas. le regard peiné, désolé. L’humanité était si triste, ne ratant pas une occasion de s’enfoncer dans ses travers, tombant toujours plus bas. Il laissa échapper un soupir en observant le chien détaler en direction opposée, apeuré.
« Ce n’est pas une façon de traiter son animal. Tu devrais avoir honte de toi. Voudrais-tu qu’on te caillasses à ton tour pour comprendre la peine que tu viens de lui infliger ? » Le ton était sec, la voix rauque pleine de reproches, réprimandant le comportement abusif de la gamine. Il l’observa d’un regard réprobateur, se disant que s’il s’était s’agit de son enfant, il lui aurait déjà abattu la paume de sa main sur la joue pour lui faire passer l’envie de recommencer. « Penses-tu que la violence gratuite soit la clé de tes problèmes ? Est-ce que tu te sens mieux après avoir passé tes nerfs sur ce pauvre animal ? » Il était pratiquement certain que non, cela devait même être tout le contraire. Du moins, il l’espérait...
Dernière édition par Rokkaku Goro le Mar 25 Aoû 2020 - 18:54, édité 1 fois
« - Ce n’est pas mon chien alors je m’en fiche ! Et puis les autres me frappent bien sans raison alors pourquoi je ne ferais pas pareil ? »
Ta voix était acariâtre alors que tu fixais le jeune homme qui venait de te réprimander de ton regard doré où dansant une lueur de colère qui n’était pas prête de s’éteindre.
Ho que oui ! Tu savais très bien ce que c’était que de la violence gratuite ! Et, c’était justement parce que tu savais la douleur que cela provoquait que tu avais voulu faire subir la même chose au chien qui appartenait à l'un de tes tortionnaires. A cause de ta personnalité effacée, depuis ton plus jeune âge, tu te faisais malmener par ces derniers. Même la plupart des enfants de ton clan se montraient hostiles envers toi alors que tu ne faisais rien pour les provoquer. Au contraire, tu subissais leurs hostilités sans réagir. Et même, poussé par le désir de se faire des amis, tu faisais tout pour essayer t’attirer leur sympathie mais, malgré tes efforts, tout ce que tu récoltais était encore plus de haine de leur part.
Ordinairement, tu étais une enfant timide et vraiment docile mais lorsque tu étais irritée, tu devenais une véritable peste. C’était comme si tu déversais toute la haine que tu avais accumulé jusque-là à ce moment-là. Gare alors à celui qui a le malheur de croiser ton chemin à cet instant. Aujourd’hui, le malheureux était cet inconnu qui, sans le savoir, ni certainement le vouloir, était en train de rentrer en conflit avec le toi que même tes parents commençaient à craindre.
Au fil des années, ton courroux devenait de plus en plus violent et un rien pouvait te pousser dans un excès de rage incompréhensible. Tous ignoraient mais tu souffrais déjà du syndrome de yangire qui ne te quittera plus jamais. Dans le futur, tu seras moins timide, et même très extravertie, mais ton côté sombre demeurera. Heureusement, tu deviendras moins sensible alors il faudra beaucoup pour te faire sortir de tes gonds mais, malheureusement, ta colère sera encore plus dévastatrice avec la puissance que tu acquerras.
Ta colère grondait toujours. Ton désir de violence n’était pas satisfait. Ta frustration avait besoin d’être évacuer alors tu décides de passer tes nerfs sur l’infortuné inconnu.
« - Et puis vous n’êtes pas mon père alors vous n’avez aucun droit de me faire la leçon ! »
Tout en parlant, perdant tout contrôle, tu te jettes sur l’étranger, cherchant à le frapper du poing au ventre …
Dernière édition par Metaru Mairu le Mar 25 Aoû 2020 - 15:30, édité 2 fois (Raison : Corrections)
Elle ne semblait pas éprouver le moindre remord, frapper ce chien était la solution à tous ses problèmes et elle s’en contentait, peu importait de savoir si le pauvre animal était innocent ou pas. Il écouta sa justification qui aurait pu en faire compatir plus d’un, les coeurs tendres, les empathiques, ceux qui prennent vite en pitié dès lors qu’on leur étale les soucis du quotidien au visage. Goro n’était pas de ceux-là, sa petite histoire ne changerait pas sa façon de voir les choses ici. Elle faisait une erreur, se comportait comme la gamine qu’elle était, s’abaissant même aux idioties des autres plutôt que de se montrer meilleure. Parce qu’un enfant vous frappe sans raison vous allez vous défouler sur quelqu’un d’autre ? Non. Tout simplement non. Cette cité n’était pas une arène, une zone de conflit, de guerre. On ne tapait pas autrui sans justification, la méchanceté gratuite n’avait pas sa place en société. Si elle n’était pas satisfaite de sa condition, si elle voulait devenir comme ses propres bourreaux, qu’elle quitte les lieux et parte s’installer dans un village rongé par le vice et la pourriture, pas ici. Pas sous sa surveillance.
« Parce que j’ai dit non. » Cette simple justification sonnait comme une évidence dans son esprit, il avait tout bonnement les épaules pour imposer sa vision des choses. « Tu voudrais que je vienne rosser ton chien pour la raison stupide qu’une autre personne m’a passé à tabac plus tôt dans la journée ? Pourquoi ce n’est pas sur tes agresseurs que tu passes ta frustration et tes nerfs ? Trop lâche pour t’en prendre à quelqu’un dont tu sais qu’il va t’opposer une réelle défense ? » Les mots étaient durs à entendre pour une enfant de son âge, mais il ne comptait pas les mâcher, l’épargner. Elle devait corriger son comportement maintenant avant qu’il ne soit trop tard. Des mioches dans sa situation il en avait déjà connu auparavant et ils ne finissaient jamais bien en empruntant cette voie, ou que très rarement. Lui-même avait mal tourné dans le passé, il n’en était pas fier et souhaitait éviter à la petite que cela lui arrive à son tour. Qu’elle le veuille ou non, qu’elle le comprenne ou pas, quelqu’un serait là pour lui tendre la main.
Enfin pour le moment, la seule main prenant la direction de l’autre, c’était le petit poing de la fillette venant s’écraser sur le ventre du colosse. Immobile, il leva un sourcil après l’impact, étonné de la puissance qu’elle avait mise dans sa frappe. Il s’attendait à pire, enfin, à moins de force. Ce n’était clairement pas le premier coup de poing qu’elle distribuait. Ici, cela ne suffirait même pas à le faire flancher, ni même remuer. Il demeura impassible, les bras croisés, posant seulement un regard sévère sur l'assaillent. Fini de jouer ? Allait-elle tenter de le balayer ? De lui envoyer son pied dans le tibia ? « Tu as raison je ne suis pas ton père, et heureusement, je serai couvert de honte autrement. D’ailleurs, où sont tes parents ? » Il ne cherchait pas à entrer en contact avec eux pour leur parler du comportement de leur fille, mais le sujet piquait sa curiosité. S’agissait-il d’une enfant des rues ? Cela expliquerait pourquoi d’autres gamins s'amusaient à la frapper alors qu’elle ne demandait rien.
Le poignet appartenant à la main ayant menée l’attaque quelques secondes auparavant se retrouva prisonnier de l’épaisse main du gaillard à la chevelure rousse. Goro souleva l’enfant d’une main, de façon à ce que son regard capte le sien sans que l’un ou l’autre se torde le cou. « Ne lève pas la main sur une personne qui cherche à t’aider. Le respect, tu l’as oublié au fond de ton lit en te levant ? Dois-je te secouer par les pieds, la tête pendante, pour le retrouver ou vas-tu faire un effort et te calmer ? » Il décidait de se montrer compréhensif pour le moment, mais il ne fallait pas pousser sa patience trop loin. Le feu brûlant en lui n’avait pas besoin d’être attisé trop longtemps pour exploser. Il n’y avait qu’à entendre le son de sa voix pour comprendre qu’il ne plaisantait pas.
Plus l’homme parlait, plus la colère grondait en ton fort intérieur. Il n’avait rien compris mais il osait te faire la leçon.
Tu savais très bien que pour espérer faire cesser la violence dont tu étais victime, il fallait que tu répondes au coupable, seulement, tu préférais te défouler sur quelqu’un d’autre ou quelque chose d’autre car tu ne désirais point te faire détester par ton tortionnaire. Oui, malgré ce que les autres te faisaient subir, tu voulais devenir leur amie. Ils ne cessaient de te rejeter, de te martyriser mais, à chaque fois, tu te relevais puis revenait vers eux. C’était sans doute ton acharnement à vouloir être avec eux qui les avait rendus, au fil du temps, de plus en plus hostiles envers toi. Ils te voyaient certainement comme une petite fille désespérée dont la situation les amusaient. Ils se délectaient probablement de la souffrance de la pauvre créature que tu étais. Certains avaient fini par cesser de te martyriser sans pour autant se ranger de ton côté, par peur probablement de finir en victime comme toi.
Tes parents soupçonnaient ta situation mais lorsqu’ils te posaient la question, tu leur disais que tout allait bien. Que les blessures et les bleus que tu ramenais parfois à la maison étaient dû à des accidents. Tu faisais tout pour leur cacher la vérité, par peur que les autres te détesteraient encore plus si tu les dénonçais. D’ailleurs, en mère attentionnée, la tienne était tout de même allée toucher quelques mots à tes supposés « camarades de jeu » mais cela n’avait fait qu’empirer la situation. Derrière son dos, les autre s'étaient encore plus acharnés sur toi. Alors, dire la vérité à quiconque n'était décidemment pas la solution selon toi. Tu préférais endurer dans l'espoir qu'un jour les choses changeront. Seulement, à ton insu, la situation t'avais rendu instable psychologiquement.
Ne sachant pas tout, te jugeant uniquement sur ton comportement au présent, l’inconnu avait tout à fait raison de te considérer comme une lâche mais, en réalité, tu n’étais qu’une jeune fille déterminée à se faire des amis. Tu ne demandais rien d’autre que d’être accepté par tes camarades.
« - Vous, vous allez me poser une réelle résistance alors je peux vous ... rosser !? »
Sur ces mots lâchés sur un ton toujours aussi acariâtre, des griffes se mettent à pousser à la place de tes ongles alors que tes oreilles se transforment pour ressembler à celles d’un chat et une queue te pousse par derrière. Tes pupilles également avaient changé pour correspondre à celles du félin, tout en conservant leur couleur dorée.
Sans se rendre compte de ta transformation involontaire, animée par une envie ardente de violence, tu ceintures l’homme avec tes petites jambes, alors que celui-ci te maintenait toujours suspendue par un bras.
« - Je vais vous arracher le nez avec mes dents si vous ne me lâchez pas ! Fais-tu avec rage. »
De toutes tes forces, tu essaies de rapprocher ton visage de celui qui te maintenait, prête à exécuter ta parole. Animée par la colère, tu ne t’étais pas rendu compte que dévoiler ce que tu prévoyais de faire était une très mauvaise stratégie.
Soudain, tu constates que ta vision avait changé. En retrouvant ton calme, tu te rendais compte que tu percevais également les choses différemment. Tu fixes alors ta main libre et constates les griffes. Avec la même main tu tâtes ensuite une de tes oreilles et tu sens qu’elle était différente.
Changeant brusquement de comportement, tu étais devenue soudain très joyeuse. Serrant toujours le "Monsieur" entre tes jambes, tu le fixais de ton regard doré à présent dénué d’hostilité. Tu lui accordais même un sourire guilleret alors que ta queue remuait joyeusement derrière toi …
Dernière édition par Metaru Mairu le Mar 15 Sep 2020 - 15:54, édité 2 fois (Raison : Correction)
Elle se trompait. Il n’allait pas seulement lui opposer une résistance suffisante, il allait lui arracher la tête d’une bonne paire de claques si elle s’obstinait à emprunter cette voie. D’un naturel intransigeant, il n’avait nulle intention de lâcher le morceau ni même de lui donner raison. Persuadé qu’il avait la bonne parole, que sa vision des choses était celle qui s’imposait tout naturellement, il était prêt à employer la manière forte pour se faire entendre et respecter. Inquisiteur, il lui offrit un regard sévère en toute réponse à sa petite provocation, s’apprêtant à lui en coller une bonne derrière les oreilles. « Qu’est-ce que c’est que ce merdier ?! » Il failli lâcher l’enfant sous l’effet de surprise l’ayant frappé au moment ou la môme se transformait littéralement sous ses yeux. Ses traits se changeaient en ceux d’un animal, un félin selon lui, sans qu’il ne sache par quel miracle cela était bien possible.
Une petite bestiole qui n’avait rien perdu de son hostilité, puisqu’elle profitait de l’étonnement du Rokkaku pour placer ses jambes autour de sa taille. Technique d’immobilisation ou manœuvre pour le mettre au sol ? La première option semblait être la bonne, mais si Goro ne ressentit aucune différence notable, la petite ne faisant pas le poids physiquement. En revanche, sa combativité et sa naïveté l’amusèrent, lui arrachant un sourire. « Mon nez est en sécurité pendant encore longtemps avec toi, petite tigresse. » Il était rare de le voir sourire, alors entendre un très léger et court rire le prendre relevait du miracle. Cette gamine pouvait se féliciter d’avoir accompli un exploit, à défaut d’être parvenu à se défouler comme elle l’aurait souhaitée. « Tu ne t’en rends compte que maintenant ? Pas très perspicace la petite tigresse ! »
Et un brin lunatique, sans doute. Elle venait de passer en l’espace de quelques secondes de la rage la plus intense à une euphorie folle, toute heure d’être parvenue à le faire. Faire quoi ? Se transformer ? Alors elle avait conscience de ce qu’elle venait de réussir ? C’était une sorte de capacité au même titre que la sienne ? Intrigué, il lâcha l’enfant, inutile à présent de la retenir, elle ne tenterait pas de le frapper à nouveau. Il l’analysa un moment, observant sa réaction mais surtout, ces nouveaux attributs physique. Une queue, des oreilles et des griffes de félin, il y avait même les yeux compris dans le lot. « Qu’est-ce que tu es au juste ? » Il avait beau avoir parcouru le monde, traversé nombres de pays et de villes, il n’était jamais tombé sur quelqu’un comme elle. Une métamorphe ? Ou alors… « Petite, est-ce que ton père ou ta mère était un tigre ou une panthère ? »
La question se révélait totalement absurde et ridicule, mais elle pourrait voir à son air très sérieux qu’il ne plaisantait pas. Devant un phénomène inexpliqué, le cerveau de Goro avait ses failles. Ici, il avait quelque peu grillé, plongeant dans des hypothèses improbables pour donner sens à ce qu’il avait face à lui. Il n’avait jamais entendu à Shitaderu que des êtres capables de se transformer en un animal existaient, ainsi le croisement entre l’humain et la la bête avait pu donner forme à une espèce hybride totalement nouvelle. Peut-être même que les Nara et autres scientifiques de la ville se penchaient depuis des années sur la question de la génétique améliorée, mélangée entre espèces différentes. Débordant d’imagination, il en arrivait à se piéger lui-même et plongé dans des délires totalement fous.
Contrairement à Senka-san - l’homme qui avait été témoin de ta première transformation - celui qui se trouvait en face de toi aujourd’hui ne semblait pas savoir ce qui t’arrivait. L’homme se montrait curieux par ton cas et te posais des questions dont la dernière tu trouvais plutôt saugrenue.
Croisant les bras sur ta poitrine, tu adoptes une pause dédaigneuse : le corps légèrement cambré vers l’avant et tournant la tête ailleurs et un brin levée vers le ciel.
« - Je ne suis pas petite ! J’ai bientôt onze ans ! Et puis, je connais bien plus de choses que vous on dirait ! »
Tu daignes de nouveau fixer ton interlocuteur dans les yeux.
« - Je suis une Yasei chat ! »
Information que tu avais eu de Senka-san.
Soudain, tu te rends compte que tu venais de révéler ton secret à un parfait un inconnu alors que même tes propres parents n’étaient pas au courant de ta capacité de métamorphose. Tu leur avais, bien entendu, parlé de ta transformation le soir même de la découverte de celle-ci mais ils ne t’avaient pas cru. Sans doute étaient-ils trop inquiets à ce moment-là pour te prendre au sérieux car tu étais rentrée tard au domicile ce soir-là, après t’être perdue puis tombée dans un abîme dans la forêt qui bordait Kumo. Sans l’intervention de Senka-san cette nuit-là, le gouffre dans lequel tu avais glissée serait peut-être ta tombe aujourd’hui.
Un instant, tu te demandes où pouvait bien être Senka-san. Tu l’appréciais bien cet homme qui s’était montré si agréable avec toi ; contrairement à celui qui se tenait en face de toi présentement. Leur différence de comportement te fait soudainement replonger dans ton attitude hautaine.
En vérité, tu n’étais pas une enfant arrogante, bien au contraire, tu étais plutôt une « gentille fille » comme dirait tes parents mais, étrangement, avec l’homme qui se trouvait en face de toi, tu ne pouvais pas t’empêcher de jouer au petit démon. Était-ce parce que votre rencontre avait mal débutée ou parce qu’il avait juste le don d’éveiller ton mauvais côté ?
« - Je ne vous en dirai pas plus ! »
En vérité, tu n’en savais pas d’avantages sur ton cas. Senka-san ne t’avait pas dit grand-chose à ce sujet et tu avais été bien trop choquée par ce qui t’était arrivé durant ce fameux soir que tu n’avais même pas pensé à lui poser des questions. Questions qui te trottaient aujourd’hui sans cessait dans l’esprit.
Peut-être devrais-tu réessayer de parler de ton côté Yasei à tes parents. Ils pourraient certainement t’aider à maîtriser ton nouveau pouvoir mais, repensant à leur réaction de la dernière fois, tu ne trouvais pas le courage de retenter ta chance.
Puis une idée te traverse l’esprit.
Tu fixes l’homme en face de toi.
« - Vous pourriez m’aider à me transformer complètement en chat ? Senka-san avait dit que c’était possible. »
Oubliant ton arrogance simulée, te voilà en train de joindre les deux mains et de fixer l’homme d’un regard d’un chaton abattu dans le but d’attiser sa sympathie. Ton désir d'apprendre à maitriser ton pouvoir t'avait complètement fait sortir de la tête que, il y avait encore quelques secondes, cet homme n'était même pas au courant de l'existence des Yasei. Tu te disais qu'en tant qu'adulte il ne pouvait que t'aider …
Il posa un regard sévère sur la petite tigresse, examinant en détails la fillette. Onze ans certes, mais pas capable de comprendre quand se taire ni même de discerner une bonne d’une mauvaise action. Cela la plaçait tout droit dans la case enfant, à traiter en tant que tel. Il n’était pas connu pour sa gentillesse et sa bienveillance et ne ferait pas exception avec elle. Si elle ne faisait pas d’effort, il n’en ferait aucun. Une Yasei chat ? Donc tu es un chat ? Ou plutôt, une forme hybride entre l’humain et le chat. L’enfant et le chaton, plus exactement, se fit-il la réflexion intérieurement. Elle ne souhaitait pas s’expliquer sur son cas, préférant jouer les gamines insolentes que d’éclaircir les zones d’ombres. Pas surprenant, Goro ne se laissa pas démonter, ne répondant pas à sa remarque et continuant de fixer les attributs physiques de la mioche. Garde tes petits secrets si tu en as envie, cela ne me regarde pas après tout. Inutile de chercher à forcer les choses, il savait que cela ne mènerait à rien avec elle.
D’autant qu’il l’avait bien vu dans son regard au moment de la transformation, elle était aussi surprises que lui. Il y avait fort à parier qu’elle n’avait aucune idée de comment elle activait son pouvoir et encore moins comment s’en sortir avec. Il était au final regrettable pour elle de se braquer, le Rokkaku s’y connaissant en capacité spéciale encore inexpliquée du reste du monde. Sa faculté à s’assimiler à l’élément du feu demeurait un mystère aux yeux de beaucoup de scientifiques, en relation avec le chakra et ce que l’on appelait la Résonance. Lui n’avait jamais cherché à connaître l’origine de son pouvoir, du moment qu’il le maîtrisait comme il le souhaitait. Développer ses capacités, la petite tigresse semblait également en avoir envie. Celle-ci en venait à demander l’aide du colosse, tiens donc, elle n’avait pas mis longtemps à changer d’avis. Je croyais que tu ne voulais pas m’en dire plus ? Si tu veux mon aide, il va falloir m’expliquer ce que tu es. Travailler à l’aveugle ne donnait jamais rien de très constructif.
Qui est ce Senka dont tu parles ? S’il t’as dis qu’une telle chose était possible, c’est qu’il connaît le fonctionnement de ta capacité. Les Yasei n’étaient sans doute pas une totale découverte, probablement même que plusieurs autres personnes étaient déjà au courant à Shitaderu. Peut-être ce phénomène s’étendait-il à travers tout le Yuukan ? Si ce n’était pas le cas et qu’il s’agissait d’une réelle découverte, connaissant la morale humaine frôlant le néant, il pouvait anticiper le fait que ces Yasei finiraient en cobayes dans des laboratoires pour y étudier leurs facultés spéciales. Hors de question que cette petite finisse comme un rat dans une cage, à servir d’objet d’étude pour une prétendue cause scientifique. Petite tigresse, je me nomme Rokkaku Goro. Et toi, quel est ton nom ? Est-ce que d’autres personnes sont au courant de ce que tu es, comme Senka ? Si son regard ne changeait pas, éternellement figé dans cette expression entre la colère et le jugement, son ton s’était légèrement adouci. Très légèrement. De quoi faire comprendre à l’enfant qu’il était de son côté, et non contre elle, malgré le sermon d’il y a peu.
Constatant que l’Homme restait froid, bien que sa voix se fût très légèrement adoucie, tu baisses le regard.
« - Senka-san est un homme que j’ai rencontré dans la forêt il y a plus d’un mois. Il m’a sorti d’un trou dans lequel j’étais tombée alors qu’il faisait nuit. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que je pouvais me transformer en chat et il m’a expliqué de c’est une capacité d’un clan qui s’appelle Yasei et qui se trouve à Kaze no Kuni. »
Tu avais cherché à savoir si tu avais un ancêtre originaire du Pays du Vent mais il semblerait que non. En tout cas, si tel était le cas, aucun de tes proches, pas même tes parents ou tes grands-parents que tu avais questionné innocemment, n’étaient au courant.
« - Senka-san n’en savait pas plus sur mon nouveau pouvoir alors il n’a pas pu m’apprendre comment le maîtriser mais il m’a dit qu’il reviendrait si jamais il trouverait des informations qui pourraient m’aider mais cela fait plus d’un mois déjà et je n’ai eu aucune nouvelle de lui depuis. »
Le regard rivé sur le sol, la tristesse pouvait se lire en toi. Puis tu lèves des yeux humides vers Goro.
« - Je voudrais tant le revoir. C’est un homme très gentil mais il ne vit pas à Kumo. Il m’a dit qu’il voyageait sans cesse … Peut-être est-il parti à Kaze pour se renseigner sur le clan Yasei. »
En enfant naïve, tu croyais fort en cet homme que tu pensais sérieusement vouloir t’aider, bien que tu l'avais vu qu'une fois. Tu pensais sérieusement qu’il était en train de récolter des informations, quelque part, pour t’aider. Tu croyais fermement qu’il reviendrait un jour avec les données dont tu avais besoin pour exploiter le potentiel de ton nouveau pouvoir. Mais, à force d’attendre, tu commençais peu à peu à perdre espoir. La pensée obscure de la mort plausible de Senka t’avait même déjà effleuré l’esprit. Après tout, on t’avait inculqué la dangerosité du monde extérieur. Une des raisons qui ne te donnait point envie de sortir de Kumo. Certainement ce que tes parents avaient cherché à faire et ils avaient réussi car il était hors question pour toi de mettre les pieds au-delà de l’Arche Grise.
Les mains de nouveau jointes comme pour une prière, tu fixais l’adulte du regard implorant.
« - A part Senka-san, vous êtes le seul à savoir pour ma transformation. J’ai essayé d’en parler à mes parents mais ils ne m’ont pas cru. Ils m’ont dit que je divaguais car j’étais trop fatiguée et comme je n’ai pas réussi à me transformer à ce moment-là, je n’ai pas pu donc leur prouver que je disais la vérité. »
Tu avais essayé de communiquer avec tes parents le soir même de ton incident de l’abîme qui avait inquiété beaucoup de tes proches. Le moment n’était certainement pas adéquat pour une telle révélation mais tu n’osais plus retenter le coup, par peur de te faire passer pour une fille qui délire une fois encore. Alors tu préférais attendre de pouvoir leur prouver physiquement de ta capacité. Tu avais bien envie d’en parler à ton cousin Shuuhei, dont tu étais très proche, mais il semblait si préoccupé par ses devoirs en tant que Shinobi important du Village et membre imminent de votre clan que tu n’osais pas la déranger.
« - Je m’appelle Mairu … Metaru Mairu. Enchantée de vous connaître Rokkaku-san. »
Retrouvant ta personnalité habituelle, la gentille fille de tes parents, l'effacée que tes camarades appréciaient martyriser, tu t’inclines en guise de respect à cet homme que tu espérais pouvoir t'aider dans la maîtrise de ta nouvelle capacité …
Tandis qu'elle décidait finalement de se confier, après de nombreux efforts de sa part pour qu'elle réussisse à s'ouvrir, Goro prit le soin de s'asseoir. De cette manière, la discussion serait plus agréable pour tous les deux. La petite n'aurait pas à se tordre le cou pour le regarder dans les yeux et lui s'évitait un potentiel torticolis. Ce qu'elle avait à lui dire ne fit que renforcer ses craintes, bien qu'évoluant au sein d'une famille et d'un clan, cette petite était seule. Bien trop seule à ses yeux. Pour en arriver à devoir placer tous ses espoirs sur un inconnu rencontré lors d'un accident en forêt et ne plus oser se confier à ses propres parents, c'était bien triste. Lui qui n'avait jamais connu les siens, il bouillonnait de l'intérieur de savoir comment Mairu était traité. Que la situation leur paraisse insensée était une chose, en revanche il était de leur devoir de faire en sorte qu'elle se sente bien. On ne se contente pas de traiter son enfant de menteur et de lui tourner le dos.
Ce Senka m'a l'air d'être quelqu'un de bien, malheureusement je n'ai jamais entendu parler de lui avant toi, je ne sais pas s'il est encore ici ou déjà reparti sur les routes. Pour autant, il pouvait se renseigner à son sujet, poser quelques questions aux bonnes personnes. J'irai demander à mes amis s'ils le connaissent, peut-être que l'un deux saura ce qu'il est devenu. Ayant peu d’espoir en l'humanité, il doutait fortement que Senka soit retourné à Kaze afin d'en apprendre plus sur les Yasei. Il n'avait pour autant pas le cœur à briser celui de la petite tigresse, qui semblait déjà trop peiné par cette situation. Ne pas savoir, se retrouver dans l'incertitude pouvait parfois se révéler plus déchirant encore. Quant au fait que sa particularité de métamorphe lui vienne d'un clan trouvant ses origines au pays du Vent, il n'en savait rien. Là encore, les dires d'un seul homme ne pouvait pas être considérés vrais tant qu'ils n'avaient pas été vérifiés. Il était si facile de raconter une belle histoire à un enfant dans l'espoir de le réconforter.
Tu peux m'appeler Goro tu sais, inutile de te montrer si poli avec moi. Ils avaient déjà dépassé ce stade selon lui. La politesse, il l'exigeait surtout avec les personnes qu'il n'appréciait pas. Je vais t'aider ne t'inquiètes pas, seulement je ne veux pas te donner de faux espoirs. Je n'y connais rien en métamorphose animale moi, c'est même la première fois que je vois ce pouvoir. Il était possible de pallier ce manque de connaissance en allant éplucher les livres de la bibliothèque, par chance ils possédaient la plus grande de tous le Yuukan. Je sais où on pourra découvrir quelques trucs sur ta spécialité. Il n'en dirait pas plus pour le moment, ayant autre chose en tête avant de se lancer à l'assaut d'une montagne de livres. Nous allons d'abord aller voir tes parents et leur montrer la vérité en face. Il se relevait déjà, comme pour sceller cette décision. La dernière fois, ils ne t'ont pas cru parce que tu n'étais pas capable de te transformer. Tu es sous ta forme animale, là.
La conclusion s'imposait d'elle-même, inutile d'être un grand savant pour comprendre où il voulait en venir. Cette situation avec sa famille la pesait, Goro l'avait remarqué lorsqu'elle en parlait, l'occasion de remettre les pendules à l'heure se présentait. Si elle manquait de courage pour les affronter seule une seconde fois, il était là cette fois et il lui donnerait le courage qu'il lui manquait. Ils ne passeraient pas à l'étape suivante tant que cette vérité ne serait pas rétablie, ainsi l'avait-il décidé. Je t'attends petite tigresse, sans toi je ne trouverai pas mon chemin.